Umibouzu

Pour les Yato, la famille ne compte pas. Seule la force est importante. Pourtant Umibouzu découvrit un nouvel instinct : la paternité. Et ce fut un choc, de passer des champs de bataille à changer les couches d'un nouveau né. C'est pourquoi les femmes devaient s'en charger, or, Kastuya était devenu soudainement faible pour assurer cette tâche. Au contraire de son instinct, ce ne fut pas une charge pour lui de s'occuper de son fils. Il en était même heureux et fier. Et le sang ne lui manquait guère. La famille fut heureuse, mais Kamui grandit vite, même trop vite.

Kamui fut le plus difficile à gérer et ce fut un soulagement lorsque le second enfant se révéla être une fille. Après toutes ces années à courir après son fils aîné, Umibouzu aurait droit à un peu de douceur. Pourtant, elle était à peine née que sa petite fille lui avait broyé son petit doigt. Elle était si belle et magnifique. Il croisait à peine ses grands yeux bleu, qu'une chaleur agréable envahissait l'estomac du père. Kagura fut son prénom. A la fois doux et fort. Kagura, Kagura... Umibouzu ne pouvait s'empêcher de se le répéter, chantonnant à la gloire de sa petite fille, sous le regard médusé de Kamui, et celui amusé de Kastuya.

Avec Kagura à ses côtés, le monde semblait moins violent. Même Kamui donnait l'impression d'être apaisé en sa présence bien qu'il ne cessait de la surnommer « Crybaby ». Mais les temps devenaient de plus en plus durs. Kastuya ne pouvait même plus se lever et la nourriture manquait. A plusieurs reprises, Umibouzu avait surpris Kamui mangeait de la viande qu'il venait de voler, sous les yeux innocents de sa petite sœur. Il avait honte, non de ses enfants, mais de la misère qui touchait sa famille. Il ne voulait pas que sa progéniture ne se salissent les mains. Et il était parti, laissant femme et enfants à leur sort. A contrecœur, il quitta son foyer pour se souiller les mains de sang, payé grâce à son instinct. Il se fit un nom au fil des années, mais ce n'était pas assez.

Un jour après une longue période de travail, Umibouzu rentra enfin chez lui. Ce fut terrible pour lui, de ne trouver que Kagura, amaigrie et seule, entourée de paquet de riz. Mais peut être que le pire pour lui, fut de voir le petit autel en l'honneur de Kastuya où reposait un bol de riz, soigneusement déposé par leur fille. Un mari minable il était, de ne pas avoir été présent dans cette période de deuil. Katsuya avait succombé et Kamui était parti suivre les pas de son père, laissant la fillette de cinq ans seule. Ce fut une claque, un déchirement pour le père, face à sa famille détruite. Naïf était-il d'avoir cru que tout resterait en ordre dans ces conditions de vie. Pourtant, Kagura ne pleurait pas, elle lui avait faiblement sourit et souhaitait un bon retour. Elle portait les vieux vêtements de son frère, trois fois trop grand pour elle. Il la saisit avec délicatesse pour la prendre dans ses bras. Et ils restèrent là, immobilisés pendant quelques minutes. Comme un temps de rédemption. Avant de décider d'aller nettoyer la tombe de Kastuya ensemble, comme une vraie famille. Mais l'instinct de Yato prit le dessus. Sur la route, Kamui l'attaqua par surprise, lui arrachant le bras par la même occasion. Umibouzu ne pensait plus qu'à tuer son propre fils, comme il l'aurait fait avec n'importe quel contrat. Son sang lui réclamait la mort de sa chair, une voix lui hurlait de tuer et pourtant... C'est le cri suppliant de sa fille qui redonna le contrôle. Ce fut violent, digne des Yato. Kagura pleurait, hurlait accrochée à la jambe de son père. En larmes, elle implora son frère de partir, loin d'elle. Et il avait obéi, Umibouzu aussi. Se sentant coupable mais soulagé, Kagura n'était pas une Yato. Et c'est seule, que la petite fille nettoya la tombe de sa mère.

Neuf ans passèrent où il ne vit aucun de ses enfants. Il craignait le regard de la rouquine. Il en avait peur. Mais il se faisait vieux, il était rare qu'un Yato vive jusqu'à son âge. Et les combats étaient plus violents qu'avant. Il craignait sa fin, de mourir sans avoir vu sa fille une dernière fois. Prenant son courage à deux mains, il retourna au bidonville, mais cette fois là, personne ne lui souhaita un bon retour. Car Kagura avait elle aussi, suivit les pas de son père.