« Elen ! Elen ! Bon sang mais où es-tu encore passée ?! »

La jeune-femme se redressa en soufflant bruyamment, laissant tomber avec colère le râtelier qu'elle tenait en main. Elle poussa d'un coup de pied le bac d'eau vide qui obstruait son passage, le faisant valser de l'autre côté du corridor, effrayant le cheval qui mangeait tranquillement dans la stalle à côté. L'animal remua les oreilles en la fixant, ne comprenant sûrement pas ce geste si soudain. Elle eut un rictus en sa direction et s'exclama :

« Quoi ?! Tu vas pas me dire que tu n'en n'as pas vu d'autres ! »

L'animal soupira longuement en faisant un bruit de trompette avec ses naseaux, et secouant la tête comme si ça remarque l'importunait, il replongea la tête dans le fourrage. Elle sortit des écuries, et le soleil lui mordit les yeux. Elle mit sa main en visière, puis elle s'avança dehors. Elle était grande pour une femme, surtout une femme du Rohan, mais elle savait depuis longtemps, qu'elle n'en était pas une. Ses cheveux noirs aux reflets presque métalliques comme les ailes d'un corbeau, ses yeux sombres où des paillettes bleu foncé étaient incrustées, n'avait absolument rien d'une héritière du Rohan. Toutes ces têtes blondes et châtains qui évoluaient autours d'elle lui donnait parfois l'impression d'être bien seule. Elle arborait souvent un air farouche, et une cicatrice partant de son menton pour remonter légèrement sur sa joue, sur le côté droit de son visage, témoignait d'un passé obscur et tumultueux. Elle vit son père s'avancer, légèrement de mauvaise humeur. Grand et robuste, les cheveux presque roux mais qui devenaient de plus en plus blancs avec l'âge et les yeux gris, il était le Maître Forgeron du village, et accessoirement, le palefrenier des écuries royales. Mais comme sa douce et tendre fille s'était vu attribuer des dons particuliers pour les nobles destriers du Rohan, cette tâche lui était « naturellement » trop naturellement peut-être revenue. C'est elle qui s'occupait donc du nettoyage des stalles, du nourrissage, du pansage, et même parfois du débourrage de ces têtes de mule sur pieds. Car bien que les descendant des Méaras soient de fidèles et courageuses montures, elles étaient bornées comme des ânes. Certes elle ne pouvait les chevaucher, le serment indélébile qui liait ces animaux aux souverains étant toujours vivace. Mais, il y avait tant d'autres choses à faire avec un cheval pour parfaire son éducation. Son père arriva à sa hauteur, et sans forme il lui ordonna :

« Vas te débarbouiller, le roi Théoden a des invités de marque. Apparemment Grima a été banni, et des mouvements se préparent. De nombreux réfugiés s'ameutent à Edoras, je pense qu'une guerre est proche.

- Et ? Qu'est-ce que cela peut bien avoir avec moi ?

- Elen ! Tu es en charge des soins des chevaux royaux, tu penses bien que ça à avoir avec toi ! Ne joue pas avec mes nerfs aujourd'hui s'il te plaît ! Supplia-t-il en voyant l'air sévère qu'affichait sa fille à son encontre. Un sourire attendri vint néanmoins adoucir son rude visage, et il continua, tu es la meilleure écuyère qu'un souverain puisse vouloir à ses côtés. Ce serait un honneur pour moi si tu acceptais cette tâche. »

Elle ancra son regard noir bleuté dans le gris de son père, et soupirant une nouvelle fois, elle hocha la tête lentement, et déclara :

« Soit … mais ne me demandes pas d'être des plus courtoise ! Ils se moquent bien de nous ces beaux seigneurs la plupart du temps, et ne nous accordent que quelques grâces que quand ils ont besoin de nous ! »

Elle prit alors la direction de leur humble demeure, son père regardant avec inquiétude son corps svelte et athlétique s'éloigner d'un pas rageur. Il savait, sans qu'elle puisse le soupçonner, que sa vie allait changer.

Elle entra chez elle comme une furie, elle ne supportait pas les seigneurs, ni leur airs suffisants et méprisants. Leur façon d'être tendres et dociles quand ils voulaient quelques choses des roturiers comme elle, et l'homme qui lui avait offert asile, qu'elle considérait comme son père. Elle se lava sommairement, peigna ses cheveux mis-longs et fit une tresse à la va-vite. Elle prit ses habits les moins crasseux, quoi qu'il y avait toujours une tache de poussière ou une brindille de foin collé où il ne fallait pas, et avec une grimace de mépris elle s'habilla rapidement. Il la voulait juste présentable non ? C'est ce qu'elle serait. Elle entendit le chat de la demeure miauler, et elle vint lui donner un morceau de viande séchée dans son écuelle. Il se frotta contre ses jambes en ronronnant. Elle lui grattouilla l'oreille, souriant avec tendresse, ce qui éradiquait totalement ses airs obstinés, et elle murmura :

« Tu sais que tu as la belle vie toi ?! »

L'animal lui répondit par un miaulement mêlé à un ronronnement, puis elle se redressa, se décidant à y aller. Elle prit le sentier qui rejoignait l'allée dallée qui menait au palais de Meduseld, et appréciant la caresse du soleil encore fébrile d'un jeune printemps, sur son visage, elle arriva près des marches, où les gardes la laissèrent passer en la saluant. Ici, tout le monde connaissait tout le monde. Elle vit Gamelin lui faire un signe dès qu'elle entra, et elle vint à sa hauteur. Le guerrier la toisa un instant et la sermonna :

« Tu aurais pu mettre une robe !

- On ne nettoie pas les écuries en robe Gamelin ! Vous devriez le savoir ! C'est for peu conseillé même. Je laisse ça au Dames de la cour » rétorqua-telle franchement.

Elle vit le sourire qu'il afficha à cette remarque, et elle sut qu'il ne lui en tenait pas plus rigueur que cela. Ils s'entendaient bien tous les deux, la plupart du temps. Vu son caractère, il avait souvent arrondi les angles entre elle et certains hommes d'Edoras, dont Eomer, avec qui elle avait failli en venir aux armes plus d'une fois. Il était intègre, loyal et courageux, et surtout, point crucial de leur entente cordiale, il ne lui avait jamais fait d'avances. Vu qu'apparemment les différences d'âges n'importaient guère à ces gens, elle en avait déjà éconduit quelques uns qui étaient encore plus vieux que son père. Le comportement de Gamelin était un réel soulagement pour elle. Elle ne supportait pas les mâles qui lui tournaient autours, par moment elle les comparait à des chiens en rut, avec autant de délicatesse et d'intelligence que ces bêtes pouvaient en donner à ces moments-là. Elle se tourna vers la salle du trône, et ses yeux s'agrandirent sous la surprise en voyant les gens qui accompagnaient le roi, et surtout, quelle image du roi se révélait à elle. Plus jeune, plus alerte, les traits blafards et maladifs avaient disparus, et son regard était à nouveau aussi vif que quand elle l'avait rencontré pour la première fois. La somptueuse Dame Eowyn se tenait sur sa gauche, elle nota que le regard clair de la Dame était troublé. Mais il y avait également un vieil homme à la barbe blanche et aux habits tout aussi blancs, un nain, un elfe dont la beauté était fidèle à ceux de son peuple, et un homme à fière allure, qui ressemblait à un rôdeur. Cependant il avait le port altier des souverains d'antan. Gamelin lui fit signe de le suivre, et c'est ce qu'elle fit. Elle les entendit parler des attaques que le peuple du Rohan subissait, et deux enfants étaient attablés, épuisés et affamés. En effet , vu les propos tenus, un affrontement allait avoir lieu, un terrible affrontement. Une fois leur discussion très animée d'ailleurs terminée, Gamelin s'avança vers le roi Théoden, et lui chuchota quelque chose à l'oreille.

« Ha for bien ! Amène-la moi Gamelin ! »

Les invités coulèrent un regard vers elle, alors qu'elle s'avançait dans un rayon filtrant par une des fenêtres en hauteur, Gandalf et Aragorn retinrent leur souffle un instant. L'héritier du Gondor plissa les yeux en la détaillant, réellement surpris. Elle s'agenouilla avec déférence, et attendit avec patience que le roi daigne lui parler.

« L'on m'a fait part de votre travail remarquable auprès de ma cavalerie Elen, j'aurais besoin de vous pour la suivre dans les combats qu'elle va devoir affronter.

- Seigneur ? Dit-elle surprise en redressant la tête vers son roi.

- Nous allons partir pour le Gouffre de Helm, nos chevaux devront être aussi bien soignés que nos guerriers. Je sais que tu as un don particulier avec eux.

- Mais Seigneur, je n'ai pas ….

- Pas quoi ? Demanda le roi en se levant de son trône et venant vers elle. Il passa une main sous son menton, la faisant ainsi se relever, et continua, tu as au contraire tout ce qu'il faut. Certes, la place d'une dame n'est pas à la guerre, et bien que je sois au courant de tes nombreuses qualité d'épéiste, je veux seulement que tu t'occupes des montures qui nous accompagneront aux combats. Refuserais-tu ton aide à ton roi ? »

Son air se ferma à cette question, ce qui n'échappa à personne, et Gamelin, sentant le vent tourner s'avança d'un pas, tout en surveillant le garde proche du roi qui se tenait devant elle. Vu ses rapports tendus avec presque tout les mâles d'Edoras, aucun d'entre eux ne lui passerait quoi que ce soit. Elle répondit presque narquoisement :

« Mon roi? Où était-il donc ce seigneur quand ma mère a été violentée et torturée par les hordes venues du Sud ? »

Le garde s'avança vivement vers elle, l'air réellement menaçant et s'écria vindicatif :

« Comment oses-tu femme ?! T'adresser de la sorte à ton Seigneur ?! Sois heureuse qu'il t'offre la grâce de vivre à Edoras, et qu'il passe sur nombre de tes caprices de souillon !

- Il suffit ! » Coupa d'une voix forte Eowyn, indignée, voyant qu'il allait ouvertement lever la main sur elle.

Elen eut un éclat de métal froid dans le regard, et il fallut toute la vitesse et la poigne d'Aragorn qui était légèrement derrière elle, pour la retenir alors qu'elle se jetait sur lui pour laver l'affront qu'il venait de lui faire. La maintenant avec force il déclara :

« Il me semble que ce ne soit pas très judicieux ma Dame ! »

Cette appellation la souffla, et elle arrêta de ce fait, de se débattre. Elle regarda Théoden et déclara :

« Je le ferai Seigneur, pas pour vous, ou pour vos hommes, mais pour ces bêtes qui n'ont rien demandé à personne, et qui souffriront de la folie de ce monde ! »

Elle salua le souverain comme il se devait, et remerciant Aragorn du regard, elle partit sans un mot de plus. Gandalf s'avança et demanda réellement pensif :

« Qui est cette jeune personne ?

Théoden soupira longuement, et réellement affecté par le sort de la femme qui venait de quitter les lieux, il expliqua :

« Une enfant de la guerre. Elle vivait dans le Westfolde étant petite fille, avec sa mère. Leur village a été attaqué par une incursion de Dunlending venant du Sud. Sa mère a été brutalisée et tuée sous ses yeux. Elle doit sa sauvegarde à une groupe d'elfes qui passait par là. Ils l'ont retrouvé …. les mots se coincèrent dans sa gorge, essayant de formuler le plus sobrement possible, plus morte que vive. La cicatrice qu'elle porte sur le visage en est le témoignage le plus cuisant. Elle a été pendant quelques années, auprès d'Elrond, trois ans si mes souvenirs sont bons, le temps qu'elle se remette totalement des stigmates que cette épreuve lui avaient laissé. Là-bas elle a appris le don de guérison, et le langage pour se faire comprendre des animaux. Puis quand a eut seize années révolues, il a demandé à ce qu'on l'adopte, pensant assez judicieusement, qu'elle se plairait avec mon peuple. C'est mon Maître Forgeron, Kieran, qui s'est acquitté de cette tâche. Sa femme était morte en couche une année auparavant, son nouveau-né l'a suivit quelques heures après. C'était une petite fille. Peut-être a-t-il pensé qu'en recueillant cette adolescente il comblerait un manque dans sa vie.

- Quel âge a-t-elle ? Demanda Aragorn

- Je pense qu'elle a actuellement entre vingt cinq ans et trente ans. Elle a largement les années pour prendre un mari, mais aucun homme n'est encore parvenu à calmer son tempérament, ou à atteindre son coeur.

- Elle est comme certaine jument sauvage, on ne peut rien en faire. Vicieuse et dangereuse ! Il n'y a rien à en tirer de ces carnes là ! Fit le garde soudainement.

- Pourtant, les chevaux avec un tel caractère, sont souvent destriers de Rois … déclara Aragorn pensif.

- Croyez-moi Seigneur ! Personne n'en tirera jamais rien ! Il n'y a que les bêtes pour la supporter ! Elle n'a aucun savoir-vivre ! lança l'homme comme voulant donner une excuse à son comportement.

- Vous n'en n'avez pas plus en vous en prenant à elle de la sorte ! » trancha alors la voix froide d'Eowyn.

Le garde et cette dernière se toisèrent longuement, puis la dame blanche se retira, sentant la colère lui remuer le ventre. Qui mieux qu'elle pouvait comprendre l'injuste position des femmes chez son peuple ?

« Quoiqu'il en soit, elle viendra avec nous, je ne connais pas son pareil pour s'occuper des chevaux et dans une guerre, les montures sont aussi précieuses que les hommes, vous le savez tous ! Sur ce, je vous laisse, j'ai des ordres à donner pour le départ au Gouffre de Helm. » il se retira alors souverainement, tous le saluant respectueusement à son passage, Le garde et Gamelin à sa suite.

Ils le regardèrent partir en silence, puis Gandalf vint aux côtés d'Aragorn et dit presque à voix basse :

« Je me doute que vous avez pu le voir.

- Oui … il me semble, que ses traits me sont familiers. Cependant, je n'ose y croire.

- Nous verrons bien Aragorn fils d'Arathorn. Pour le moment des choses bien plus importantes et cruciales se jouent. »

Elle se hâta aux écuries, consciente qu'elle avait encore beaucoup de choses à faire. Elle prit le râtelier qu'elle avait lâché près d'une heure plus tôt, et recommença sa besogne. Kieran arriva sur cet entre-fait, et demanda :

« Alors ?

- Je devrai les suivre père.

- Est-ce que tu souhaites réellement ? »

Elle se redressa, et ancrant son regard sombre dans le sien elle s'exclama :

« Tu sais très bien que de toutes façons je ne pensais pas rester ici toute ma vie ! »

Ces quelques mots heurtèrent le vieux forgeron, dont les yeux s'assombrirent. Elle ravala ses paroles, voyant le mal qu'elle venait de lui procurer. D'une voix plus douce, et avec un magnifique sourire, elle ajouta :

« Mais quoi que je fasse, tu resteras à jamais mon père, et je ferai tout ce qu'il faut pour que tu sois fier de moi ! »

Kieran lui rendit un sourire las, et déclara laconiquement :

« Je sais qu'une part de toi le pense sincèrement, pendant que l'autre ne fait que me donner le change Elen … je ne sais, au final, si j'ai été le meilleur choix pour t'éduquer. Les funérailles du prince Théodred vont avoir lieu, quand tu auras fini ton œuvre, tu pourras prendre Vailima si tu le souhaites pour te changer les idées. Je pense que le peuple quittera Edoras demain, profites-en tant que tu le peux ma fille ….

- Merci père ! » s'exclama Elen reconnaissante en venant lui offrir un chaleureux baiser sur la joue.

Qu'elle pouvait être attendrissante quand elle le voulait. Et belle, même si elle était persuadée du contraire.

Vailima était un cheval qu'Elrond avait offert à Kieran, quand celui-ci avait accepté de prendre sous son aile la jeune-fille qu'ils avaient amené ici, il y avait plus de dix ans déjà. Il était d'une couleur crème, avec des iris pale, ce qui en faisait une monture remarquable, digne des elfes. Il n'était plus un jeune poulain plein de sève, mais il avait encore de belles années devant lui, et un mental d'acier. Il lui arrivait de fendre les airs comme une brise, et même de faire la course avec les vents qui caressaient les plaines du Rohan. Il gardait une fougue légendaire. Elle savait que son père n'était pas très riche, et cet animal, était la seule chose de valeur qu'il posséda. C'était donc un réel présent quand il lui autorisait à le prendre pour s'amuser un peu. Il soupira et fit avec un doux sourire :

« Ne rentre pas trop tard, tu sais que je m'inquiète après …

- Oui promis ! Et je prendrais mon épée avec moi si ça te soulage de savoir que je suis armée.

- Elen …. souffla-t-il, tu sais que les hommes n'aiment pas cela ici.

- Oui oui oui faut être une femme bien sous tous rapports ! Bien élevée, et pondre des mioches de partout pour satisfaire son époux, et blablabla …. mais … tu sais que cela m'est impossible … père. Elle s'arrêta quelques secondes, pour conclure, je prendrai mon épée, je la dissimulerai pour que les gardes ne la voient pas. Tu ne seras pas importuné par cela ...»

La brisure de sa voix indiqua au vieux forgeron que ses démons revenaient la hanter. Alors il abandonna le sujet. Il vint l'embrasser très paternellement, et la laissa finir son travail.

Le soleil était déjà assez bas, et les température d'un printemps encore fébrile, commençaient à rafraîchir l'atmosphère. Mais rien ne l'empêcherait de goûter aux joies d'une belle chevauchée. Elle alla aux petites écuries attenantes à sa maison et prépara Vailima prestement. Qu'elle aimait l'odeur des cuirs, cela éveillait à chaque fois une excitation digne d'une gamine à qui on offre un cadeau. Elle sella et brida le cheval avec une main experte, puis le sortant en main, elle regarda le ciel pour s'aviser du temps qu'il lui restait, elle s'avança lentement à travers Edoras, sous les regards inquisiteurs des habitants. Une fille bien comme il faut, sortir à cette heure et à cheval, il y avait de quoi faire jaser. Mais qu'importe, elle se fichait pas mal des quolibets grotesques qu'on lui attribuait.

...

Legolas et Aragorn discutaient sur un des balcons de Meduseld. L'héritier d'Isildur était très pensif ses réponses étaient vagues et décousues.

« Cette femme vous a troublé Aragorn, énonça Legolas en l'observant.

- Oui. J'ai comme un étrange pressentiment, comme si on essayait de me dire quelque chose mais que je n'en comprenais pas le sens. Une impression de déjà-vu. Quelque chose dans sa façon de se tenir, dans son port altier, et je suis certain qu'elle ne s'en aperçoit même pas.

- Elle est assez impressionnante. Grande pour une femme, et athlétique.

- Le travail aux écuries n'est pas un travail de tout repos, surtout que d'après ce que j'ai pu comprendre, elle doit également s'occuper du dressage de certaines bêtes. Il serait difficile pour elle d'avoir l'aspect frêle d'une fleur des champs. Aussi belle soit-elle.

- Ha ?! Un détail qui ne vous a pas échappé !

- Certes. Sa cicatrice est visible, mais très honnêtement, je ne trouve absolument pas que cela porte ombrage à sa prestance. Même habillée en garçon d'écuries, il serait difficile de passer outre tout ce qu'elle dégage.

- Cela en rajouterait même je trouve ! Lança Legolas avec un petit sourire.

- Je ne suis pas le seul à qui cela n'a pas échappé ! » Le taquina Aragorn en riant.

Legolas se trouva un peu confondus sur l'instant, puis quelque chose attira son attention. Une pointe claire en plein milieu du chemin pavé en contre-bas. Il fronça les sourcils, et il déclara :

« Il n'est pas un peu tard pour sortir hors de l'enceinte ?

- Oui. Mais je crois que cette personne n'a que faire des convenances et de la sécurité. Je pense qu'elle doit être aussi indépendante et téméraire qu'un homme.

- Mais elle n'en ai pas un.

- Vous feriez un remarquable garde du corps mon ami ! Insinua Aragorn en coulant un regard entendu vers son ami elfique.

- Je le pensais aussi …. » répondit-il sincèrement, comprenant son intention.

Les deux hommes se saluèrent et Legolas partit en direction des écuries. Il retrouva Hasufel qui mangeait paisiblement, le nez à moitié camouflé par le foin. L'elfe vint vers lui doucement, et flattant son encolure avec douceur il demanda :

« Cela te dis un petit tour hors des entiers de la guerre Hasufel ? »

L'animal retira son nez du fourrage, apparemment bien tenté par une escapade juste faite pour le plaisir. L'elfe prépara sa monture rapidement, et le prenant par la bride, il le sortit d'un pas un peu vif, ne voulant pas trop être distancé.

Elen était sortie, les ombres commençaient à s'agrandir sur le sol, comme des fantômes avertissant de la venue de la nuit. Mais rien ne l'empêcherait de prendre un peu de plaisir en cette satanée journée qui prenait fin. Elle empoigna les crins de Vailima, le pied gauche dans l'étrier, et se mit en selle agilement, alors qu'elle venait tout juste de quitter l'enceinte. L'animal n'attendit même pas qu'elle soit bien installée pour commencer sa marche, lui soutirant un petit rire au passage.

« Sale bête, tu es toujours aussi impatient ! » lui lança-t-elle s'amusant de son caractère.

Elle ajusta ses rênes, et regardant les plaines vallonnées alentours, elle prit la route principale sur près de cinq cent mètre, dans un pas plutôt vif. Elle sentait les membres de son cheval piétiner d'impatience.

« Doucement, tu n'es plus tout jeune, pense à tes membres mon beau …. »

L'animal fit un bruit de naseaux caractéristique qui prouvait son empressement. Elle le laissa aller dans un petit trot agréable, confortable même, alors qu'elle changeait de direction pour prendre les étendues d'herbes qui s'étendaient presque à perte de vue. Edoras et les Montagnes Blanches dans le dos, elle commença à ressentir ce qu'elle venait tant chercher quand elle faisait ses escapades. La tranquillité, et cette grisante liberté, qui ne pouvait s'exprimer dans toute sa splendeur que lorsque son cheval partait au grand galop. Quand elle voyait toute une harde en mouvement, avalant les kilomètres sous leurs pieds agiles, elle aimait les appeler, les « buveurs de liberté ». Et qu'elle pouvait prier tous les dieux d'Arda pour connaître un jour telle sensation. Elle relâcha légèrement la pression sur ses rênes, et l'animal étira l'encolure, faisant un petit bond de joie, tant il savait qu'il pouvait enfin exprimer toute sa fougue. Il allongea sa foulée, et partit dans un grand galop, qui fit rire sa cavalière, sentant l'animal totalement tendu sous elle. Prenant un bel équilibre, elle finit par lâcher les rênes totalement, le bassin soudé au mouvement de l'animal qui fendait les airs. Elle leva les bras comme si c'étaient des ailes. Qu'elle aimait cette sensation grisante, cette adrénaline, cette absence de contrainte. Les courants frais du vents sifflant sur son visage, ses doigts fendant les espaces comme des plumes. Tout était parfait. Se croyant seule, elle exultait totalement de joie, d'une beauté sauvage, commune à son fidèle destrier qui faisait tout pour ravir sa cavalière. Elle poussa un cri d'allégresse en formulant un « Vas-y Vailima ! Cours mon grand ! Cours à en fendre les cieux ! ». Ses sabots foulaient le sol avec ardeur et agilité, et il était d'une habileté surprenante. Elle reprit ses rênes, des larmes sur le bords des yeux, naissantes sous l'air froid qui lui battait le visage, mais aussi dues à des sentiments plus secrets.

Legolas l'avait suivi à bonne distance, et tout ce qu'il vit en ces longues minutes de chevauchée effrénée, n'était que beauté. Quelque chose de brut et de naturel. S'émerveillant au passage, de son remarquable niveau de cavalière. Les dires du roi Théoden étaient apparemment bien fondées. Il la vit ralentir quelques mètres plus loin, reprenant un galop plus lent, pour repasser finalement au trot. Sa monture était transpirante, l'encolure couverte d'écume, elle avait assez d'expérience pour savoir quand s'arrêter. Il la vit se pencher sur la nuque de l'animal et lui souffler quelque chose à l'oreille, tendit qu'elle le flattait avec vigueur. Il la contempla, dans ses instants pour elle, intimes, comme personne ne l'avait jamais vu. Juste éclatante de vie et de liesse. Dévoilant dans les rayons d'un crépuscule naissant, toute sa beauté.

Un peu essoufflée elle trottait tranquillement, regardant au loin l'allure sinueuse de l'Entalluve qui coulait paisiblement. Elle s'arrêta un peu pour voir la respiration de son cheval, puis estimant qu'il avait repris un rythme normal, elle décida de tourner bride pour rentrer, et c'est là qu'elle le vit. Sa monture grise avançait en trottinant, et un beau sourire éclairait son visage parfait. Elle resserra ses doigts sur ses rênes, réellement frustrée par la situation. Nul n'avait le droit de troubler ses instants de quiétude, les seuls moments de sa vie qui comptaient réellement. Elle resta figée, un long moment. Trop long, il était déjà à ses côtés. De tous les bipèdes qui pouvaient peupler la Terre du Milieu, les Elfes étaient les seuls qu'elle pouvait supporter. Ne lui avaient-ils pas sauver la vie ?

« Et bien Dame Elen, je comprends mieux pourquoi vous faites partie des Rohirrim. »

Là par contre la réflexion était for malhabile. Elle se raidit de suite, ce qui n'échappa pas à Legolas. D'une ton peu amène elle déclara :

« Je ne fais pas partie de ce peuple Seigneur des forêts ! Et je n'appartiendrai jamais à cette allégeance, même si ils ne restaient qu'eux sur Arda !Quant à mon nom, pour vous dont je ne connais pas le vôtre, c'est Elenluinë ! »

Son ton était si cassant, que Legolas en fut troublé sur le coup. Cependant, il avait l'habitude des comportements froids et hostiles. Et après ce qu'il venait de voir, il ne se laisserait pas duper aussi facilement.

« Etoile bleue …. vous avez donc un nom elfique, étrange pour une fille d'Hommes. Quant à moi, c'est Legolas.

- C'est le nom que m'a donné ma mère, Legolas ! Et si cela vous déplaît, croyez que cela ne me gêne en aucun cas. Je n'ai pas à rougir de l'appellation que celle qui m'a mise au monde, a pu me donner !

- Je ne disais pas cela en ce sens. Je trouvais cela surprenant. C'est un très beau nom …. » déclara-t-il sincère.

Le fait qu'il réponde avec autant de douceur alors qu'elle l'invectivait ouvertement, la déstabilisa. Sans vouloir faire plus durer la conversation, elle finit par conclure :

« Cela a un rapport avec mes yeux il paraît. Si vous vous en approchez assez près pour les voir convenablement un jour, vous comprendrez pourquoi ! Mais ne rêvez pas trop je ne pense …. »

Elle stoppa nette sa phrase, ayant perçu quelque chose au loin. Une fumée noire et opaque, s'élevait à quelques lieux un peu plus au Sud-Ouest, et il n'y avait qu'une chose qui pouvait en produire autant. Elle ajusta ses rênes et s'écria :

« Vite Vailima ! File comme le vent ! »

Le cheval pale partit dans un grand galop, laissant Legolas sur place qui riva son attention là où elle se dirigeait si prestement. Quand il vit le nuage sombre, il comprit et prit sa suite.

Malgré les pénombres qui commençaient à investir le ciel, elle ne fit pas demi-tour, bien au contraire. Ce qui se passait était bien trop grave pour qu'elle laisse faire. A la vue des hautes flammes brûlant les bâtisses de chaumes, sa poitrine se serra. Des chevaux pris de panique courraient aux alentours du petit village de paysans, et des cris s'élevaient des ruines enflammées. De loin, elle les reconnut, des Dunlendings. Les hommes avaient tous été tués pour ainsi dire, et ils regroupaient les femmes et les enfants. Son attention se porta sur une d'entre elle, qui jetée au sol avec violence, allait faire les frais de leur sauvagerie. Tout à leur meurtres et leurs excitations morbides, ils ne la virent pas arriver. Elle dégaina son épée, celle-ci eut un éclat vif, et ils eurent juste le temps de se tourner en entendant le galop de son cheval, que l'un des leurs se retrouva décapité, alors qu'elle poussait un hurlement bestial. Elle revint sur eux à la charge, son cheval créant un nuage de poussière orange à la lumière des flammes. Vailima en piétina deux ou trois sous sa fougue, puis elle sauta de son dos aux côtés de la femme encore sonnée, et brandissant son épée elle cria :

« Battez-vous contre quelqu'un qui peut se défendre sales porcs ! »

Ils se ruèrent sur elle, et inconsciente de leur nombre, elle se défendit avec hargne. Elle en tua quatre de plus, et quand elle vit qu'ils venaient tous vers elle, et que les enfants et les femmes étaient en sécurité, elle hurla :

« Ne restez pas là bon sang ! »

La mère qu'elle venait de sauver se précipita vers le groupe qui s'éparpilla comme une nuée d'oiseaux, et Elenluinë se retrouva encerclée par une dizaine d'assaillants. Elle n'avait pas peur de la mort, et c'est peut-être ce qui choqua le plus Legolas quand il arriva sur place. Le combat commença, acharné, inégal, mais la lame d'Elenluinë semblait ne jamais s'abreuver suffisamment. Voyant qu'elle était en mauvaise posture, l'elfe prit son arc, et abattit tous les hommes encore debout qui s'en prenait à elle. Elle se redressa, voyant un des Dunlending agonisant au sol, elle plaça la pointe de son épée sur sa poitrine, au niveau de son coeur, et avec un sourire mauvais, elle déclara d'une voix doucereuse :

« Il est plus dur de s'en prendre à une femme armée … pas vrai ?! »

Puis d'un coup sec elle enfonça la lame dans la cage thoracique de l'homme, qui eut un soubresaut saccadé avant d'expirer son dernier souffle. Elle regarda autours d'elle. Les cheveux décoiffés, des éclaboussures de sang sur le visage, éclairée juste par les lueurs des flammes, et l'elfe eut une image d'elle qu'il n'avait encore vu que sur les hommes au combat. Elle s'essuya le sang qui la gênait au niveau de la bouche d'un revers de la manche, puis cherchant Vailima su regard, elle le siffla quand elle l'aperçut un peu plus loin. L'animal arriva en trottant légèrement. Elle fixa son attention sur Legolas, puis sur les flèches mortelles qu'il avait décoché pour l'aider, et eut une moue presque de mépris. Rênes en main, elle s'avança vers les femmes qui s'étaient à nouveau regroupées, pleurant leur mari ou leur fils, puis elle déclara à voix forte :

« Venez avec moi à Edoras ! Vous y serez en sécurité là-bas. »

L'une des paysannes lui fit front, déclarant d'un ton ferme :

« Nous ne pouvons pas les laisser ici ! Sans les enterrer !

- C'est vous que nous enterrerons si vous ne venez pas ! A présent en route ! »

Il ne sut pas si c'était le fruit de son imagination, ou le contre-coup de l'affrontement, mais la voix d'Elenluinë avait eu un son étrange. Une ascendance particulière, qui fit que tout ceux qui étaient au milieu du village, obéirent sans plus discuter. Même le prince elfique n'avait plus qu'une envie, prendre la route et rentrer au château de Meduseld. Secouant la tête comme pour se sortir d'un songe, il la vit se remettre en selle pour repartir. Tandis qu'elle lui passait à côté, ses yeux s'arrondirent sous la surprise quand il vit une entaille sur son bras qui saignait abondamment. Il se mit à sa hauteur en disant :

« Dame Elenluinë, votre bras …

- Je soignerai cela à Edoras.

- Non il faudrait mettre quelque chose dessus, dit-il en faisant un geste dans sa direction. »

Alors que ses mains allaient toucher sa peau pour inspecter la plaie, elle les lui claqua violemment en ordonnant un « Ne me touchez pas ! » ferme et brûlant. L'elfe resta interdit, ne comprenant pas sa réaction.

« Aucun homme de mon vivant ne me touchera Legolas. Il n'y en a que cinq qui le pourraient éventuellement, et vous n'en faites pas partie ! »

Confondu, il la regarda prendre ses distances et réellement choqué par sa réaction il répondit :

« Et bien soit, si vous souhaitez que cela s'infecte et empire ! Ce n'est pas mon corps après tout !

- Exactement ! » Rétorqua-t-elle aussi sec.

Ce qui ne fit qu'assombrir l'humeur de l'elfe au passage. Il se demanda en effet, si le garde du roi, n'avait pas totalement raison à son sujet. Il ferma la marche alors que les rescapés prenaient la route de nuit, jetant des derniers regards douloureux vers ce qui fut autrefois, leurs demeures et leur vie.

Les portes se refermèrent tandis que tout le groupe de rescapés était accueilli par les quelques habitants qui sortirent, en entendant le raffut qui s'élevait à l'intérieur des murs d'enceinte. Le roi Théoden et Eowyn descendirent les marches du château, suivi de Gimli et Aragorn qui s'en faisaient pour leur ami. Elenluinë s'avançait d'un pas lent vers son père dont le visage inquiet, lui pinça le coeur. Kieran vint à sa hauteur, et quand il la vit descendre de sa monture, un peu à l'écart il demanda :

« Tout va bien ?

- Oui père, merci.

- Que c'est-il passé ?! Demanda le Roi Théoden à l'encontre de la jeune-femme.

- Des Dunlendings. Ils ont attaqués un petit village plus au Sud. Je chevauchais tranquillement quand j'ai vu la fumée et ….

- Et tu as foncé tête baissée ! Inconsciente que tu es ! Pesta Kieran réellement en colère.

- Et qui serait allé les aider Père ?! Jamais ! Ô grand jamais je ne laisserai de telles choses se commettre sous mes yeux, sans rien faire ! » s'écria Elenluinë dont les yeux venaient soudainement de se parer de larmes brûlantes.

Kieran se calma, puis voyant sa blessure il s'exclama :

« Bon sang ! Tu comptes rester ainsi encore longtemps ?! »

Théoden vit aussi la plaie, grimaçant en voyant la profondeur de l'entaille. Il regarda Eowyn et sachant pertinemment le caractère d'Elenluinë, il demanda d'une voix douce :

« Peux-tu s'il te plaît t'en occuper tu sais que …

- Oui mon oncle je sais. Viens avec moi Elen. » fit Eowyn en souriant tendrement et en lui tendant la main.

La femme aux cheveux noirs vint vers elle, et lui prit délicatement la main tendue, sans rechigner, ce qui froissa Legolas au plus haut point. Kieran prit Vailima et le rentra dans leur écurie, s'occupant dignement de lui. Théoden donna des ordres pour que les survivants soient logés et nourris, puis revenant vers Legolas il fit sincère :

« Merci de l'avoir ramené saine et sauve.

- Ô croyez bien Roi Théoden, que je n'ai pas fait grand chose. Elle s'est battu avec la rage de dix hommes. Je n'ai jamais vu tel courroux chez une femme. Et elle n'a même pas voulu que je la touche pour lui soigner le bras.

- Aucun homme ne la touche Prince Legolas. A part son père, le Seigneur Elrond, moi-même et peut-être les jumeaux Elladan et Elrohir, car ce sont eux qui lui ont sauvé la vie.

- Tous les hommes ne sont pas des bêtes sanguinaires … » énonça Legolas plus frustré par cette histoire qu'il ne le devrait, et il le savait très bien.

Le Roi Théoden eut un sombre rictus en le dévisageant, voyant seulement en cet instant, l'innocence dont pouvait peut-être faire preuve l'elfe en face de lui. Et il lui expliqua sans tendresse :

« Vos filles et vos femmes elfes ont bien de la chance d'être bénies, car elles ne peuvent pas connaître certains outrages faits aux chairs. Surtout les plus tendres. Si j'avais enduré son calvaire, j'aurai sans nul doute les mêmes réticences, Seigneur de Vertbois. »

Puis, répugnant à parler de tout ceci, il grimaça un instant avant de les saluer et de retourner à ses appartements. Les trois amis se regardèrent un instant, confus et surtout mal à l'aise. Ce genre de secret était loin d'être plaisant, ni à vivre, ni à entendre. Legolas se racla la gorge doucement, énonçant à voix haute :

« J'aurai dû m'en douter, et être un peu moins cavalier.

- Tu ne pouvais pas le savoir mon ami ! Je pense que tu ne peux t'en vouloir d'avoir voulu l'aider. N'y penses plus. Je crois, sans la connaître, que ce n'est pas une maladresse de ce genre, qui la perturbera plus que cela.

- Je n'en sais rien Gimli. J'avoue que … cette révélation me chagrine autant qu'elle me perturbe.

- Votre peuple est tellement au-delà de tout ceci Legolas, ne vous en veuillez point de voir la vie et les choses différemment des Hommes. C'est même, une énorme qualité, car votre lumière est un bienfait pour ces terres, qui en manque si cruellement ! Déclara Aragorn justement.

- Alors ? Qu'avez-vous vu Legolas ? Demanda soudainement la voix de Gandalf qui venait tranquillement vers eux.

- Un combat Gandalf. Une violence féminine que je n'avais encore jamais vu, et qui me déconcerte. Je ne pensais pas qu'une femme puisse avoir tant d'un homme, tout en étant, quelques minutes plus tôt, la créature la plus enchanteresse qui soit, fit-il alors avec un énigmatique sourire, en se rappelant la magnifique chevauchée qu'elle lui avait offert en spectacle, certes à son insu. Mais, une chose étrange s'est produite, je crois, sans en être certain, qu'elle a un étrange don de persuasion.

- Ha ? S'exclama Gandalf en arquant un sourcil curieux.

- Permettez-moi de garder mon opinion pour l'instant Mithrandir, car je ne veux pas donner un jugement hâtif. Un par jour, cela me suffit amplement, avoua l'elfe quelque peu consterné.

- Soit, en ce cas, nous la surveillerons dès que le temps nous le permettra, mais comme je disais, nous avons des choses bien plus importantes à mettre en œuvre. Allez donc vous coucher, demain la journée sera longue et éprouvante. »

Les quatre amis se séparèrent alors, Aragorn offrant à Legolas une accolade amicale, en lui affirmant que tout allait bien.

« Ça brûle ! » lança Elen en serrant les dents.

Eowyn eut un petit rire en voyant son visage fermé, tout en supervisant le travail de la guérisseuse. Ses yeux clairs étincelèrent de malice, et elle fit d'une voix enjouée :

« Tu n'avais pas qu'à foncer dans un tel guêpier seule !

- Vous auriez fait comme moi ma Dame, et vous le savez très bien ! » Répondit Elen avec vigueur en ancrant son regard dans le sien.

Eowyn et elle se connaissaient depuis son arrivée. Le caractère indomptable de l'orpheline avait toujours attiré la blanche dame du Rohan. Elle enviait parfois sa position de roturière qui lui donnait bien plus de liberté qu'elle ne pourrait en rêver. L'une blonde comme un soleil, l'autre brune comme la nuit, étaient des amies proches, et si semblables dans le fond. L'aiguille transperça à nouveau la chair et elle jura.

« Cela t'apprendra à te battre comme un homme ! Lâcha la femme qui la soignait sans douceur.

- Elle a peut-être sauvé une de tes amies ou un membre de ta famille ce soir ! Aies plus de respect pour elle ! Ordonna Eowyn le regard dur.

- Oui Madame, répondit juste la vieille servante. Voilà j'ai fini. Il ne restera qu'une cicatrice plutôt fine d'ici un mois. Nettoie la bande deux fois pas jour et applique cet onguent, dit-elle en lui tendant un pot où un baume à l'odeur forte se dégageait. Si tu vois que ça suppure, reviens me voir. Bonne nuit mesdames ! »

La vieille femme s'en alla sans un mot de plus, et une fois qu'elle eut fermé la porte, les deux femmes se mirent à rire doucement.

« Tu vas te mettre tout le Rohan à dos si tu continues comme ça Elen !

- Qu'importe, vous savez que je ne resterai pas indéfiniment ici.

- Oui … qu'elle chance tu as … » soupira Eowyn en venant s'asseoir sur une chaise à côté d'elle.

Elles étaient dans une petite pièce du château, là où tous les travaux médicaux étaient effectués en dehors des chambres. Eowyn regarda les murs de bois, et le mobilier, puis continuant elle déclara :

« Je t'envie …

- M'envier ? Moi ? Eowyn, vous avez la chance d'être née Noble Dame. Vous êtes fille de souverain, et d'une beauté que je n'ai encore jamais vu en Rohan. C'est à moi de vous envier. J'aurais tellement aimé être comme vous …. souffla Elen douloureusement. »

Les fantômes qui habillèrent ses yeux serrèrent la poitrine d'Eowyn, tant elle savait à quoi elle faisait référence. Allant contre son tempérament sauvage, elle se leva et vint la serre tendrement contre elle. Une étreinte bienveillante, qui fit du bien à la femme blessée entre ses bras.

« Nous pourrions être soeur, Elenluinë. Nous ne sommes pas si différentes l'une de l'autre, comme tu peux le croire. »

Elle se détacha d'elle, et lui prenant les mains elle demanda un étrange sourire sur le visage :

« Alors. Tu les as tous tué ?

- Une bonne partie oui, répondit laconiquement Elen. J'aurais bien aimé pouvoir tous les pourfendre, mais cet elfe, Legolas, est venu sans y être invité. Il doit se prendre pour un brave prince charmant sur son cheval blanc !

- Il est réellement prince tu sais … déclara Eowyn sérieuse. »

Le regard d'Elen s'arrondit de stupeur, puis repensant à tout ce qui s'était produit, elle commença à rire ouvertement. Presque les larmes aux yeux d'un fou rire qui s'offrait ses côtes, elle déclara :

« Et bien je suis certaine qu'il ne m'approchera plus de si tôt ! J'ai dû lui faire une bien mauvaise impression !

- Tu es un vrai petit balrog, la rabroua gentiment Eowyn avec un magnifique sourire. Les elfes sont de si gentilles créatures.

- Je le sais Eowyn. Mais si vous me trouvez sans coeur, ils le sont encore plus. Pragmatiques jusqu'au bout des ongles.

- Tous ne sont pas comme cela, comme tous les hommes ne se ressemblent pas …

- Hoo Eowyn, c'était un coup bas ça. Pour moi, ils sont tous les mêmes, et n'engagez pas la conversation là-dessus, vous savez que cela ne mènera à rien … sauf bien entendu, si votre désir premier, était de me parler de cet inconnu qui accompagne l'elfe !

- Qui Aragorn ? Fit Eowyn prestement des étoiles plein les yeux.

- Ha c'est comme ça que le nain s'appelle ? Fit Elenluinë d'une belle voix moqueuse, taquinant la belle Dame en face d'elle, qui vint se rasseoir en rougissant.

- Tu es impossible !

- J'ai vu, dès que je suis rentrée dans la salle, que vous étiez comme possédée mon amie. J'espère pour vous, sincèrement, que cet attachement sera réciproque.

- Je le souhaite aussi …. déclara Eowyn pleine d'espoir. »

Elenluinë eut un petit sourire presque attendri devant le minois si clair et enthousiaste que lui offrait Eowyn. Elle se redressa, et venant l'embrasser sur le front, elle fit en se relevant :

« Bon je vais me coucher ! Demain je vais avoir une rude journée, et blessure ou pas, les chevaux ne s'occuperont pas des stalles tous seuls !

- Tu ne peux pas demander à ton père de t'aider ?

- Il ne pourra pas. Trop de logistique à mettre en route avec les armes et tout le reste. Nous nous reverrons sûrement au Gouffre de Helm ! A demain Eowyn, reposez-vous bien. »

Elle passa à ses côtés, et quitta la pièce sans un mot de plus. Elle traversa les salles du château vide, puis, elle sortit. La nuit était claire et presque magique. La lune offrait un habit d'argent à tout ce qu'elle touchait. Elle entraperçut Legolas qui montait la garde de ses yeux perçants sur un des balcons, puis repensant à ce qu'Eowyn lui avait dit, elle eut un magnifique sourire indéfinissable, et se retira dans sa demeure, où son père l'attendait patiemment.