Prologue
Les cris, les hurlements et les bruits de la guerre n'étaient plus qu'un bourdonnement au loin, un murmure à peine audible. Le ciel était remplit d'étoiles. La fumée du feu, ravageant les beaux murs de l'école, s'élevait dans le ciel et n'était plus qu'un brouillard flou et sombre.
Le vent lui giflait le visage avec violence. Elle sombrait, tombait dans le vide, dans un silence et une noirceur totale, tous ses sens déconnectés. Elle n'entendait ni son prénom qu'on hurlait, ni le rire de son assassin qui la regardait s'écraser sur le sol du haut de la tour d'astronomie. Elle sombrait dans les ténèbres de la nuit, dans une inconscience qui ne lui permettait pas de voir une dernière fois le firmament s'embraser. Sens perdus, elle ne ressentit pas l'impact violent au moment où elle toucha le sol, elle n'entendit pas non plus le craquement sourd de sa colonne vertébrale, ni les mains qui se posèrent sur elle.
Dans son inconscient, elle sut qu'elle s'était plantée.
Et dans son cas, la marche arrière n'était plus possible.
...
Elle voyait des chats partout, tous ressemblant étrangement à Pattenrond. Ils dormaient dans une joyeuse pagaille, les uns sur les autres et dans le salon, tout était calme. Puis les chats se réveillèrent et se mirent à miauler doucement. Hermione, paniquée à l'idée de se faire surprendre, essaya de les faire taire. Mais ses gesticulations ne firent qu'accentuer les cris des chats, devenus aiguës. La jeune fille se boucha les oreilles tellement le bruit était douloureux. Alors, les chats dans un concert de «miiiiiiaaaouuu» se transformèrent en assiettes et le salon se teinta de rose vif. La voix stridente et haut perchée d'Ombrage s'éleva derrière elle :
«Hum…hum…Potter. Pouvez-vous me dire ce que vous faîtes dans mon bureau ? »
Hermione aperçu Harry et Ron en face d'elle, tous deux se tenant debout.
« Rien professeur. J'admire les fleurs ! dit Harry, un sourire mesquin peint sur le visage ce qui fit pouffer Ron.
- Vous ne voulez pas me dire la vérité n'est-ce pas Potter… »
Le visage d'Ombrage reflétait la colère et sous leurs yeux, elle se métamorphosa en Bellatrix Lestrange. Celle-ci pointa sa baguette sur Harry et Ron, et poursuivit :
«…et bien, je vais vous punir, sale menteur ! »
Elle ricana et lança un Avada Kedavra sur les garçons. Hermione se précipita sur les corps, éplorée en criant sur la folle qui la regardait d'un air gourmand, tel un chat devant une souris. Les cadavres qu'elle tenait dans ses bras se déformèrent affreusement. Hermione les lâcha dans un sursaut de peur et se recula précipitamment, le cœur au bord des lèvres. Deux autres Bellatrix remplacèrent ses amis, le visage tordu par un affreux sourire. Elles se tournèrent vers la jeune fille à genoux et de la même voix caverneuse vociférèrent:
« C'est à ton tour sale sang-de-bourbe ! »
Hermione était tétanisée. Elle murmura un « non » étranglée, la gorge nouée. Elle voulait bouger, elle voulait s'enfuir mais ses jambes refusaient de lui obéir. Elle voyait avec horreur les trois monstres se rapprocher et dans un ultime élan de survie elle se mit à se trainer vers la porte. Les sensations commencèrent à revenir dans ses pieds et elle se mit debout chancelante. Elle s'élança vers la poignée qu'elle secoua avec violence. La porte céda sous ses assauts et elle se retrouva essoufflée dans un couloir sans fin aux murs recouverts de portes. Elle jeta un coup d'œil derrière son épaule. Ce qu'elle vit lui glaça le sang: des milliers de Mangemorts se dirigeaient droit sur elle, baguettes en main. Sans plus réfléchir, elle courut à travers le couloir, tentant d'éviter les sorts qui rebondissaient sur les murs. Les poumons en feu, elle désespérait de ne pas voir le bout, les portes se succédant identiques lui donnant l'impression de courir sur place. Elle sut qu'elle ne tiendrait plus longtemps, les sorts s'enchainant à un rythme effrénés. Alors qu'elle allait abandonner, une grande porte en marbre se dressa en face d'elle. Elle se jeta sur elle et l'ouvrit avec fracas.
Elle fut éblouie par une vive lumière blanche puis lorsqu'elle ouvrit les yeux, elle contemplait un ciel d'un bleu azur où défilaient paresseusement des nuages cotonneux. Ils filaient dans la même direction, emportés par le vent.
Elle était allongée dans une eau cristalline, son corps reposant sur un tapis d'herbe dont les brins qui dansaient dans les courants lui caressaient la peau. Elle se releva maladroitement, un peu sonnée, les cheveux balayés par le vent qui soufflait. Ils s'emmêlaient autour de son visage, fouettaient le haut de son dos et ses épaules. Elle était nue. Elle repoussa une mèche derrière son oreille en regardant le soleil qui se couchait éternellement derrière l'horizon. C'est dans cette direction que flottaient les nuages qui se paraient alors d'or, de lilas et d'améthyste.
Elle chassa une paillette scintillante et doré qui s'était posée sur sa joue, la faisant valser pour rejoindre ses sœurs en suspension dans l'air. Elle ne savait pas où elle était ni comment elle avait atterrit là même si elle sentait que ce qu'elle faisait avant de se retrouver les pieds dans de l'herbe sous-marine était très important. La pensée, le souvenir peut-être, se faisait moins prégnant comme s'il s'éloignait tranquillement d'elle, se détachant de son esprit et emportant avec lui les résidus d'une angoisse dont elle ne connaissait la cause. Elle aurait pu le rattraper, saisir le fil qui s'envolait mais elle le contemplait simplement s'effacer à travers un voile brumeux.
Une immensité sans égale s'offrait à son regard, la plaine noyé s'étendait indéfiniment, seulement perturbée par de doux valons, quelques arbres parfois qu'elle parvenait à peine à distinguer en plissant légèrement ses yeux.
Alors qu'elle se croyait seule dans cette plénitude, elle entendit cinq coups de marteau assourdis derrière elle.
Elle se retourna et vit à quelques mètres d'elle une imposante double-porte en marbre blanc. Ce qui l'a surpris ne fut pas le fait que la porte trônait là, tenue seulement par ses jambages, ni le fait que cette porte intacte semblait donner sur des ruines dont elle voyait les colonnades au-delà du chambranle Ce qui l'a surprenait était qu'elle connaissait cette porte. L'image était imprécise comme émanant d'un rêves qu'elle aurait fait, il y fort longtemps.
Hésitante, elle avança, ne troublant aucunement l'étendue scintillante. Les bruits de coups se faisaient plus distincts à mesure qu'elle approchait. Enfin elle se retrouva au pied de la porte dont la taille était véritablement titanesque, s'élevant jusqu'à toucher le ciel. Le vent était moins fort, sans doute contenu par le rempart de pierre.
Il n'y avait pas de poignets sur les battants, l'eau clapotait tendrement contre le marbre qui reflétait l'onde en arabesques lumineuses. Elle posa ses mains sur les vantaux et exerça une légère pression de la paume. La porte s'ouvrit dans un grondement, repoussant l'eau qui s'engouffrait en frissonnant dans la brèche.
La salle était vaste et ronde dont les murs inexistants étaient faits d'arcades qui s'alignaient régulières et pour certaines à moitié détruites. Elle pouvait encore voir la terre engloutie à travers les ouvertures aussi larges que la porte qui s'était refermée en un claquement sec qui la fit sursauter. Les clefs soutenaient des voûtes qui avaient dût exister mais dont il ne restait plus que les structures abimées. Sur le marbre de l'architecture se mouvait les halos de l'eau.
Des tribunes d'orateur carrés et hautes d'un mètre, en marbre blanc étaient disposées en hémicycle, y siégeait des hommes et des femmes, rabougris, ridés, la peau livide et les yeux laiteux, les cheveux et les barbes crayeuses et longues, vêtus de volutes blanche, épaisse qui s'enroulaient autour de leur corps desséché. Aux pieds de chacune des tribunes, un lutrin blanc était occupé par un autre vieillard. Des gradins bondés s'élevaient derrière les tribunes.
Elle s'avança timidement au centre, mue par une volonté qui n'était pas la sienne. Elle tenta tant bien que mal de coiffer ses cheveux qui se gonflaient. Les personnes qui composaient l'assemblée ne semblaient pas lui prêter la moindre attention, ils discutaient et bavardaient dans des bruissements feutrés qui s'évanouissaient dans la brise. Elle s'agita, un peu confuse quand un raclement de chaise sur sa gauche la sauva de son malaise naissant.
Elle n'aimait pas cet endroit, ce blanc, ces individus, leur façon de regarder le monde à travers leurs yeux de cristal. Elle avait peur. La quiétude qui s'était emparé d'elle quand elle s'était réveillée l'avait quitté à l'instant où elle avait franchi le pas de la porte. Même le paysage désormais familier qu'elle pouvait encore admirer derrière les arcades ne la rassurait pas.
L'homme sur la tribune se leva et déclara d'une voix solennelle :
« Moi, Mumiah XII du nom, Premier juge de la Chambre des Reconversions, je déclare le procès numéros 85247413844846478291619421457941279571597526529557615959 ouvert ! »
Il frappa le pivot de trois coups sonores instaurant le silence dans les gradins. Quelques personnes se redressèrent soudain attentifs mais la plupart se désintéressaient de la scène.
Le petit vieillard du lutrin au pied de la tribune de Mumiah, se racla la gorge et déclara d'une voix nasillarde:
« Miss Hermione Jane Granger amie de Harry James Potter et de Ronald Bilius Weasley, fille de Henry Granger et de Jane Bell-Granger, née le 19 Septembre 1980 et morte le 2 Mai 1997 à l'âge de 17 ans d'une fracture de la colonne vertébrale, transperçant les poumons, empêchant la production de globules rouge, engendrant l'asphyxie du cerveau, provoquant l'arrêt immédiat du cœur et entrainant ainsi la mort du corps de Miss Granger. »
Hermione était devenue de plus en plus pâle au fur et à mesure que le vieil homme énonçait le préambule de ce qui semblait être son procès. Les souvenirs ressurgirent dans sa mémoire et elle se mit à trembler. Elle était morte ?
Mumiah XII du nom se pencha vers elle et lui demanda :
« Avez-vous des questions ou contestations à soumettre ?
- Heu…je…
- Parfais, coupa Mumiah XII du nom d'un ton impatient. Continuons ! »
Il tapa avec le marteau de manière théâtrale sur le pivot. Le petit vieux qui semblait être le greffier prit une profonde inspiration et débita à toute vitesse :
« La mort de Miss Granger cause la mort de Ronald Bilius Weasley et de Harry James Potter, favorisant l'ascension au pouvoir de Tom Elvis Jedusor surnommé Voldemort, Le Seigneur des Ténèbres, Celui-Dont-On-Ne-Doit-Pas-Prononcer-Le-Nom, Vous-Savez-Qui, Le Mage Noir, Le Prince de Serpentard, Le Descendant de Salazar Serpentard, Maître, Sombre Seigneur. Miss Granger doit des dommages et intérêts au Monde Magique, s'élevant à une remise en fonction de son esprit. Elle devra donc intégrer le corps de Miss Kimberly Blust, née le 14 Février 1960 et morte le 19 Septembre 1975 d'une commotion cérébrale aiguë due à un homicide involontaire en la personne de Sirius Phineas Black et de James Charlus Potter. »
Mumiah XII du nom se pencha de nouveau par-dessus sa tribune et lui redemanda:
« Avez-vous des questions ou contestations à soumettre ?
- Heu…je…
- Parfais, coupa Mumiah XII du nom de plus en plus impatient. Continuons ! »
Et il frappa une nouvelle fois sur le pivot. Le petit vieux reprit une profonde inspiration et débita aussi rapidement que sa précédente tirade:
« Miss Granger a pour mission de trouver et de détruire les Horcruxes créés par Tom Elvis Jedusor. Elle ne devra en aucun cas intervenir dans le combat qui mettra fin à l'ascension au pouvoir de Tom Elvis Jedusor. Cette tâche incombe à Monsieur James Charlus Potter, Monsieur Remus John Lupin, Monsieur Sirius Phineas Black, Monsieur Peter Nikolas Pettigrow et Miss Lily Evans. La réussite de la chute de Tom Elvis Jedusor est fondée sur la compétence de Miss Granger à endommager son âme. »
Mumiah XII du nom, les sourcils froncés, regarda Hermione qui enregistrait difficilement les informations, ne voulant pas y croire tellement cela lui semblait fou.
« Sachez Miss que cette mission est de la plus haute importance et que tous ceci n'est pas un rêve mais bien la réalité. Il vous est, bien entendu, défendu d'en parler à quiconque. Il vous faudra travailler dans l'ombre et vous serez seule. Je ne vous cache pas que ce sera difficile mais le sort du Monde dépend de vos agissements. Tenez en compte, cela vaut bien tous les sacrifices.
- Mais…tenta Hermione, l'air perdu.
- Bonne chance et au plaisir de vous revoir Miss, l'interrompit une dernière fois Mumiah XII du nom».
Mumiah frappa une dernière fois sur le pivot et Hermione se sentie happée en arrière. Elle essaya de crier mais aucun son ne sortit de sa bouche. Elle entendit au loin une voix résonner:
« Moi, Elemiah XXVIII du nom, Premier juge de la Chambre des transitions, je déclare le procès numéros 85247413844846478291619421457941279571597526529557615960 ouvert ! »
Dans le brouillard opaque où elle était aspirée, une silhouette familière sembla se découper, mais elle n'eut pas le temps de prononcer son nom qu'elle fut emportée des une tourbillon de lumière blanche.
Elle disparaissait vers un autre temps où elle n'aurait même plus le droit d'être faible.