Après maintes et maintes tergiversations et maintes et maintes corrections, je vous envoie le premier chapitre de ce que je vous mitonne depuis… plus d'un an. Un grand merci à ma fidèle Eladora, pour ses corrections et ses idées délirantes, folles, pour le résumé, pour ce qu'elle est…
Et un grand merci à Garfieldown qui a fait un boulot considérable, pour ses remarques justes et parfois désopilantes que je m'empresserai de vous faire partager…
Tout ce que vous reconnaitrez est à Madame JKR…
Chapitre 1 : Invitation
Il s'ennuyait. Albus Dumbledore l'ennuyait. Ses collègues l'ennuyaient. Les cours l'ennuyaient. TOUT l'ennuyait depuis maintenant dix ans. Dix longues années d'ennui...
Après de longs mois de convalescence, la guérison totale suite à l'attaque de Nagini avait laissé Severus Snape dans un état de léthargie profonde. Alors qu'il s'attendait à enfin vivre et respirer librement, il s'était enfermé dans une mélancolie qu'il ne pouvait expliquer et encore moins apaiser.
Quand il ressassait les événements vieux d'une décennie, il était envahi d'une tristesse et d'un serrement de cœur indéfinissable et incompréhensible. Pourtant, tout allait bien dans le meilleur des mondes. Voldemort n'existait plus, le château de Poudlard avait été reconstruit tel qu'il était, le monde sorcier était en paix, beaucoup plus que celui des moldus...
Quand il s'y laissait aller, la plongée dans ses souvenirs lui laissait un goût amer. Il avait pourtant tout fait pour que la guerre contre les forces du mal soit gagnée. Il avait protégé Harry Potter et tous les élèves. Le contre-sort pour ramener Albus Dumbledore à la vie avait parfaitement fonctionné. Le Dark Lord avait disparu en poussières, les Mangemorts emprisonnés et lui réhabilité dans le monde sorcier. Alors quoi ? Que lui fallait-il de plus ?
C'était précisément ce que se demandait le directeur de Poudlard en regardant son Maître des Potions disséquer distraitement sa saucisse. En ce petit matin ensoleillé de juillet, le premier petit-déjeuner des vacances avait un goût particulier pour les professeurs qui s'apprêtaient à quitter le château pour leur lieu de villégiature. Les élèves étaient tous partis la veille pour profiter de deux mois de farniente et de repos.
Une lueur d'inquiétude se reflétait dans les yeux bleu pâle d'Albus qui, comme à chaque vacance, était préoccupé par celui qu'il considérait comme son fils. En effet, il l'avait vu s'enfoncer petit à petit, insidieusement, dans une mélancolie sournoise. Tant que Severus était au château, il pouvait garder un œil sur lui. Mais dès qu'il devait regagner son manoir, le vieil homme se faisait du souci de le savoir seul.
Une bonne chose que sa maison horrible et pleine de mauvais souvenirs de l'Impasse du Tisseur ait été détruite par la guerre. Voldemort, en apprenant sa trahison, l'avait faite exploser, de rage. Albus avait donc poussé son ami à acquérir un petit château situé à quelques miles de Lamlash, sur une pointe rocheuse de l'ile d'Arran. Cette côte déchiquetée et battue par les vents convenait très bien à Severus qui y trouvait le calme et la tranquillité. Invisible des moldus, connue de très peu de sorciers, la bâtisse de granit et d'ardoise dégageait un charme certain et le sombre professeur y trouvait l'apaisement. Les anciens propriétaires avaient laissé tous les meubles, seules la bibliothèque et la cuisine avait été entièrement réaménagée par Severus. Cette dernière ressemblait plus à un laboratoire de potions qu'à un endroit où l'on mitonnait de bons petits plats. D'ailleurs, il ne cuisinait que par la nécessité de se nourrir et cela se bornait souvent à des sandwiches. Il avait refusé la proposition d'Albus de lui mettre à disposition un elfe de Poudlard. La perspective d'avoir à dire ne serait-ce qu'un seul mot pour l'appeler, le dérangeait. Il voulait une complète solitude. Au grand dam de son vieil ami.
Ainsi donc, en ce matin prometteur, Severus et ses collègues dégustaient le dernier breakfast de l'année scolaire quand un vol de hiboux déposa devant chacun d'eux un exemplaire de la gazette du Sorcier du jour. On entendit bientôt les pages tourner, les commentaires des uns, les réponses des autres. Le Maître des Potions écoutait d'une oreille distraite cette débauche de paroles et observait ses confrères d'un œil sarcastique. Un profond soupir d'ennui lui gonfla la poitrine et il s'abima dans la contemplation du plafond.
Une exclamation d'Albus le fit tressaillir et sortir de son état apathique.
—Severus ! Tu devrais ouvrir ton journal en page trois. Un article devrait t'intéresser.
L'interpellé lui jeta un regard ennuyé mais se décida tout de même à consulter ce qui réjouissait tant le directeur. L'indifférence se lisait clairement sur le visage pâle du noir sorcier alors qu'il parcourait l'article.
—Et alors ? Que suis-je censé dire ou faire, Albus ?
—Mais enfin, mon garçon, voilà un bon moyen de t'occuper pendant quelques jours durant ces vacances ! Un congrès de potionnistes en France ! Quelle chance tu as !
Le froid professeur plissa les yeux tout en fixant son ami. Son expression figée et glaciale ne désarçonna pas le vieil homme qui pratiquait le Severus Snape depuis longtemps. Il eut un petit sourire et lança :
—Je te nomme représentant de Poudlard, Severus. J'écris dès ce matin aux autorités pour t'inscrire. La société magique et le domaine des potions en particulier ne peuvent se passer plus longtemps d'un Maître tel que toi. C'est décidé, tu iras et feras la fierté de cette école !
Severus Snape était ravi ! Cela se voyait à sa mine renfrognée et au noir polaire de ses yeux. Sans dire un mot, il se leva et disparut par la petite porte du fond, dans un envol de cape.
Albus eut un petit rire, content d'avoir trouvé une occupation à son professeur. Plus sérieusement, la présence de Severus à ce congrès aurait des répercussions positives pour l'école. Il n'avait rien à envier aux Slughorn et autres Maître des Potions. Il était supérieurement doué et sans doute le meilleur de sa génération. Sa connaissance de la magie noire associée à celle des potions en faisait un sorcier très puissant, craint et respecté mais malheureusement, trop peu visible. En se montrant à ce colloque, il rappellerait au monde qui il était et où il enseignait. Albus espérait bien attirer ainsi quelques étudiants étrangers, notamment Français. L'enseignement de Severus s'était considérablement amélioré depuis la chute de Voldemort. En effet, plus du tout soumis à la moindre pression, il ne favorisait plus sa Maison, bien qu'il en fût resté directeur. Les sabliers ne connaissaient plus cette descente vertigineuse et brutale de pierres qui provoquait l'ire de la directrice des Gryffondors. Il restait malgré tout sarcastique, méprisant et cassant avec les incapables selon ses critères, c'est-à-dire presque tous les élèves. De ce fait, il était toujours le professeur le plus craint et détesté de l'école, ce dont il était parfaitement satisfait.
Après avoir quitté la grande salle, l'homme en question s'enferma dans ses quartiers pour ruminer et fulminer contre son ainé. Satané Albus qui s'acharnait à vouloir le faire sortir de ses habitudes pourtant bien installées ! Il avait beau chercher tous les moyens d'éviter ce fichu congrès, il savait éminemment qu'il ne pourrait se dérober. Il était conscient des enjeux de sa présence en France et avait saisi l'importance de la participation du Maître des Potions de Poudlard à ces réunions. De plus, il connaissait assez Albus Dumbledore pour savoir que sa décision était irrévocable et qu'il ne fallait pas compter qu'il change d'avis. Les ordres, toujours les ordres !
Pour l'heure, il avait besoin de solitude pour avaler l'injonction du directeur. Mais que ce vieux fou ne croit pas qu'il fera des efforts de cordialité avec les autres protagonistes ! Il assistera aux réunions, prendra la parole quand il le faudra et basta ! Pas question d'assister aux repas et autres réjouissances prévues au programme, personne ne pourra l'y obliger.
Il se rendit en soupirant dans son bureau pour ranger ses cours. Il les mettra à jour en rentrant de France. Il devait, dans les deux semaines qui le séparaient de son voyage, préparer ses interventions, notamment réunir ses notes sur l'utilisation qu'il comptait faire de la mandragore comme anti déprime. Cette plante pouvait se révéler un poison pour les personnes faibles d'esprit, provoquant hallucinations, paranoïa, palpitations cardiaques ou encore perte de volonté propre et de notion de bien et de mal. A très faible dose, elle pouvait au contraire faire sortir du corps les pensées négatives et guérir des dépressions, fréquentes dans le monde sorcier. Des restes de la guerre qui ne s'étaient pas effacés, même après tant d'années. Le gingembre, associé à la mandragore, pourrait augmenter les bienfaits de celle-ci en redonnant au sujet vitalité et énergie.
Ses recherches étaient dispersées dans plusieurs carnets de cuir noir. Il s'installa à sa table de travail, chaussa ses lunettes et se plongea dans la rédaction d'un résumé concis. Cela lui prit quelques minutes puis il commença à lire ses notes. Peu avant midi, l'assistant de laboratoire du tableau qui gardait son entrée vint demander la permission de laisser entrer Albus Dumbledore.
Avec un grognement, il l'autorisa, se disant qu'il valait mieux affronter son supérieur au plus tôt et crever l'abcès. Albus entra joyeusement dans l'antre de son professeur et s'installa sur la chaise en face de lui. Le plus jeune croisa les bras et laissa son ainé mijoter quelques minutes. Celui-ci le regardait avec une lueur d'amusement au fond des yeux, sachant pertinemment ce qu'il pensait. Severus se décida à parler.
—Ce n'était pas la peine de vous déplacer pour me convaincre de faire ce voyage ! Comme vous pouvez le voir, je suis plongé dans mes notes. Je suis décidé à y aller. A moins que vous ayez changé d'avis ? S'empressa-t-il d'ajouter avec un brin d'espoir.
—Absolument pas Severus. Poudlard a encore une fois besoin de toi. Tu le sais c'est pourquoi tu ne contestes pas ma décision. Cela fait assez longtemps que je te laisse te morfondre dans ton coin. Il est temps pour toi de bouger un peu.
Alors que Severus allait intervenir, Albus leva la main.
—Depuis la fin de la guerre, Poudlard n'a pas été une seule fois représenté à un rassemblement de Maître en Potions. Il faut que cela change et que l'on revienne sur le devant de la scène. Toi seul peut faire cela pour l'école car le monde sorcier ne se réunit que pour débattre des avancées en potions. C'est la partie la plus importante de la sorcellerie puisque toujours en évolution.
—Je sais tout cela Albus et je vous répète qu'il ne sert à rien d'en parler puisque ma décision est prise, fit sèchement Severus.
Le directeur inclina la tête en signe d'assentiment. Il poursuivit néanmoins.
—Il serait bien que tu fasses connaissance de jeunes potionnistes. Poudlard aurait bien besoin d'un second professeur. Il pourrait te décharger des cours des plus jeunes, ainsi tu pourrais te consacrer pleinement à tes recherches. C'est bien ce que tu souhaiterais, n'est-ce pas ?
Severus resta un instant silencieux. Il était toujours étonné du don de double vue d'Albus. Effectivement, les nombreux cours qu'il avait à donner et ensuite à corriger pesaient lourd sur son temps de recherches. Avec les potions à fabriquer pour l'infirmerie, il apprécierait d'avoir parfois de l'aide. D'autant plus que Sainte Mangouste le sollicitait également souvent pour leur propre stock.
—Il est vrai que mes expérimentations n'avancent pas comme je le souhaiterais. Si un autre professeur pouvait prendre en charge les trois premières années, il me resterait suffisamment de temps pour mes essais.
—Tu feras d'une pierre deux coups en allant à ce colloque. Tu ramèneras de nouveaux élèves et un nouveau professeur. Poudlard te remercie ! lança obséquieusement le vieil homme.
—N'en faites pas tant ! Grinça le plus jeune.
Albus partit d'un éclat de rire et l'invita à le suivre pour le déjeuner de midi. Les deux hommes cheminèrent dans les couloirs en silence. Au cours du repas, Albus s'enquit des avancées de Severus. Celui-ci en quelques mots, lui parla de ses progrès mais il lui restait encore des essais à faire, notamment sur les quantités à mélanger.
Quand il revint dans ses quartiers, le maître des potions reprit ses carnets et avança dans sa lecture. Il devait se remémorer ses notes pour pouvoir les présenter de façon claire et précise. Il ne doutait pas des facultés de ses collègues à comprendre les mécanismes de ses expériences mais il devrait les convaincre du bien-fondé d'une nouvelle potion destinée à guérir le mal-être de certains sorciers. Il en allait de l'avenir de cette population.