Salut tout le monde ! Me revoilà pour le challenge de septembre du Collectif NONAME, dont vous trouverez le lien dans mes favoris !

Le thème de ce mois-ci étant la téléréalité... (mais qui est l'idiote qui a proposé ce thème, je vous jure), je vous fais part de l'idée la plus atroce qui soit probablement jamais sortie de ma tête, à savoir Hannibal participant à l'Île de la Tentation.

Cher lecteur, sois averti : C'EST DÉBILE D'UN BOUT A L'AUTRE et COMPLÈTEMENT IMPROBABLE et ENTIÈREMENT OOC. Par ailleurs, je ne regarde pas de téléréalité donc j'ai modifié un peu l'île de la Tentation à ma sauce (la sauce Hannibal hahaha oui je sors), j'espère que tu ne m'en voudras pas, toi spectateur assidu de cette émission. (... Si tu existes.)

Ah. Aussi, ce truc étant ridiculement long, je l'ai coupé en plusieurs chapitres. (Quatre, et un épilogue.)

Voilà, cher lecteur, comme ça tu connais la couleur.
Si ça ne te fait pas peur, fonce !


.oOo.

Hannibal Lecter se considérait généralement comme quelqu'un de calme. Maître de ses émotions. N'importe qui l'ayant fréquenté aurait pu vous conforter dans cette opinion, par ailleurs – plus inébranlable que lui, on ne faisait pas.

(Évidemment, c'était en omettant les meurtres et le cannibalisme, mais comme personne ne le savait, ça n'entrait pas en ligne de compte.)

Il s'était rarement laissé aller à la rage, pure et simple, celle qui (chez lui) débouchait inévitablement sur une folie meurtrière. Même sa colère était calme – un éclair dans le regard, la température de la pièce qui baissait de plusieurs degrés, et tout ça en privé, généralement.

Considérant donc son imperturbabilité, le fait qu'il était en ce moment à deux doigts de s'oublier et de tuer sa charmante petite amie (avec lente torture en bonus) devant témoins et caméras, en disait long sur l'horreur de la situation.

Il y avait peu de choses qu'Hannibal ne connaissait pas, dans la vie, car sa culture générale couvrait tous les domaines généraux de l'art, des sciences, de la politique, de l'histoire et de la géographie – plus tout un tas d'informations inutiles qu'il conservait stockées dans son palais mental au cas où.

Toutefois, l'Île de la Tentation, il ne connaissait pas. La télévision qu'il avait chez lui n'était que rarement allumée, et lorsqu'elle était, c'était pour regarder des chaînes d'informations ou des émissions culturelles. Pas ce genre d'émission télé-poubelle.

Comment Bedelia avait-elle pu imaginer qu'il accepterait de participer à une telle blague, voilà qui dépassait son champ de compréhension. Sa compagne n'était pas une idiote, il soupçonnait donc que l'idée de base venait d'une envie de provocation associée à la volonté de vouloir tester ses limites.

Tester les limites d'Hannibal. Une idée spectaculairement mauvaise. Bedelia devait le savoir, car elle ne cessait de lui jeter des petits coups d'œil inquiets. Jusqu'au bout, elle avait gardé le silence, prétendant l'emmener en vacances sur une île paradisiaque de Thaïlande (ce qu'Hannibal avait accepté, curieux de savoir ce qu'elle avait en tête) ; et ce n'était que maintenant, les pieds dans le sable chaud, entourés par des dizaines de caméras, qu'Hannibal venait de comprendre les dessous de l'affaire.

L'île de la tentation. Quatre couples, seize tentateurs – vingt-quatre personnes qui ne pensaient qu'au sexe jour et nuit. Ou plutôt vingt-trois, si on omettait Hannibal, qui lui, ne pensait qu'au meurtre.

Il jeta un regard à Bedelia, qui crispa légèrement les épaules, probablement un reste de l'instinct de survie dont elle manquait décidément, et ce fut ce petit geste que personne d'autre n'aurait remarqué qui lui fit prendre sa décision : il les tuerait tous. Il laisserait des corps partout, dans les baignoires de luxe, sur les plages de sable blanc, pendus à des cocotiers... Ce serait un bain de sang, dont le challenge serait rendu d'autant plus délicieux qu'il y avait des caméras partout sur l'île ; Hannibal était certain de pouvoir réussir à y échapper.

Et s'il n'y arrivait pas... au moins, il se serait amusé, comme c'était censé être le but.

Cette idée ramena un peu de calme dans son esprit aveuglé par la rage, et il accepta d'être conduit dans un pavillon séparé de Bedelia, qui semblait momentanément soulagée de lui échapper – le terme momentanément étant employé à propos, car Hannibal l'avait inscrite sur sa liste rouge : elle ne risquait pas de quitter cette île en vie.

Personne ne quitterait cette île en vie.

C'était son dessein.

.oOo.

Il y avait eu la présentations des "tentatrices", à laquelle avait succédé une petite soirée pour les accueillir, avec de l'alcool (soho, passoa, vodka, on était loin d'un Clos de Tart 2006 Côtes-de-Nuit ou d'un Chablis Grand Cru de 2007), des amuse-bouches (les canapés soit disant au "caviar" étaient tellement immangeables qu'Hannibal avait failli vomir son verre – non, pardon, son gobelet en plastique – de Pisang), et des filles en mini-jupes tellement minuscules qu'Hannibal commençait déjà à se demander à quelle sauce il servirait leur jambes. Son côté théâtral envisageait une pièce montée de plusieurs jambes en l'air (avec un jeu de mot en guise de clin d'œil à l'émission), peau dorée au miel et croustillante à point, avec son accompagnement de pommes de terre sautées aux herbes de Provence, une salade au foie gras et aux figues en entrée, et pour le dessert des tartelettes au chocolat noir et au caramel au beurre salé. Il se voyait également faire de ces jolies gambettes des pâtés en croûte, des saucissons, des salamis, des lardons fumés – et seules ces pensées lui permirent de tenir le coup jusqu'à la fin de la soirée.

Le présentateur, Jimmy Price, leur avait promis du luxe – Hannibal ne s'attendait pas à grand-chose, conscient que le concept du luxe de l'émission se rapprochait plus de la vision qu'un clochard avait du McDonald's que de ses goûts à lui ; il fut tout de même cruellement désappointé de découvrir qu'en lieu et place d'une chambre particulière, il n'y avait qu'une énorme pièce, tendue de rideaux et de voilages en tout genre, qu'il devrait partager avec les trois autres hommes venus sur l'île avec leur moitié.

Un dortoir. De mieux en mieux.

Pendant un instant, en découvrant l'étendue des dégâts, il eut envie de dire adieu à son self-control et tous les tuer dès maintenant, cette nuit ; comment avaient-ils osé le mettre dans la même chambre que d'autres gens ? Ce n'était pas une colonie de vacances ! Bien sûr, Hannibal n'était jamais allé en colonie de vacances (ce qui était une bonne chose, car il n'aurait certainement pas supporté l'expérience) mais la question n'était pas là.

- Ça va ? demanda une voix derrière lui, alors qu'il se demandait par qui commencer le massacre.

La question tombait à pic – il n'avait pas envie qu'on lui adresse la parole en cet instant, et le malheureux n'allait pas savoir d'où partait le coup qui le frappait ; mais lorsqu'Hannibal se retourna et qu'il découvrit la personne qui se tenait derrière lui, sa colère le quitta d'un coup.

De toute évidence, il n'était pas le seul à ne pas avoir envie d'être là, si en croyait le regard fatigué et les cernes qu'arborait son vis-à-vis. Son apparence, au fond, n'avait rien d'exceptionnel ; des traits réguliers, mais banals, des boucles brunes en pagaille, un menton avec une barbe de trois jours, un tee-shirt blanc et un bermuda kaki ; mais dans l'attitude de l'homme, dans la façon dont il promenait son regard sur le visage d'Hannibal sans jamais rencontrer ses yeux, dans son sourire inexistant, dans son expression hantée, il y avait quelque chose d'intrigant, et Hannibal sentit la curiosité prendre le pas sur la colère noire.

Will Graham. Hannibal l'avait rapidement aperçu pendant les présentations des participants et par la suite pendant la soirée, mais l'homme s'était montré discret, et Hannibal, de son côté, avait été trop occupé à garder ses élans de haine sous contrôle pour s'intéresser réellement aux autres couples – et plus particulièrement aux hommes, avec qui il allait en théorie partager quinze jours d'intimité (en pratique, s'il parvenait à ses fins, il en passerait probablement moins que ça). Il y avait Jack Crawford, qui était venu avec sa compagne Bella ; Brian Zeller, qui était là avec sa copine Beverly Katz ; et enfin, à part lui-même et Bedelia, Will Graham, arrivé sur l'île avec sa petite amie Alana Bloom.

- Ça va, merci, répondit-il en prenant soin de réajuster son masque social sur son visage.

Il se permit même un petit sourire pour accompagner sa réponse, mais Will Graham haussa un sourcil dubitatif, avant de jeter un petit regard autour d'eux.

- Il n'y a pas de caméras. Pas besoin de faire semblant.

- J'en déduis que vous n'êtes pas non plus enchanté de vous trouver dans un tel endroit ? fit remarquer Hannibal, son côté psychiatrique reprenant le dessus.

Will sembla tiquer devant la tournure un peu rigide de la phrase, et un léger sourire complètement dépourvu de joie naquit sur ses lèvres.

- Bravo pour votre déduction.

Hannibal hésita entre se sentir vexé et intrigué, mais il avait passé ces dernières heures à essayer de se faire une idée de ce qui pouvait pousser les gens à participer à une émission comme celle-là, à se construire une image, et Will ne correspondait pas à son concept du participant de base.

Décidant que ça ne coûtait rien de se montrer amical le temps d'examiner si Will en valait ou non la peine, Hannibal inclina légèrement la tête.

- Hannibal Lecter.

- Je sais. L'animateur vous a présenté tout à l'heure, même si vous aviez plus l'air d'essayer de faire taire votre rage qu'autre chose.

Une sonnette d'alarme résonna à l'intérieur d'Hannibal – il était vrai qu'il était dans une fureur noire, inutile de le nier, mais ça ne voulait pas dire que ça se voyait à l'extérieur ; il avait passé des années, des décennies à peaufiner son masque, et il avait eu d'autres occasions (peu, certes) d'être extrêmement en colère sans que ce masque ne tombe.

Will Graham avait réussi à voir sous ce masque.

Hannibal l'observa avec une attention redoublée, ce qui n'échappa pas à la vigilance de son interlocuteur, qui sourit – de ce même sourire cynique et sans joie.

- Je n'aurais peut-être pas dû dire ça. Avec tout le mal que vous vous donniez pour donner le change... Ne vous en faites pas, je ne trahirai pas votre secret.

- Il n'y a pas de secret, tenta maladroitement (maladroitement ! Lui ! C'était un comble) de répondre Hannibal. J'étais contrarié à l'idée de quitter Bedelia, ne serait-ce que pour quinze jours.

Avec son mode de vie, Hannibal était habitué aux énormes mensonges – et de fait, celui-ci était particulièrement énorme, parce qu'il se moquait de Bedelia comme de son premier gilet de costume ; après tout, ils n'étaient en couple que parce que Bedelia, qui l'avait visiblement jugé intéressant, avait semblé le désirer, et parce qu'il y avait plus d'avantages à cette relation que d'inconvénients (du moins, c'était ce qu'il avait cru jusqu'à aujourd'hui). Toujours était-il qu'il était capable de sortir les plus grosses énormités avec un visage parfaitement innocent, ce qui trompait toujours tout le monde.

De toute évidence, Will Graham n'était pas tout le monde. Troisième petit sourire.

- Bien sûr.

Sa voix dégoulinait de scepticisme, et Hannibal eut envie de lui arracher les cordes vocales pour en faire un clavecin – mais l'homme parvenait à le voir, et c'était suffisamment intéressant pour le pousser à retenir ses instincts (terriblement mis à mal sur cette île, ce qui, au fond, collait plutôt bien au concept).

- Vous devriez dormir. La journée de demain sera chaude.

Will n'ajouta rien, et se dirigea vers son propre lit, à quelques mètres de celui d'Hannibal, caché par de longs voilages blancs et tissus rouges tendus sur un baldaquin.

Hannibal resta éveillé toute la nuit, à écouter le bruit des vagues, les ronflements bruyants de Zeller et de Crawford, et la respiration rapide de Will Graham.

.oOo.

Des rendez-vous. C'était le concept du jeu. On choisissait une tentatrice, celle que votre moitié avait jugé la plus dangereuse, et on passait l'après-midi ou la soirée avec elle. Bedelia avait choisi pour Hannibal la tentatrice la plus intelligente du lot – ou plutôt, la moins stupide, aurait corrigé Hannibal ; ce qui n'empêcha pas la jeune Miriam de rentrer de son rendez-vous en pleurant toutes les larmes de son corps après qu'Hannibal lui ait sorti deux ou trois vérités sur elle-même qu'elle n'était peut-être pas encore à même d'entendre.

Puis il y eut un "feu de camp", dont le but était de toute évidence de rendre jaloux les hommes en leur montrant des vidéos de leurs compagnes aux prises avec les tentateurs – ce qui fit doucement rire Hannibal intérieurement. Essayer de le rendre jaloux, c'était comme d'essayer de soulever une montagne avec son petit doigt – potentiellement impossible. Dans l'autre pavillon, à en croire les vidéos, Bedelia semblait encline à mettre les tentateurs mal à l'aise avec des réflexions qui faisaient un peu trop mouche, et Hannibal ne put s'empêcher de sourire ; il ne l'aimait pas, car elle était incapable de le voir (ou, sinon de le voir, tout au moins d'accepter sa nature), mais ça ne l'empêchait pas de l'apprécier pour ce qu'elle était. À tout prendre, elle regagnait les points qu'elle avait perdus en l'amenant sur l'île.

Certes, elle avait regagné peut-être deux points pour un million de perdus, mais le séjour n'était pas fini. Avec un peu de chance, elle commettrait un meurtre, elle aussi. Ce serait sa rédemption.

À côté de lui, Will Graham regardait en silence sa petite amie Alana tenter de psychanalyser ses tentateurs. Elle ne les mettait pas aussi mal à l'aise que Bedelia, mais sa conversation était de toute évidence beaucoup trop intelligente pour les pauvres garçons, qui répondaient sans cesse à côté de la plaque. Toutes les tentatives de drague furent avortées, sous le regard placide de Will, qui n'avait pas l'air d'en avoir grand-chose à faire, à moins qu'il ne soit au moins aussi bon qu'Hannibal pour cacher ses émotions.

Bella, la compagne de Jack Crawford (de l'avis d'Hannibal la seule autre créature raffinée de l'île en dehors de lui – et de Bedelia, parfois), fut vue en train d'avoir des conversations amicales avec certains tentateurs. Jack serra les dents et ne répondit pas à la provocation de l'animateur Jimmy Price, qui ne cessait de le titiller.

De toutes, Beverly Katz était celle qui semblait s'amuser le plus, à danser et faire virevolter ses longs cheveux noirs dans tous les sens, et à les envoyer dans les visages des tentateurs. Malgré la proximité de leurs corps sur la piste de danse, Brian Zeller réitéra ses déclarations de confiance, et le feu de camp prit fin.

Il y eut ensuite de petites interviews personnelles ; on demanda à Hannibal de s'installer dans un siège en osier, face à une caméra, et de leur livrer ses réflexions sur le feu de camp. Les réflexions en question étant parsemées d'envie de meurtre, Hannibal s'en tint au strict minimum, ce qui ne sembla pas beaucoup intéresser les caméramans.

Le soir-même, une autre fête était organisée par les tentatrices ; Hannibal, qui n'était pas décidé à subir une nouvelle fois la torture à la Passoa et les canapés au faux caviar, s'éclipsa discrètement dans la chambre ; il la partageait avec les autres, mais c'était le seul endroit de l'île où les caméras n'étaient pas autorisées à entrer. Un mal pour un bien.

Mais lorsqu'il entra, la chambre était déjà occupée par un certain Will Graham.

- Pas d'humeur festive ? demanda celui-ci, allongé sur son lit, les bras croisés derrière la tête, les yeux fixés au plafond de bois blanc du baldaquin.

Hannibal envisagea plusieurs réponses avant d'en sélectionner une plutôt innocente.

- Les canapés n'étaient pas à mon goût.

Will pouffa.

- Vous n'aimez pas le faux caviar, docteur ?

- Comment savez-vous que je suis docteur ? demanda Hannibal, intrigué.

Ses souvenirs étaient légèrement floutés par la rage qui l'avait saisi à ce moment-là, mais il lui semblait bien que son métier n'avait pas été évoqué durant sa présentation – ni, d'ailleurs, celui de Will Graham.

- Je dirais que c'est évident.

- Je serais curieux de savoir ce que vous trouvez évident chez moi.

Une nouvelle fois, il était à deux doigts d'être vexé, mais la perspicacité surprenante de Will était assez rare pour qu'il en prenne soin, ne serait-ce que temporairement.

- Vous n'êtes pas évident, corrigea Will. Votre apparence l'est.

- Vous me dissociez de mon apparence ? demanda Hannibal. Curieux, surtout dans une émission comme celle-ci.

Il était assez intéressé cette fois pour se rapprocher de quelques pas du lit de Will, ses sandales de cuir (il n'avait pas pu se résoudre à porter des claquettes en plastique) résonnant sur le dallage froid du sol. Will se redressa sur ses coudes pour l'observer, et malgré la demi-pénombre, Hannibal eut l'impression, pour la première fois, que quelqu'un le voyait réellement.

- Cette émission et ce qu'on s'attend à y trouver ne comptent pas, répondit Will. Vous n'êtes pas là de votre plein gré. Bedelia vous y a forcé. J'imagine qu'elle devait être curieuse de savoir ce qui se passerait.

Intérieurement estomaqué, Hannibal s'approcha encore d'un pas – son silence était suffisant pour pousser Will à continuer.

- Vous êtes docteur. Psychiatre, à en juger par votre tendance à poser des questions pour éviter de répondre aux miennes ; probablement avec un passé de chirurgien. Vous êtes excellent pour cacher votre dégoût sous un sourire ; vous parvenez à tous les tromper.

- Pas vous, de toute évidence.

- Non, pas moi. Mais comme je l'ai dit, je ne trahirai pas votre secret. Je partage le même.

L'espace d'un instant, Hannibal eut l'envie incongrue qu'ils partagent un autre secret que le dégoût – un secret plus profond, de couleur rouge sang. L'éclat des yeux de Will lui donnait presque l'impression que c'était possible.

Pour l'instant, en tout cas, il devait faire attention à ce que Will ne voie pas trop profondément sous le masque, tout enivrant que ce soit. Il tira une chaise d'osier blanche à côté du lit de Will et s'installa dedans nonchalamment.

- Je dois dire que votre perspicacité me sidère.

- Ah oui ? Étrange. Elle rebute la plupart des gens.

- Que faites-vous dans la vie ?

- Quelle question banale, docteur...

Will fit claquer sa langue d'un air désapprobateur, et Hannibal eut un petit sourire qui n'atteignit pas ses yeux – pour tout ce qu'il semblait intéressant, l'autre avait également un certain don pour le vexer.

- Je suis sincèrement curieux d'avoir la réponse.

- Je suis professeur.

Le moins qu'on puisse dire, c'était qu'Hannibal ne s'attendait pas à ça.

- Vous ne vous attendiez pas à ça, remarqua Will. Laissez-moi recadrer le tir : j'enseigne la criminologie à l'Académie du FBI, Quantico, Virginie.

La criminologie – voilà qui portait le tout sur un nouveau tableau. Un tableau beaucoup plus intéressant, aux yeux d'Hannibal, qui fit appel à toutes les forces de sa volonté pour garder son masque en place, sachant pertinemment que Will Graham se glisserait dans le premier interstice qu'il découvrirait.

- La criminologie, répéta Hannibal. Vous donnez des cours sur des serial killers.

- Exactement, répondit Will avec un sourire sombre.

Un frisson de délice parcourut l'épine dorsale d'Hannibal – à supposer qu'il s'en tienne à son premier plan, le massacre serait encore plus intéressant si quelqu'un était là pour le disséquer ensuite. Par ailleurs, Will avait probablement déjà donné des cours sur lui ; le Chesapeake Ripper était tout de même le tueur en série le plus actif et recherché de ces dernières années.

Il n'avait pas prononcé un mot, ni changé d'expression, mais Will se redressa entièrement dans son lit, les yeux fixés dans les siens, pour la première fois, et un intérêt étrange se peignant sur ses traits (ses beaux traits ; Hannibal se demandait déjà comment il avait pu les trouver banals la veille).

- C'est la première fois que je reçois une telle réaction en parlant de mon travail, fit-il remarquer.

De toute évidence, les interstices du masque d'Hannibal étaient des gouffres pour Will Graham, et l'idée était à la fois terrifiante et exaltante.

- Je n'ai rien dit, tenta-t-il toutefois de répondre d'une voix calme et posée.

- Votre voix n'a rien dit, c'est vrai. Votre expression, c'est autre chose.

Il y eut un moment de silence intense, cinq longues secondes pendant lesquelles le regard de Will ne quitta pas celui d'Hannibal, qui n'envisageait même plus de cacher sa fascination ; puis l'enseignant détourna le regard, et se rallongea dans son lit. Hannibal savait que ça signifiait son congé, mais il ne pouvait se résoudre à se lever de son fauteuil en osier et à s'éloigner de cet homme incroyable.

Très bien – il tuerait Will Graham en dernier, c'était décidé.

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Chuut, mes agneaux. Ne dites rien. Je sais que c'est un traumatisme. (Ou dites-moi tout, parlez-moi en dans vos reviews, insultez-moi!)

A bientôt pour le prochain chapitre !