Titre : Le Portrait
Pairing : Nijimura x Akashi
Rating : T
Genre : UA, Romance
Disclaimer : les personnages ne m'appartiennent pas... pas encore !
Information : Les chapitres de cette fiction seront comme d'habitude corrigés par Louna Ashasou ; n'hésitez pas à aller jeter un coup d'oeil sur son profil et ses fictions, ainsi qu'un grand merci à elle !
Note de l'auteur : Bonsoir tout le monde, comment allez-vous ?
Oui oui, je vous propose encore un nouveau projet alors que j'ai déjà deux fictions en cours sur ce fandom... mais que voulez-vous, j'aime Nijimura et il fallait bien que je le mette avec Akashi un jour ou l'autre ! Et puis, c'est pour la bonne cause : ce couple est tellement adorable!
Donc voici mon tout premier Nijimura x Akashi, le premier même sur le fandom FR si je ne me trompe pas !
J'espère beaucoup que cette petite histoire (qui ne doit pas faire beaucoup de chapitres) vous plaira autant que moi j'ai apprécié l'écrire ! N'hésitez surtout pas à commenter, je vous souhaite une bonne lecture :D
Le portrait
Chapitre 1
Il était exactement six heures du matin, et il était en ce moment même en train de regarder le nom qui s'était affiché sur son téléphone : la personne qui osait le déranger à une heure pareille allait l'entendre. Nijimura jura tandis que la sonnerie désagréable venait agresser ses oreilles encore endormie. Ses sourcils se froncèrent tandis qu'il pesait le pour et le contre de répondre ou non à cet appel ; après tout c'était le travail, et ce dernier lui permettait de remplir son réfrigérateur, d'avoir un logement décent et de quoi s'habiller. Cependant, ce n'était pas marqué dans son contrat qu'il devait servir d'esclave à Akashi Seijūrō.
Il avait vérifié.
Nijimura soupira avant de décrocher. Il n'eut toutefois guère le temps de formuler les politesses que la voix d'Akashi résonnait déjà dans son crâne.
« Quand je t'appelle, je veux que tu me répondes immédiatement.
— Je m'en souviendrais… »
Comme les milles autres remarques qu'avaient pu lui faire l'adolescent alors que Nijimura ne travaillait pour lui que depuis la semaine dernière. Lorsqu'il venait chercher le rouquin chez lui, celui-ci se plaignait du peu de modernité de son véhicule qui devait assurément dater de l'antiquité, ou encore de l'odeur de cigarette qui persistait malgré l'utilisation de divers produits odorants ou l'ouverture des fenêtres. C'était la même chose avec sa façon de se tenir, trop rustre selon Akashi.
« Je tiens à souligner tout de même que lorsque je serais en réunion, ou simplement occupé à autre chose, il te faudra patienter. »
De plus, s'il y avait bien quelque chose qu'Akashi détestait chez lui et lui faisait remarquer à chaque fois : c'était bel et bien que Nijimura n'avait pas sa langue dans sa poche. Le brun ne se laissait pas marcher sur les pieds, et surtout pas par un gosse bien plus jeune que lui.
A travers son téléphone, Nijimura entendit parfaitement le juron du garçon et sourit en coin. Issu d'une famille riche, Akashi était un enfant qui avait grandi dans un tout autre environnement que Nijimura ; une grande fortune entretenue par son père, recevant une des meilleures éducations avec des professeurs hautement qualifiés qui faisaient le déplacement jusqu'à sa chambre, des domestiques prêts à répondre à la moindre de ses demandes… Tout avait toujours été à sa portée, il n'avait donc pas l'habitude qu'on lui résiste ou encore qu'on lui réponde.
Enfin, l'adulte avait beau faire la forte tête… il s'agissait là de son travail tout de même.
Nijimura se redressa alors afin de s'asseoir sur son lit, passant sa main par-dessus ses yeux encore endormis. Un long bâillement le prit soudain alors qu'il tenait toujours son téléphone contre son oreille, permettant ainsi à Akashi de l'entendre se réveiller tranquillement. Les commentaires à propos de ses manières ne manquèrent pas de nouveau, mais Nijimura s'en ficha comme de sa première chemise. Chemise qu'il allait devoir par ailleurs enfiler dans les minutes à suivre puisque Akashi ne l'avait certainement pas appelé pour prendre simplement de ses nouvelles.
« Pourquoi tu m'as réveillé au juste ? Demanda-t-il finalement, tout en quittant à grand regret son lit.
— Mon chauffeur est malade. Viens me chercher. »
Tout en roulant des yeux, Nijimura se mit en direction de sa salle de bain. Il lui faudrait au moins une bonne douche afin de complètement se réveiller et être réactif.
« Je serais là dans une demi-heure, prévint-il tout en commençant à retirer le caleçon qui lui servait de pyjama.
— Je ne t'ai pas appelé pour que tu me fasses attendre. Viens me chercher tout de suite, insista Akashi d'un ton impérieux qui en aurait fait courber plus d'un.
— Pour éviter toute remarque sur mon hygiène, j'entre déjà à l'intérieur de ma douche alors je raccroche. »
Seulement, Nijimura était l'exception à la règle, qui voulait que tout le monde lui obéisse au doigt et à l'œil ; et cela dérangeait énormément Akashi.
De l'autre côté, le brun entendit Akashi élever le ton tout en le mettant au défi de rompre la communication. Ce fut donc avec un sourire amusé que Nijimura appuya fièrement sur le bouton en question, déposant par la suite son téléphone sur une étagère.
Tandis que l'eau s'écoulait sur son corps, Nijimura se demanda une énième fois pourquoi il avait décidé de prendre ce travail et surtout pourquoi il continuait à subir les désirs de « sa majesté Akashi ». Son adversaire n'était qu'un lycéen de quinze ans alors que lui était un adulte responsable de vingt-trois ans. Il avait passé l'âge de se faire marcher sur les pieds, et bien qu'il courbait de temps à autre l'échine pour garder son travail et obéir au jeune homme, cela ne lui enlevait néanmoins pas sa façon de penser et encore moins son répondant.
Sortant rapidement de sa douche pour se sécher et revêtir des vêtements propres, Nijimura embarqua à sa suite une pomme de sa corbeille à fruits pour la manger en route. Certes il appréciait peut-être jouer avec le feu, mais il n'était ni suicidaire ni totalement masochiste. Il entra ensuite dans la voiture de fonction qu'Akashi lui avait fait parvenir, après l'accord de son père. L'intéressé n'allait pas s'en plaindre, malgré le fait qu'il regrettait de ne plus avoir besoin d'utiliser sa toute première voiture qu'il avait achetée avec son propre argent et sa sueur.
Seulement, un Akashi ne comptait pas être vu descendre d'une vieille voiture qui menaçait de s'écrouler à chaque instant.
Quelques minutes plus tard, Nijimura arriva à la demeure de la famille Akashi. Il n'eut guère besoin de sortir du véhicule qu'il remarqua qu'Akashi l'attendait devant les portes de sa maison. L'adolescent avait les bras croisés contre son torse et se tenait parfaitement droit, donnant ainsi l'impression à Nijimura qu'il avait pris cinq centimètres en l'espace d'une seule nuit. Sans le moindre remord envers son attitude précédente, Nijimura monta les marches qui le sépara du garçon après être descendu de la voiture. Celui-ci le fixait de ses yeux sanglants où la colère encore présente faisait se volter des flammes derrière ses iris.
« Tu as dix minutes de retard, grogna Akashi avant de dépasser Nijimura et de rejoindre la voiture.
— En réalité, tu voulais que je remplace l'odeur de la cigarette par celle de la transpiration ? » Se moqua-t-il.
Akashi s'arrêta pour lui jeter un regard noir. Son attitude amusa Nijimura qui descendit les marches et vint ouvrir la portière à sa majesté qui s'assit sans dire quoique ce soit, regardant droit devant lui désormais. Nijimura referma la portière derrière lui et vint retrouver sa place en tant que conducteur, observant pendant un instant le reflet d'Akashi dans le rétroviseur intérieur.
« Où allons-nous ? Demanda-t-il enfin.
— Chez Art & U. »
Les sourcils froncés, Nijimura fit passer son bras autour de son appui-tête afin de pouvoir se retourner et dévisager le rouquin. C'était une plaisanterie ? Ce nom qui venait de traverser ces lèvres comme pour parler du beau temps : il s'agissait en réalité de journalistes experts en matière d'art. Devant son manque de réactivité, Akashi soupira tout en croisant de nouveau les bras contre son torse et ancra son regard dans celui agrandi du brun.
« Pouvons-nous y aller maintenant ? Nous sommes déjà en retard. »
Ce fichu gosse de riche… comment pouvait-il…
Nijimura se retourna brusquement et enclencha de nouveau le moteur du véhicule, sortant ensuite du jardin de la demeure Akashi avant de rejoindre la circulation. Il n'avait pas besoin d'allumer le GPS pour savoir où se situait l'immense building qu'occupait l'entreprise journalistique Art & U. Après tout, c'était son travail de savoir ce genre de choses et d'être disponible pour celle-ci. Contre son front, ses tempes battaient et ce n'était jamais bon signe.
Le trajet se fit dans le plus grand des silences, et bien que Nijimura jetait des regards menaçants grâce à son rétroviseur vers Akashi, celui-ci n'en avait que faire et observait simplement le paysage défiler sous ses yeux. Ce fut seulement quand ils arrivèrent sur le parking de l'immeuble où l'enseigne Art & U resplendissait que Nijimura sortit de la voiture pour aller ouvrir à Akashi qui ne l'attendit pas pour se mettre en route.
Tout en accompagnant Akashi à la rencontre des journalistes qui désiraient l'interviewer, Nijimura patienta sur le côté tandis que le rouquin et deux autres adultes s'installèrent dans une pièce. La vitre qui séparait les deux endroits permit au brun d'apercevoir Akashi sans pour autant être capable d'entendre quoique ce soit. Appuyé contre un mur de l'agence, Nijimura avait à son tour croisé les bras contre son torse et observait attentivement la gestuelle de son protégé qui devait comme à son habitude s'exprimer calmement et sans la moindre once d'anxiété.
« Ce n'est pas trop dur d'être le manager d'Akashi Seijūrō ? »
La soudaine intervention sortit Nijimura de ses pensées, dirigeant ainsi son regard voilé par la colère vers cet homme qui venait d'apparaître comme par enchantement. Il se redressa rapidement et le salua.
« Non. Il suffit juste d'avoir du caractère et de ne pas se laisser marcher sur les pieds. » Répondit-il bien que c'était un demi mensonge.
Bien sûr que c'était compliqué d'être le manager de ce fichu gamin qui se croit au-dessus de tout, assez en tout cas pour prendre par lui-même des rendez-vous avec des journalistes et répondre à leurs questions sans la moindre préparation. C'était à se demander si Akashi était sérieux envers sa réputation de peintre prodige. Nijimura ne pouvait croire que ce garçon n'était qu'en première année au lycée, en vue de sa maturité sur certains points et de son éloquence, ainsi que sa façon de se comporter avec son environnement.
Akashi était à la fois un peintre et son propre manager, interchangeant lorsque la situation l'imposait.
Cet homme qui était venu discuter avec lui disparut un peu plus tard, laissant de nouveau Nijimura observer d'un œil toutefois absent le jeune homme qui répondait docilement aux questions de ces journalistes.
Justement, à l'intérieur de la pièce, Akashi commençait déjà à en avoir assez. Il n'avait jamais apprécié s'adresser à des journalistes toujours trop curieux et se mêlant de ce qui ne les regardait pas. Toutefois, sa carrière ne pouvait pas décoller davantage et resplendir encore plus sans eux. Akashi devait donc se les mettre dans la poche le plus rapidement possible.
« Vous avez commencé à peindre assez tôt, n'est-ce pas Akashi-san ? L'interrogea un homme dont les cheveux commençaient à être inexistants sur son crâne.
— En effet. J'ai même retrouvé récemment un carton avec des dessins que je faisais étant petit.
— D'où vous vient cette passion pour la peinture d'ailleurs ? Rebondit alors l'autre journaliste bien plus jeune.
— De ma mère. Elle aimait les dessins que je faisais enfant, alors je m'évertuais à toujours donner mon maximum pour à chaque fois lui offrir le plus beaux de mes dessins. »
La façon dont ce garçon parlait de lui, comme s'il n'était plus un enfant depuis longtemps, surprit les journalistes. Cependant, ils ne pensèrent pas nécessaire d'interroger le rouquin sur ce point et privilégièrent plutôt ce nouveau fait : Akashi peignait pour rendre sa mère heureuse. Ils posèrent diverses questions à ce propos, demandant avec quel ustensile Akashi avait commencé à dessiner ainsi qu'à peindre, comment il avait décidé de se lancer dans la peinture et ainsi devenir célèbre. Tout un tas de questions qui lassèrent davantage Akashi, qui avait de plus en plus hâte de quitter cette pièce et de retourner chez lui.
En voyant ces deux journalistes se jeter un regard entre eux avant que le plus vieux ne referme son petit calepin, Akashi se dit mentalement que cet entretien touchait enfin à sa fin. C'était sans compter pour la jeune pousse qui décida de poser son ultime question, en tant que fan des peintures de la personne qui se tenait en face de lui :
« J'ai remarqué pendant mes recherches à votre propos, que vous n'aviez peint que des paysages, réalistes ou non. Pourtant, le tableau qui vous a fait connaître était un portrait… »
Le regard sanglant d'Akashi se plissa instantanément, faisant alors se redresser brusquement Nijimura qui de l'autre côté de la vitre avait remarqué le changement d'attitude. Malheureusement, il ne pouvait entendre ce qui était en train de se dire et ainsi connaître la raison de la soudaine réponse négative d'Akashi.
Les poings contractés, Akashi tenta de se calmer et inspira alors longuement et le plus discrètement possible.
« En effet. Mais vous avez tort sur un point : ce n'était pas exactement un portrait. Une figure humaine apparaît, mais ce n'est pas le point essentiel de l'œuvre, le coupa Akashi en essayant de rester le plus neutre possible.
— Il est vrai que la silhouette et en retrait et que nous ne voyons pas son visage, mais sa longue chevelure nous indique qu'il s'agit d'une femme.
— Où voulez-vous en venir ? Continua Akashi dont la voix commençait à dérailler, ses poings se contractant davantage.
— J'aimerai savoir pourquoi vous ne peignez plus de portrait, répondit le journaliste.
— Car l'être humain n'est pas intéressant. Il est remplit de vices et de contradictions. Je le trouve laid et sans le moindre attrait. »
La réponse d'Akashi était sèche, impérial, laissant les deux journalistes pantois. Il se leva ensuite de sa chaise et se pencha légèrement vers l'avant, de façon à peine visible, avant de prendre le chemin de la sortie. Il n'avait plus rien à ajouter et avait besoin de prendre l'air. Sa route pour rejoindre l'extérieur croisa la trajectoire de Nijimura qui vint le retrouver, commençant à son tour à lui poser des questions sur l'entretien mais Akashi poursuivit son chemin sans même lui adresser un regard.
De retour sur le parking, Akashi patienta au niveau du véhicule pour que Nijimura lui ouvre de nouveau la porte. Seulement, une fois que le brun l'eut rejoint il n'en fit rien. A vrai dire, le brun attendait des explications et ne comptait pas ouvrir la voiture sans obtenir la moindre réponse. Akashi aurait beau lui jeter des regards assassins comme dès à présent, cela ne changerait aucunement la donne.
« Je peux au moins savoir pourquoi tu ne m'as pas tenu au courant de cette interview ? Je suis ton manager, c'est mon rôle de m'occuper de ce genre de tâches. J'suis pas qu'un taxi, marmonna-t-il par la suite.
— Je n'ai pas besoin de toi ni de quelqu'un d'autre. Je peux me charger parfaitement seul de ma carrière et de moi-même. »
Un soupir agacé traversa les lèvres de Nijimura. Ce gamin était vraiment infernal.
Les clés de la voiture en main, il déverrouilla celle-ci et Akashi entra par ses propres moyens. Tout d'abord étonné par l'attitude du plus jeune, Nijimura haussa simplement des épaules avant de retrouver sa place et de s'éloigner de cet endroit. Akashi et Nijimura ne parlèrent aucunement de ce qui avait été dit pendant l'interview, et lorsque l'article en question sortit au grand jour, les deux journalistes n'avaient pas retranscrit la dernière question ainsi que sa réponse.
Les jours qui s'ensuivirent, Akashi les passa à peindre dans l'atelier qui avait été aménagé pour lui. Une immense pièce où les murs et le sol avaient été recouverts de bâches et où plusieurs pots de peintures ainsi que chevalets étaient éparpillés un peu partout. Certains tableaux, terminés ou en cours, étaient délicatement posés en biais contre les murs. Ceux terminés étaient à leur tour entourés par un papier protecteur, n'abîmant aucunement la peinture et la protégeant des agressions extérieures.
Nijimura resta dans l'embrasure de la porte menant à l'atelier du prodige, appuyé contre le montant à observer le plus jeune en train de peindre, ou en train de chercher l'inspiration pour le faire. C'était l'une de ses activités préférées : ce gamin qui restait aussi muet qu'une carpe, regardant fixement le tableau blanc avec les bras le long de son corps sans même un pinceau dans l'une de ses mains. Puis, quand l'inspiration semblait l'avoir frappé, Akashi s'emparait de son matériel et tout devenait frénétique. Tout s'enchaînait à une allure folle, donnant pratiquement le vertige à Nijimura alors que l'artiste ne bougeait pas plus que nécessaire, se reculant simplement de temps à autre ou se décalant afin de pouvoir atteindre tous les angles de son tableau.
Peu de personnes avaient l'autorisation, ou voire même le privilège, d'assister gratuitement à ce genre de spectacle. La gestuelle d'Akashi, sa maîtrise des divers pinceaux et de sa dextérité à peindre sur une toile blanche les idées qui lui traversaient l'esprit : laissait toujours sans voix Nijimura. De toute évidence, Akashi n'avait pas volé son titre de prodige. Il en était réellement un.
Reconnu lors d'un simple concours de peinture mettant en compétition plusieurs collèges, Akashi y avait présenté sa première œuvre : A l'heure du thé. Ce tableau fit énormément parler de lui, parvenant jusqu'aux journaux télévisés et dans les journaux papiers. Pendant plusieurs semaines, on ne parlait plus que de cette œuvre remplit de verdure, où une silhouette féminine se définissait faiblement à travers les herbes hautes et le feuillage des arbres dansants. C'était comme si le spectateur était agrippé par la peinture pour l'emmener participer avec cette femme à la douce caresse d'un vent printanier joueur.
Ce tableau, comme tout le monde, Nijimura en était tombé sous le charme. Il le trouvait magnifique ; et se dire qu'un enfant de treize ans l'avait peint l'étonnait toujours. Il n'arrivait pas à le croire, se demandant comment un enfant aussi jeune pouvait à ce point capter le regard d'une personne sur son œuvre, mais surtout se demandant comment il avait pu être capable d'à ce point maîtriser les environnements tels que les arbres, l'herbe, ainsi que le ciel et cette silhouette humaine qui invitait quiconque à la rejoindre.
Akashi était un réel prodige qui depuis lors, n'avait plus jamais fait apparaître une silhouette humaine dans ses chefs-d'œuvre. Car même si le jeune garçon ne peignait plus que des paysages, son succès ne faisait que croître de jour en jour.
Nijimura sortit de ses songes en observant Akashi se reculer de plusieurs pas, s'essuyant le front où une pellicule de sueur s'était formée, avant de grogner des paroles que ne comprit pas le brun. Il s'approcha alors de son protégé et observa d'un peu plus près sa nouvelle œuvre : un mélange de couleurs vives et sombres qui représentait l'un des ponts les plus célèbres d'Amérique, une vue typique qui pourtant dévoilait une part de mystère, captivant de nouveau le regard du spectateur qui se sentait comme aspiré par l'œuvre. Nijimura avait en tout cas cette impression, mais Akashi ne semblait pas satisfait par le résultat de son travail.
« Qu'est-ce qui cloche ? S'enquit-il alors que pour lui le tableau semblait parfait.
— Ça ne va pas. Il manque quelque chose… mais qu'est-ce que c'est… »
Les marmonnements d'Akashi reprirent de plus belle, se concentrant davantage sur son œuvre tout en faisant quelques pas sur les côtés avant de se repositionner en face de celle-ci. Il s'abaissa, se redressa, pencha sa tête sur le côté puis de l'autre, mais rien ne lui vint à l'esprit. Ce sentiment de manque, d'incomplet, l'agaçait prodigieusement. Il n'avait pas l'habitude de se sentir coincé, et ça l'énerva davantage.
« Fais donc une pause ! Ça ira sûrement mieux avec un peu de recul, crois-moi, lui conseilla Nijimura.
— Serais-tu peintre toi aussi ? Lui demanda tout à coup Akashi tout en continuant de regarder sa peinture.
— Non, pourquoi ?
— Alors ne me dis pas comment me comporter. Je pense que je le sais mieux que toi. »
Voilà que ça recommençait, la langue de vipère était de retour.
Nijimura se gratta un instant la nuque tout en grognant divers injures auxquelles Akashi ne fit aucunement attention, puis, un sourire s'étira sur les lèvres du brun. Sans plus attendre, il sortit de l'atelier du rouquin et traversa la cuisine où se trouvait une domestique, lui demandant alors de préparer de quoi goûter et de le prévenir lorsque ce serait prêt. Il demanda aussi une faveur à un autre domestique avant de monter les escaliers. Etant venu de nombreuses fois dans cette maison, et ayant même rencontré le père d'Akashi à plusieurs reprises, Nijimura savait parfaitement où menait chaque couloir et ce qu'ouvrait chacune des portes.
Il savait donc exactement où se situait la chambre d'Akashi.
Quelques minutes plus tard, la domestique gérant la cuisine le prévint que le goûter était servi avec du thé dans le salon, alors Nijimura la remercia. De nouveau seul dans la chambre du rouquin, son regard se dirigea vers la commode où reposait le violon de son protégé. Parfois, alors qu'il arrivait dans cette demeure, Nijimura avait entendu une personne jouer de cet instrument sans savoir qu'en réalité il s'agissait d'Akashi ; et comme pour la peinture, le rouquin était très doué avec l'instrument. Il savait aussi qu'Akashi tenait énormément à ce violon, cadeau de sa défunte mère.
« Tu continues à me sous-estimer, hein, Akashi… »
Une lueur de défi se logea derrière ses iris tandis qu'il s'emparait du violon, le positionnant contre son épaule. Il rapprocha par la suite l'archet des cordes et inspira faiblement, régulant les battements de son cœur tout en fermant en même temps les yeux.
Toujours dans son atelier à réfléchir à ce qu'il manquait à sa peinture, Akashi sentit rapidement ses oreilles le démanger. Il ne réalisa que quelques secondes plus tard à quel point le son lui était familier et son épiderme frémit dès lors que les connexions furent établies : quelqu'un utilisait son violon. Sa main lâcha le pinceau qu'elle détenait, tombant contre le sol sans qu'Akashi n'y fasse attention.
Sortant de son espace de travail, Akashi regarda un instant autour de lui. Divers domestiques s'étaient regroupés pour discuter de cette personne qui jouait merveilleusement bien. En effet, la mélodie n'était pas désagréable à entendre, Akashi pouvait le reconnaître, mais il s'agissait là de son violon. Le visage de sa mère le lui offrant lui remontait à l'esprit alors qu'il grimpait les marches par quatre ; son sourire tendre et affectueux toujours inscrit sur le coin de ses lèvres, sa fâcheuse tendance à toujours caresser sa joue par le dos de sa main, et de toujours lui chuchoter tout contre son oreille à quel point elle l'aimait et était fier de lui.
Ce violon était à lui.
La porte de sa chambre claqua contre le mur, produisant un effet de surprise qui fit crisser l'archet contre les cordes. Nijimura se tourna alors vers la personne qu'il savait derrière lui, sereinement. Dans l'embrassure de la porte, Akashi reprenait sa respiration les yeux clos. Il ne tarda cependant pas à les rouvrir pour les fixer sur Nijimura, qui reconnut derrière ce regard les mauvaises intentions que lui destinait le jeune homme.
« Rends-moi mon violon, ordonna Akashi en se rapprochant à grand pas de lui.
— Tiens. » Lui accorda aussitôt Nijimura en le lui tendant.
La facilité qu'il rencontra pour récupérer son bien parut étrange aux yeux d'Akashi. Il n'était pas dupe. Quelque chose se cachait derrière, mais le violon ne semblait pas avoir subi de dommage et Nijimura n'avait plus rien entre ses mains. De quoi pouvait-il donc s'agir ?
« Le goûter est servi dans le salon, et j'ai demandé à l'un de tes domestiques de fermer ton atelier. Tu as besoin de te reposer un peu. »
Les yeux légèrement agrandis, Akashi n'y croyait pas. Il venait de…
« Oui, tu viens de te faire avoir par ton manager ! »
Fier de lui, Nijimura passa sa main dans les cheveux rougeoyants d'Akashi avant de le devancer et quitter sa chambre. Dans son dos, il sentit le regard assassin du lycéen qui jura pendant quelques instants avant de reposer soigneusement son violon sur sa commode. Il ferma par la suite la chambre, non sans jeter un dernier coup d'œil à l'instrument à corde, avant de descendre à son tour les escaliers et de retrouver Nijimura dans le salon.
Il enfourna rapidement un cookie dans sa bouche, tout en restant silencieux.
C'était pendant ces moments que Nijimura retrouvait l'image d'un lycéen de quinze ans, piqué dans son orgueil. Et cette image le fit sourire.
« Comment tu sais jouer du violon ? Lui demanda tout à coup Akashi, curieux.
— Mon père était professeur de musique au conservatoire. Il a essayé de m'apprendre, mais je n'ai réussi à reproduire correctement qu'une seule mélodie.
— Je ne la connaissais pas. » Avoua ensuite le rouquin.
Nijimura se mit tout à coup à rire et Akashi s'interrogea sur la raison. Qu'avait-il pu dire de drôle ? Son ignorance amuserait-elle plutôt le brun ? A cette idée, son regard s'assombrit et il le dévisagea, enfournant un autre cookie dans sa bouche.
« C'est normal, peu de personnes la connaissent. En fait, mon père l'avait composée pour ma mère qui était violoniste. Une demande en mariage, vois-tu…
— Ta mère ne joue plus ? »
Tant d'intérêt pour sa personne, alors qu'habituellement Akashi l'ignorait superbement, surprit un instant Nijimura. Il ne resta pourtant pas bien longtemps silencieux et ne rata pas cette chance de discuter avec le plus jeune. Le monde artistique semblait dénouer sa langue, alors autant en profiter.
« Non, en effet. Mon père est mort à la suite d'une maladie, entraînant avec lui la passion de ma mère pour cet instrument. Enfin… elle est professeur de musique à son tour, au même conservatoire où mon père donnait des cours. »
Après son récit, Akashi acquiesça faiblement tout en terminant son dernier cookie. Il but ensuite quelques gorgées du thé qui lui fut apporté. Une fois qu'il eut tout terminé, il se redressa de nouveau et Nijimura fronça ses sourcils. Il avait regardé sa montre et seulement une vingtaine de minutes s'était écoulée depuis qu'Akashi avait quitté son atelier. C'était bien trop tôt avant de lui faire reprendre la peinture.
Cependant, Akashi ne chercha pas à y retourner. Il se mit même en route pour rejoindre de nouveau sa chambre, se tournant ensuite vers Nijimura qui ne le suivait pas.
« Qu'est-ce que tu attends ? Lança-t-il de sa voix impérieuse, ayant déjà monté les premières marches.
— Pardon ?
— Je veux écouter la composition de ton père, alors joue la moi. Et si ça m'a plu, je te ferais écouter un morceau que m'a appris ma mère. »
Le marché du rouquin fit s'agrandir les yeux de Nijimura. Il ne savait pas quoi lui répondre et se sentit bête. Son corps avança néanmoins par lui-même et il rejoignit Akashi qui s'impatientait, rejoignant ensuite tous les deux sa chambre.
Le violon à nouveau entre ses mains, c'est cette fois beaucoup plus hésitant que Nijimura le cala contre sa nuque et amena l'archet contre les cordes. Il sentait le regard intéressé d'Akashi contre sa peau, assit à quelques mètres de lui. Nijimura était conscient aussi que s'il avait le malheur de rater une seule note, ou bien même d'abîmer ne serait-ce qu'un peu l'instrument : l'archet servirait pour mettre fin à ces jours.
Nijimura inspira de nouveau, plus longtemps cette fois-ci. Ses yeux de nouveau clos tentèrent de se concentrer sur autre chose que la présence d'Akashi à ses côtés. Il repensa alors à sa mère qui interprétait le morceau de son père lors de ses spectacles ; les projecteurs qui illuminaient sa silhouette mise en valeur par une robe faite pour l'occasion, ainsi que la foule qui l'acclamait. Nijimura se souvint ensuite de l'orchestre qui suivait chacune des notes de sa mère, concentrée, rigoureuse, prenant un malin plaisir à faire glisser chaque note pour le plaisir de son auditoire. Car elle savait, elle savait que sur l'un des sièges, son mari était là et la regardait avec désir, avec respect, et surtout avec admiration. Nijimura s'était toujours moqué de l'amour qui liait ses deux parents, trouvant celui-ci trop niais, trop enfantin. Trop irréaliste.
Expirant faiblement, Nijimura entrouvrit ses yeux et se mit à jouer les premières notes. Ces dernières se firent tout d'abord hésitantes avant qu'il ne se ressaisisse et reprenne le contrôle de l'instrument. Akashi observa d'un œil nouveau la personne qui se tenait face à lui ; cet homme qu'il avait trouvé misérable, sans intérêt, et seulement bon à l'emmener à un endroit puis à un autre. Cette personne qui se révélait à l'instant être capable de jouer du violon, qui était parvenu à le piéger en le faisant sortir de son atelier. Sans nul doute, Nijimura Shūzō était une personne rusée et prêt à user de tous les moyens imaginables afin d'arriver à ses fins.
Un discret sourire se forma sur le coin de ses lèvres, bien que son visage resta parfaitement neutre. Peut-être que finalement, ce manager pourrait se démarquer de ses prédécesseurs et qu'il allait peut-être pouvoir faire correctement son travail, sans qu'Akashi use de moyens pour le pousser à démissionner.
Et ça, c'était très intéressant.
Nijimura joua les dernières notes de la composition de son père avant de retirer l'archer de l'instrument, éloignant ensuite le violon de sa nuque pour le tenir entre ses mains. Son regard dirigé vers celui d'Akashi, essayant de découvrir à quoi pouvait bien penser le rouquin. Comptait-il le lapider dans sa propre chambre ou bien allait-il la jouer finement et simplement le virer ? Un tas de possibilités se forma dans l'esprit du manager tandis qu'Akashi resta silencieux, réfléchissant à quoi dire.
« Alors ? Se lança-t-il finalement, puisque ne tenant plus face à ce silence qui l'embarrassait.
— Alors ton père qui n'est pourtant qu'un professeur de musique, a composé là une très belle chanson. »
Un large sourire se forma sur le visage de Nijimura, à la fois heureux de garder son espérance de vie intacte mais aussi de savoir qu'Akashi reconnaissait le talent de son paternel.
Puis, Akashi se releva et vint se poster en face de Nijimura qui retrouva de son sérieux. La main tendue vers l'avant, il comprit rapidement et rendit le violon à son véritable propriétaire ainsi que son archet. Il alla par la suite s'asseoir à son tour et observa Akashi prendre place.
« Cette mélodie n'est pas une composition de ma mère, cependant c'était sa préférée. »
Nijimura acquiesça faiblement avant de croiser ses bras contre son torse. Les premières notes ne tardèrent pas à rejoindre ses oreilles, l'assurance naturelle du jeune homme se reflétant aussi dans sa façon de jouer du violon : c'était net et précis, aucune once d'hésitation ne l'habitait et le rendu de la musique était fabuleux. Attentif à son protégé qui faisait glisser avec une grâce évidente l'archet contre les cordes de l'instrument, Nijimura en restait scotché à sa chaise.
C'était doux, reposant, et toute animosité ou même colère quittait son corps. C'était comme si la sérénité balayait toutes émotions néfastes et le faisait sentir en paix avec lui-même. Pourtant, tandis que Nijimura se sentait plus léger que jamais, il vit l'inverse pour Akashi. Son visage était sombre et il ne semblait pas heureux, ou en tout cas il ne paraissait pas touché par les biens faits de cette musique.
Son attitude empêcha donc Nijimura de se laisser aller, de ne penser à rien d'autre que ce doux vent qui caressait son visage avec tendresse. Son attention restait focalisée sur la silhouette du plus jeune qui semblait plus souffrir qu'autre chose.
Pourquoi Nijimura avait voulu travailler pour Akashi, qui était réputé malgré son jeune âge pour faire fuir tous ses précédents managers ; le brun se posait chaque matin la question. Ainsi que chaque soir avant de se coucher. Seulement, quand il s'apprêtait à tout lâcher et laisser ce fichu gosse de riche à sa galère, Nijimura revoyait au fond de sa mémoire ce sourire aimant qui lui était adressé, cette voix douce qui s'inquiétait de son quotidien qui aurait sûrement inquiété bien du monde, et surtout alerté les autorités.
Fermant ses yeux pour se concentrer sur ce souvenir alors qu'Akashi poursuivait sa mélodie, Nijimura parvint encore à sentir le parfum délicat de cette femme qui l'avait un jour sauvé en le ramassant dans un coin de rue.
Nijimura fut cependant coupé de ses souvenirs nostalgiques par la fin de la chanson. Le regard intéressé du rouquin sur sa personne fit cette fois-ci étiré un maigre sourire sur son visage. Il fit alors claquer ses mains contre ses genoux et se redressa, venant engouffrer sa main dans la chevelure sanguine du plus jeune et le féliciter pour son morceau. Akashi se dégagea rapidement de sa poigne par un geste brusque, s'écartant de plusieurs mètres avant de lui ordonner de le laisser retourner à son atelier.
Son attitude amusa Nijimura qui n'en pipa toutefois pas mot, suivant comme à son habitude le pas d'Akashi qui les fit descendre de l'escalier pour rejoindre la petite pièce où il créait ses chefs d'œuvres. Ils ne reparlèrent pas ce jour-là de ce qui c'était passé dans la chambre du rouquin.
Suite à ce jour, Akashi et Nijimura discutèrent davantage. Le jeune peintre laissa aussi davantage les rênes au brun, qui prenait alors les rendez-vous avec les journalistes quand cela intéressait Akashi et se préparant ensemble sur ce qu'il devrait dire ou comment il devrait agir. Les fois où Akashi séchait lors d'une de ses compositions, Nijimura demandait à ce qu'on lui prépare de quoi grignoter et ainsi une certaine routine s'installa entre les deux hommes. La plupart du temps, Akashi peignait sans adresser la moindre parole à son manager qui restait assis dans un coin à lire un livre ou bien un magazine. Les journées s'écoulaient rapidement, même quand Nijimura commençait à s'ennuyer et décider de se dégourdir les jambes dans la demeure de son protégé. Il discutait alors avec les domestiques, leur proposant son aide, et croisant de temps à autre le chemin du père d'Akashi qui à chaque fois lui donnait des sueurs froides dans le dos.
La prestance d'Akashi malgré ses quinze années était déjà bien importante, mais en rien comparable à celle de son paternel. Cet homme qui dirigeait d'une main de maître une multinationale qui faisait grandement parler d'elle, qui malgré ses rides et son dos courbé paraissait d'une grandeur inégalable. Lorsque son regard croisait celui de cette personne, Nijimura n'avait ni peur ni même ne rencontrait de difficulté à maintenir l'échange ; seulement, il se sentait inférieur. Il savait que ces yeux plissés en continu le jugeaient non pas physiquement, mais bel et bien à l'intérieur pour découvrir sa véritable valeur et comment l'exploiter à son maximum. Et en vue de comment Akashi Masaomi détournait facilement le regard, Nijimura comprenait son silence éloquent : il ne valait rien.
Cet homme qui l'avait vu quelques années auparavant sous son plus mauvais jour, qui l'avait entendu parler et agir quand Nijimura était dans une mauvaise passe, son regard n'avait aucunement changé à son égard malgré les efforts que le brun avait produit pour changer de vie.
Pour Akashi Masaomi, il restait un échec. Une erreur de la société.