Bonjour à tous ! Il y avait si longtemps que je n'avais pas mis ce petit recueil à jour, n'est-ce pas ? Pas loin de deux ans, quand j'y pense... Et je suis très heureuse de pouvoir le faire à nouveau !

D'ailleurs, en relisant les anciens textes de ce recueil, je me suis aperçue d'un détail curieux : Link a tout le temps froid. Qu'il s'agisse d'un léger frisson ou d'une baignade gelée, il n'y échappe jamais. Du coup, allons-y franchement. Après tout, c'est l'hiver. Je vous embarque donc pour un dangereux périple en pleine montagne.

Ce nouveau texte a été écrit dans le cadre du Secret Santa 2017, organisé par le Collectif NONAME dont je fais partie (si vous souhaitez plus d'informations n'hésitez pas à me contacter par MP). Et ce texte est pour toi LeFan d'Ost ! Ah oui, oui, je suis à la bourre, on peut le dire. Mais je suis contente de l'avoir terminé.

Je n'ai pas pu répondre à toutes tes demandes (Link/Zelda/Ganon, aventure + romance, etc) car cela reviendrait à développer une véritable épopée sur plusieurs chapitres et ce n'était pas mon objectif. J'ai préféré me pencher sur une aventure plus intimiste, plus progressive. J'espère qu'elle te plaira, sache que j'ai mis tout mon cœur à l'écrire et que j'y ai pris beaucoup de plaisir.

Ce texte a été publié dans la précipitation. Il n'a donc pas été relu en profondeur. Je sis donc navrée pour les fautes éventuelles, les répétitions, les incohérences...

Bonne lecture.


Blanche

Personnages : Link, Zelda

Genre : Aventure, Angst

Résumé : Au cours d'un voyage diplomatique nécessitant de passer par le Massif des Pics Blancs, une avalanche sépare Link et Zelda du groupe. Ils se retrouvent livrés à eux-même dans un environnement hostile, devant compter l'un sur l'autre pour s'en sortir.


oOo

Des blocs de neige molle volèrent en éclats sous l'impulsion sèche de son bras, et bientôt Zelda pu s'extraire de la grande coulée blanche qui avait emporté la caravane. La Reine se traina péniblement quelques mètres plus loin, les poumons enflammés par le froid et les membres engourdis. Son cœur tambourinait sous ses côtes douloureuses et ses longues oreilles effilées bourdonnaient. Il lui fallait reprendre ses esprits au plus vite. Elle avait eu de la chance de ne pas avoir été ensevelie sous des centaines de livres de neige. Mais à présent, elle semblait complètement seule dans cette immensité blanche et escarpée.

— Link ! Lafrel !

L'écho de sa voix percuta le flanc des montagnes sans réponse. Tout semblait lourdement silencieux autour d'elle. Une pression sourde lui écrasa la poitrine et comprima son souffle qui s'échappait de sa bouche par petits nuages frénétiques. Etaient-ils tous morts ? Link ? Les autres ? Etait-elle véritablement seule ?

— LINK !

La Reine promena son regard effrayé sur les grandes étendues enneigées. Elle était heureusement bien vêtue malgré le froid qui secouait son corps. Malheureusement, elle n'avait ni matériel à disposition ni denrée pouvant lui permettre de survivre à un périple solitaire dans un environnement si hostile. Zelda s'approcha du bord de roche où elle était juchée et découvrit un grand précipice en contre-bas qu'elle ne pourrait certainement pas descendre seule. Elle réalisa soudain qu'elle avait manqué de justesse d'être projetée dans le vide par la coulée de neige. Ses yeux remontèrent jusqu'à la petite route qu'ils avaient empruntée, à présent recouverte de mousse blanche. Les grands murs rocheux qu'ils avaient contournés un instant plus tôt empêchaient de voir si ses amis s'en étaient sortis là-haut. Lafrel et Ash étaient en arrière du petit cortège quand la catastrophe s'était déclenchée. Ils auraient très bien pu se retirer à temps… Mais Link ? Il était avec elle quand la neige les avait percutés. Zelda jeta un regard affolé en contre-bas, mortifiée à l'idée qu'il ait pu basculer dans les profondeurs glacées de la montagne. Sa vision se troubla de larmes chaudes tandis qu'une peur sourde lui rongeait le ventre. Quelle idée avait-elle eu de vouloir passer par le sentier escarpé du Massif des Pics Blancs malgré la réticence de Link et de Ash ? Le tout pour gagner une demie journée de voyage jusqu'aux Contrées Nord, par-delà les frontières d'Hyrule.

Des petits blocs de neige dégringolèrent soudain jusqu'à ses pieds, la tirant de ses pensées tourmentées. Pouvait-il y avoir quelqu'un en surplomb ? Le cœur battant, la Reine se lança dans une ascension prudente de quelques mètres le long de la coulée. Ses bottes fourrées s'enfonçaient profondément dans la neige, rendant l'effort difficile. Zelda savait qu'elle prenait des risques à vouloir explorer en surplomb, sans protection ni connaissance du terrain, mais une vibrante certitude la tiraillait dans cette direction. Elle ne tarda pas à remarquer un bout d'écharpe bleue dépasser de la coulée blanche et une main gantée tenter péniblement de se dégager. Pleine d'espoir, Zelda commença à déblayer fébrilement la masse de neige autour du bras qu'elle savait être celui de Link. L'hylien avait été enterré plus profond qu'elle et devait sans doute être un peu sonné par le choc. Elle creusa de longues minutes et finit par faire émerger le jeune homme hébété aux joues rougies par le froid. Encombré par le grand sac et la courte épée restés accrochés à son dos, Link réussit à s'extraire tant bien que mal de sa prison gelée, aidé par Zelda qui tirait vigoureusement sur son bras engourdi. Le Héros était un peu groggy mais il semblait se mouvoir correctement.

— Je suis heureuse de vous trouver vivant, fit la Reine dans un sourire en entourant le visage du jeune homme de ses mains gantées.

Link saisit doucement les mains tremblantes posées sur ses joues, soulagé de voir la Reine apparemment sauve :

— Vous n'êtes pas blessée ? s'enquit-il d'une voix un peu éraillée.

— Non… Mais je n'ai trouvé trace de personne d'autre… Je ne sais même pas s'ils sont toujours vivants… Oh Link, dans quel drame vous ai-je tous entraînés…

— Ne vous accablez pas. Lafrel et Ash sont de bons guerriers qui connaissent la montagne, fit l'hylien en plantant ses yeux clairs dans ceux de la Reine, emplis de larmes.

Il serra les mains fébriles pour seul signe de réconfort et détourna vite le regard. Zelda connaissait bien sa tendance taiseuse et se contenta de ce petit geste pour apaiser sa détresse. La seule présence du Héros à ses côtés la soulageait quant à la suite des événements.

Link se redressa péniblement sur ses jambes un peu flageolantes et observa le grand décor blanc et froid qui s'offrait à lui. La route qu'ils avaient empruntée était à peine visible et nécessitait de gravir près d'une trentaine de mètres pour être rattrapée, ce qui était inenvisageable au vu de leur état. Ils avaient dévalé à flanc de montagne et ne pouvaient redescendre à pic sans risquer une chute mortelle. Il leur faudrait donc continuer droit devant eux et sillonner avec prudence entre les murs rocheux. Un vent glacial commençait à lécher goulûment le versant de la montagne et le ciel se troubla de nuages. Le temps tournait très vite dans les hauteurs et surprenait souvent les imprudents. L'hylien raccrocha le sac sur ses épaules et tendit une main à Zelda qui grelottait dans la neige.

— Il ne faut pas rester sur place. Suivez-moi et surtout, prenez garde quand vous marchez. Il peut y avoir des crevasses sous la couche de neige.

Sur ces mots, Zelda agrippa anxieusement la main de Link et le suivit de près, se contractant à chaque nouveau pas qu'elle faisait. Ils avancèrent prudemment sur le flanc pentu de la montagne, tiraillés par le froid et l'incertitude la plus totale. Le vent se faisait toujours plus rude et leur mordait le visage. Il devenait difficile de savoir où se diriger et la fatigue commençait à les accabler. Il leur fallait vite trouver un refuge qui leur permettrait de se réchauffer les membres et de se reposer. Un refuge qui leur permettrait de passer la nuit sans mourir de froid.

Au bout de trois heures de marche éprouvante dans un silence mortifié, ils rencontrèrent une forêt de conifères leur indiquant qu'ils avaient perdu en altitude. Ce fut une bonne nouvelle car la présence des arbres les protègerait davantage du vent glacial et leur permettrait d'alimenter un feu. Link tira doucement la main de Zelda qui ralentissait le pas, épuisée. Il venait d'apercevoir un renfoncement dans la roche qui pourrait leur servir d'abri. Les deux hyliens se réfugièrent frileusement dans l'alcôve de pierre, suffisamment profonde pour les couper du vent. Tandis que Zelda s'écroulait de fatigue dans un recoin de la cavité, Link s'affairait à rassembler du bois mort pour le feu.

Après quelques secondes laborieuses de frictions sur le bois, le jeune homme obtint une braise incandescente qu'il enveloppa dans un fagot de paille et de petit bois. Zelda l'observa souffler sur le fagotin qu'il tenait entre ses mains rendues tremblantes par la fatigue et le froid. Elle ne savait pas deviner les pensées qui se dissimulaient derrière les yeux concentrés de l'hylien. Mais bien qu'insondable dans son comportement replié, Zelda percevait toujours cette étrange fébrilité chaque fois que leurs regards se croisaient et aujourd'hui, elle ne savait comment l'interpréter. Link avait toujours adopté un comportement frileux à son égard ainsi qu'au regard des usages de la Cour. Elle n'était jamais parvenue à briser son apparente timidité malgré ces trois années passées à travailler ensemble à la reconstruction du Royaume, sauf en quelques rares occasions. Au fil du temps, la Reine avait fini par accepter que la pudeur du Héros ne s'estomperait peut-être jamais. Mais aujourd'hui, l'inquiétude qui battait discrètement derrière les prunelles de Link la tourmentait davantage.

— Vous devriez enlever vos gants et vos bottes, et vous rapprocher du feu, conseilla l'hylien en alimentant les flammes timides qui commençaient à jaillir. Pensez toujours à réchauffer vos extrémités.

Zelda se serra aux côtés de Link et s'exécuta péniblement, les membres engourdis par le froid. Le jeune homme déplia la couverture de peau roulée dans son sac et les recouvrit tous deux, blottis l'un contre l'autre pour conserver leur chaleur corporelle.

La jeune femme glissa dans une apathie douce à mesure qu'elle sentait le corps grelottant de Link se détendre contre elle. Cette proximité physique n'était vraiment pas habituelle, surtout venant de lui, mais la nécessité de la situation les empêchait de se tourmenter sur les questions futiles de la bienséance. La chaleur du feu enveloppait doucement le corps de Zelda et étouffa les vagues de frissons qui la submergeaient depuis qu'elle s'était assise sur son petit bout de rocher. Une lourde fatigue se posa sur son crâne et lui écrasa les paupières. Cependant, une question la tiraillait depuis des heures et maintenait son état de veille :

— Link, dites-moi la vérité : avons-nous une chance de nous en sortir ?

— Nous avons une couverture et de la nourriture pour environ deux jours, quelques…

— Je connais déjà le contenu de votre sac. Ce que je vous demande, c'est votre sentiment sur la situation.

Link hésita un instant, les yeux rivés sur le petit feu qui diffusait une lumière chaude.

— Je connais un manoir plus au Nord, perché au beau milieu des montagnes, fit-il en sortant de sa poche une petite boussole un peu esquintée. Il est habité par un couple de yétis que j'ai rencontré durant ma quête, il y a plus de trois ans. Ne vous inquiétez pas, ils sont adorables. Et je sais qu'ils nous accueilleront avec cœur. Si nous parvenons jusqu'à eux, ils nous aideront à redescendre sans risque.

— Savez-vous comment vous y rendre depuis cet endroit ?

— Non… Et je ne vous cache pas que le chemin sera probablement dangereux.

Ils restèrent un moment murés dans un silence lourd, tout juste troublé par le crépitement sec du pin dans les flammes.

— Avez-vous peur ? demanda Zelda après quelques minutes, fixant toujours l'éclat du feu comme prise dans un rêve.

— Je reste prudent, détourna Link une nouvelle fois.

— Moi, j'ai peur.

Le jeune homme se figea un bref moment dans l'incertitude, ne sachant quelle attitude adopter face à l'aveu de la Reine. Il saisit fébrilement sa main et osa enfin un regard vers elle.

— Ne vous inquiétez pas, nous avons de la ressource. La situation n'est pas désespérée.

Et le silence retomba.

Ils passèrent une nuit inquiète et difficile, dormant à tour de rôle pour ne pas se laisser surprendre par l'hypothermie et quelques éventuels dangers. Le froid glacial les transperçait jusqu'aux os et repoussait le sommeil pourtant pesant, tandis que le hurlement lointain des loups blancs qui peuplaient la montagne leur rappelait de rester constamment sur leur garde. Ces loups étaient réputés particulièrement féroces et Link avait eu l'occasion douloureuse de s'y frotter lors de son aventure en solitaire jusqu'au manoir. Sachant leur présence dans les parages, il ne ferma presque pas l'œil de la nuit.

oOo

— Réveillez-vous. La matinée est agréable et le paysage magnifique.

Zelda ouvrit des paupières lourdes sur les rayons matinaux qui filtraient timidement dans leur refuge. L'espace d'un court instant, elle eut l'impression d'être lovée dans un endroit sécurisé. Mais l'angoisse la tenailla de nouveau quand ses yeux rencontrèrent la froideur des murs rocheux qui lui servait d'abri. Ce souvenir vague de perdition dans la solitude glacée de la montagne n'était finalement pas un rêve. Elle se redressa péniblement en frissonnant, le cœur lourd et le corps endolori.

— Tenez, buvez ça.

La reine releva ses yeux fatigués sur l'hylien qui lui tendait une petite tasse de liquide chaud. La vision de Link dans le soleil matinier lui réchauffa le cœur. Il semblait parfaitement éveillé et s'était déjà activé pour rallumer le feu et fabriquer des cannes de marche. Elle admirait l'énergie de ce jeune homme qui refusait de se laisser abattre.

— Qu'est-ce que c'est ? demanda-t-elle d'une voix ensommeillée.

— De la gelée de chuchu diluée dans l'eau chaude. Il y a aussi de la viande séchée pour la consistance. Je vous accorde que ce petit déjeuner n'est pas le plus engageant mais il vous donnera des forces.

Après un court moment de réconfort du ventre, ils se résignèrent à quitter leur refuge protecteur pour poursuivre leur périple incertain, guidés par la petite boussole de Link. Cependant, les nombreux obstacles de la montagne les contraignaient régulièrement à changer d'itinéraire, rallongeant immanquablement leur trajet initial.

Heureusement, Link ne perdait jamais de vue la nécessité d'entretenir le moral, y compris lorsque le sien se montrait fragile.

— Relevez les yeux et regardez autour de vous, dit le jeune homme alors qu'ils s'étaient tous deux posés sur un bout de roche pour une petite pause de réconfort et de restauration.

Zelda releva lourdement le nez de sa pitance sèche et frugale pour observer les alentours sans grande conviction. Son regard se perdit un instant dans les grandes immensités blanches qui les entouraient et remonta le long des hauts flancs des montagnes. Ces paysages silencieux étaient magnifiques mais à cet instant, ils semblaient vouloir l'écraser comme un insecte prisonnier. Elle se sentait si minuscule au milieu de ces grandes murailles de roches enneigées. Aucune civilisation à l'horizon, aucun bruit familier témoignant d'une quelconque présence humaine, aucune trace du plus petit espoir de trouver un refuge hospitalier, une chaleur réconfortante ou de la nourriture qui bientôt, viendrait à manquer. Cependant le soleil perçait tout de même au milieu des longs bras de givre qui enveloppaient les pics et faisait scintiller la neige. Il parvenait même à lui réchauffer les épaules et le cœur.

— Je suis sûr que vous n'avez jamais eu l'occasion de contempler ces paysages de cette façon, reprit Link.

— J'admire véritablement votre courage et votre détermination… Vous semblez ne jamais vouloir baisser les bras et voyez même de la beauté dans les situations qui semblent désespérées.

— Croyez-moi Majesté, ce courage-là, vous l'avez mais pour l'instant, vous refusez de lui faire confiance.

— Je ne suis pas aussi sûre que vous…

— Tout le monde recèle en lui la force de s'en sortir, reprit l'hylien. Le tout est de vouloir l'écouter. La volonté de vivre n'est pas si exceptionnelle que cela, vous savez. En revanche, tout le monde ne possède le courage de gouverner tout un Royaume, d'accuser le poids de tant de responsabilités et de faire face à son peuple avec dignité, comme vous. Inutile de vous rappeler combien j'en suis moi-même incapable…

Zelda se remémora avec une certaine tendresse des quelques interventions publiques du Héros qui, saisi par l'anxiété, s'était emmêlé de nombreuses fois dans des discours timides et tremblants.

— Je continue de penser que vous ne vous en sentez pas capable parce que vous refusez d'y croire.

— Peut-être... répondit Link avec un petit sourire.

Ils poursuivirent encore quelques heures en quête d'un nouvel abri pour la nuit. Le ciel qui avait été clément toute la journée commençait à se voiler et inquiétait secrètement Link. Il serait dangereux pour eux de se faire surprendre par le givre à la tombée de la nuit. Ils accélérèrent le pas malgré la fatigue qui les terrassait, soucieux de trouver refuge au plus vite.

Mais alors qu'ils s'approchaient de renfoncements rocheux prometteurs, le Héros se figea brutalement et se replia dans un curieux mouvement de défense. Il fut saisi d'un violent frisson qui lui remonta toute l'échine et lui retint le souffle. Le corps tendu par la vigilance, il fit signe à la Reine de rester silencieuse. Cette dernière, effrayée par la réaction soudaine de Link, se rétracta derrière lui et scruta nerveusement les alentours. Le ciel semblait fusionner lentement avec les pics blancs et les ombres s'élargissaient de plus en plus, rendant la visibilité mauvaise. Elle ne distinguait aucun mouvement étrange, aucune silhouette suspecte mais la nervosité de Link la saisissait aux tripes. Une menace approchait. Une menace qu'elle ne percevait pas encore mais que les sens affutés du jeune homme avaient capturée au vol. Les yeux de l'hylien s'obscurcirent et ses membres s'embrasèrent sous l'effet du sang qui battait dans sa chair. Il défourailla sa courte épée d'un geste vif, arrachant à Zelda un hoquet de surprise.

— Restez derrière moi, intima-t-il à la Reine qui resserra fébrilement sa prise sur son bâton de marche.

Et soudain, elle perçut trois éclairs blancs se détacher du manteau de neige et fondre sur eux à toute allure. Trois loups blancs que la faim aiguillait avidement dans leur direction, gueules béantes et crocs découverts. Zelda sentit la prise de Link se resserrer contre elle tandis qu'un flot de terreur submergeait tout son corps. Ils étaient tous deux visiblement pris en chasse.

Les trois loups ralentirent à leur hauteur et se déployèrent pour les encercler. Ils semblaient immenses et magnifiques, féroces, affamés. Cependant, malgré leurs grognements menaçants, les bêtes se contentaient de tourner lentement autour d'eux, sans attaquer. La Reine observa que Link s'était recourbé dans une posture agressive, presque sauvage, ses cheveux blonds hérissés comme la toison d'un fauve et son visage froncé, dévoilant des canines acérées. Elle eut l'impression que le jeune homme retrouvait son allure animale, que le loup qui sommeillait en lui depuis la guerre du Crépuscule luttait pour sortir. Cette soudaine aura bestiale qui émanait de Link semblait impressionner les loups blancs qui continuaient de tournoyer, la tête basse et les babines retroussées.

Soudain, l'un d'eux, plus hardi, attaqua les deux hyliens sur les flancs. D'un geste plus vif que celui d'un félin, Link assena un coup d'épée dans l'encolure de la bête qui tomba foudroyée. Les deux autres loups reculèrent vivement par réflexe tandis que Zelda tressaillit de frayeur, les yeux rivés sur le sang rouge qui s'écoulait du pelage blanc de l'animal. Dans sa sidération, elle eut tout juste le temps de voir un autre loup bondir dans sa direction avant de frapper violemment avec son bâton. La bête gémit sous la douleur mais se préparait à attaquer de nouveau. C'est alors que la lame redoutable de Link trancha son élan et entailla la toison blanche. Le loup blessé se rétracta et prit soudainement la fuite, accompagné de son acolyte moins téméraire. Le Héros saisit vivement la main de la Reine et l'entraina dans son élan :

— Venez vite !

Sous sa direction, ils s'écartèrent des zones d'ombre pour descendre vers le petit vallon enneigé qui s'étendait devant eux.

— Pourquoi nous emmenez-vous là ? demanda Zelda, se sentant affreusement exposée au milieu de cette étendue blanche et sans refuge.

— Les loups attaquent en meute. Ils vont probablement revenir plus nombreux et nous ne pourrons pas courir plus vite qu'eux. S'ils nous pourchassent, nous aurons une meilleure visibilité à découvert.

La jeune femme prit une grande inspiration, tâchant de reprendre ses esprits. Link se tourna vers elle et lui tendit sa lame :

— Prenez ça. Si vous devez vous en servir, frappez de cette…

— Je sais me servir d'une arme, trancha Zelda sur le coup de l'angoisse.

— C'est vrai… admit l'hylien, un peu confus.

— Et vous ?

— Ne vous inquiétez pas pour moi.

Il ramassa dans la neige le bâton de la Reine et sortit de sa botte un couteau bien aiguisé.

— Vous plaisantez ? s'insurgea-t-elle devant si peu de défense.

— Préparez-vous ! Ils approchent !

oOo

Après de très longues minutes fébriles, Zelda parvint enfin à faire crépiter les flammes dans le foyer de fortune qu'elle venait de confectionner. La petite cavité qu'ils avaient débusquée dans l'urgence de la situation était bien précaire mais sous la lumière chaude du feu qui commençait à s'épanouir, elle prenait des airs de chalet doux et sécurisant. Cependant le cœur de la Reine battait lourdement sous un désespoir de plomb, cette nuit-là. Elle ne parvenait plus à espérer le moindre salut de ce périple improvisé. La jeune femme essuya frénétiquement une fulgurante montée de larmes tandis qu'elle fouillait dans le sac de Link pour trouver quelques denrées précieuses. Ce n'était pas le moment de faillir.

Elle s'approcha du jeune homme près du feu, recroquevillé sous la couverture pour se protéger du vent glacial qui était tombé sur la montagne. Il tremblait violemment et serrait les dents sous le coup du choc et de la douleur. Quand Zelda s'avança vers lui, il eut un mouvement de recul et plaça instinctivement sa main devant elle.

— Laissez-moi regarder, dit-elle doucement en écartant la couverture.

La morsure à la cuisse était profonde et sanguinolente. Le grand loup blanc n'avait pas manqué sa cible. Le ventre de Zelda se noua à la vue de la blessure grave. Elle réentendait le hurlement de Link derrière elle, tandis qu'ils fuyaient tous deux vers les bois, persuadés que la meute avait abandonné la traque. Elle revoyait cet immense loup blanc dressé sur le jeune homme et ses crocs profondément plantés dans sa jambe. Elle sentit de nouveau toute l'horreur de cette scène où la bête furieuse secoua et traina brutalement l'hylien sur le sol comme une poupée de chiffon, laissant un large sillon de sang dans la neige. Elle se souvint en frissonnant de la mollesse de la chair et du bruit des os lorsqu'elle avait enfoncé profondément l'épée dans le corps massif de l'animal. La jeune femme fit un effort incommensurable pour chasser de sa tête les images et pensées tourmentées qui se percutaient. Pas le moment, pas le moment.

Elle appliqua une nouvelle couche de gelée de chuchu rouge sur la blessure avant d'aider Link à bander la plaie avec sa propre écharpe. La gelée était un produit salvateur en l'absence de fée guérisseuse. Elle permettait de limiter les dégâts et d'étouffer la douleur. Mais elle ne serait pas suffisante pour garantir la rémission de l'hylien.

— Ne vous inquiétez pas, murmura-t-il entre deux souffles, voyant l'inquiétude de Zelda face à son état de fébrilité. Ça va passer… Je suis juste un peu secoué…

— Link, vous n'êtes pas seulement secoué ! Il vous faut des soins rapidement !

— Je suis sûre que nous ne sommes plus très loin…

— Cessez de vouloir toujours sauver les apparences au mépris de la vérité ! trancha brutalement la Reine dans un sursaut de colère.

Sur ces mots implacables, Link laissa échapper de ses yeux un véritable éclat de détresse qui écrasa le cœur de Zelda.

— Je suis désolée… fit-elle, au bord des larmes. Je ne voulais pas vous dire ça… Je suis désolée.

— Vous avez raison… répondit Link avec un sourire triste.

— Non, bien sûr que non ! Je réagis parce que j'ai peur, pardonnez-moi.

Elle prit le jeune homme dans ses bras sans pudeur, laissant couler l'émotion qui lui débordait du cœur depuis de longues minutes.

— C'est vous qui avez raison de toujours vouloir garder espoir, de regarder de l'avant, reprit-elle, la voix serrée. Mais je crois que votre optimisme se heurte à mon pragmatisme. Je ne supporte plus toute cette incertitude, d'être ainsi perdue en pleine nature sans la moindre idée de l'endroit où nous sommes et des chances que nous avons de nous en sortir. Je n'arrive pas à entrevoir de solution. Je n'arrive pas non plus à savoir ce que vous pensez, ce que vous ressentez au plus profond de vous-même. Vous semblez si secret, à la fois confiant et inquiet, silencieux, distant. Je n'arrive pas à lire dans votre regard. Et je crois que ça m'effraie de ne jamais rien savoir de vous…

Link enveloppa fiévreusement Zelda dans une étreinte et la pressa contre lui comme il ne l'avait jamais fait auparavant. La jeune femme ferma les yeux tandis qu'elle sentait le cœur de l'hylien cogner lourdement. Ils restèrent ainsi quelques instants, écoutant le feu pétiller et le vent siffler contre les roches.

— J'ai peur, moi aussi, avoua finalement le Héros après un moment. J'ai peur depuis le premier soir et maintenant je suis terrifié. Je n'y vois pas plus clair que vous et pour tout vous avouer, je n'ai jamais été aussi incertain de l'issue de ce voyage. Je me sens fatigué et je ne crois pas pouvoir vous amener loin avec une jambe blessée. Si je devais vous exprimer mon sentiment le plus profond, je crois qu'il serait plus désespéré que le vôtre…

La Reine sentit comme une décharge de douleur lui transpercer le cœur en écoutant les mots de Link, toujours secoué de frissons dans ses bras.

— Mais je ne peux pas laisser aller ce sentiment, poursuivit-il, la voix vibrante. Je ne peux pas baisser les bras, pas maintenant. Surtout pas si vous êtes avec moi. Mais pour ça, j'ai besoin de me convaincre que c'est encore possible, vous comprenez ? J'ai besoin d'entrevoir une issue…

La jeune femme plongea ses yeux d'un bleu sombre dans ceux, effrayés, de Link. La soudaine vulnérabilité du Héros sembla réveiller en elle une volonté qu'elle désespérait de trouver.

— Vous allez y arriver, dit-elle sur un ton revigoré. J'ai confiance en vous.

Après un repas profondément décevant, les deux hyliens s'allongèrent l'un contre l'autre sous la couverture pour se préserver du froid qui deviendrait bientôt insupportable quand le feu, un peu maigrelet, viendrait à s'éteindre. En quête de réconfort, ils s'autorisèrent même une douce étreinte, un peu désespérée mais sans écart, d'un côté comme de l'autre. Sentant le souffle régulier sur sa nuque, la Reine se surprit à penser qu'en meilleures circonstances, elle aurait aimé resserrer plus avidement ses bras autour de Link et le débarrasser de sa pudeur un peu sauvage. Mais ses rêveries cédèrent vite la place à une profonde inquiétude lorsque l'hylien s'agita fébrilement à mesure que la nuit avançait. En proie à la douleur, il semblait se débattre dans une fièvre préoccupante. Trop soucieuse pour trouver le sommeil, Zelda veilla des heures sur le jeune homme, craignant véritablement qu'il ne se relève pas de cette nuit difficile.

Mais au petit matin, l'hylien respirait toujours et semblait même dormir à point fermé. La Reine observa un instant son visage blême et détendu par le sommeil avant de le réveiller à contrecœur. Il ne fallait pas trop s'attarder pour augmenter les chances de Link et s'éloigner du territoire des loups. Mais le froid était si mordant qu'ils eurent du mal à quitter la chaleur rassurante des corps pour replonger dans l'angoisse de leur périple interminable.

— Comment va votre jambe ? demanda Zelda avec inquiétude.

Link afficha une grimace de douleur en tentant de se redresser et dut s'y reprendre à deux fois.

— Je suppose que ça ira mieux après avoir marché un peu.

Ils poursuivirent péniblement leur chemin durant des heures au hasard des paysages blancs, la cadence lourdement ralentie par la blessure du Héros et, probablement aussi, par la perte progressive de tout espoir d'arriver quelque part. Les étendues enneigées se succédaient inlassablement et leurs ventres, pauvrement contentés au matin, criaient famine. Mais alors qu'ils marchaient tous deux au bord du désespoir, Link saisit le bras de la Reine qui avait pris la tête de l'expédition :

— Regardez !

Il désigna un replat en contrebas qui sillonnait dans le paysage. Une route. A une cinquantaine de mètres environ.

— La route que nous cherchons !

— Vous en êtes certain ? demanda Zelda avec une vive émotion.

— Croyez-moi, il n'y a pas beaucoup de choix dans les parages.

— Par les Trois Saintes ! C'est fantastique ! Nous l'avons retrouvée !

Elle sauta vivement au cou du jeune homme qui la réceptionna maladroitement avant de tomber avec elle dans la neige.

— Je suis désolée, vraiment ! balbutia la Reine avant de s'écarter du Héros enfoncé dans la neige. Je suis désolée, je ne sais pas ce qui m'a pris ! Votre jambe ! Comment va votre jambe ?

— Tout va bien, rassura Link en se redressant avec un sourire un peu grimaçant. Votre enthousiasme redonne un coup de fouet !

Ils regagnèrent difficilement la route, toujours freinés par la blessure du Héros qui rendait tout obstacle laborieux. Cependant cette découverte leur donna un nouvel entrain qui les poussa comme un souffle de vent sur le chemin de la victoire pendant plusieurs kilomètres. Leur cœur leur parut plus léger et les paysages plus magnifiques que jamais. Même la douleur aigüe qui transperçait Link à chacun de ses pas lui parut un instant plus supportable.

Cependant, malgré leur avancée plus énergique, la route continuait de se dérouler devant eux à perte de vue, rongeant petit à petit l'espoir qui les avait étreints. La faiblesse de Link devenait de plus en plus manifeste et sa cadence, de plus en plus lente. Malgré la certitude que la fin du tourment approchait, la douleur et l'épuisement l'obligèrent bientôt à faire une halte dans une petite niche de roche qu'ils trouvèrent en chemin.

— Couvrez-vous, somma la Reine en enveloppant le jeune homme grelottant dans la couverture.

L'état du Héros l'angoissait amèrement. Il n'avait quasiment pas dormi depuis le début du périple et avait perdu beaucoup de sang la veille. Son visage, plus pâle que la craie, était marqué de cernes noirs et ses yeux perdaient leur éclat de minute en minute. Le manque de nourriture et le désespoir n'arrangeaient rien à la situation.

— Nous y sommes presque, Link, encouragea Zelda en lui frictionnant les épaules pour le réchauffer. Encore un dernier effort et vous pourrez vous reposer au chaud, chez vos amis.

— Majesté, il vous faut continuer sans moi, dit-il faiblement en fixant la jeune femme dans les yeux.

— C'est hors de question !

— Nous y sommes presque, vous avez raison. Mais je suis épuisé, je vais vous ralentir dangereusement et nous perdrons encore un temps précieux. Nous n'avons plus de temps à perdre !

— Link, je ne repars pas sans vous, ce n'est pas négociable !

— Ecoutez-moi. Si vous partez maintenant, vous arriverez au manoir avant la nuit. Les Yétis connaissent le Massif comme leur poche et ils se déplacent vite. Ils pourront me retrouver.

— Mais je …

— Prenez ça avec vous !

Il tendit son épée à Zelda sans lui laisser le temps de protester. Celle-ci s'en saisit la mort dans l'âme, comprenant que Link ne changerait pas d'avis.

— Je ne peux pas vous abandonner seul ici, dans le froid… fit-elle au bord des larmes.

— Vous ne m'abandonnez pas, Majesté, murmura l'hylien en prenant le visage chagriné de la Reine entre ses mains. Vous allez y arriver, j'ai confiance en vous.

oOo

Zelda enfonçait rageusement ses bottes dans la neige, des larmes chaudes accrochées aux yeux et l'idée fixe de sauver Link épinglée dans son esprit. Elle avait mis du temps à partir, tourmentée par l'angoisse que ces vibrants encouragements ne soient en vérité que des adieux déguisés. Elle s'était retournée de nombreuses fois lors de son départ, jusqu'à ne plus apercevoir le jeune homme blotti sous la couverture qui ne l'avait pas lâché du regard, jusqu'à se retrouver complétement seule au milieu de la montagne. Elle se remémora alors sa terreur du premier jour à l'idée d'être seule, perdue dans cette immensité glacée, sans personne pour l'entendre crier. Cette peur sourde battait toujours dans sa chair aujourd'hui mais elle était étouffée par sa volonté bien aiguisée. Elle n'abandonnerait pas Link à la mort blanche. Elle marcha sans relâche pendant ce qui lui sembla durer des heures, ignorant le feu de ses bronches, la douleur de ses membres et les vertiges de fatigue. Chaque minute comptait désormais, elle ne devait pas ralentir. Elle ne devait plus être loin, elle ne devait surtout pas ralentir.

Mais alors qu'elle maintenait l'allure, un bruit lointain de galopade attira son attention fléchissante. Elle se retourna et vit avec horreur deux loups bondir sur le chemin, les babines frémissantes, tandis que trois accourraient plus loin dans sa direction. Elle venait d'être à nouveau prise en chasse et cette fois, elle serait entièrement seule pour faire face. Une peur effroyable s'empara de la Reine qui s'efforçait sur l'instant de ne pas fuir. Il lui fallait rester dans l'affrontement pour les tenir à distance. Il lui fallait faire basculer la peur de leur côté. Zelda dégaina l'épée de Link qu'elle brandit en direction des loups qui approchaient d'elle en grondant entre leurs dents. Son bras tremblait nerveusement et son cœur battait à lui crever la poitrine. Alors la jeune femme repensa au Héros laissé seul en chemin pour se regorger de courage. Elle ne pouvait pas flancher maintenant. Elle n'avait pas de temps à perdre.

La Reine prit une grande inspiration et soudain, s'élança en direction des prédateurs en poussant un rugissement de rage. A sa grande surprise, les cinq loups qui lui faisaient face reculèrent craintivement avant de déguerpir à toute allure. La jeune femme se figea, sidérée et haletante, ses grands cheveux bruns et emmêlés retombant sur son visage défait. Elle venait de faire fuir une meute de loups affamés sans même avoir donner un seul coup d'épée. Zelda se retourna mollement, éreintée par cette brusque montée de sève et se retrouva nez à nez avec une immense silhouette hirsute qui faisait près de quatre fois sa taille. La jeune femme poussa un hurlement de frayeur et fut surprise de rencontrer la même réaction chez le monstre qui se dressait devant elle.

— Hé béh ! Ça va bien de crier si fort, oui ? J'ai bien cru m'évanouir, moi ! répondit le monstre à poil blanc, une main sur le cœur.

Zelda jaugea craintivement l'énorme créature couverte d'une épaisse fourrure et conclut, non sans une légère déception, que la fuite des loups n'était probablement pas de son propre fait.

— Vous… vous êtes le Yéti ?

— Béh oui, c'est moi, répondit le monstre en haussant les épaules. Mais vous… Vous êtes la Reine, n'est-ce pas ? Ah ça oui, c'est bien vous ! Et voilà que je vous trouve, comme ça, au milieu du chemin ! Mais hé, vous savez que tout le monde vous cherche ? C'est qu'on se…

— Je vous en prie, aidez-moi ! coupa Zelda en agrippant l'épaisse main noire du Yéti. Link est blessé, il est resté en arrière et…

— Link ? Ah ça oui, Link, je le connais ! Il…

— Ecoutez-moi ! trancha-t-elle de nouveau d'un air autoritaire. Il va mourir si nous ne partons pas immédiatement le chercher, vous comprenez ? Je peux vous guider jusqu'à lui mais il n'y a pas de temps à perdre !

La jeune femme se retrouva juchée sur l'épaule douce et chaude du grand monstre blanc qui glissait sur la neige à l'aide d'une épaisse plaque de glace. Le vent froid lui fouettait le visage mais la fourrure du Yéti la maintenait au chaud. Une immense fatigue envahissait le corps douloureux de la Reine mais elle restait attentive pour guider le grand monstre jusqu'au Héros.

Ils le retrouvèrent recroquevillé sous la couverture, complètement gelé et maintenu par un fil de conscience. Il était si faible qu'il n'eut pas la force d'avoir peur lorsqu'une immense main noire le souleva délicatement du sol pour le déposer dans un épais duvet de fourrure. La chaleur envahissait lentement les membres de Link tandis qu'une voix douce lui murmurait des mots rassurants. Il reconnaissait cette voix… Il reconnaissait…

oOo

Quand il reprit doucement conscience, le jeune homme entendit le crépitement d'une cheminée lui chatouiller l'oreille tandis qu'une agréable chaleur enveloppait tout son corps. Il sentit sur sa peau sensible le contact à la fois lourd et doux d'une couette en plume et ses yeux à peine ouvert captèrent une lumière chaude et rassurante. Soudain, le souvenir violent d'une mâchoire acérée percuta son esprit et l'hylien se redressa en un sursaut, le souffle court. Il réalisa qu'il se trouvait dans une grande chambre sombre, chauffée par une grande cheminée qui diffusait une lumière apaisante. Il lui fallut quelques secondes pour remettre en ordre ses idées et conclure avec soulagement qu'il se trouvait dans le manoir des Yétis. Mais une peur aigüe le saisit au ventre quand lui revint le souvenir de Zelda partant seule sur la route du manoir. Où était-elle à présent ? Nul doute qu'elle était parvenue au but sinon, il ne serait probablement pas ici lui-même. Mais il devait en avoir le cœur net. Link retira vivement la couverture pour découvrir que sa cuisse blessée avait été soigneusement bandée et nettoyée. Il bougea légèrement sa jambe et sentit une douleur fulgurante l'électriser et lui arracher un gémissement.

— Vous êtes toujours aussi impatient, fit une voix féminine, derrière lui.

La voix de la Reine. Celle qui l'avait apaisé quand il croyait sombrer à tout jamais dans l'inconscience, dans le néant absolu.

— Majesté, dit-il d'une voix rauque tandis qu'il voyait la jeune femme s'approcher de lui.

— Restez couché, fit-elle doucement. Vous avez perdu beaucoup de forces mais vous êtes hors de danger. Ash et Lafrel sont au salon, sains et saufs.

Link acquiesça avec un sourire, soulagé de constater que toute cette histoire se terminait bien. Il dévisagea Zelda avec intensité, prit d'une émotion soudaine qu'il tâchait de retenir au fond de sa gorge. Sa peau était pâle et ses yeux creusés de fatigue. Elle avait aussi peu dormi que lui et l'avait probablement veillé ces dernières heures. Mais elle semblait sereine.

— Vous voyez, murmura Link. Vous y êtes arrivée.

— C'est vous qui m'avez donné cette force…

— Non, vous êtes courageuse… Vous l'êtes encore plus que moi.

Zelda embrassa le front de l'hylien qui peinait à rester éveillé.

— Reposez-vous, dit-elle. Vous n'avez plus rien à craindre.

Le jeune homme referma les yeux en laissant échapper une larme chaude. Le cauchemar était terminé.