Ma seconde fiction, Arkolamyl. Elle me traînait dans la tête depuis un moment, et me permet de faire un coupure avec Buried in the Wasteland.
En voici le prologue, j'espère qu'il vous plaira.
Bonne lecture !
On l'appelait John Doe.
Ils lui avaient dit qu'ils ne le connaissaient pas, et que son existence n'apparaissait nulle part. Ils ne savaient pas qui il était, alors ils l'avaient nommé, ils lui avaient donné le nom que tous les inconnus portaient. Et il le haïssait.
Un hurlement. Suivi d'un glapissement. Suivi d'un gémissement, puis de pleurs. Et de nouveau, un hurlement. Mais celui-ci était différent des autres. Il était bien plus long, la voix était bien plus éraillée, mais il n'allait pas s'en plaindre, ça le changeait. Ah, une nouveauté apparaissait ? Désormais, on pouvait ajouter les supplications au répertoire. Depuis qu'il était ici, il n'en avait jamais entendues.
John secouait la tête de manière rythmée. D'avant en arrière, avec à chaque fois un à-coup violent. Il ne bougeait pas à cause d'une pulsion ou inconsciemment, il savait très bien ce qu'il faisait. Il secouait la tête car il savait qu'ils étaient là, qu'ils l'observaient, à travers le judas. S'il s'agitait, c'était pour détourner sa propre attention, pour oublier que derrière le mur, on ne le voyait que comme du bétail. À leurs yeux, il n'était pas humain. Ils devaient sûrement lui lancer ce regard, ce mélange de pitié, de crainte et d'inquiétude. Il se figea. Ses lèvres se tordirent dans un rictus venimeux alors que la colère montait en lui. John Doe se força à inspirer lentement. Il devait éviter la crise à tout prix. Quand il était arrivé et qu'on avait compris qu'il était incapable de gérer ses émotions, on lui avait servit le même discours qu'aux autres. « Oubliez vos sentiments et plongez-vous dans vos souvenirs ». Il aurait bien aimé faire ça, lui aussi, éviter la colère et ces débordements qui l'épuisaient à tous les niveaux. Mais quand on a pas de souvenirs, on ne peut pas s'y raccrocher. Il ne pouvait alors pas se gérer.
Le jeune homme ramena un peu plus ses genoux contre son torse. Il était assis à même le sol matelassé. Les murs étaient également matelassés, comme le plafond. Ils lui avaient dit que c'était pour qu'il ne puisse pas se faire de mal. Foutaises. Il n'avait aucune raison de se faire du mal, et encore moins l'envie. La seule qui lui faisait réellement envie, c'était de sortir de là. Ils le mettaient là-dedans car eux lui voulaient du mal. Si ce n'était pas le cas, il ne serait pas là.
Une violente douleur, aussi vive que puissante, lui fendit le crâne. Elle l'obligea à fermer les yeux. Il n'y avait rien d'autre, juste ces quatre murs. Et il y était seul.
La chambre qui n'en était pas une, ça ne lui posait pas de problème. La solitude, elle, le rongeait au plus profond de son être, déchirant ses entrailles à longueur de journée. Il avait beau être fort, n'importe qui finissait accablé lorsqu'il était isolé. Ils disaient vouloir l'aider, mais ils l'enfermaient. Et John était presque sûr qu'ils se délectaient de sa douleur.
Ses paupières étaient closes. Il aurait aimé pouvoir enfouir son visage dans ses bras, s'y réfugier, mais ça lui était impossible. Sa blouse l'en empêchait. Les manches du vêtement s'entrecroisaient sur son buste, bloquant ses mains dans son dos. Il ne pouvait quasiment pas bouger, et ne pouvait pas non plus se cacher. Alors, il ouvrit les yeux.
Il fut d'abord aveuglé par la lumière. Il plissa les yeux quelques instants, avant que sa vue ne revienne à la normale. Il prit le temps de détailler son environnement, mais il n'y avait rien à voir.
Le blanc, cette absence de couleur. Il était partout, sur les murs, au sol, au plafond, sur son pantalon, sur sa blouse. Seules quelques longues mèches lui tombant devant les yeux, d'un roux flamboyant, apportaient un léger brin de vie. Étaient-ils obligés de laisser cette pièce telle quelle ? Ne pouvaient-ils pas la rendre moins oppressante ?
Quand John se retrouvait dans la chambre, il avait l'impression d'étouffer. Un poids invisible écrasait son cœur ainsi que ses poumons et le faisait suffoquer. Rien ne bougeait. L'aversion le prit. Tout était trop clair, trop aseptisé, trop stérile. Il n'y avait pas de vie. Il n'y avait que lui, et il n'était même pas sûr d'apporter de la vie.
Ses prunelles couleur saphir s'assombrirent. Trop de blanc. Il n'en pouvait plus de cette chambre, de cette camisole. Il voulait sortir. Sa mâchoire se contracta, ses sourcils se froncèrent durement alors qu'il se relevait, sans s'en rendre compte. Une contraction des muscles de son cou le força à pencher la tête sur la droite. Rapidement, il fut pris de spasmes violents, semblables à de puissantes décharges électriques léchant son corps, le brûlant à chaque passage. Sa tête bascula en arrière, un long râle de douleur lui échappa. Déjà, il entendait le personnel s'affairer derrière le mur, donnant des ordres brefs, déverrouillant la porte. Pour une fois, ils s'étaient dépêchés. D'habitude, ils le laissaient un moment, jusqu'à ce qu'il soit à demi inconscient et intervenaient ensuite. Il se demanda ce qui avait pu changer depuis la dernière fois. Il tomba sur un genou, baissa la tête. Une autre plainte lui échappa.
Face à lui, un pan de mur s'ouvrit. Infirmiers et médicomages entrèrent, et entourèrent le jeune homme. Deux infirmiers serraient leurs baguettes, le visage fermé. Devant eux, il se tordait en gémissant. Le visage penché vers le sol, il se cachait derrière une trop longue chevelure. Maintenant, ils se délectaient de sa souffrance. Monstres. Ils le laissaient souffrir. John s'immobilisa, aussi soudainement que sa crise avait commencé. La chambre capitonnée était silencieuse.
Lentement, une médicomage s'approcha de lui. Ses talons s'enfonçaient légèrement dans le revêtement matelassé. Elle lança un long regard à l'un des infirmiers armé, avant de se concentrer sur le jeune homme. Avec prudence, elle s'agenouilla près de lui, puis posa délicatement la main sur son épaule. Un semblant de pitié ? Pas avec moi, je vous connais trop bien désormais. Son torse se soulevait sous sa respiration puissante. Les secondes passaient lentement, l'atmosphère était pesante. Une goutte de sueur roula sur la tempe de la jeune femme. Elle se pencha en avant, tentant d'apercevoir le visage de son patient.
Le jeune homme la dévisagea avec curiosité. Finalement, elle s'était décidée à le regarder. Il s'en amusa, car il savait qu'elle le craignait depuis qu'il était arrivé. Lorsqu'il l'avait rencontrée, il avait planté son regard dans le sien. Il l'avait senti se raidir, il imaginait que son sang s'était glacé dans ses veines. Et Il avait adoré ce moment.
La médicomage comprit son erreur lorsqu'elle vit les deux prunelles de l'homme se poser sur elle. Beaucoup trop tard. Ses pupilles étaient dilatées, le noir l'emportant sur le vert.
Il l'avait toujours dit. Il ne se ferait pas de mal, mais il ne promettait rien aux autres, surtout à eux.
John lui asséna un violent coup de tête, faisant jaillir le sang. Il venait d'inviter la vie dans sa chambre à bras ouverts.
Des grognements bestiaux emplissaient la chambre. L'air y était suffocant, chaud et humide en ce début d'automne. Hermione étouffait.
Elle ferma les yeux, s'obligeant à être forte. Elle n'avait plus que quelques minutes à tenir, il n'était jamais très long, mais ces instants lui semblaient interminables. Elle détestait le voir sur elle, se démenant dans de ridicules coups de reins qu'il pensait virils. Croyait-il vraiment qu'il lui donnait du plaisir ? Le clin d'œil qu'il lui offrit confirma ses craintes.
Il la fixa, chercha une quelconque preuve d'un plaisir partagé. La jeune femme détourna le regard, et força quelques gémissements à dépasser la barrière de ses lèvres pour que l'illusion reste parfaite. Satisfait et souriant à pleine dents, il s'allongea sur elle et la pénétra plus profondément, plus rapidement. Un haut-le-cœur la saisit à la gorge. Elle avait horreur de le sentir dégoulinant de sueur lorsqu'il l'écrasait sans même y prêter attention. Le pire, c'était que son amant était persuadé d'être un dieu du sexe, il l'avait proclamé haut et fort d'innombrables fois. La brune retint à grand peine un rire jaune, mais tourna la tête sur le côté lorsqu'il lui mordit le lobe. Elle n'avait pas réussi à retenir sa grimace. Il était loin de l'exciter.
Il vint en elle peu de temps après. Il se retira et s'effondra à côté d'elle, essoufflé et rouge, alors qu'Hermione n'avait pas bougé. Une véritable tempête saccageait son esprit. Elle savait que si elle ne se contenait pas, elle s'effondrerait. Elle ne pouvait pas se le permettre, alors elle se taisait, et endurait.
La jeune femme sentit une main moite se glisser dans la sienne. Elle ferma les yeux. Son compagnon amena sa main à ses lèvres, et y déposa un long baiser bruyant. Prenant son courage à deux mains, elle se tourna enfin vers lui.
Ses cheveux roux ébouriffés, Ron la regardait tendrement, un sourire idiot plaqué sur le visage. Elle tenta de l'imiter, mais le cœur n'y était pas. Elle n'avait pas le choix, elle ne l'avait jamais eu. La conscience, les gens n'en veulent pas, alors elle supportait sagement. Son amant frotta sa main contre son visage.
« Reste... » souffla-t-il en l'implorant du regard.
Voilà. Il abordait encore le même sujet qui les avait si souvent menés à la dispute. Le regret s'insinua en elle, s'infiltrant par chaque pores de sa peau. Cet invité indésirable grimpait en elle, tordait ses boyaux, lui coupait le souffle. Sentant les larmes monter, elle lui offrit un sourire désolé avant de se relever. Elle savait exactement de quoi il parlait, et il connaissait déjà la réponse.
C'était au tour de son vieil ami, la honte, de s'installer. Il fallait qu'elle se débarrasse de cette saleté qui la collait au corps. Elle s'excusa du bout des lèvres et se leva. Elle saisit un grand t-shirt qui traînait par terre et se dirigea rapidement vers la salle d'eau.
Elle s'enferma à double tour. Elle attendit un peu, aux aguets, avant de pouvoir souffler. Elle sentait ses muscles se détendre un à un, mais le prix à payer était là. Le vide lui rappelait à chaque fois. La jeune femme résista à l'envie de se rouler en boule, et se glissa péniblement dans la baignoire. Elle tourna les robinets, et opta pour une eau brûlante, plus que de raison.
La tête renversée sur le rebord, elle croisa son propre reflet dans le grand miroir, posé sur le sol. La piètre image qu'elle renvoyait la bouleversa. Ce n'était pas elle. Où était passée Hermione Granger, l'héroïne de guerre ?
Elle devait être très loin. Granger n'avait pas ces cernes noires, qui lui mangeaient le visage et la vieillissaient prématurément. Elle n'avait pas non plus cette moue constante, qui tirait le coin ses lèvres vers le bas, lui donnant un air triste. Et par dessus tout, Hermione Granger n'avait pas ce regard. L'héroïne du Trio d'Or avait un regard plein de vie, étincelant et pétillant de malice. Mais alors, à qui appartenaient ces deux prunelles ambrées, vides et mortes ?
L'eau coulait bruyamment. Ce constat ouvrit la porte à un sanglot, puis à un second. Elle fut submergée de pleurs, comme à chaque fois. Pourtant, elle s'était promise d'arrêter de pleurer, mais rien n'y faisait. Lorsqu'elle se retrouvait seule dans la baignoire, après avoir couché avec Ron, elle ne contrôlait plus rien. Elle avait bien tenté de ne pas aller dans la salle d'eau, mais la suite était encore pire. Elle ne pleurait pas, mais elle vomissait pendant des heures. La honte et le dégoût se faisaient encore plus puissants qu'ils ne l'étaient déjà.
Les pleurs s'espacèrent, puis se calmèrent. Ils laissèrent place à une grande lassitude, qui à son tour l'envahit de la tête aux pieds. Toujours la même chose. Après avoir pleuré, elle réfléchissait. Beaucoup trop.
Vidée de toute énergie, elle s'enfonça dans l'eau jusqu'au menton. Son regard passa sur son corps décharné, aux côtes apparentes, puis se posa sur son poignet droit. Une chaînette dorée y était attachée, elle flottait légèrement dans l'eau. Le cœur d'Hermione se serra en la voyant. C'était un cadeau de Ron, il lui avait offert la première année de leur relation, lorsqu'ils étaient encore fous l'un de l'autre. Tout était si simple à cette époque...pensa la brune amèrement. Depuis plusieurs mois, la jeune femme vivait une descente en enfer.
Elle ne se souvenait pas de l'élément déclencheur. Peut-être qu'il n'y en avait pas eu ? Oui, c'était ça. C'était venu progressivement. Au départ, elle pensait que c'était juste la fatigue, la jeune femme s'en souvenait clairement. Prétextant des maux de tête ou l'épuisement, elle refusait gentiment un baiser ou une étreinte. Ça ne devait être qu'éphémère. Après tout, lorsqu'on aimait, tout était passager.
Mais pas cette fois.
Le temps passait, la situation s'aggravait. Il suffisait que le jeune homme vienne l'entourer de ses bras pour qu'elle en ai la nausée. Le simple contact de ces mains sur sa peau était un supplice. Aujourd'hui, elle en était à ce stade où elle ne supportait plus rien. Elle n'en avait parlé à personne, surtout pas à Ron. Elle grimaça. Il serait détruit s'il l'apprenait.
Elle jeta un regard à l'horloge murale, qui affichait plus d'une heure du matin. S'aidant de ses bras, elle se releva et s'extirpa de l'eau refroidie. La brune saisit une grande serviette et s'enroula dedans, avant de se placer devant le miroir. Critique, elle s'observa minutieusement. Le jeune femme avait considérablement maigri. Étonnamment, ce constat lui arracha un véritable sourire. Elle n'en avait plus pour longtemps.
Se séchant rapidement, elle enfila son t-shirt, se faufila hors de la salle de bain et retourna dans la chambre à coucher sur la pointe des pieds. Elle s'aperçut avec soulagement que son compagnon s'était endormi. Hermione se glissa sous les couvertures, le cœur plus léger qu'auparavant. Demain, tout changera, se promit-elle. La brune s'endormit au bord du lit.
« Envoies-nous des hiboux ! Si je n'en reçois pas au moins un par semaine, gare à toi... » menaça une jeune femme rousse.
Hermione offrit un sourire à Ginny. Sa meilleure amie n'avait cessé de lui donner conseils et recommandations depuis qu'elle était arrivée au Terrier.
« Tu sais, je ne pars pas combattre des dragons non plus » rétorqua-t-elle avec humour.
Le regard qu'elle lui lança la refroidit aussitôt.
« On est tous inquiets. Quand même 'Mione, l'Écosse ! » intervint Harry.
« C'est une opportunité incroyable. » répondit-elle simplement.
Il y a tout juste deux semaines, la jeune femme avait brillamment décroché son diplôme de psychomagie. Un établissement l'avait contacté sur l'heure pour lui proposer un poste. Le directeur, un certain Clyde MacAulay, avait eu vent de ses excellents résultats aux examens et voulait la recruter à tout prix. Elle avait hésité un long moment. L'hôpital était réputé et elle avait l'occasion d'acquérir de l'expérience avec les meilleurs, mais elle devait partir loin de chez elle et de ceux qu'elle aimait, pour au moins six mois. Elle s'était finalement décidée. La psychomagie était sa passion, elle ne pouvait pas rater une pareille occasion même si l'établissement se situait au nord de l'Écosse. Elle s'était également sentie soulagée de partir loin de Ron, elle s'en était rendue compte récemment, non sans honte.
Elle y était enfin. Sa valise à côté d'elle, chaudement habillée, elle embrassait chaleureusement ses amis. Elle avait un pincement au cœur de les laisser, mais elle était également heureuse et impatiente.
Ron lui prit la main. La jeune femme se tourna vers lui, et tomba sur un regard blessé qui lui lacéra le cœur. Hermione baissa les yeux et se laissa entraîner un peu à l'écart.
« Tu pourrais rester. » lui reprocha-t-il.
« Oui. »
« Tu ne le feras pas. »
La sentence était tombée. La brune ferma les yeux, la peine étreignant douloureusement son cœur. Elle avait voulu se préparer à endurer ce moment, mais elle n'aurait jamais pu imaginer que ça lui serait difficile à ce point. De plus, la jeune femme se doutait que Ron l'avait comprise, qu'il connaissait l'une des raisons de ce voyage. Le roux soupira.
« Si c'est vraiment ce que tu veux... » souffla-t-il avec peine.
Elle lui jeta un dernier regard désolé, avant de lâcher sa main et de retourner auprès des autres. Hermione enlaça Harry une dernière fois, avant de s'écarter. Son meilleur ami lui lança un regard lourd de reproches, qu'elle encaissa difficilement. Elle avait réellement besoin de s'éloigner un moment, mais elle ne pouvait leur expliquer. Ce poids, qui pesait sur ses frêles épaules, elle devait le porter seule. Elle prit sa valise, s'installa dans la cheminée, et s'en alla après un dernier sourire.
Voilà. J'espère que ça vous a plu, n'hésitez pas à laisser une review pour me faire part de vos impressions !
À très bientôt.