Parce que je les adorais ensemble et qu'ils me manquent tellement. En ce qui me concerne, les saisons après la fin de la saison 2 n'existent pas. Pas de Beta (mais si quelqu'un est intéressé...)

Disclaimer : clairement, les personnages n'appartiennent pas. Je me contente de jouer avec.


Camille se réveilla lentement. La nuit avait été courte, et joyeuse, et... Elle ouvrit soudainement les yeux au souvenir de la nuit. Le lit sur lequel elle était allongée, avec pour tout vêtement le drap qui la couvrait, n'était pas le sien, et elle n'était définitivement pas chez elle. Son visage se détendit dans un sourire : il y avait mis le temps, mais il s'était finalement suffisamment décoincé pour la ramener chez lui. A cette nouvelle pensée, elle tourna la tête vers la place qu'il aurait dû occuper. Vide. Évidemment. Il avait dû littéralement s'enfuir quand il avait repris son sang-froid habituel. Cet homme ne changerait jamais, pensa-t-elle avec découragement. Dommage. Presque malgré elle, les pensées de la jeune femme revinrent vers les événements qui avaient abouti à la présente situation.

La journée avait pourtant plutôt mal commencé. Un an s'était écoulé depuis son dernier rendez-vous arrangé désastreux, mais le festival de la déesse vaudou de l'amour, Erzulie, était à nouveau là et Camille essayait désespérément de convaincre sa mère de ne plus lui organiser de rendez-vous pour cette soirée. Au final, Richard avait peut-être raison : un bon livre (mais seulement pour ce jour-là), une bonne bouteille de vin, une soirée tranquille chez soi, sans votre mère pour vous rappeler que votre horloge biologique tournait. Évidemment, Catherine n'avait rien voulu entendre.
De façon inattendue, Richard avait trouvé la solution : « Pourquoi ne pas lui dire que nous avons rendez-vous? » Ses trois collaborateurs le dévisagèrent, comme s'il venait de parler dans un français impeccable (Encore une chose que Camille ne comprenait pas : cela faisait maintenant trois ans qu'il était à Saint-Marie et il refusait toujours de parler un seul mot de français. Pourtant il le comprenait plutôt bien à présent, comme elle avait pu le découvrir à ses dépens, lors d'une de leur nombreuses disputes... Mais c'était une autre histoire).
- Eh bien quoi? Demanda-t-il innocemment, cela ne me dérange pas de rendre service, parfois, vous le savez bien, et cela sera certainement plus agréable que de garder un bébé, sans vouloir vous offenser, Fidel, ajouta-t-il en se tournant vers le jeune sergent.
- Pas d'offense, Monsieur, répondit le jeune homme en souriant.
- Et pour une fois, vous savez déjà à qui vous avez affaire... Et si en plus, cela fait taire votre mère, c'est un bonus pour moi, conclut-il en reportant son regard sur son second.
Camille resta sans voix. Elle entendit un ricanement du côté de Dwayne, qui s'étrangla et finit en quinte de toux au regard noir qu'elle lui lança. Richard la dévisageait, le visage neutre mais une petite flamme rieuse au fond du regard. Le côté pince-sans-rire de son supérieur ne cessait de la prendre par surprise, même au bout de trois ans.
Elle réalisa qu'il attendait toujours sa réponse. Elle se racla la gorge, pour vérifier qu'elle avait toujours des cordes vocales.
- hum! Je ne voudrais pas abuser de votre gentillesse, répliqua-t-elle avec un brin d'ironie. Et puis, n'avez-vous pas rendez-vous avec un excellent livre encore cette année. Pour vous aussi, il y a un festival à cette époque, non? » Elle n'avait pas oublié sa réplique sarcastique de l'année précédente.
- De quoi parlez-vous? s'étonna Richard.
- Voyons! Vous avez oublié : le festival « on reste chez soi avec un bon livre »? vous nous aviez dit que c'était un festival britannique qui avait lieu en même temps que le festival de la déesse vaudou de l'amour.
Cette fois, le ricanement de Dwayne se transforma en rire franc. A l'air déconcerté de son supérieur, Camille ne put s'empêcher de faire intérieurement une petite danse de la victoire. Il devenait rare qu'elle arrive à déstabiliser son chef. C'était d'autant plus jubilatoire quand elle y parvenait. Mais sa victoire fût de courte durée. L'inspecteur se reprit aussitôt et avec un sérieux imperturbable, répondit :
- Ah non! Malheureusement, cette année, il est annulé : son fondateur est décédé!
A ces mots, Camille ne pût se contenir : elle éclata d'un grand rire, contagieux, qui entraîna ses deux collègues et amena même un sourire aux lèvres de leur supérieur.
- Alors, comme vous pouvez le constater, je suis libre comme l'air cette année et à votre disposition pour échapper aux plans machiavéliques de votre mère... si vous le souhaitez, bien sûr!
Camille réussit à reprendre son sérieux.
- Je vous remercie de votre proposition, chef, et j'accepte avec plaisir. Avec vous, au moins, je n'aurai pas de surprise.
Connaissant Richard, comment aurait-elle pu?
- Bien! Je passe vous prendre à 18h30 pile, on ira prendre un verre dans le bar de votre mère pour se montrer et après... Quoi? Je vous ramène chez vous ou je vous emmène dîner?
- Dîner, répondit-elle sans hésiter. Je ne vais pas manquer une occasion de voir Richard Poole en rendez-vous galant.
- haha! Je vous arrête tout de suite, rendez-vous certes, mais il est hors de question que je flirte avec vous pour le bénéfice de votre mère.
Cela avait été dit avec un petit sourire en coin, qui fit à nouveau éclater de rire la jeune femme.
- Ah! Promis, Richard. Je préciserai bien à ma mère qu'il s'agit d'un rendez-vous entre amis.
- Bien! Ceci étant réglé, si on revenait à ce problème d'optimisation de notre espace de travail.
Camille leva les yeux au ciel. Peut-être était-ce finalement une solution empoisonnée. Elle tourna la tête vers Dwayne, qui lui fit un clin d'œil et un sourire. Elle répondit à son sourire : tant pis! Après tout, elle était déjà sortie quelques fois avec son chef. Ils étaient parfois sorti tous les quatre, quand elle avait réussi à le convaincre. Mais jamais juste tous les deux, jamais pour dîner en tout cas. Et à quelques rares occasions, quand il s'était donné la peine, il avait réussi à montrer un côté plus charmant de sa personnalité. Brillant, arrogant presque s'il n'adoucissait pas ses remarques par un humour subtile mais toujours présent. Elle espérait seulement qu'il soit dans un de ces jours.
Après une matinée passée à diverses tâches administratives plus ennuyeuses les unes que les autres, éparpillés aux quatre coins de l'île, l'équipe au complet se retrouva au bar de Catherine, pour que Camille puisse donner la « bonne » nouvelle à sa mère, que Dwayne organise son planning ultra chargé de rendez-vous galants pour la semaine, que Fidel prépare sa soirée avec sa femme et que Richard puisse avoir sa ration de thé quotidienne, le thé de Catherine étant toujours le seul qui trouve grâce à ses yeux.
A la nouvelle délivrée joyeusement par sa fille, Catherine la dévisagea quelques instants puis sans un mot, partit en direction de leur table. Sans préambule, elle s'adressa à Richard :
- Alors, comme ça, vous voulez sortir ma fille ce soir! » Ça n'était pas une question, mais pratiquement une accusation.
Toujours sur ses gardes quand il s'agissait de la mère de Camille, Richard se leva instinctivement.
- Eh bien, oui, nous n'avons pas tellement l'occasion de socialiser en dehors du travail. J'ai pensé que c'était une bonne idée.
- Vous accaparez ma fille quasiment 18 heures par jour. Et vous ne trouvez pas le temps de socialiser? Il fallait justement que vous choisissiez le jour du festival d'Erzulie, comme par hasard.
Le détective ne cilla pas d'un poil.
-Ah. Oui. Le festival. Je suis désolé, je n'y pensais plus. Et puis, quand j'ai proposé à votre fille ce matin, elle a accepté.
Catherine se tourna vers sa fille, qui se contenta de hausser les épaules, d'un air innocent.
- Tu es bien sûre que tu ne voulais pas éviter un rendez-vous que je t'avais arrangé, avec un charmant jeune homme, je dois dire.
- Écoute, maman, je suis désolée. Mais tu ne m'as rien dit ce matin et quand Richard m'a proposé... eh bien, j'ai trouvé que c'était l'occasion de parler d'autre chose que du boulot, pour changer. J'ai accepté. Mais si tu veux qu'on annule...
- Non, non, jeta sa mère d'un ton de défaite. Si tu veux encore perdre un an, c'est à toi de voir.
Richard lança un œil amusé vers Camille qui leva les yeux au ciel, sans autre commentaire.
Après cette conversation, Catherine leur servit à déjeuner sans rien dire, mais en lançant des regards insistants sur Richard, puis Camille, puis à nouveau Richard. A la fin du repas, comme toute l'équipe s'apprêtait à repartir travailler, Catherine interpella Richard.
- Je peux vous parler deux minutes.
Richard la regarda, un peu surpris, puis se tourna vers ses collègues et leur dit :
- Je vous rejoins au poste.
Camille ne pût s'empêcher de se retourner, un peu inquiète. Elle espérait que Richard n'allait pas se laisser convaincre d'annuler. Étrangement, elle avait très envie de ce rendez-vous avec lui. Dwayne dût voir son air inquiet car il la poussa du coude et lui dit :
-Allez! Ne t'inquiète pas. Il peut être très têtu quand il veut. Et rien que pour embêter ta mère, il ne lâchera pas le morceau.
-Je préfèrerais qu'il ne lâche pas le morceau pour moi, murmura-t-elle. Dwayne, qui avait entendu, la prît par les épaules dans un geste de réconfort.
Quelques minutes après leur retour au poste, l'inspecteur revint et lui fît un bref sourire avant de s'exclamer :
- Alors! Où en étions-nous?
Elle ne saurait pas de quoi sa mère lui avait parlé.
Enfin! La fin de la journée arriva. Trop lentement au goût de Camille. Et probablement à celui de Dwayne et Fidel.
Elle rangea ses dossiers rapidement, puis saisit ses affaires et avant de sortir du bureau, lança à son chef :
- 18h30 pile, alors?
- 18h30 pile, lui confirma-t-il.
- A tout à l'heure, alors.
- Oui, c'est ça, répondit l'officier sans lever les yeux de son dossier.
Camille partit se préparer, sans conviction. Elle était à présent presque sûre que sa mère avait réussi à dissuader Richard de dîner avec elle, qu'il allait appeler avec une excuse dans quelques minutes et qu'elle se retrouverait obligée d'accepter le rendez-vous que sa mère lui avait arrangé. Encore une fois.
Les minutes s' écoulèrent, mais l'appel n'arriva pas. Et à 18h30 pile, quelle ne fût pas sa surprise de voir arriver un Richard métamorphosé : costume en toile claire, veste à l'épaule, chemise à manches courtes et sans cravate. Il aurait presque pu passer pour un habitant de l'île. Sans son air toujours un peu coincé. De son côté, Camille avait pris aussi le temps de se pomponner et Richard la détailla d'un regard admiratif.
- Camille, vous êtes superbe. Si je puis me permettre.
- Vous n'êtes pas mal, non plus, lui répondit-elle avec un sourire. Depuis quand avez-vous décidé de laisser tomber les costumes sombres et la cravate?
- Depuis que votre mère m'a menacé de me poursuivre avec une paire de ciseaux, si je ne retirais pas la cravate pour notre rendez-vous.
Camille le détailla d'un œil appréciateur.
- Eh bien. Elle avait raison. Et le costume?
Le détective eût l'air gêné.
- Hum. Eh bien!... Je veux dire... Enfin... » Pour finalement se racler la gorge et demander d'une voix plus assurée, sans répondre à la question de la jeune femme : « Nous y allons? » en tendant son bras. Sans insisté, Camille le prit avec un sourire et se laissa guider jusqu'à la voiture. Galamment, Richard lui ouvrit la porte puis se mit derrière le volant et se tournant vers elle, demanda :
- Où va-t-on?
Camille le dévisagea, l'air inquiet, avant de demander :
- Vous avez réservé quelque part, n'est-ce pas?
- Non, bien sûr que non, fût la réponse sérieuse, je pensais que vous aviez vos entrées partout.
- Mais enfin Richard... » En voyant le sourire moqueur de son supérieur, elle s'interrompit.
- Ah! C'est pour ma blague sur votre festival britannique si ennuyeux?
- Non, pas du tout. Je voulais juste voir quelle tête vous feriez. Et je dois dire que ça en valait la peine.
Camille lui envoya un coup de poing dans l'épaule, sans méchanceté. Richard eût un petit rire amusé.
- Non, je voulais dire : est-ce que l'arrêt à La Kaz est absolument nécessaire?
- Oh oui! Si on ne s'arrête pas, ma mère va m'en vouloir le restant de la semaine et peut-être vous courser avec un couteau de boucher. Alors, oui, je dirais qu'il vaut mieux aller prendre un verre chez elle, d'abord.
- Mmm! C'est bien ce que je pensais. J'ai donc réservé chez Pierre pour 19h30, cela nous laisse largement le temps pour nous faire torturer par votre mère.
Camille était impressionnée.
- Wouah! Chez Pierre? Je croyais que vous aviez horreur des crustacés.
- Toujours, mais il m'a indiqué qu'il n'avait pas que ça sur sa carte.
- Même sans ça, ce n'est pas évident d'avoir une table à cette époque de l'année. Comment avez-vous fait?
- Ah! Ma chère Camille, si je vous révélais tous mes secrets, je perdrais tout mon charme, n'est-ce pas?
Camille resta sans voix quelques instants. Puis elle remarqua :
- Je croyais que vous ne vouliez pas flirter avec moi.
Richard la regarda un instant sans rien dire, puis esquissa un sourire avant de répondre :
- Ah non! J'ai dit que je ne flirterai pas avec vous pour le bénéfice de votre mère.
Et sur ces paroles surprenantes, il démarra.
Camille ne savait pas à quoi s'attendre de la part d'un britannique coincé, mais certainement pas à ça. Après un début un peu difficile, la soirée fût excellente.
Après le verre au bar de Catherine, qui eut l'élégance de les accueillir avec le sourire puis de les laisser tranquilles après leur avoir servi un verre, mais pas avant d'avoir fait remarquer à Richard qu'il était très élégant et à sa fille qu'elle était tout à fait superbe, ils se rendirent au restaurant, pour un dîner aux chandelles qui démarra très mal : Richard se plaignît de leur emplacement, puis que son eau n'était pas assez fraîche – et étaient-ils sûrs que c'était de l'eau en bouteille? Camille crut qu'elle allait jeter l'éponge et rentrer chez elle à pied. Elle en fit la réflexion à Richard et de façon surprenante, la menace porta ses fruits. Le détective lui présenta ses excuses et se plongea dans la carte, sans un mot. Soudainement, alors qu'elle commençait à désespérer de la soirée, son compagnon remarqua :
- Savez-vous que j'ai enquêté une fois sur un trafiquant de caviar qui était allergique à sa marchandise? C'était incroyable : je ne l'ai pas cru, alors pour le confronter à son mensonge, j'ai lancé trois grains vers lui et on a dû l'évacuer en urgence à l'hôpital!
Le miracle se produisit : Camille éclata de rire et Richard se détendit enfin.
Le reste du repas, il déploya des talents cachés de conteur, la régalant de ses enquêtes les plus excentriques lorsqu'il était à Londres, la faisant rire aux larmes. Elle se demanda si le climat de l'île faisait enfin son effet, ou si la déesse Erzulie avait exaucé un vœu qu'elle ne se souvenait pas avoir formulé, ou s'il était comme ça naturellement et qu'il le cachait sous une réserve quasi maladive, ou encore s'il faisait d'énormes efforts juste pour elle. Dans tous les cas, elle était ravie de le voir sous ce nouveau jour.
La jeune femme vit la fin de la soirée arriver avec regret. Bientôt, Richard paya l'addition et ils reprirent le chemin de retour. Elle ne voulait pas que ça finisse comme ça, alors elle proposa soudainement :
- Si nous allions faire un tour sur la plage.
Richard fit une grimace.
- Ah, Camille! Vous savez bien que la plage n'est pas mon amie.
Camille sentit une pointe de déception. Sa soirée à lui n'avait peut-être pas été aussi bonne.
Alors, elle ne pût s'empêcher de retrouver espoir, quand il proposa :
- Que diriez-vous d'un compromis : on va chez moi prendre un café, une bière, ce que vous voulez, comme ça, vous êtes près de la plage, vous entendez le bruit de la mer, et moi, j'ai mon patio et une chaise pour m'asseoir.
Elle acquiesça sans rien dire mais avec un grand sourire. Après tout, s'il voulait la ramener chez lui, qui était-elle pour le contredire?!
Arrivés au bungalow, Richard ouvrit toutes les fenêtres et les portes qui donnaient sur la mer et alluma les lampes. Avec le bruit de la mer, la chaleur de la nuit, la rumeur du festival et le reflet de la lune dans l'eau, l'atmosphère avait quelque chose de romantique et d'électrique tout à la fois.
Richard complètement inconscient de l'atmosphère, comme à son habitude, demanda à la jeune femme, restée sur le patio.
- Que préférez-vous : café ou bière? J'ai peut-être une bouteille de rouge qui se cache quelque part.
Son sergent, admirant la beauté de la nuit, répondit distraitement :
- Un café sera très bien.
Elle entendit Richard s'agiter dans le coin cuisine pendant quelques minutes et revenir avec deux mugs fumantes.
Elle prit la sienne des mains du détective, en lui souriant :
- Merci pour cette soirée, Richard. Elle était excellente.
L'inspecteur marmonna une réponse, qui ressemblait à : « Tout le plaisir était pour moi », avant de s'asseoir auprès de son adjoint.
La jeune femme insista :
- Non, vraiment. Cela faisait longtemps que je n'avais pas passé une soirée de festival en aussi bonne compagnie... D'ailleurs, en y réfléchissant bien, cela faisait longtemps que je n'avais pas passé une aussi bonne soirée. Point barre... Même si elle a eu un peu de mal à démarrer. » ajouta-t-elle avec un sourire dans la voix.
Elle se tourna vers lui. Il semblait soudain absolument fasciné par la vue.
- Vous m'avez surprise Richard. Encore une fois. Au travail, vous êtes coincé, maniaque, psychorigide pratiquement, et ce soir, cette personne a fini par disparaître. La seule chose que j'ai retrouvé, c'est votre brillance. Et votre humour aussi, même si c'est un trait de caractère que vous montrez trop rarement. Je ne vous comprends pas. Pourquoi ne vous montrez-vous pas un peu plus souvent comme ça?
Son supérieur marmonna une réponse inintelligible. Camille décida de pousser un peu plus loin :
- Non, vraiment. Vous êtes un paradoxe à vous tout seul. Vous pouvez m'expliquer?
Richard resta un long moment à regarder droit devant lui sans rien dire. Camille s'apprêtait à insister, quand finalement, il se tourna vers elle et répondit simplement :
- Non, je ne peux pas. Je suis désolé. » Il continuait à regarder devant lui. Camille décida de se rapprocher de lui, jusqu'à ce que leurs cuisses se touchent. Richard ne fit pas un mouvement. Elle posa une main sur son genou.
- Richard?
Il resta dans la même position si longtemps qu'elle crût qu'il ne l'avait pas entendue, quand soudain, il tourna la tête vers elle, hésita un instant, avant de se pencher et de l'embrasser doucement, presque timidement, sur les lèvres. De surprise, la jeune femme se raidit. La réaction de Richard fût immédiate : il se redressa, bafouilla des excuses et commença à se lever avant que Camille ne lui saisisse la main avec une force dont elle ne soupçonnait pas l'existence, l'obligeant à se rasseoir près d'elle. L'attirant vers elle, elle lui saisit le visage à deux mains pour l'embrasser à son tour et cette fois, le baiser fût partagé... Et intense. Camille se fît la réflexion que pour un homme aussi réservé, ses lèvres étaient particulièrement entreprenantes. Et brûlantes. Tout autant que ses mains, qui par miracle avaient lâché son mug, s'étaient glissé sous sa blouse et exploraient son dos de caresses affolantes.
Finalement, ils durent se séparer pour reprendre leur souffle.
Quand elle leva les yeux vers lui, Richard lui souriait, mi-penaud, mi-satisfait, faisant immédiatement disparaître les doutes qui lui avait traversé l'esprit. Elle ne put s'empêcher de lui toucher le front et de demander, faussement inquiète :
- Aurais-tu pris un coup de soleil aujourd'hui? Une insolation peut-être? La déesse Erzulie t'aurait-elle lancé un sort!? » s'exclama-t-elle
- Ce n'est pas impossible effectivement, je me sens un peu bizarre... Ah non! Attends! Je crois que c'est le manque d'oxygène.
- Non, sérieusement, Richard. Je sais que tu m'aimes bien, tu l'as montré à plusieurs reprises, mais qu'est-ce qui t'a décidé à agir?
Les mains de son supérieur (Oh mon Dieu! Elle venait d'embrasser son supérieur! N'y avait-t-il pas une règle contre ça?) continuaient à lui caresser distraitement le dos, rendant sa concentration très difficile.
Il se pencha vers elle, mais ne reprit pas sa bouche. Il enfouit son visage dans le cou de la jeune femme, en murmurant :
- Je peux t'avouer quelque chose, sans que tu te fâches?
Elle le repoussa, sans agressivité.
- Dis-moi.
Il se redressa, sans la lâcher complètement.
- Tu dois d'abord me promettre de ne pas te fâcher.
- D'accord. Je promets. Mais pourquoi devrais-je me fâcher?
- Tu me laisses finir mon histoire, d'accord. Sinon, tu risques de te fâcher.
- D'accord, répéta la jeune femme, qui commençait à avoir des soupçons.
- Ta mère m'a convaincu de...
- Quoi? Alors, l'idée ne venait pas de toi. Je n'y crois pas! Je savais bien que...
Camille ne réussit pas à finir sa tirade, car Richard la bâillonna d'un baiser, qui lui fit momentanément perdre le fil de sa colère. Quand ils se séparèrent à nouveau, Richard lui mit un doigt sur les lèvres et lui dit calmement :
- Tu as promis de m'écouter jusqu'au bout avant de te mettre en colère.
Comme il ne retirait pas son doigt, elle acquiesça d'un signe de tête.
- J'aurais dû commencer par dire que j'y pensais depuis quelques temps, déjà... commença-t-il. Nouvel acquiescement.
- Mais je ne savais pas trop comment te proposer, jusqu'à ce que ta mère vienne me voir la semaine dernière, quand je buvais mon thé et qu'elle me rappelle que le festival d'Erzulie était cette semaine. Et que tu étais toujours célibataire. Et moi aussi. Et qu'elle avait remarqué les coups d'œil que je te lançais quand je croyais que personne ne me regardait », dit-il très vite en rougissant. « Et qu'elle avait remarqué les coups d'œil que tu me lançais quand je regardais ailleurs, et qu'il était temps que j'agisse comme un homme, bref, je te passe les détails, » conclut-il, d'un air un peu gêné, en voyant le regard amusé de Camille.
- Pour résumé, elle m'a dit que ma garde robe n'était pas adéquate, que nous allions monter un plan pour que tu acceptes de sortir avec moi et que si je te faisais souffrir, elle m'arracherait le cœur avec une petite cuillère. Émoussée.
Ses dernières paroles firent sourire la jeune femme.
- Et méfie-toi, parce qu'elle en est parfaitement capable.
- Mmm! Alors, je devrais faire très attention de ne pas te faire de mal, murmura-t-il, en se penchant à nouveau pour l'embrasser.
Elle le repoussa, pour demander :
- Vous avez arrangé ça, tous les deux la semaine dernière?
Richard acquiesça à son tour, sans un mot.
- Mais alors, vous faisiez semblant ce midi.
Richard fit la grimace :
- Vois-tu? Je n'en suis pas si sûr. Bien sûr ta mère savait déjà que je t'avais invitée, mais même si elle n'a rien dit clairement, j'ai bien senti la menace dans ses paroles!
- Et le costume?
- Quand elle m'a retenu après déjeuner. Elle m'a déclaré qu'elle avait mes mensurations, et qu'elle m'avait acheté des vêtements plus adéquats pour notre rendez-vous... Et elle m'a présenté la facture!
A ces mots, Camille éclata de rire :
- C'est tout à fait ma mère, ça!
Richard lui caressait les bras distraitement, puis finalement il demanda :
- Camille?
- Oui, répondit la jeune femme, occupée à lui déboutonner sa chemise.
- Comment ta mère peut-elle connaître mes mensurations?
Les doigts s'arrêtèrent. Le sergent leva les yeux vers lui. Il avait un air amusé.
- Je dirais qu'il n'est pas impossible qu'elle ait fouillé dans ta garde-robe quand tu étais malade... et à demi-inconscient.
- Mmmm! » murmura Richard en glissant à nouveau des mains entreprenantes dans le dos de la jeune femme, la faisant frissonner. « C'est bien ce que je pensais. »
Le détective se pencha à nouveau vers elle pour l'embrasser, sans rencontrer de résistance.
- Inspecteur Poole, quels sont vos intentions, exactement ? souffla la jeune femme contre ses lèvres.
- Je croyais pourtant qu'elles étaient limpides, répondit-il sur le même ton, avant de l'embrasser, cette fois avec douceur et intensité. La jeune femme répondit avec ferveur, avant de suggérer quand ils se séparèrent pour reprendre leur souffle :
- Je pense qu'on serait plus à notre aise à l'intérieur.
Richard ne se le fit pas dire deux fois, et lui saisissant la main, l'entraîna vers le lit.
Dans lequel elle se réveilla seule le lendemain matin. C'était typique de Richard, de constamment souffler le chaud et le froid dans leur relation. Cela faisait près de deux ans que cela durait. Avec un compatriote, elle aurait probablement déjà été mariée, aurait eu deux enfants, puis aurait divorcée voire serait remariée au même!...Elle exagérait à peine! Mais non, il avait fallu qu'elle tombe amoureuse d'un foutu britannique, qui portait des costumes-cravate même par 40 degrés à l'ombre, qui refusait absolument d'apprendre sa langue maternelle, et qui avait mis plus de deux ans à se décider, et passerait probablement le reste de sa vie à le regretter.
Elle soupira. Pourquoi sa vie amoureuse ne pouvait-elle pas être aussi simple que sa vie professionnelle? Non, pas simple, corrigea-t-elle. Mais claire, au moins. Quand ils travaillaient ensemble, au moins, leurs relations étaient limpides.
- A quoi penses-tu?
A la voix de l'inspecteur, elle sursauta et rouvrit les yeux, pour le découvrir appuyé à la chambranle de la porte-fenêtre, qui l'observait.
- Ça fait longtemps que tu es là?
- Non, pas très, répondit-il, en s'approchant. Il avait remis ses vêtements de la veille, à part la veste, et avait laissé la chemise hors du pantalon. Pas rasé, cela lui donnait un air négligé tout à fait inhabituel. Et absolument irrésistible . Il s'assit sur le bord du lit et se pencha pour l'embrasser. Elle entendit un bruit de papier froissé, et comme pour répondre à ses pensées, il se redressa et lui mettant le sachet dans les mains, lui indiqua :
- J'étais sorti chercher des croissants pour toi...
(Un point pour Richard, zéro pointé pour Camille)
- Je crois me rappeler que tu aimes ça avec ton café.
(Deux points pour Richard, un million de milliards de zéros pointés pour Camille)
- Camille?
- Oui. Excuse-moi. Merci.
- Tu devrais peut-être te lever. Non pas que je déteste te voir dans mon lit...
(Mais qui était cet homme et où était passé le Richard Poole qu'elle connaissait?)
-... Mais nous allons être en retard pour le travail.
Il revint avec une tassé de café, qu'il tendit à la jeune femme, avant de prendre sa propre tasse (de thé, bien sûr!) et de s'asseoir en face d'elle.
- D'ailleurs, je crois que nous devrions...
- Oui, je pense aussi.
- Quoi? Je n'ai pas encore eu le temps de finir ma phrase... D'ailleurs à ce sujet, cela serait profitable à nous deux, si tu me laissais finir mes phrases avant de bondir ou de me répondre. Dans une relation...
- Relation? Nous deux, tu veux dire?
- Oui, bien sûr. Je ne parles certainement pas de ta mère et toi... Comment faîtes-vous, toutes les deux, en y pensant...
- Richard, tu t'égares!
- Oui, pardon. Dans notre relation, si nous ne pouvons pas avoir un dialogue, nous risquons le malentendu à tous les coins de rue, tu ne crois pas?
Camille avait perdu le fil de la conversation quand Richard avait fait référence à leur relation. Il voyait donc leur nuit ensemble comme le début de quelque chose de sérieux. Mais Londres, alors? La bruine, et le brouillard et le froid, et ….
- Camille?
- Oui, pardon. Tu disais?
Richard soupira.
- Et si tu pouvais m'écouter aussi, ça aiderait.
- Excuse-moi. Mais j'ai le droit d'être distraite ce matin. L'homme qui m'intéresse depuis plus de deux ans m'a enfin montré un intérêt réciproque, a défini la nuit passée comme une relation et voudrait... quoi?
- De qui parles-tu?... Oh! De moi?... Plus de deux ans? Mince! Si j'avais su...
Camille tenta de le frapper, mais il saisit sa main sans difficulté.
- Eh! N'en rajoute pas, tu veux! Tu as mis assez de temps comme ça!
- Camille...
- Quoi!?
- Et si on revenait à nos moutons?
- Qui sont?
- J'allais te demander comment on allait présenter la chose à Dwayne et Fidel? Et si on le disait au chef de la police?
- Le chef? Tu es fou! Il te renverrait par le premier avion... A moins que ce ne soit ce que tu recherches? Demanda la jeune femme d'un air soupçonneux.
- Oh Camille, vraiment? On en est encore là?
- Non, bien sûr que non. Excuse-moi. Tu ne te ressembles tellement pas depuis hier soir, ça me rend paranoïaque.
- De quoi parles-tu? Demanda à son tour le détective.
- Eh bien oui. Je t'ai fait la remarque hier soir, mais tu n'as pas pu ou pas voulu m'expliquer.
Richard posa sa tasse sur le chevet et s'assit dans le même sens que Camille pour s'appuyer sur la tête de lit. Il réfléchit quelques minutes puis finalement, déclara :
- Je pense que c'est simple, au fond. Avec toi, et pour toi aussi, j'ai envie d'être drôle, et détendu et toutes ses choses que je ne suis pas en temps normal. Mais c'est toujours le même bon vieux Richard, coincé, et britannique, et râleur, je t'assure. Et tu vas pouvoir t'en apercevoir dès qu'on sera au travail... ou simplement en public! Allez! Debout! Tu dois aller te changer avant d'aller au travail. Ta mère a déjà probablement deviné quelque chose...
Camille était touchée et surprise par le discours de Richard. Émue, elle choisit de répondre par l'humour.
- On a pu regarder les étoiles toute la nuit, proposa-t-elle d'un ton innocent. Richard se tourna vers elle.
- Sérieusement, Camille. Tu crois que ta mère va avaler ça?
- Pas une seconde...
- Donc on est d'accord pour ne rien dire au chef, mais que décide-t-on pour Dwayne et Fidel?
Camille resta silencieuse un moment, à réfléchir. Finalement, elle se décida :
- Si tu es d'accord, je crois qu'ils ont droit à la vérité. De toute façon, nous connaissant et les connaissant, ils finiraient par deviner et ça pourrait les blesser qu'on ne leur ait rien dit.
- Mmm! Je suppose que tu as raison. De toute façon, j'étais pour qu'on leur dise.
- Vraiment?
- Bien sûr... Allez! Maintenant, termine ton petit déjeuner, pendant que je vais prendre ma douche...
- On pourrait la prendre en même temps, pour gagner du temps, économiser de l'eau, proposa Camille, d'un ton suggestif.
- N'exagérez pas Sergent Bordey, répliqua Richard sur un ton mi-sérieux, mi-rieur. Je pense que nous perdrions au contraire beaucoup de temps et probablement autant d'eau.
- Tant pis, rétorqua Camille d'un ton boudeur. Au moins, il me reste les croissants.
La porte de la salle de bain se referma sur le rire clair et rare de l'inspecteur Richard Poole.


Il s'agit de ma première fanfiction en français. Si elle plaît, j'ai encore quelques chapitres derrière. Pour l'instant, je l'indique comme complète. Les critiques constructives sont les bienvenues.