Hej tout le monde! De retour, après une groooooosse pause, je sais... C'est donc avec mes plus plates excuses que je vous présente le chapitre quatre! Bonne lecture!
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Ivan passa les grandes portes du lycée, et marcha droit vers les casiers. Il avait entendu la bretelle de son sac craquer lorsqu'il marchait, et il préférait éviter d'avoir à ramasser ses affaires éclatées sur le sol. Il fit rapidement le code de son cadenas, et tourna la tête. Rien n'avait vraiment changé. Alfred était encore entouré de sa clique, tous occupé à rire de la moindre de ses boutades. Non, il n'avait pas changé. Il avait toujours ce même sourire immense aux lèvres et les yeux pétillants. Quoique… si, quelque chose avait changé. Ivan haussa un sourcil. Le héros du lycée portait des lunettes ? Depuis quand ? Il s'en détourna cependant bien vite. Il vida son sac des cours inutiles pour la matinée, et referma la porte métallique. Il avait deux heures de Littérature –en Anglais bien sûr- avec Gilbert, puis…
-Salut.
Il ne sursauta pas, mais écarquilla les yeux avant de se retourner. Alfred était planté devant lui, les yeux arrogants et avec tout juste l'ombre d'un sourire faux. Ivan le toisa, et se força à répondre aimablement :
-Bonjour Alfred. J'ai bien vu ton match. C'était intéressant.
L'Américain se crispa, mais ne rétorqua rien. C'était inhabituel, ça. Ivan sut aussitôt que quelque chose ne tournait pas rond, mais resta fidèle à lui-même et préféra ne rien demander. Pour une fois que ce crétin ne grimpait pas au créneau... Alfred reprit d'ailleurs bien vite :
-Bref. Je voulais te remercier pour Mattie. Tu comptes beaucoup pour lui, après tout tu es son meilleur pote. Et… je suppose que tu l'apprécies aussi.
Ivan acquiesça. Décidément, quelque chose n'allait pas. On aurait presque pu dire qu'Alfred était… mal à l'aise. Du moins, guindé. L'Américain reprit d'une voix rapide et plus basse :
-Enfin, il est en couple, tu le sais, non ?
Ah, ils y étaient. Ivan soupira de soulagement, comprenant enfin les intentions du blondinet. Il sourit avec candeur.
-Voyons Alfred, mes relations avec Mattie sont purement platoniques et amicales. Tu devrais le savoir.
Les épaules d'Alfred se détendirent aussitôt et il reprit son immense sourire.
-Oh ! Parfait ! Dans ce cas, je ne te dérange pas plus longtemps.
Ivan aurait pu soupirer de soulagement –rien que pour faire comprendre à ce foutu quarter back que sa présence l'horripilait. Mais il y avait toujours ce quelque chose qui n'allait pas. Une note fausse dans cette conversation. Qu'est-ce que ce yankee sous-entendait ? Ivan fronça les sourcils.
-Et puis je n'aime pas les garçons, reprit-il en ajustant la bretelle de son sac.
Le sourire d'Alfred se figea quelque peu et ses yeux s'agrandirent de surprise. Il laissa échapper un drôle de rire.
-Oh, mais tu fais comme tu veux, tu sais ! J'étais juste inquiet pour Mattie. Comme vous êtes toujours fourrés ensemble, j'ai pensé que… Enfin tu vois.
Il se força à reprendre son attitude détendue, et tourna les talons.
-Bon, à plus !
Ivan le regarda retourner avec ses amis, perplexe. Cette conversation était vraiment étrange. Est-ce que Jones avait pris un coup sur la tête durant cette fameuse bagarre ? Où avait-il appris à être aussi aimable ? Mais plus important…
Est-ce qu'il lui avait souri ?
La matinée passa à une lenteur affolante. Les professeurs leur rendirent plusieurs devoirs –une mauvaise note en Anglais, et une excellente en Biologie. Bizarrement, Ivan avait toujours d'excellentes notes à cette matière. Surtout dès qu'il s'agissait de disséquer quelque chose et d'identifier les différentes viscères. Bien heureusement, l'heure du déjeuner arriva enfin, et Ivan pu rejoindre Matthew devant le casier de ce dernier. Il fronça néanmoins les sourcils en voyant son meilleur ami en pleine conversation avec Alfred. Ce n'était pas rare, loin de là. Mais d'habitude, Matthew écoutait juste les fanfaronnades de son frère d'une oreille distraite, et Alfred bavassait joyeusement avec un sourire enfantin plaqué au visage. Mais cette fois-ci c'était un peu différent. Alfred ne souriait pas. Au contraire, il avait l'air préoccupé, voire franchement nerveux, et même perdu. Matthew quant à lui parlait à voix basse, une main sur l'épaule de son jumeau et visiblement en train d'essayer de le rassurer. Alfred posa alors les yeux sur Ivan, esquissa un drôle de rictus et se détacha de Matthew.
-J'y vais. A plus tard, Mattie.
Il recula et se retourna pour s'éloigner vers sa petite amie qui l'attendait avec ses copines. Déjeuner en tête à tête sur le terrain de football ? Ivan le suivit du regard cependant, légèrement désappointé malgré lui. Jones agissait vraiment bizarrement ces derniers temps. Il rejoignit Matthew et retrouva le sourire.
-Salut Mattie ! Comment vas-tu ?
Le Canadien se tourna vers lui, le dévisagea quelques secondes d'un œil vide, puis sursauta.
-Ivan ! Pardon, j'étais… perdu dans mes pensées.
-J'ai vu ça.
L'air soucieux de Matthew l'inquiétait. Bien sûr, il avait souvent l'air vaguement agacé, surtout après avoir croisé son énergumène de frère, mais cette fois-ci était… Ivan retint un soupir. Cette journée était décidément foutrement bizarre. Matthew retrouva alors un léger sourire et secoua la tête.
-C'est rien, juste un weekend un peu… compliqué. Tu viens ?
Cette fois, le toit était désert. Peut-être était-ce en rapport avec la couche de neige qui avait recouvert la ville. Un vent glacé leur sifflait aux oreilles, mais ni Matthew, ni Ivan ne semblait s'en préoccuper. Pourtant, Ivan n'aimait pas vraiment le froid. Il y était juste habitué, et puis les basses températures avaient le mérite d'éloigner les autres élèves. Et en cas de coup de vent, il avait toujours son écharpe. Il posa les yeux sur Matthew, qui n'avait presque pas touché à son déjeuner. Ivan rangea les restes du sien, et demanda :
-Vous parliez de quoi, avec Alfred ?
Matthew se redressa, surpris, et croisa son regard.
-Oh, pas grand-chose.
-Il avait l'air embêté.
-Hm, un peu… C'est… compliqué avec sa copine en ce moment.
Ivan cligna des yeux. Il savait reconnaitre un mensonge quand il sortait de la bouche de Matthew, et il devinait sans mal qu'il y avait autre chose, une chose un peu plus grave qu'une querelle de ménage. Il se gifla intérieurement. Depuis quand le cas de Jones l'intéressait ? Non, il s'inquiétait juste pour Matthew. Oui, ça devait être ça. C'était normal de s'inquiéter pour son meilleur ami, après tout. Il leva les yeux sur les nuages lourds de neige.
-Il est venu me voir ce matin. Il pensait que je te tournais autour.
Il pouffa légèrement, mais s'arrêta net en voyant que Matthew pâlissait. Le sourire du grand Russe se teinta de sarcasme :
-Il me déteste tellement, que ça le tuerait si je lui disais que j'avais le béguin pour toi, da ?
-Il ne te déteste pas.
Les mots étaient sortis de la bouche de Matthew sans qu'il puisse y réfléchir. Et Ivan sut aussitôt qu'il ne disait pas ça uniquement pour arrondir les angles. Il le dévisagea, incertain.
-Matthew, il a rempli mon casier de soda l'an dernier.
-Je sais.
-Il a vidé une boîte entière de vers de terre venant du laboratoire de Biologie dans mon sac de cours. Vers de terre que je lui ai fait avaler de force.
-Je sais ça aussi !
Ivan se tut. Si Matthew Williams élevait la voix, il fallait s'attendre à tout. Il inspira profondément, et souffla de son ton habituel :
-Il ne te déteste pas. C'est tout.
-Tu lui as dit d'essayer d'être gentil avec moi. Tu essaies encore de nous faire devenir amis, da ? Tu sais bien que c'est peine perdu.
Matthew hésita, puis acquiesça lentement. Il passa une main sur son visage, dépassé.
-Il… Il n'est pas comme tu crois, Ivan… Pour tout le monde au lycée, il est l'idiot populaire qui rit et sourit tout le temps. Mais… Calice, c'est si compliqué…
Ivan le dévisagea en silence. Qu'est-ce que pouvait bien cacher Alfred F. Jones sous son foutu sourire ?
Ivan dissimula un bâillement et jeta un nouveau regard à la pendule accrochée au-dessus du tableau. Il restait une bonne vingtaine de minutes avant la sonnerie qui annoncerait la fin des cours. Il souffla, et baissa les yeux sur le professeur qui continuait de déblatérer quelque chose à propos de la Guerre Civile. Lorsqu'il avait expliqué en début d'année en quoi consisterait le programme d'Histoire, Ivan avait tout de suite su qu'il réserverait ces heures pour rattraper son sommeil en retard. Ce qu'il avait toujours fait dans la plus grande discrétion, et ce malgré la présence de Gilbert à ses côtés. Peut-être parce que ce dernier aussi somnolait la plupart du temps. Mais pour une fois, Ivan n'arrivait pas à fermer l'œil. Ce lundi était à retenir comme l'une des pires dates de l'année. Premièrement, il avait appris que ce sale capitaliste amateur de hamburger et de soda –soda à rendre aveugle n'importe qui au bout d'un an tant il contenait d'aspartame- voulait améliorer leur relation, malgré toutes les humiliations qu'il lui avait fait subir depuis leur entrée au lycée –humiliations qu'Ivan lui avait bien rendues, par ailleurs. Secondement, Matthew semblait plus déprimé que jamais, au point d'envoyer balader Gilbert lorsque ce dernier lui avait proposé un petit tour dans le local du gymnase –Ivan ne voulait même pas savoir ce qui pouvait bien se passer dans ce foutu local. Troisièmement, leur professeur de Sciences Physiques avait eu la merveilleuse idée de leur demander de réaliser un exposé en binôme, et évidemment il était tombé sur Beilschmidt. Fichu mauvais karma. Il était temps que la journée se termine, qu'il puisse rentrer chez lui et se détendre en écoutant de la musique –son coup de cœur du moment étant Casse-noisette de Tchaïkovski.
Il leva un nouveau regard implorant à la pendule. Dix-neuf minutes restantes. Le professeur lui jeta alors un regard noir, et il se remit à écrire son cours. Du moins l'enseignant le croyait-il, et à moins de lire suffisamment le cyrillique pour comprendre l'écriture rapide et brouillonne d'Ivan, il ne pourrait pas prouver le contraire. Le jeune Russe écrivait rarement en Anglais, comparé à ses chers camarades de classes. A l'exception de ses contrôles, tous ses cours étaient rédigés dans sa langue maternelle car bien qu'il ait grandi aux Etats-Unis, il avait d'abord appris à écrire avec sa sœur, et à cette époque ils n'étaient pas censés rester dans ce pays plus de quelques mois. Et puis leur père était parti, et ils étaient devenus malgré eux pupilles de la nation. La main d'Ivan se crispa sur son stylo à cette pensée. Le pauvre morceau de plastique craqua dans son immense main, et lui éclata entre les doigts en répandant son encre. Fichu lundi. Il soupira lourdement et leva sa main propre pour demander à aller aux toilettes. Personne ne moufta et le professeur acquiesça en levant les yeux au ciel.
Ivan inspira profondément une fois dans le couloir désert. Il n'aimait pas la solitude, mais il préférait toujours ça à une pièce bondée où personne ne lui adressait un mot. Il se mit en marche, surprenant des bribes des cours se déroulant près de sa salle. Il pensa à Matthew, qui avait une heure de Français en option. Au moins il n'était pas le seul à finir tard. Il poussa la porte des toilettes. Plus que quinze minutes, peut-être dix maintenant. Il alluma le robinet, et commença à frotter les tâches bleues qui s'accrochaient à sa peau laiteuse. Qui s'était dit qu'il serait intelligent d'inventer une encre qui résiste à l'eau ? Un bruit attira alors son attention et il cessa de bouger pour écouter. Un défaut de plomberie ? Le bruit se répéta alors et Ivan fronça les sourcils en reconnaissant le bruit caractéristique de quelqu'un en train de vomir. Ou plutôt en train de se faire vomir si on en croyait les haut-le-cœur forcés, douloureux. Ivan resta immobile, perplexe et vaguement inquiet. Il connaissait un peu trop bien le problème, sa grande sœur ayant été malade pendant une bonne partie de son lycée. Le verrou tourna alors, et la porte s'ouvrit. Ivan écarquilla les yeux. L'autre l'aperçut, se figea, et ouvrit la bouche pour dire quelque chose, sans résultat. Ivan lâcha avec stupéfaction :
-Alfred ?
L'Américain le dévisagea avec horreur, les yeux rougis et le teint crayeux, puis déglutit et se lava les mains en tremblant. Il s'appuya alors sur les bords du lavabo et articula d'une voix plus aigüe et tremblante :
-T'étais pas censé voir ça, Ivan…
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Et le cinq est toujours en cours... J'espère que ça vous a plu, et laissez un petit commentaire! A bientôt!
