Bonjour à tous ! Me voici enfin de retour pour poster l'ultime chapitre de cette fic. Il était temps. Je vous ai fait attendre. Vous l'avez bien mérité pour avoir été patients. ^^
Résumé du chapitre : nous voici à la fin. Ceci est un chapitre épilogue. Je ne dirai rien concernant le contenu, vous le découvrirez par vous-mêmes. Je vous conseille cependant de le lire en écoutant Svefn-g-englar de Sigur Ros. La musique est idéale pour l'ambiance du chapitre.
Je vous remercie tous d'avoir lu et commenté. Vos reviews m'ont fait plaisir (et rire aussi XD ). En espérant que cette fin vous plaira également et pas trop pleurer.
Cet univers ne porte pas mon nom mais un jour j'irai en pèlerinage sur la tombe de Sir Tolkien pour lui demander la garde partielle.
J'ai une pensée pour Christopher Lee qui nous a récemment quittés. Un fabuleux acteur a disparu.
Bonne lecture !
Chapitre 12
Bilbo observait la cotte de mailles en mithril, il ne pouvait en détourner le regard. C'était l'ultime cadeau que lui avait fait Thorin avant la grande bataille, celle qui l'avait emporté. Le dénouement final avait causé de nombreuses pertes. Qui aurait pu croire que tant de forces se seraient opposées à leur Compagnie ? Thorin était l'héritier au trône, Erebor lui appartenait, nul ne pouvait contester cela et pourtant, l'avis général ne souhaitait pas le retour des Nains. Cette débâcle dépassait totalement Bilbo, lui qui n'était qu'un simple Hobbit n'ayant jamais vu la guerre de ses propres yeux. Sorti de ses livres et de sa Comté, il ne connaissait rien à la cruauté du monde. Son innocence s'était envolée alors que leur voyage touchait à sa fin. Tel que Gandalf l'avait prédit, il n'était plus le même.
Le cambrioleur était perdu, déchiré, sans personne vers qui se tourner. Tous étaient anéantis par la mort de leur roi et ami. De plus, il se sentait responsable de cette catastrophe. S'il n'avait pas donné l'Arkenstone à Thranduil, peut-être que tout cela aurait pu être évité. Thorin l'avait chassé en apprenant sa trahison et il avait eu raison. Bilbo avait causé ce massacre. La mort du roi pesait sur sa conscience, mais pas uniquement.
En plus du souverain, un autre être cher avait péri sous l'assaut des Orcs. Désireux de protéger son oncle et de se tenir à ses côtés malgré les événements précédents, Fíli s'était battu bravement, repoussant le plus d'adversaires qu'il avait pu mais ces derniers avaient fini par l'emporter sur sa fougue. Ainsi s'était éteint le Lion des Montagnes Bleues, au pied d'Erebor, montagne qu'il n'avait jamais connue et pour laquelle il avait donné sa vie.
Son décès n'avait pas apporté autant de peine que celui de Thorin, sa trahison toujours ancrée dans les esprits. Bilbo en était dévasté mais celui qui ne s'en remettrait pas était son Autre.
Kíli n'avait pas quitté son frère de toute la bataille, faisant preuve d'autant de courage que lui. Ils avaient résisté face aux vagues incessantes des forces ennemies, se soutenant mutuellement. Malheureusement, ils n'avaient pu contenir la puissance des nombreux assaillants à eux deux et s'étaient vus séparés. Kíli s'était retrouvé seul pendant que Fíli luttait pour protéger Thorin. Il n'avait donc pas assisté à la chute de son frère ni de son oncle et était arrivé trop tard pour lui venir en aide.
Le dernier né de la lignée de Durin avait reçu de sévères blessures et sa santé ne cessait de s'aggraver mais plus que cela, c'était son état mental qui inquiétait Bilbo. Le jeune archer venait de perdre sa famille, son Autre, et il était traité comme un paria par les survivants. Il n'avait plus rien. Sa mère devait arriver sous peu depuis Ered Luin mais elle ne le considérerait plus comme son fils.
Kíli avait tout perdu mais la disparition de son frère l'avait anéanti. Il refusait de manger et de se faire soigner. Il se laissait mourir petit à petit. Kíli était brisé. Il avait renoncé à vivre. Bilbo savait que bientôt, la lignée de Durin ne compterait plus qu'un seul membre.
Le Hobbit rangea la cotte de mailles dans son sac. Il ressentit le besoin de sortir, de prendre l'air mais peu importe où il allait, l'odeur de la mort régnait en maître sur Erebor. Les murs et les couloirs en étaient imprégnés, chaque pièce recelant des squelettes de Nains calcinés, les victimes qui n'avaient pas réussi à sortir à temps avant la descente de Smaug. À l'extérieur, c'était pire. Des milliers de cadavres, toutes races confondues, jonchaient le sol, attendant d'être récupérés par les leurs ou bien d'être brûlés.
Les blessés avaient été temporairement placés sous des tentes, l'intérieur de la montagne n'étant pas aménagé pour une telle situation. Les soigneurs étaient rares alors tout le monde aidait, les alliances oubliées en de pareilles circonstances. Bilbo lui-même faisait office d'infirmier, soutenant ses camarades.
Par chance, il n'avait reçu aucune blessure, n'ayant pas pris part au combat. Tout ce dont il se souvenait était la désolation l'entourant à son réveil. Il n'avait pas reconnu l'endroit et le silence pesant l'avait effrayé. Seul au milieu du champ de bataille, il ne s'était jamais senti aussi petit, aussi loin de chez lui, aussi isolé. Ses premières pensées s'étaient tournées vers ses amis qu'il avait anxieusement cherchés. Chaque cadavre soulevé avait retourné son estomac et l'avait soulagé de ne pas en reconnaître le visage. Finalement, après plusieurs heures, ses pas l'avaient mené au refuge des survivants. Son esprit s'était immédiatement apaisé de voir la Compagnie réunie. Gandalf était même revenu.
Son arrivée avait provoqué un véritable émoi. Bofur avait couru vers lui, un énorme sourire au visage, des larmes dans les yeux, et l'avait embrassé devant tout le monde, gênant quelque peu le Hobbit miraculé mais ce dernier ne s'était pas plaint. Son cœur s'était emballé à la vue du mineur et le sentir contre lui, vivant, avait été un réel bonheur. Celui-ci lui expliqua que tous l'avaient cru mort. Après une nouvelle étreinte, Bilbo se tourna vers les autres et leur sourit mais leurs visages étaient graves. Avant qu'il n'ait pu demander ce qui se passait, il fut emmené auprès d'un Thorin couvert de sang, à la respiration haletante et au visage extrêmement pâle. Le roi ouvrit les yeux à son arrivée et lui prit délicatement la main. Il s'excusa péniblement de son comportement à demi-mots et le remercia. Bilbo ne comprit pas, Thorin ne présentait pas d'excuses, il n'avait avoué s'être trompé qu'une seule fois, au sommet du Carrock. Le Hobbit lui assura qu'il ne lui reprochait rien et qu'il restait persuadé qu'il ferait un excellent roi. Thorin lui sourit et l'étincelle dans ses yeux bleu glacé disparut, comme lorsqu'on soufflait sur une bougie. Le plus grand roi qu'Erebor n'avait jamais eu et n'aurait jamais venait de rejoindre Aüle. Tous se mirent à pleurer autour du défunt, excepté le cambrioleur qui ne réalisait pas, le choc engourdissant son cerveau. Malheureusement, les mauvaises nouvelles continuèrent car le Hobbit effectua un rapide calcul et constata qu'il manquait deux autres personnes. Ori s'effondra lorsqu'il demanda où se trouvaient les neveux de Thorin. Ce furent Gandalf et Bofur qui l'accompagnèrent jusqu'au lieu où reposait Fíli.
Le jeune prince était allongé au sol, ses longs cheveux blonds étalés autour de sa tête, maculés de sang et de terre, son épée gisant à ses côtés, un trou béant dans son flanc. À sa vue, Bilbo ne put se retenir de vomir. Fíli, si joyeux, si protecteur et généreux, n'était plus. Jamais plus il ne l'entendrait rire ni courir après son frère. Gandalf lui apprit que Kíli avait survécu mais que son état était critique. Une boule se noua dans sa gorge. Son cerveau prit enfin conscience de la situation et il se mit à pleurer des larmes brûlantes de désespoir. Bofur le prit dans ses bras et l'enlaça tendrement, lui offrant le réconfort dont il avait besoin.
L'Istari posa une main bienveillante sur l'épaule du fabriquant de jouets, incitant ce dernier à le regarder, et lui fit un hochement de tête significatif avant de les laisser seuls.
Maintenant, une semaine plus tard, Bilbo n'avait pas fait son deuil. Il se trouvait à présent à l'extérieur de la tente abritant Kíli et savait ce qu'il y verrait. L'archer refusait de se soigner. Le Hobbit avait insisté auprès des Nains pour qu'ils daignent le guérir mais ce fut finalement vers les Elfes qu'il avait dû se tourner. Ces derniers avaient accepté de l'aider et apportaient quotidiennement des soins nécessaires à son rétablissement mais rien ne fonctionnait. Son état se dégradait.
Bilbo entra dans la tente et s'installa à côté du jeune Nain. Ce dernier resta entièrement immobile, il ne leva pas les yeux vers son ami et ne prononça pas un mot. Il était recroquevillé sur lui-même, le regard perdu dans le vide. Seul le soulèvement de sa poitrine prouvait qu'il vivait encore, pour le moment. Le voir ainsi brisait le cœur du semi-homme. Autrefois, Kíli avait été l'image de la joie et de l'insouciance, il riait de tout, chantait, souriait, était très bavard et n'allait nulle part sans son frère. Aujourd'hui il était seul, son Autre était mort. Il n'avait plus de raison de vivre. Bilbo se demanda si l'archer avait déjà envisagé la vie sans son aîné. Probablement pas. D'après son état léthargique, il était facile de déduire que sans Fíli, Kíli n'existait pas.
Au début de ses visites, le cambrioleur avait tenté de lui parler, racontant l'avancement des réparations, la collaboration entre Nains et Elfes. Rien ne suscitait de réaction, Kíli gardait le silence. Petit à petit, Bilbo avait cessé d'user de la parole et il se contentait maintenant de changer les bandages de son patient et de rester à ses côtés sans rien dire, à l'observer au cas où il viendrait à rendre son dernier souffle. Cette éventualité terrifiait Bilbo, même s'il savait que c'était la meilleure solution. Il refusait de perdre un autre ami mais il était déjà trop tard. Kíli était mort de l'intérieur. Ses yeux ne reflétaient plus le feu ardent qu'il lui avait connu, que du vide.
Le Hobbit ne parvenait pas à s'imaginer ce que ressentait l'archer. La douleur déchirante qui scindait son âme en deux, la tristesse infinie recouvrant toute émotion, le désespoir hantant son esprit, le vide total l'ensevelissant, le néant absolu anéantissant la moindre trace de vie. Il ne savait pas que derrière ces prunelles immobiles, le cœur de Kíli avait cessé de battre. Plus rien ne pourrait le ramener, aucun remède ne pouvait calmer l'agonie constante dans laquelle il vivait. Bilbo ne le comprenait pas mais il pouvait le voir.
L'Elfe qui soignait Kíli lui avait raconté que le jeune Durin avait été trouvé sur le champ de bataille, à moitié mort, s'agrippant au corps d'un autre Nain de son âge, la tête posée sur son torse, des sanglots secouant tout son être, hurlant à l'agonie. Il avait refusé de lâcher le second guerrier et s'était débattu jusqu'à ce que ses forces l'abandonnent. Il n'avait pas dit un mot depuis.
Bilbo serra le poing. Tout cela s'était produit par sa faute. Il avait causé la perte des descendants de Durin et de bien d'autres encore. Incapable de supporter la vue du jeune Nain de la sorte, il se retira silencieusement.
Malheureusement, l'ambiance extérieure n'était pas plus enjouée. Le seigneur Dain avait pris en main le rôle de leader, en attendant que la princesse Dís arrive. Nul ne savait ce qu'il adviendrait d'Erebor. Qui gouvernerait le royaume ? Qui s'y installerait ? Tant de questions compliquant davantage la situation chaotique actuelle. Visiblement, les Hommes de Lake-Town avaient enfin accepté le retour des Nains. Après les avoir combattus et en avoir tué plusieurs. Quelle manière ironique de les accueillir chez eux. Bilbo ne se mêlait pas de la politique des autres races mais ce cas-ci le touchait personnellement. S'il avait pu, il aurait donné son avis. Au lieu de cela, il se dirigea vers ses frères d'armes.
Balin, Dwalin ainsi que d'autres Nains s'affairaient à déblayer l'entrée de la montagne. Il vit alors Ori apparaître aux côtés du garde et l'aider dans sa tâche. Surpris, ce dernier le regarda faire mais le scribe ne lui adressa pas la parole, se contentant de placer d'autres débris dans les brouettes. Dwalin reprit son travail, acceptant le silence de son compagnon. Ils furent bientôt rejoints par les frères aînés du jeune Nain mais ceux-ci n'avaient nullement l'intention de participer au nettoyage. À la place, ils s'arrêtèrent à côté et échangèrent un regard. Le chauve posa la pierre qu'il portait et se tint sur ses gardes, un rien aurait pu attiser sa colère. Balin se rapprocha, curieux et un peu inquiet.
De là où il se tenait, Bilbo ne put entendre les paroles prononcées par Dori mais au vu de son air grave, ainsi que de celui de Nori, il se douta que la conversation était importante, bien que brève. L'aîné 'Ri indiqua son benjamin de la main puis Dwalin et il jeta un ultime coup d'œil au voleur qui hocha la tête. Ses mots suivants provoquèrent l'étonnement à en croire la réaction d'Ori dont le visage, jusque là triste, s'illumina. Balin sourit et Dwalin écarquilla les yeux. Il parut pris de court mais aussi… agréablement surpris. Les aînés des deux familles se serrèrent la main et se prirent dans les bras de manière solennelle. Nori lança un regard menaçant au garde qui n'avait toujours pas bougé. Celui-ci tourna la tête vers Ori, dont le sourire rayonnait, et l'observa en silence quelques secondes, ce dernier faisant de même. Dwalin semblait considérer une éventualité, pesant le pour et le contre.
À regarder cette scène se dérouler sous ses yeux, Bilbo se demanda si les aînés 'Ri ne venaient pas d'accéder à la requête de leur jeune frère. Avaient-ils enfin accepté l'union entre les deux familles ? D'après le bonheur irradiant du scribe, cette possibilité était plus qu'envisageable. Le Hobbit espéra vivement que tout allait s'arranger pour eux. La peine que partageaient tous les membres de la Compagnie les avait rapprochés. Le traumatisme de la mort de leur leader les liait plus solidement que toutes les épreuves qu'ils avaient traversées ensemble. Dwalin en souffrait plus que les autres, il n'y avait aucun doute. Thorin avait été son roi mais aussi son ami de longue date, son protégé, son frère d'armes. Le sort les avait séparés, momentanément car ils se retrouveraient devant Aulë, et le garde le vivait très mal, bien qu'il n'en laissait rien paraître. Son silence constant et ses épaules tendues en disaient long. Il avait été le plus proche compagnon du forgeron, toujours là pour veiller sur lui, loyal jusqu'au bout. Sa mort l'avait profondément atteint, de manière irrémédiable. Personne ne pourrait le remplacer. Le chauve ne s'attachait qu'à peu d'individus, du moins c'était l'image que Bilbo en avait, mais il tenait beaucoup à sa famille et à ses proches. Perdre Thorin avait gelé le peu d'émotions qu'il ressentait.
Cependant il devait subsister une partie de lui capable d'embrasser le monde extérieur, après tout il avait souhaité épouser Ori. Toutes les complications qu'ils avaient dû subir s'étaient envolées et à présent, seule la peine de Dwalin risquait de lui faire renoncer à toute relation. Il ne voudrait probablement plus s'accorder la moindre opportunité de joie. Et pourtant, c'était le moment idéal pour célébrer leur union. Ori saurait panser les blessures du chauve et diminuer sa douleur. Il ferait preuve de patience et de tendresse, traitement auquel n'avait jamais eu droit Dwalin et qui serait efficace dans son cas. La douceur du scribe apaiserait le mal de son garde du corps et peu à peu, sa culpabilité d'avoir failli à son devoir disparaîtrait. Bilbo en était convaincu. Il le voyait dans le regard rempli d'affection que le plus jeune lançait à son futur époux et à sa main délicatement posée sur son avant-bras. Plus que cela, l'incertitude de Dwalin chavira jusqu'à céder entièrement : sa main recouvrit celle du scribe et l'enserra. Il s'en remettait à lui. Il se baissa afin de déposer son front contre celui d'Ori et ferma les yeux. Le guerrier rendait les armes volontairement, choisissant de faire confiance à quelqu'un d'autre.
Bilbo en fut ému. Erebor renaîtrait de ses cendres et deviendrait le puissant royaume dont Thorin avait rêvé. Ce mariage apporterait de la joie dans le cœur de chacun, c'était le signe d'une seconde chance, d'un renouveau. Pour le moment, ce n'était qu'une petite flamme, il faudrait se battre pour la garder en vie mais tous participeraient à cette tâche. Elle s'appelait l'espoir.
Le Hobbit observa le jeune couple un peu plus longuement. Des étoiles brillaient dans les yeux d'Ori, il ne pouvait se départir de son sourire. Ses joues rosies démontraient son embarras mais surtout son bonheur. Le regard amoureux qu'il ne cessait d'envoyer à son prétendant réchauffait le cœur. Dwalin, quant à lui, n'avait toujours pas relâché la main de son fiancé, il la serrait même plus fort. Son visage ne révélait pas de joie mais la tension dans ses épaules avait légèrement diminué. Il se tourna vers Nori et lui adressa quelques mots, là encore Bilbo ne put les entendre, mais il vit le voleur se détendre.
Les deux tourtereaux s'éloignèrent pour avoir un peu d'intimité. À peine furent-ils à vingt mètres qu'Ori embrassa soudainement son futur époux, faisant preuve de fougue et de tendresse à la fois. Dwalin répondit volontiers. Ils se séparèrent et une petite main vint se poser sur une joue rugueuse. Aucun mot ne fut échangé, tout passa par le regard. Bilbo crut comprendre le message du scribe : il serait là pour le garde, il prendrait soin de lui et le remettrait sur pieds, ils prendraient leur temps pour guérir leurs blessures. Dwalin ferma les yeux et enserra son fiancé contre lui.
Les larmes aux yeux, le cambrioleur les laissa profiter de ce moment privé. Il traversa les débris et se dirigea vers le centre de rations. Bifur se tenait devant, semblant surveiller les alentours mais l'air absent. Bombur se trouvait un peu plus loin en train de discuter avec d'autres Nains. Glóin s'occupait du ravitaillement de bois avec des Hommes tandis qu'Óin soignait les blessés dans une tente. Tous avaient une occupation tant il y avait de choses à faire mais le spectre de la mort de Thorin planait toujours en ce lieu. Bilbo s'était vu obligé de se reconcentrer plus d'une fois parce que le souvenir de ses derniers instants avec le roi hantait son esprit. Il ne pouvait se départir de sa culpabilité. Son cœur saignait. Partout où il regardait, une image du forgeron lui apparaissait, si bien qu'il commençait à croire qu'il avait des hallucinations. L'air d'Erebor lui était irrespirable, il étouffait. Il ne pouvait vivre ici après avoir assisté à une telle bataille. Trop de fantômes peuplaient cette région.
Chaque jour, sa peine s'agrandissait. Fíli était mort à quelques mètres de là où il se tenait. Kíli avait serré le cadavre de son frère contre lui, le souffle de la mort rongeait dorénavant son âme. Thorin lui avait dit qu'il regrettait ses actions et qu'il aurait souhaité régner avec lui à ses côtés. Le roi Nain l'avait choisi comme son Autre puis il s'était éteint juste après le lui avoir révélé.
Le cœur de Bilbo se serra douloureusement. Bien qu'il n'avait pas retourné les sentiments du forgeron, il l'avait considéré comme un allié, un véritable ami. Son trépas l'avait profondément atteint, jamais il ne s'en remettrait.
Le semi-homme se souvenait encore de leur rencontre à Bag End, à quel point Thorin lui avait paru hautain à cette époque. Pourtant, chacun de ses hommes aurait donné sa vie pour lui. Il n'y aurait aucun Nain aussi valeureux que lui.
Bilbo ne pouvait pas rester ici. Cet endroit représentait une trop grande tragédie. Il lui fallait partir, retourner en Comté dans son trou et oublier cette aventure. Vivre avec ce fardeau l'épuiserait. C'était soit s'en aller, soit périr à petit feu.
Ses réflexions moroses furent interrompues par deux bras l'encerclant de derrière. Une tête se posa sur son épaule et une moustache vint chatouiller sa joue alors qu'un baiser y fut déposé. Le semi-homme sursauta légèrement. Il se retourna et esquissa un faible sourire mais ne dit rien. Bofur le regardait amoureusement, comme à son habitude, sauf que lui aussi souffrait de la mort du roi. Ses yeux n'émettaient plus la même lueur joyeuse que tous lui connaissaient. Sa bonhomie naturelle s'était envolée, ne laissant qu'une ombre triste derrière elle. Voir les pupilles bronze si éteintes perturbait grandement le Hobbit qui comptait sur son amant pour lui remonter le moral. Aussi égoïste que cela paraissait, Bilbo avait besoin d'entendre le mineur plaisanter, cela lui permettait d'oublier sa peine.
Bien évidemment, le fabriquant de jouets aussi avait le droit d'extérioriser sa douleur. Comme chacun d'entre eux, il devait vouloir s'appuyer sur quelqu'un mais Bilbo préférait l'ignorer. La raison était simple : il avait peur. Si Bofur révélait à quel point la situation l'atteignait alors il serait impossible de tout réparer. C'était une crainte infondée mais elle était bien ancrée en lui. De ce fait, Bilbo enserra Bofur contre lui, fuyant son regard triste.
Cette situation ne pouvait pas continuer ainsi. S'il s'éternisait, le désespoir aurait raison de lui. Il devait partir. Mais d'abord, il fallait en parler à Bofur, lui dire qu'il rentrait en Comté. Est-ce que le mineur l'en empêcherait ? Peut-être souhaitait-il s'installer à Erebor avec sa famille, c'était son droit. Si leurs opinions divergeaient, cela entraînerait la fin de leur relation. Cela semblait inévitable. Bilbo ne reviendrait pas sur sa décision et bien que dire au revoir à Bofur lui déchirait le cœur, il ne ferait rien contre.
Le cambrioleur prit une grande inspiration et regarda son amant en face. Le désarroi qu'il vit dans les pupilles bronze lui coupa le souffle. Bofur souffrait et il s'apprêtait à alourdir sa peine. N'y avait-il donc aucune justice ? Comment pouvait-il être si cruel envers celui qui l'aimait et avec qui il désirait partager le reste de sa vie ? Sa propre lâcheté l'écœurait et lui laissa un goût amer dans la gorge. Pourtant il se força à parler mais lorsqu'il ouvrit la bouche, aucun son ne sortit. Les terribles mots ne franchirent pas ses lèvres. À la place, des larmes surgirent et inondèrent son visage. La peur lui tordait les entrailles. Il était terrifié à l'idée de se retrouver seul, de repartir de zéro, de quitter ces êtres devenus chers à ses yeux. Reprendre son ancienne vie tranquille de célibataire ne présentait plus aucun réconfort.
Bofur ne dit rien, se contentant de l'enlacer un peu plus fort, semblant comprendre ce qu'il ressentait et mettant sa propre peine de côté pour le consoler, ce qui fit redoubler les pleurs du semi-homme. Ses petites mains s'agrippèrent aux épaules épaisses du Nain afin d'avoir un appui pour ne pas couler sous le torrent d'émotions qui le traversaient. Bofur était le fil qui le reliait à la vie. S'il le coupait, il se noierait. Mais la prise du fabriquant de jouets était solide et réelle. Cette étreinte lui redonna la force d'user de la parole mais contre toute attente, les mots qu'il prononça ne furent pas ceux prévus.
-Venez vous installer en Comté avec moi. (Sa soudaine proposition les surprit tous les deux.) Cet endroit abrite trop de fantômes. Vivre ici serait comme habiter dans un cimetière. Je ne m'y ferai jamais mais je ne peux me résoudre à vous quitter. Accompagnez-moi en Comté, je m'efforcerai de vous rendre heureux, le supplia Bilbo d'une voix tremblante, le cœur au bord des lèvres.
Bofur ne répondit pas tant il était choqué. Avait-il pensé qu'ils s'installeraient tous deux dans la montagne ? Qu'ils y couleraient des jours paisibles, hantés par les souvenirs affreux de la tragédie qu'ils avaient vécue en ces lieux ? Ensemble certes mais à quel prix ? Son mutisme inquiéta Bilbo qui commença à penser que son histoire non plus ne connaîtrait pas de fin heureuse.
Le silence s'éternisa. Les nerfs du petit cambrioleur étaient sur le point de craquer. Le Nain à la pioche ne bougeait pas. Il fixait stoïquement son homologue sans sourciller, aucune émotion lisible dans ses yeux. Il s'était entièrement fermé au semi-homme, pour la toute première fois. Pourquoi ne disait-il rien ?
-Vous avez pas b'soin d'faire quoi qu'ce soit pour moi. J's'rai heureux rien qu'en étant à vos côtés. Si c'est en Comté qu'vous voulez vivre, j'viendrai avec vous, répondit finalement le mineur, la voix douce.
La joie s'empara du cœur du Hobbit à ces mots, chassant toute trace de doute et la remplaçant par un soulagement immense. Ses lèvres s'étirèrent en un sourire représentatif de ses émotions. Une copie conforme naquit sur celui de Bofur.
Heureux, le plus petit embrassa son compagnon, le remerciant silencieusement. Ses peurs s'estompèrent peu à peu, lui permettant d'envisager un avenir plus optimiste. Ils ne pourraient pas partir dans l'immédiat, beaucoup de détails devaient être réglés et chacun avait des responsabilités sur place, mais ils feraient leur possible pour accélérer leur départ.
Ainsi, face à face, la main dans la main, Bilbo osa enfin regarder dans les yeux de son compagnon et y vit exactement ce qu'il ressentait. Partir les libérerait tous les deux.
Une légère brise descendit sur la plaine, caressant les deux amants de son souffle frais. Elle poursuivit son chemin quelques mètres plus loin où elle enveloppa Dwalin et Ori dans un cocon protecteur invisible, les abritant temporairement de la désolation environnante. Elle balaya le sol, chassant les mauvaises ondes, allégeant la douleur et emportant avec elle les multiples âmes en peine s'étant égarées sur le champ de bataille. Elle les récupéra toutes en son sein afin de les amener dans leur ultime demeure. Puis elle se dirigea vers les tentes des blessés où une dernière attendait d'être soulagée de sa souffrance.
Au moment où le vent frôla la peau de Kíli, l'archer vit son Autre se tenir devant lui, souriant, la main tendue. Le jeune Nain se sentit plus léger, comme apaisé. Il sourit également et attrapa la main de sa moitié. Lorsque leurs doigts entrèrent en contact, l'ancien prince rendit son dernier souffle, fermant ses yeux à jamais. Enfin délivré.
Les funérailles de Thorin Oakenshield se firent de manière solennelle. Les Hommes de Lake-Town vinrent rendre hommage au grand roi qu'ils avaient chassé. Les Elfes de Mirkwood, guidés par Thranduil, se recueillirent en silence autour du tombeau. Devant la tombe se tenaient les membres survivants de la Compagnie, ainsi que Gandalf, Dain et Dís. Cette dernière se trouvait en avant, dissimulant la douleur d'une sœur et d'une mère.
Deux sépultures avaient été érigées : une pour Thorin et une pour Fíli et Kíli. Bilbo avait supplié la princesse d'accorder aux deux frères d'êtres enterrés ensemble, ce à quoi elle avait répondu :
-Les âmes de mes fils se sont trouvées de leur vivant. La mort me les a arrachés mais elle ne les séparera pas.
Dwalin et Ori portaient leurs vêtements de cérémonie, étant officiellement unis depuis la veille. Dori et Nori encadraient le jeune couple de manière bienveillante. Óin et Glóin se tenaient bien droit, le visage grave. Bombur pleurait en silence, la main de Bifur posée sur son épaule. Bofur tenait celle de Bilbo, son chapeau dans l'autre. Le cambrioleur ne pouvait arrêter ses larmes tant sa peine et sa culpabilité lui pesaient. Après les funérailles, ils partiraient en Comté, leurs sacs étaient prêts. Personne ne s'y était opposé. De déchirants adieux les attendaient.
À la fin de la cérémonie, Thranduil s'approcha de Dís et lui rendit l'Arkenstone. La princesse la reçut silencieusement, un regard empli de dédain obscurcissant ses yeux lorsqu'ils se posèrent sur la pierre. Celle qui avait causé la mort de toute sa famille. Elle n'en voulait pas. Ce n'était pas un héritage qu'elle acceptait. Sa main se resserra dessus, la colère la gagnant. Puis elle la tendit à Dwalin. Ce dernier s'en saisit, hochant la tête pour la remercier. Il posa le trésor maudit sur la tombe de Thorin. Ori lui donna Grasper. Tous regardaient la scène en silence, la tension palpable dans l'air. Dwalin leva sa hache et l'abattit sur la pierre, la brisant en mille morceaux dans un violent bruit de fracas.
Ainsi prit fin la malédiction des Durin.
Millyel :*te tend un nouveau cœur en caoutchouc* Tiens, pour remplacer celui que tu as dû perdre à la lecture de ce chapitre. Il résistera peut-être plus longtemps. Il est joli ! Quand t'appuies dessus ça fait POUIC ! ^^ Merci pour la review.
Angelyoru : Notre Père qui êtes aux cieux, veuillez prendre soin des âmes qui viennent de vous rejoindre. Elles ont pas eu une vie facile sur Terre alors allez-y mollo. Thorin va être infernal dans l'au-delà ! Merci de ton commentaire. :)
Sarah March : Ton mari a eu une fin tragique, navrée de te l'annoncer. Et il n'a pas eu son Hobbit non plus. Décidément, sa vie aura été pénible jusqu'au bout. J'aime bien faire souffrir Thorin, il n'est pas vraiment fait pour le bonheur de toute façon. ^^ Merci d'avoir commenté.