Titre : La voie de l'Oméga
Disclamer : Les personnages et les noms issus du monde HP sont à une certaine JKR qui serait, selon la rumeur, mondialement connue. Pour les autres personnages, l'univers de cette fiction et l'histoire, ils sont à moi.
Rated : Franchement, c'est lassant de le répéter, mais vous lisez du Mandy, donc M, évidement et pas uniquement en raison de passages citronnés, loin de là.
Bêta correctrice : Nanola, dite la licorne à paillettes, ou simplement Bichette mais y'a que moi qui ai le droit de le dire.
Avertissements : Slash M/M. De plus, certains chapitres sont durs. Ceux qui me connaissent savent de quoi je veux parler et que si je le dis, ce n'est pas pour faire joli.
De ce fait, pour les non initiés, que les choses soient bien claires : mon monde est sombre, je ne fais pas dans le fleur bleue, c'est mon style, c'est ce que j'aime écrire.
Toutefois, même si je parle de violences, sexuelles entre autre, il n'y aura pas de passages (trop) descriptifs. Je l'ai déjà fait dans « Identités Déclarées », cela a été éprouvant pour moi, n'en doutez pas une seule seconde - oui, malgré les rumeurs je ne suis pas une totale psychopathe ou sociopathe, il paraîtrait même que j'ai un cœur. De même, les réactions de la victime seront en partie différentes pour une raison simple dans mon esprit : ici, il s'agit d'un Lycanthrope de type Oméga, pas d'un simple humain.
En conclusion, si vous n'aimez pas ce genre d'histoire et/ou les relations entre garçons, ne lisez pas, cela nous fera gagner à tous du temps.
NDA : Cette histoire est donc un complet UA avec pour créatures mythiques, entre autre, des Loups-garous. Cela faisait un moment que j'avais envie d'écrire sur eux, c'est fait.
Ceux qui me connaissent ne devront pas s'étonner de lire quelques passages de cette histoire qu'ils auront, en partie, déjà lus dans une autre de mes fictions, à savoir « Les arches de Noé ». Oui je me suis auto-plagiée, bouh la vilaine ! Ceux qui ont déjà lu cette fiction le savent, je l'avais expliqué à cette occasion, « Les arches de Noé » est une mini-fic que j'ai écrite sur un personnage et un univers qui ne sont pas à moi, mais à mon amie Azanielle, dans le cadre de sa fiction « Feu et Glace » - excellente fiction et excellente auteur que je vous recommande, soi-dit en passant.
J'ai donc repris mes propres idées, mes propres personnages (comme la meute de Fenrir) pour pouvoir écrire dans mon propre univers. Ainsi, ne vous étonnez pas de retrouver certains personnages et des passages entiers peu ou pas réécrits dans les premiers chapitres.
Cette histoire, j'y pensais depuis longtemps, elle fait elle aussi partie d'un projet personnel bien plus vaste que j'espère mettre un jour au monde, à plus ou moins long terme. En attendant, je vous livre ceci, une fiction dans le fandom HP. J'espère qu'elle vous plaira.
Enfin, ceux qui me suivent le savent aussi, même si mes héros souffrent, il y a toujours une lueur d'espoir au bout du tunnel.
Rythme de publication : Cette fiction n'est pas, pour le moment, totalement terminée mais comporte déjà 40 chapitres. Ne pouvant pas soutenir le rythme de publication de mes anciennes fictions pour l'instant (à savoir une fois par semaine) si je partage avec vous aujourd'hui ce premier chapitre, pour les prochains, il faudra attendre un peu plus...
Sur ce, je vous souhaite une bonne lecture et un agréable moment en ma compagnie.
Chapitre 1
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Au commencement
Au commencement du Monde Libre, les terres étaient désertes, arides et plongées dans les Ténèbres. Et puis, les Ténèbres ont partagé le ciel avec la Lumière et un souffle fait de magie a parcouru le monde, créant les Éléments : l'Eau, la Terre, le Feu, l'Air et les Plantes. De tous ces éléments est née la vie à travers différentes espèces, telles qu'elles demeurent aujourd'hui.
Chaque Élément a ensuite conçu seul de grandes races, qu'ils considèrent comme leurs enfants.
Du Feu sont nés les Phénix et les Dragons.
De l'Eau, les Naïades, Ondines et Sirènes.
De la Terre, les Hommes.
Des Plantes, les Lechi et les Dryades.
Seul l'Air était resté stérile, au plus grand désespoir de ses frères. Mais l'Air prenait simplement son temps et alors que tous les autres Éléments avaient déjà donné naissance à leurs enfants, il décida de concevoir les plus belles et plus pures des créatures : les Sylphes, à qui il donna la beauté, la grâce et la sagesse. Il leur donna ensuite le don de faire de la magie, contrairement aux fils et filles des autres Éléments qui en étaient dépourvus.
Toutefois, l'Air, dans sa soif de perfection, oublia deux choses importantes : la jalousie des autres espèces vivant sur terre et la capacité pour ses enfants de se reproduire sans l'aide de ces mêmes autres espèces.
Livre de Thadd – verset 5
... ... ...
Peter Bones se considérait jusqu'à ce jour comme un homme heureux. Il vivait dans le Royaume qu'il trouvait le plus beau et le plus pacifique que le Monde Libre avait compté, celui de Poufsouffle. Il était marié à la plus délicieuse des femmes et avait déjà trois filles aussi belles et douces que leur mère. Pour couronner le tout, sa famille vivait à Helga, la capitale, aux abords du quartier le plus riche et le plus recherché de la ville.
Peter était lieutenant dans la Garde Royale, il gagnait bien sa vie, était fier de son rang et de sa mission à l'école militaire où il était instructeur auprès des jeunes recrues. Sa femme, Caroline, était quant à elle préceptrice dans l'une des plus riches familles du Royaume, les MacMillan. Ces derniers étaient non seulement riches, mais ils avaient aussi du sang royal. En conséquence, c'était l'une des quelques familles de Mages que comptait Poufsouffle.
Oui, alors que l'homme regardait le ciel étoilé, il aurait pu se considérer comme heureux. Ce n'était pourtant pas le cas.
Peter baissa ses yeux vers la petite forme empaquetée qu'il tenait dans ses bras. Pourquoi l'avait-il prise ? Pourquoi l'avoir caché à Caroline ? Sa pauvre épouse avait été endormie par le Médicomage des MacMillan, elle ne savait donc pas encore que l'enfant qu'elle portait en son sein était né. Sans vie.
L'accouchement avait été prématuré, difficile. Elle avait failli mourir. Non, elle serait morte si les MacMillan n'avaient pas fait appel à ce Mage médecin. Il avait sauvé Caroline. Pas son nouveau-né. Un garçon. Le seul qu'aurait pu compter la famille.
Caroline et lui s'étaient rencontrés et mariés sur le tard. Laura, Susan et Édith étaient des cadeaux que la vie leur avait donnés. Malgré les recommandations de leur médecin, Peter avait absolument voulu avoir un autre enfant. Il rêvait d'avoir un garçon. Caroline était trop âgée, trop fragile, les avait prévenus le docteur. Mais Peter ne voulait rien savoir.
Aujourd'hui, il en payait le prix. Il avait failli perdre sa femme alors que le cadavre de son fils reposait dans cette couverture. Caroline ne pourrait plus jamais avoir d'enfant, le Médicomage s'était chargé de le rendre impossible.
L'homme essuya les larmes qui coulaient sur ses joues d'un revers de main, rageur. Un homme ne pleurait pas !
Il avança dans la nuit, ses pas le guidant sans le savoir aux abords de la large rivière qui traversait la ville. Il longea la balustrade pour parvenir ensuite à la Place des Rois.
C'était le plus beau et donc le plus cher quartier de Helga. Ici se tenaient parmi les plus luxueux commerces, les thermes les plus raffinés, les monuments les plus importants ou institutions du Royaume. Au loin devant lui, pratiquement invisible et se découpant dans la nuit, se dressait le Palais Royal. De là où il se tenait, Peter voyait les maisons des nobles qui l'entouraient, plongées dans l'obscurité,. À sa droite, les écoles réservées à leurs enfants ou à ceux de la haute société, avec derrière, le bâtiment dont il connaissait chaque pierre par cœur : l'école des officiers et militaires de l'armée royale.
Peter continua sa marche, rasant les murs, le cœur en miettes. Il parvint bientôt à l'entrée de la grande cathédrale, passant devant sans la voir. Il s'arrêta soudain, ses yeux voyant sans vraiment le voir non plus le Temple des Monoïques, là où les jeunes garçons étaient élevés et éduqués.
Cependant, un autre sens de l'homme malheureux était quant à lui toujours en alerte : l'ouïe.
Ses pensées furent donc brutalement interrompues par un bruit étrange, comme une branche qui se cassait. Interdit, puisque rien ne pouvait justifier ce son, Peter s'avança un peu plus dans la rue déserte et mal éclairée. Il s'arrêta soudain, stupéfait.
À quelques mètres du Temple et tout autant de lui, se tenait une créature qu'il n'avait encore jamais vue. Elle était repoussante et très petite. Plus petite même qu'Édith. Ses jambes maigres dépassaient d'une sorte de toge faite dans un chiffon crasseux. Elle avait des oreilles semblables à des ailes de chauve-souris et une touffe de poils sur l'étrange pomme de terre qui lui servait de tête.
Ses yeux globuleux se mirent à luire à la clarté de la lune, alors qu'elle soulevait dans ses bras osseux un petit paquet de tissu sombre.
« Vas-tu donc te taire, stupide créature ? » grinça-t-elle d'une voix aiguë.
Le petit tas de chiffon émit alors un bruit que Peter reconnut entre tous : le vagissement typique des nouveaux-nés.
Son sang ne fit qu'un tour, il perdit toute notion de prudence et, agissant plus selon son instinct militaire qu'autre chose, il se précipita sur la chose qui maintenant secouait le nourrisson qui devait se trouver dans les linges, tout en dégainant l'épée du fourreau qu'il portait à sa taille.
« Lâche-le ! Lâche-le ! Démon ! » cria-t-il en sortant de l'ombre.
La bête se tourna en couinant, ses grands yeux effrayés. Elle posa le bébé au sol et recula de trois pas, indécise.
Peter se précipita vers la couverture, d'un bleu nuit, et découvrit à l'intérieur le fin visage d'un bébé qui pleurait.
Sans hésiter, il se saisit du nouveau-né et se recula à son tour.
L'homme et la chose se regardèrent un instant, sans savoir quoi faire. Puis, la petite créature claqua des doigts et disparut dans le même craquement sourd de branches brisées.
Peter ne bougea pas avant quelques secondes. Se reprenant soudain, il rengaina son arme et détala dans une ruelle encore plus sombre que les autres. Il avait désormais deux enfants dans les bras, l'un mort, l'autre bien vivant et qui gigotait dans son lange. Il les déposa au sol, avisant chaque corps.
Les deux bébés n'avaient rien en commun, à part leur sexe comme le découvrit Peter en ouvrant la couverture bleue. Son fils n'était qu'un petit amas sanguinolent de chair blanchâtre, dont les os se devinaient sous la peau. Ses cheveux étaient comme ceux de ses sœurs et de ses parents : sombres. L'autre bébé avait de grands yeux clairs bien ouverts, ses cheveux fins étaient si pâles qu'ils semblaient faits d'argent. Il avait encore sur sa tête ainsi que dans les plis de ses coudes et genoux, les traces de liquide amniotique séché mêlé de sang. Il ne devait pas avoir plus d'une demi-journée de vie. Il était dodu, sa peau rose semblait veloutée.
Peter était totalement désemparé. Puis le nouveau-né recommença ses cris, le faisant sursauter alors que la tête ronde tournait à droite et à gauche, à la recherche de chaleur et de lait.
Alors, l'homme sut ce qu'il allait faire.
Prenant l'enfant blond, il plaça celui qui avait été son fils dans la couverture bleue, remarquant rapidement au passage qu'elle était d'une très haute qualité. Il emmaillota grossièrement le nourrisson décédé, puis posa avec délicatesse le bébé qui vagissait toujours dans la blanche.
Ses deux fardeaux contre sa poitrine, Peter se mit à courir sans bruit en direction de sa maison. Il repassa devant le fleuve et, sans une once d'hésitation, jeta la couverture sombre dans l'eau où elle atterrit dans un bruit d'éclaboussement. Sans se retourner, l'homme continua sa course jusqu'à chez lui.
Ce fut le cœur battant la chamade que Peter pénétra dans sa chambre. Sa femme était réveillée et pleurait, son ventre désormais vide et sans bébé dans le berceau à ses côtés.
« Peter... Peter... » balbutia-t-elle en voyant son époux s'avancer vers elle. « Où est notre bébé ? »
« Il est là, ma chérie, regarde, regarde comme il est beau. »
La femme poussa un cri, mélange de douleur et de soulagement. Elle tendit des bras avides sur le petit paquet que tenait Peter et éclata en sanglots à la vue du nourrisson qu'il cachait.
« Oh, par les dieux ! J'ai cru... Tu n'étais pas là, il n'y avait pas de bébé et j'ai cru... Il est vivant, mon bébé est vivant ! » pleura-t-elle, à la limite de la crise de nerfs, en berçant l'enfançon.
« Oui, pardon, ma chérie, pardon, c'était juste le temps de faire quelques examens, tu le sais bien. Mais il va bien, il est en très bonne santé, le Médicomage me l'a assuré. »
« Il ? »
« Oui, » fit Peter en souriant. « C'est un fils, un magnifique petit garçon. »
Caroline se mit à rire, aux milieux de ses larmes. Elle ouvrit la couverture, révélant l'enfant qui s'agitait de plus en plus.
« Un fils, un fils ! »
Elle prit le nourrisson contre elle, ouvrant le devant de sa robe de nuit afin de le placer contre l'un de ses seins. Le bébé ouvrit tout grand sa petite bouche rosée, ses minuscules lèvres se refermant avec maladresse sur le téton offert. Son tout petit nez plaqué contre le sein blanc, il entreprit aussitôt de le téter avec entrain, fermant ses yeux sous l'effort que cela lui demandait.
Peter sourit à l'entente des doux bruits de succion du nouveau-né. Sa femme chantonnait tendrement, toute trace de douleur évanouie. Elle caressait avec adoration la tête soyeuse et le corps du bébé, sans relâche.
« Qu'est-ce donc ? » demanda-t-elle soudain en soulevant une chaîne en or à laquelle était accroché un médaillon.
Peter se tendit. Il ne savait absolument pas de quoi il s'agissait, n'ayant pas remarqué le collier en raison de la panique qu'il l'avait saisi au moment de la découverte de l'enfant et de l'obscurité.
Caroline tourna le médaillon, découvrant l'inscription gravée dans l'or.
« Draco ? » s'étonna-t-elle. « Mais... Nous n'avions pas dit qu'il s'appellerait Peter, comme toi, si c'était un garçon ? »
L'homme réfléchit à toute vitesse, ne voulant pas commettre un impair. Hors de question que Caroline se doute de quoi que ce soit !
« Je sais mais... J'ai toujours beaucoup aimé ce prénom, il me fait penser aux dragons qui vivent sur les Terres de Feu, à l'est de notre monde. Tu n'aimes pas ? »
Caroline se mit à rire, un rire faible et fatiguée alors qu'elle se rallongeait dans son lit, l'enfant toujours fermement maintenu contre elle.
« Peter, tu ne changeras jamais. À chaque fois, tu réussis à me surprendre, même après dix ans de mariage. Et d'où te viens cette subite passion pour les dragons ? »
« L'un de mes collègues est un Mage, son frère est parti sur les Terres de Feu comme dragonnier. Il parait que c'est un métier chez eux, » éluda Peter après moins de vingt secondes de réflexion.
« Ah... » conclut Caroline en fermant les yeux. « Tu voulais tant ce fils, je peux bien te passer ce dernier caprice, » chuchota-t-elle.
Peter s'allongea aux côtés de sa femme et du nourrisson qui était désormais son fils. Il embrassa Caroline sur le front tout en les câlinant, l'un et l'autre.
« Tu devrais dormir, tu es épuisée. »
« Oui, mais il n'a pas fini de manger, c'est lui qu'il faut maintenir éveiller. »
« Je m'en occupe, ne t'inquiète pas. Dors, mon ange. »
Caroline sourit avant d'ouvrir ses yeux de nuit et de les plonger dans ceux de son époux.
« Peter, Draco est très différent de ses sœurs. Il est blond et a les yeux clairs ! C'est une grande première. »
Peter embrassa de nouveau sa femme, s'obligeant à répondre avec assurance.
« Ça ne m'étonne pas, ma grand-mère me disait toujours qu'au moins un de ses petits-enfants lui ressemblerait. Elle s'était juste trompée d'une génération, c'est tout. »
« Clarisse était blonde aux yeux bleus ? » fit Caroline, étonnée.
« Non, pas elle. Du côté de ma mère, » répondit Peter, prudent.
Ici, à Helga, plusieurs personnes connaissaient sa famille paternelle. Le mensonge ne serait jamais passé. Alors que sa femme et son enfant s'endormaient, L'homme réfléchit encore. Même en s'inventant une grand-mère qu'il n'avait jamais connue - après tout sa mère était née dans un petit village reculé du Royaume et n'avait été qu'une simple servante dans la famille Bones avant d'en épouser l'un des fils - son mensonge ne survivrait pas longtemps. Pas ici tout du moins.
Le Médicomage ne devait logiquement pas revenir chez eux. Ils n'étaient pas des Mages, leur médecin ne l'était pas non plus. Les Sans-Pouvoir ne voyaient en général ces médecins particuliers que le jour de leur naissance, justement. En effet, chaque nouveau-né devait être examiné par un Magicien, car eux seuls pouvaient découvrir si l'enfant était un Monoïque ou non. De leur certificat de naissance dépendait l'avenir de chaque enfant né, non seulement dans le Royaume de Poufsouffle, mais dans chacun des trois autres Royaumes que comptait le Monde Libre.
Le Magicien n'avait pas dû faire de certificat. Malgré cela, il avait certainement dû informer les MacMillan du décès de leurs fils ou le ferait un jour. Si c'était le cas, dire au MacMillan que le vieux Mage s'était trompé et que l'enfant avait recommencé à respirer après son départ n'était pas un réel problème. Par contre, si le vieil homme apprenait dans le futur qu'il y avait un bébé bien vivant chez eux, il s'étonnerait forcément. Et les ennuis commenceraient.
Peter se leva furtivement, descendit les escaliers et regarda sur la table du salon. Il vit ce qu'il s'attendait à trouver là : le fameux certificat de naissance de Peter Junior Bones, avec la signature du Mage. Il était vierge à part le nom de l'enfant et la mention « mort-né » écrit dessus, à l'endroit réservé.
Le soldat serra les poings. Non, il ne permettrait jamais qu'on lui enlève son fils. Draco était le bébé qu'ils auraient dû avoir ! C'était un ange tombé du ciel pour eux.
Il s'approcha du parchemin, prit une plume, de l'encre, ainsi qu'une petite fiole d'acétone. Délicatement, il effaça avec un petit morceau de coton le prénom de l'enfant, ainsi que le funeste « mort-né ». Il patienta de longues heures, cachant son ouvrage à sa femmes et ses filles, ravies de découvrir leur petit frère né durant la nuit. Seule Édith, la plus jeune, ne sembla pas heureuse de l'annonce, perdant ainsi son statut de petite-dernière et bébé de la maisonnée.
Petit à petit, Peter ré-écrivit le certificat de Draco Peter Bones, né le 5 juin 1580 à 23h54 à Helga, Royaume de Poufsouffle, enfant né viable, Sans-Pouvoir et non Monoïque. Quatre jours après la naissance de son fils, Peter apporta le certificat au service de Régulation et Contrôle des Naissances. À la fin de la semaine suivante, il informa sa famille qu'il avait décidé de quitter l'armée afin de pouvoir s'installer plus au sud, près de la ville de Chourave.
Moins d'un mois plus tard, la famille Bones quittait Helga, pour ne plus jamais y revenir.
... ... ...
Le petit garçon, d'un blond presque blanc, ouvrit lentement la lourde porte en bois du bureau de son père. Ne voyant personne, ni dans la pièce, ni dans le couloir, il avança prudemment.
Ce bureau, c'était la pièce préférée de Peter. Il y passait chaque semaine de longues heures, soit assis derrière son bureau, soit dans son confortable fauteuil, un livre à la main. Draco savait pertinemment qu'il n'avait pas le droit d'y rentrer si son papa n'était pas là. D'ailleurs, quand Peter Bones prenait son quart à la Garde Royale de Chourave, il fermait toujours son bureau à clef.
L'ancien lieutenant n'avait finalement pas pu se résoudre à quitter définitivement l'armée.
Après avoir quitté Helga, la famille Bones avait trouvé une jolie maison dans le petit village de Pomona, à quelques kilomètres seulement de la grande ville de Chourave, la deuxième ville la plus importante du Royaume.
Ils l'avaient achetée, ainsi que les terrains agricoles alentours. Peter avait aussi embauché des ouvriers pour l'aider dans sa nouvelle tâche.
La famille Bones vivait donc désormais au sud de Chourave, dans ce qu'on appelait les beaux quartiers, quand bien même Pomona n'était pas un quartier mais un village, comme avait expliqué Laura à Draco. Ils avaient de la chance, ils n'étaient pas dans le besoin, loin de là.
Caroline avait même repris le poste d'institutrice pour tous les enfants de Pomona, mais aussi des deux autres villages du sud et de l'ouest de Chourave. Elle était aimée et respectée. Quant à Peter, le fait qu'il soit un ancien lieutenant, instruit et aisé, lui avait valu aussitôt le respect.
Mais devenir un fermier, même riche, ne lui convenait qu'à moitié. Il s'était rendu à Chourave et avait reprit un poste d'officier, en tant que réserviste à mi-temps.
Le petit Draco était très fier de son papa quand il revêtait la tenue officielle des soldats, noire et jaune à l'image de leur drapeau. La plus fière était cependant Susan, la seconde fille du couple. Susan était très proche de son père qu'elle vénérait. Peter, lui, adorait sa cadette, la seule fille Bones à avoir hérité de ses yeux noisette et de ses cheveux d'un brun chaud plutôt clair. Édith et Laura, l'aînée, portaient leurs cheveux d'un noir de jais en une lourde natte tressée et leurs yeux étaient aussi sombres que la nuit, à l'image de leur mère. Même leur peau était plus foncée, comme éternellement bronzée.
À côté de ses sœurs, Draco se sentait bien différent, avec ses yeux aussi pâles qu'un ciel nuageux et ses cheveux de clair de lune. Laura et sa mère le pouponnaient sans cesse, le cajolaient comme une poupée. Si le petit garçon appréciait le fait d'être un petit prince pour sa mère et sa sœur aînée, les autres membres de la famille ne le voyaient pas de cet œil, notamment Édith. Draco lui-même avait fini par se rebeller, il avait cinq ans, ce n'était plus un bébé !
L'enfant referma sans bruit la porte du bureau. Son papa le trouvait trop poule mouillée, trop pleurnichard. La veille encore, il l'avait grondé quand il avait perdu sa première dent de lait. Draco n'aimait pas la vue du sang et s'était mis à pleurer quand sa mère lui avait arraché sa quenotte branlante.
Il ne jouait pas à des jeux guerriers. Il préférait s'occuper des poules et des lapins ou jouer avec des petites figurines représentant des animaux, délaissant celles des soldats et des dragons dont raffolaient les autres petits garçons. Mais contrairement à ce que pensait son papa, il n'était pas un pleutre ! Juste qu'il détestait toute forme de violence. L'enfant savait aussi qu'il était très curieux. Trop, lui disait souvent Édith, les lèvres pincées.
Cette même curiosité lui avait déjà valu pas mal de soucis et là encore, aujourd'hui, c'était elle qui l'avait poussé à se faufiler dans le bureau de Peter. Lui et Caroline étaient au potager. Caroline pour vérifier l'état des légumes, Peter pour ordonner à ses ouvriers d'aller faucher le blé dans le champs afférant. Ses sœurs étaient dans le salon en train de finir leur tricot ou broderie. C'était donc le moment parfait.
À petits pas, Draco s'approcha de la bibliothèque. Son père possédait beaucoup de livres, de livres anciens. Cependant, ce qui intéressait le plus le petit garçon n'était pas là mais dans l'un des tiroirs du bureau sombre. Le troisième pour être exact. Il le tira et en sortit avec révérence un rouleau de tissu épais, qu'il déplia à même le sol devant ses yeux émerveillés.
La carte du monde.
L'enfant ne la découvrit d'abord qu'avec ses yeux. Il ne l'avait vue que deux fois, toujours en présence de son père. Mais ce dernier n'avait jamais voulu lui expliquer ce qu'il voyait, le jugeant trop petit. Le cœur de Draco se serra un peu. Il n'avait jamais partagé grand chose avec son père, à part des reproches. Contrairement à Susan qui était un vrai garçon manqué et le suivait partout où il allait.
Ses yeux ne suffisant plus, un fin petit doigt blanc retraça les courbes des terres, les limites des frontières. La carte était richement décorée, éblouissante de couleur. L'enfant reconnut de suite le blason de Poufsouffle et suivit les contours du Royaume. Un étrange sentiment de fierté l'envahit quand il constata qu'a priori, leur Royaume était le plus vaste de tous ! Au côté opposé, les terres se perdaient dans du noir, des dessins d'arbres décharnés et de roches rougeoyantes. En haut, la terre s'étirait, étroite, et devenait blanche.
Tout à sa contemplation, Draco n'entendit pas la porte s'entrouvrir. Il continua son exploration, regrettant amèrement de ne pas savoir encore lire.
Deux minutes plus tard à peine, la porte du bureau s'ouvrit avec violence, faisant pousser un petit cri au garçonnet, surpris. Sa peau claire pâlit un peu plus en découvrant la haute silhouette de son père, furieux. Derrière lui se tenait Édith, moqueuse et satisfaite.
« Tu vois, papa, je t'avais bien dit que Draco était dans ton bureau ! » s'exclama la petite fille.
« Draco ! Tu as interdiction de venir ici ! » rugit Peter.
Il avança en grandes enjambées vers l'enfant qui se mit aussitôt à pleurer. Les yeux de l'homme lancèrent des éclairs à la vue de sa carte étalée par terre et des larmes de son fils. Il prit la carte, la posa sur le bureau et lança une gifle retentissante à l'enfant qui bascula en arrière.
« Peter, non ! » cria aussitôt Caroline en se précipitant vers son fils.
« Comment cela, non ? » cria Peter. « Cette-fois, il n'y coupera pas ! Il a désobéi une fois de trop, tes jérémiades et ses pleurnicheries n'y changeront rien ! Ce bureau est mon domaine ! »
Peter se saisit du bras fin du garçon et l'entraîna hors de la pièce. Draco était effrayé. Il avait déjà vu son père en colère, mais jamais à ce point-là. Il trébucha tout le long, ses jambes ne touchant pas toujours le sol alors que son père l'entraînait dans la cour. Il se retrouva bientôt à terre, le cœur tambourinant dans sa poitrine enfantine.
« Tu m'as désobéi, Draco ! Il est temps pour toi d'apprendre ce qui se passe quand on transgresse les règles ! Tu n'es plus un bébé, les jupes de ta mère, c'est terminé ! »
Peter enleva alors sa ceinture en cuir, devant les regards affolés tant de son fils que de sa femme et de ses filles, ainsi que les employés encore présents.
« Peter ! Non, ne fait pas ça, c'est juste un petit garçon ! » protesta Caroline.
« Silence ! » hurla Peter.
Draco se mit à pleurer plus fort alors que son père le remettait durement sur ses pieds et se penchait vers lui.
« As-tu désobéi, Draco ? »
« Oui, » pleurnicha-t-il. « Je suis désolé, papa, je voulais juste voir ta belle carte. »
« Tes explications ne m'intéressent pas ! Es-tu encore un bébé ? Quel âge as-tu ? »
« J'ai cinq ans, je suis plus un bébé. »
« Bien. Et tu sais ce qui arrive aux petits voleurs et aux brigands quand on les découvre ? »
Draco pleura plus fort.
« J'ai rien volé, papa, je te promets. »
« Réponds à ma question ! »
« Ils ont le fouet, » répondit le bambin en levant des yeux plein de détresse vers son père.
Ce dernier ne se laissa pas attendrir et souleva la chemise de son fils, la passant par-dessus sa tête afin de la lui placer sur le torse, les bras coincés. Draco se mit à sangloter, jetant des regards désespérés vers sa mère et ses sœurs. Il constata à ce moment-là qu'elles n'étaient pas seules, que les employées de la maisonnée étaient là, soit une dizaine de personnes en tout. La honte l'engloba tout autant que la peur.
La ceinture claqua dans l'air et sur la peau fragile de son dos, lui arrachant un hurlement. Au bout de trois, l'enfant était au sol, hurlant et priant pour que son papa arrête. Il entendit ensuite d'autres cris, d'autres larmes que les siennes alors que la ceinture le frappait encore. Et puis, au bout d'un instant, les coups de fouets cessèrent. Draco se sentit porté, doucement, alors que son dos, lui, le faisait souffrir le martyre.
L'enfant atterrit sur son lit. Il sanglotait toujours alors qu'il prenait contre lui sa petite peluche en forme de lapin, qu'il colla sous son nez. Nul doute que son père serait furieux en le voyant faire mais en cet instant, Draco s'en moquait. Il en voulait à son papa et à Édith. Il l'avait frappé, humilié, battu, alors qu'il n'avait rien volé !
« Pardon, mon poussin, mon pauvre poussin. »
Draco tourna sa tête, découvrant sans surprise sa maman, qui pleurait autant que lui alors qu'elle lui caressait les cheveux.
« Il faut lui passer un linge humide sur le dos, madame, ensuite je lui passerai du baume. C'est une pommade faite par les Mages, elle est très puissante. »
Draco reconnut la voix d'Angus, l'employé principal de son père et de sa mère. Lui s'occupait des champs et vergers, supervisait les ouvriers en l'absence de son père, tandis que son épouse, Jane, aidait sa maman à la maison.
« Laura, vite, un linge, » ordonna Caroline.
Rapidement, Draco serra les dents alors qu'un morceau de tissu humide et froid parcourait son dos et ses jambes. Il pleura sans bruit, ne voulant pas se faire encore plus remarquer. Ensuite, ce fut avec soulagement qu'il sentit la main calleuse de l'homme qui lui passait de la crème sur ses blessures. Caroline et Laura étaient toujours à ses côtés, le consolant par leurs paroles et leurs caresses.
« Je... Je voulais juste voir sa jolie carte, » balbutia Draco, malheureux. « J'ai rien volé à papa... Je voulais juste voir sa jolie carte... »
« C'est fini, mon bébé, » le consola la mère.
« Je suis plus un bébé... Papa dit que je suis plus un bébé... Moi aussi je voudrais faire des choses de grand avec lui, comme Susan... » pleura le petit garçon en serrant plus fort sa peluche contre lui.
Caroline referma l'un de ses poings sur le drap de son garçon. Les paroles, comme le dos meurtri de son fils, étaient un déchirement pour elle. Son regard sombre rencontra celui, vert, d'Angus, clairement désapprobateur, puis celui, noir et désolé, de Laura.
Une fois que Draco se fut endormi, heureusement drogué par une boisson donnée par Jane, Caroline, suivie de sa fille aînée, sortit de la petite chambre.
Elle descendit les escaliers et se dirigea d'un pas décidé au salon. Édith et Susan étaient tranquillement installées, chacune dans un fauteuil. Susan lisait, Édith finissait sa broderie. Sa dernière fille ne leva pas les yeux vers elle, contrairement à Susan.
« Comment va Draco ? » demanda cette dernière, visiblement inquiète.
« Il dort, grâce à la médecine d'Angus. Merci de ta sollicitude envers ton frère, Susan. »
Édith sembla se ratatiner sur le coussin, comprenant malgré son jeune âge le reproche sous-jacent.
« Maman, » murmura-t-elle du haut de ses huit ans. « Je ne savais pas du tout que papa allait être si en colère. Si j'avais su, je... »
« Tais-toi donc, espèce de sale peste ! » la coupa aussitôt Laura.
Les yeux sombres de la petite fille brillaient de colère. Bien qu'elle n'ait pour sa part que onze ans, elle se comportait depuis toujours avec Draco comme une seconde maman. À sa naissance, son petit frère avait d'abord été une poupée pour elle. Le temps passant, elle avait pris son rôle de grande sœur très au sérieux avec le bébé.
« Tu es tellement jalouse et mauvaise avec Draco que tu l'aurais fait quand même ! »
« Non, je t'assure que non, Laura ! » se défendit Édith.
« Menteuse ! »
La petite fille eut ses propres yeux noirs emplis de larmes face aux accusations de son aînée.
« C'est pas vrai ! Je voulais qu'il soit puni, ça oui, parce que Draco fait toujours plein de bêtises et vous, vous lui dites rien. Mais je ne voulais pas qu'il soit battu ! » protesta-t-elle.
« Il a été puni. Quant à la manière dont j'éduque le seul garçon de cette maison, cela est mon affaire, » les interrompit soudain la voix grave de Peter.
Un long silence pesant s'en suivit, que brisa Caroline, en ne regardant que ses filles.
« Les filles, sortez dans le jardin. Allez voir si les ouvriers ont besoin d'aide, j'ai à parler avec votre père. »
Les enfants ne protestèrent pas et se dépêchèrent de sortir, Susan et Laura devant, Édith, malheureuse, cherchant à rattraper ses sœurs qui l'ignoraient. Une fois seule, Caroline se retourna enfin vers son mari qui n'avait pas bougé, accolé contre le chambranle de la porte d'entrée.
« Qu'as-tu de si important à me dire, femme. »
Caroline s'avança vers lui et sans somation, le gifla avec force. Peter attrapa le bras encore levé de son épouse, furieux.
« Ne refais plus jamais ça ! »
« Et toi, Peter, ne lève plus jamais la main sur mon fils comme tu viens de le faire ou je jure devant les Dieux et les Hommes que je te quitte, malgré tout l'amour que j'ai pour toi ! »
La voix froide de son épouse choqua Peter bien plus que la claque qu'il venait de recevoir.
« Caroline, enfin, tu gâtes trop ce garçon ! Tu vas en faire une mauviette et... »
« Pardon ? Parce que tu penses que c'est en le frappant de la sorte que tu vas en faire un homme ? Quand as-tu perdu la raison, Peter Bones ? »
« Tu exagères. »
« Non. Tout le monde a été horrifié par ce que tu as fait, Peter, l'as-tu seulement réalisé ? Vas donc découvrir ce que tu as fait à ton fils, qui n'a que cinq ans. Cinq ans, pour l'amour de la Reine ! »
Peter, vexé, suivit son épouse à l'étage. Il rentra dans la chambre de Draco, croisant Angus qui en sortait et lui jeta à l'occasion un regard noir. Mal à l'aise, Peter s'approcha du lit de son enfant qui dormait, le visage arborant de nombreux sillons de larmes.
Il stoppa net, choqué par le dos et les jambes de son fils, marbrés de traces allant du rouge au violet.
« Es-tu fier de ton œuvre, Peter Bones ? Penses-tu toujours que ton fils va devenir un homme, un vrai, grâce à ce que tu viens de lui faire ? »
« Je... Je ne pensais pas... »
« Il a cinq ans, Peter, ce n'est pas l'un de tes soldats ! Pourquoi... Pourquoi agis-tu ainsi avec lui ? » fit Caroline en commençant à pleurer.
« Il était dans mon bureau ! Ce gamin fait bêtises sur bêtises et toi, tu ne lui dis jamais rien. Comment veux-tu qu'il apprenne la discipline ! Quand je l'ai vu en train de regarder ma carte, j'ai vu rouge. J'admets que j'ai eu tort de le frapper aussi fort mais il méritait une punition. »
« Peter... Pourquoi... »
« Je ne comprends pas...comment cela, pourquoi ? Je viens de te le dire. »
« Je ne te parle pas d'aujourd'hui, mais de ta relation avec ton fils unique ! Je croyais... » Caroline essuya ses yeux, regardant son mari avec détresse. « Je croyais que tu voulais cet enfant, Peter, j'ai risqué ma vie pour le mettre au monde, uniquement parce que tu voulais un fils ! Mais tu n'agis pas avec lui comme avec nos filles. Tu passes plus de temps avec elles qu'avec lui ! Il souffre, Peter ! Il voulait simplement voir cette carte que tu aimes tant, passer du temps avec toi, partager ce que tu aimes, et toi, toi... » elle fondit en larmes, laissant l'homme la prendre contre son torse puissant. « Parfois, j'ai le sentiment que tu n'aimes pas vraiment Draco. »
« C'est faux ! » protesta Peter. « Draco est mon fils, mon garçon, bien sûr que je l'aime ! »
« Alors pourquoi ? Tu me reproches de trop le couver mais tu ne passes aucun moment avec lui, tu ne partages rien avec lui ! Il est seul, Peter, il te cherche et cherche la compagnie des autres hommes puisque tu refuses sa présence. Il t'admire tant... »
Peter se contenta de bercer son épouse qui sanglotait entre ses bras, la gorge nouée.
Il aimait son enfant, c'était vrai. L'aimait-il moins que ses sœurs ? Il refusait de se poser la question. Pourtant, Draco était différent, et pas simplement parce que lui seul savait qu'il n'était pas leur fils biologique.
Le garçon était différent. Il était trop beau, trop pâle, trop doux. Parfois, quand il l'observait, Peter avait l'impression que des choses étranges arrivaient à son enfant. Alors il avait peur. Il ignorait d'où venait son fils et pourquoi ses parents biologiques l'avaient confié à cette créature étrange. Quelle était sa mission vis à vis de l'enfant ? Elle l'avait laissé bien trop facilement à l'homme inconnu qu'il était.
Oui, Peter Bones avait parfois peur de son propre fils.
Alors qu'il pensait à tout cela, ses yeux noisette se posèrent sur le corps de l'enfant qui gémit dans son sommeil. Des mèches claires lui tombaient avec grâce sur le front. Son cœur se serra à la vue de son fils, blessé par sa faute, le petit dos lacéré par les coups de ceinture qu'il avait donnés avec tant de violence. Pourquoi, en effet, avait-il agi ainsi ? Draco ne savait même pas lire, il n'aurait jamais pu découvrir les secrets de son père, quand bien même il aurait réussi à trouver le journal dans lequel il écrivait ses plus sombres pensées.
Comment avait-il pu se comporter en une telle brute épaisse ? La honte, la douleur de son geste lui fit monter à lui aussi les larmes aux yeux. Draco était son fils, son fils !
« Je suis si désolé, Caroline, si désolé. »
... ... ...
Le petit garçon clopinait en direction du bureau de son père, nerveux. Sa mère lui avait dit que Peter l'attendait dès qu'il aurait fini son petit déjeuner. Il avait bu son bol de lait et mangé ses deux tartines de pain, recouvertes d'une généreuse couche de beurre et de confiture de fraise, en silence, de plus en plus inquiet par ce qui l'attendait.
Les soins d'Angus et de sa maman avaient été très efficaces. Ce matin, seules quelques traces étaient encore visibles, parmi les plus grosses blessures. Par contre, l'un des coups de ceinture de son père l'avait lacéré au niveau du pli du genou. La marque, rouge et enflée, lui faisait encore mal et l'empêchait de plier la jambe correctement.
Son bol terminé dans un silence religieux, l'enfant avait regardé sa mère et ses sœurs, toujours attablées.
« Va, mon grand, » l'avait encouragé Caroline alors que Susan et Laura lui souriaient gentiment.
Seule Édith ne l'avait pas regardé. La petite fille trempait sa tartine, sans un mot. Néanmoins, Draco avait bien remarqué que ses yeux étaient injectés de sang et gonflés, sans doute d'avoir pleuré.
Une fois devant la porte, le garçonnet toqua trois fois et attendit sagement, bien que son cœur tambourinait furieusement.
« Entrez ! » résonna la voix de son père.
Obéissant, Draco ouvrit la porte et pénétra dans le bureau baigné de lumière.
« Bonjour, Draco. »
« Bonjour, papa, » répondit-il d'une voix fluette.
« Viens, approche, mon garçon, » insista Peter, peiné de voir que son fils hésitait à avancer.
Draco marcha vers lui, intimidé, ses grands yeux gris le regardant avec crainte. Peter en fut une nouvelle fois peiné. Grands dieux, qu'avait-il fait ? Il ne put s'empêcher de détailler son enfant, remarquant encore à quel point il était beau et fin.
« Viens, mon cœur, papa voudrait que l'on regarde quelque chose, tous les deux, » fit-il en lui ouvrant les bras.
Draco cligna des yeux, étonné. Puis bien vite, un sourire radieux illumina son petit visage légèrement pointu. Il boitilla jusque dans les bras de l'homme qui le posa sur ses genoux en lui embrassant le front.
« J'ai cru comprendre que tu aimais beaucoup ma carte du monde, » dit Peter.
« Oui, mais tu sais, papa, j'ai rien volé, je te promets. Je voulais juste la regarder, pas l'abîmer non plus ! » déclara Draco avec précipitation.
« Je sais, mon ange, je sais. Mais la prochaine fois, tu viens me voir et tu me demandes. Je ne veux plus que tu rentres dans mon bureau sans mon autorisation, ni que tu fouilles dans mes affaires. C'est clair ? »
Draco hocha vivement la tête, très sérieux. Oh non, il ne risquait plus d'oublier cette recommandation. Jamais.
« Bien, regarde, mon fils. Elle est belle, tu as tout à fait raison, » sourit Peter.
Draco se retourna vivement et poussa un petit cri de joie en voyant la carte, étalée sur le bureau en bois.
« Oui, elle est trop belle, » souffla-t-il.
« Tu sais où on habite ? »
« Oui, ici, dans le Royaume de Poufsouffle, » répondit Draco en pointant son petit doigt vers l'Ouest. « Tu as vu, c'est le plus grand des Royaumes du monde ! »
« Une fois encore, tu as raison, » continua Peter en serrant brièvement le dos du petit garçon contre son cœur. « Regarde, Draco. Notre Royaume se situe à l'Ouest et au Sud du Monde Libre. En bas, ce sont les frontières naturelles de l'océan, que l'on appelle les Falaises Sudistes. En fait, on retrouve ces falaises tout le long de l'Ouest du Monde, jusqu'à la pointe Nord. Ici, au Nord de notre Royaume et à l'Est, ce sont les grandes Rocheuses, notre frontière naturelle avec le Royaume de Gryffondor. Là, c'est Helga, notre capitale et là, c'est Chourave. »
« Et nous on est là alors ? »
« Non, là c'est le quartier Nord, nous, nous sommes ici, au Sud, » expliqua l'homme calmement avant de montrer les points cardinaux à Draco.
« Et là, c'est Gryffondor alors. Les rouges et jaunes. »
« Non, rouge et or. Leur emblème est un lion. Tu connais les autres ? »
« Oui. Nous c'est jaune et noir, notre emblème c'est le blaireau. Ensuite... » Draco regarda vivement la carte et pointa son doigt en haut, à gauche. « Là le serpent, c'est les Serpentard, en vert et gris. »
« Argent. Vert et argent. Comme tes yeux. »
« Mes yeux sont bleus ! » rigola Draco en secouant ses mèches blondes.
« J'aurais dit gris, comme de l'argent, » sourit Peter en lui caressant la joue. « Ensuite ? Quels sont les autres ? »
« Ensuite... » réfléchit le bambin, l'index dans la bouche. « Ensuite il y a l'oiseau, en haut, là où la carte devient blanche. C'est un très grand Royaume aussi, mais il ressemble à un bâton. »
« Cela s'appelle une péninsule. Cet oiseau est un aigle, et là, c'est le drapeau du Royaume de Serdaigle, en bleu et bronze. Les habitants de Serdaigle vivent dans le Nord, au pays de la neige éternelle et des fjords. On dit que certaines tribus de Dryades, d'Ondines et les Sirènes vivent là-bas. Les Serdaigle sont des Hommes et des Mages très érudits. Les plus belles bibliothèques du Monde Libre se trouvent ici, dans leur capitale, Rowena. Nos voisins les Turpin et les MacDougal viennent des Terres Froides de Serdaigle. »
« Ah bon ? Alors Clark, Lisa, Morag et Dempsey sont des Serdaigle ? »
« Non, ils sont nés ici, à Chourave et sont citoyens Poufsouffle, comme nous. Leurs grands-mères maternelles étaient sœurs et sont nées à Rowena, mais elle sont venues ici quand elles étaient encore plus petites que toi, » expliqua Peter en tapotant le bout du petit nez pointu de Draco.
Ce dernier sourit et retourna à la carte avec avidité.
« Là, je sais, c'est nos voisins les Lions, après les grandes montagnes. Les Rouge et ... Or, c'est ça que tu as dit, papa ? »
« Oui. Tu vois, les Gryffondor sont au Sud, comme nous, mais à l'Est et remonte encore plus haut dans le Nord. On ne sait pas vraiment où se situe leur frontière, là, très à l'Est, où la carte devient noire. »
« C'est la fin de notre monde ? » souffla Draco, les yeux écarquillés.
« Oui, le bout Est. Le début des Terres Arides. Les forêts sont sombres là-bas, hostiles. Y vivent les créatures des Ténèbres, aux noms et visages inconnus. Il y a aussi de grands déserts, de ce que nous en savons. Plus haut, vers le Nord-Est, c'est la Terre de Feu. Nos connaissances s'arrêtent ici. Le territoire de Gryffondor est vaste, lui aussi. Il y a la mer, qui est différente de notre océan. Ce ne sont pas des falaises qui la bordent, mais des plages. Ici vivent quelques Nymphes, c'est à dire les Dryades, les Ondines et les Naïades. On dit que les Lechi ont disparu dans les Terres Arides, ils sont devenus une légende aujourd'hui. Les Hommes, les Mages et les Werwulfs vivent partout dans le Monde Libre, sauf, ici et ici. » continua Peter en pointant du doigt deux points opposés, l'un à l'Est, l'autre à l'Ouest, bien que les deux soient au Nord.
« Pourquoi ? » demanda aussitôt Draco, sa curiosité l'emportant une nouvelle fois.
Peter sourit et lui embrassa le dessus du crâne.
« Parce qu'ici, c'est le Royaume de Serpentard. » Sa voix devint plus grave, plus sérieuse. « Les Serpentard sont uniquement Mages, Draco. Et dangereux. Celui-Dont-On-Ne-Devait-Pas-Prononcer-Le-Nom était un Serpentard, le descendant direct de leur Roi Salazar lui-même. Ils n'aiment aucune autre créature du Monde Libre en dehors d'eux-mêmes. Et encore. Seuls les plus puissants des Mages peuvent espérer y vivent en paix. Ils méprisent les créatures magiques, en dehors de certains Werwulfs maudits par la lune et leurs semblables, des mercenaires sans foi ni loi. On dit qu'ils tuent les Sans-Pouvoir et les Monoïques et pratiquent l'esclavage avec les impudents qui traversent leurs frontières sans autorisation. »
Les yeux de Draco s'ouvrirent exagérément alors qu'il se retournait vers son père, la bouche bée.
« C'est vrai ?! Même les Monoïques ? »
« Oui, c'est vrai. Tu sais, longtemps les Monoïques ont été maltraités par les Mages et même par les Hommes. Surtout par les Mages toutefois, parce qu'ils naissent en général parmi eux et n'ont pas de pouvoir autre que celui de leur ventre. »
« C'est vraiment méchant ! » s'écria Draco, outré. « Les Monoïques sont beaux et sont très gentils ! Ils ne font jamais le mal, c'est les enfants de l'amour. C'est Angus qui le dit en plus ! »
« Alors si Angus le dit, qui peut lutter ? » se moqua tendrement Peter tandis que le petit garçon hochait la tête avec vigueur, ne comprenant pas l'ironie des paroles de son père.
« Je n'aime pas les Serpentard, » déclara Draco avec conviction. « Et là, c'est les Terres de Feu. Ici non plus il n'y a pas d'Hommes ? »
« Non. Seuls quelques Mages, parmi les plus fous ou les plus courageux, sans aucun doute. Car ici vivent non seulement les Phénix, mais aussi les Dragons. Les Mages les contiennent car sinon, les Dragons pourraient être une menace pour nous tous. »
Draco sourit à son père alors qu'il sortait de sous sa chemise son médaillon d'or.
« Moi, je suis un Dragon ! »
Peter rit, mal à l'aise.
« Parfois, je me demande pourquoi j'ai choisi ce prénom. Je devais être fou et ta mère l'a été encore plus puisqu'elle a accepté. »
Il fit un clin d'œil à l'enfant tout en lui remettant le médaillon sous le tissu, hors de sa vue. Draco retourna à la contemplation de la carte, retraçant de nouveau les frontières tout en marmonnant les noms des lieux, des êtres qui peuplaient le Monde Libre. Puis ses sourcils se froncèrent.
« Et là, papa, c'est quoi ? Tout petit vers le centre. On dirait qu'il y a les quatre emblèmes. »
« C'est vrai. Ici, c'est le centre du monde. Enfin, même si je ne suis pas sûr quand on regarde la carte que ce soit vrai ! Il est bien trop au Nord, lui aussi. Mais c'est ainsi qu'on le nomme. C'est le plus petit territoire et il représente l'union des quatre Royaumes. On l'appelle la Fédération, le Centre, ou l'Unique, parfois Espérance. »
« Il n'a pas vraiment de nom ? » s'étonna Draco.
« Non. C'est un lieu neutre et de paix. Ici, à Traverse, la capitale, siègent nos rois et leurs représentants, pour gouverner le Monde Libre. C'est là aussi que sont jugés les plus grands criminels et où se tient Azkaban, la prison fédérale. »
« Féraquoi ? »
« Fédérale. Cela veut dire l'union des quatre Royaumes. C'est un gouvernement commun. Y sont représentés toutes les grandes races à travers le Monde Libre, appelé là-bas Empire. Il y a les ministres des Mages, des Hommes et des Nymphes. Les Monoïques ont aussi un représentant, même s'il n'a pas de pouvoir de décision, comme les Werwulfs. »
« Pourquoi ? »
« Les Werwulfs et les Monoïques sont des sous-espèces, Draco. Ou en tout cas, sont considérés comme telles car ils ne sont pas nés directement des éléments. Ce sont des hybrides. » Peter avisa le regard perplexe de son fils. « C'est un peu compliqué, tu comprendras plus tard. Et là, c'est Poudlard, l'école unique pour tous les enfants mages. »
Draco regarda la carte, pensif.
« Papa, les Mages non plus ne sont pas nés des éléments. Non ? C'est ce que le Grand Prêtre a dit, un jour. »
Peter regarda le profil de Draco, surpris par la connaissance et l'intelligence de son garçon. Caroline avait raison, l'enfant grandissait, s'éveillait. Il n'était certes pas le petit garçon costaud et bagarreur qu'il avait autrefois envisagé d'avoir mais Draco avait sans aucun doute de nombreuses qualités... autre que sa curiosité.
« C'est exact, Draco. Les Mages sont les descendants des Hommes et des Sylphes. Mais, après la première guerre, qui a failli voir la destruction de notre monde, ils ont gagné le droit de siéger au gouvernement impérial. En fait, c'est suite à cette grande guerre que l'Empire et les quatre Royaumes ont été créés. Les Mages sont des créatures puissantes, Draco. Même si toutes nos familles Royales sont des Mages, je préfère m'en méfier. »
« Pourquoi ? »
« Je n'ai pas confiance en eux. »
L'homme se tut, se contentant de caresser les cheveux et, délicatement, le dos de l'enfant. Le petit étudiait toujours avec ravissement la carte qui s'étalait devant lui.
« Draco, » finit par dire Peter. « Est-ce que cela te ferait plaisir si demain tu venais avec papa à Chourave ? »
« Oui, bien sûr, » répondit le bambin, les yeux fixés sur la toile. « Tu dois faire des courses ? »
« Non, en fait, je me demandais si tu aimerais visiter la caserne de la Garde Royale et venir avec ton père sur les remparts de la ville. Mes hommes me demandent comment est le fils dont je leur parle si souvent. »
Draco se retourna si rapidement vers son père que ses cheveux semblèrent voler derrière lui.
« C'est vrai ?! C'est vrai ? Tu veux bien que je vienne avec toi à la garde ? Juste moi ? Sans les filles ? »
« Oui, » déclara Peter avec un large sourire devant les yeux brillants de joie de son garçon.
« Oh, merci ! Merci ! » cria Draco en se jetant au cou du grand homme.
Se dernier le serra avec précaution contre son cœur.
« Je croyais que tu avais honte de moi, que tu voulais pas me montrer à tes soldats, » fit Draco d'une toute petite voix, le nez dans les cheveux bruns.
« Honte ? Bien sûr que non, mon chéri. C'est juste... » Peter réfléchit un instant. « Tu étais encore trop petit. Je n'avais pas réalisé à quel point tu avais grandi et que tu savais tant de choses. On fera de toi un érudit, sûrement ! Et puis... Tu es si beau, papa a peur que les gens, en te voyant, pensent que tu es un ange et ne veuillent t'arracher à moi. »
Il sentit Draco rire, petit son de clochettes contre lui, puis l'enfant se redressa, les yeux rieurs.
« Papa, c'est pas possible ! »
« Pourquoi donc ? »
« Je suis pas un ange, j'ai pas d'ailes ! Et puis, toi, tu peux pas avoir peur ! »
Peter le reprit doucement contre son torse, le laissant se lover dans ses bras tout en babillant. La main sur la nuque couverte de cheveux bonds et soyeux, l'homme ferma ses yeux. Oh si, Peter Bones avait peur, parfois. Et sa plus grande peur était qu'un jour, son garçon lui soit repris.
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À Suivre
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