Hello les gens ! Me revoilà avec une histoire de mon cru que j'ai eue un mal fou à coucher sur papier. Des mois de tourmente pour mes pauvres cheveux, l'angoisse de la page blanche qui m'a fait me ronger les ongles jusqu'au sang, bref un calvaire sans nom que je me suis imposée car… je suis un peu sado-maso. De toute façon que ne ferait-on pas pour quelques petites reviews ? D'ailleurs, comme d'habitude, vous êtes cordialement invités à signaler votre avis à la fin de la lecture. C'est simple, il suffit d'utiliser ses doigts, de les frapper sur les touches de votre PC et d'écrire quelques mots dans le joli cadre laissé à cet effet.


Couple : bah déjà Ichigo. Pour le reste, faudra deviner ou patienter, à votre bon choix messieurs, dames !

Univers : Bleach, mais pas Bleach le manga. Je m'explique : vous prenez les personnages de Tite Kubo et vous les arrangez à une sauce contemporaine (point de bankai dans mon histoire) et européenne (je connais à peu près aussi bien le japon que je maitrise le mandarin, c'est tout dire !). Autrement dit, avec toutes mes excuses aux puristes, imaginez que le japon est un pays de la zone euro, OK ?

Dédicace : à Jijisub sans qui l'histoire n'aurait pas vu le jour, puisque c'est l'une de ses fictions qui m'a inspirée. Plus précisément l'un des nombreux Ichigo qu'elle a créés. Avec son autorisation, elle m'a permis de lui emprunter celui de sa fiction LE LANGAGE DES FLEURS, que je vous conseille de lire comme toutes ses fictions sur Bleach.

Remerciement : à Tite Kubo pour avoir créé des personnages tellement malléables à mes humeurs et à mon imagination débridée.


Chapitre 1 : Un beau jeune homme et des fleurs


Mercredi 14 février

Cinq heures et demi du matin. Le jour n'est pas encore levé. Dans l'obscurité de ce reste de nuit, les rues sont désertes. En même temps, qui aurait envie de sortir si tôt de son lit ? Au tout début février, il peut encore faire froid le matin, surtout après une bonne gelée. On est en plein cœur de l'hiver, et en dépit des jours qui rallongent tout doucement, se camoufler sous la couette reste de loin ce qu'il y a de mieux à faire. Et que d'ailleurs, la plupart des gens font.

Enfin, pas tous.

Certains, à l'image de ce jeune homme élancé et aux cheveux ébouriffés de cette couleur si particulière, apprécient de se lever à l'heure où presque tout le monde est endormi. Posté près de la fenêtre de son appartement situé au troisième étage, il observe l'immobilité régnant à l'extérieur, en buvant son café à petites gorgées. Il aime la solitude de cet instant. Etre le premier à profiter du calme qui a recouvert comme une chape de plomb la ville habituellement si trépidante, est le luxe qu'Ichigo Kurosaki se paye chaque matin, depuis qu'il a aménagé dans cet immeuble de la ville de Karakura.

C'était il y a sept mois. Un beau matin de juillet, sous un soleil déjà brûlant, lui et ses cartons ont débarqué sur le trottoir, au pied de ce bâtiment de quatre étages sans ascenseur. Aidé de sa famille et de ses amis, l'installation s'est faite dans une bonne humeur de rigueur et une chaleur quasiment insupportable.

Sept mois qu'il a décidé de quitter le cocon familial pour se lancer dans sa petite entreprise, comme il aime à l'appeler. Le défi d'une vie, pour une passion peu commune. Car aussi surprenant que cela paraisse chez ce jeune homme vif d'esprit, Ichigo Kurosaki est passionné par les fleurs.

Lorsqu'il était un enfant, il passait le plus clair de son temps en compagnie de sa grand-mère, Aiko. Grâce à celle qu'il aimait regarder prendre soin de son jardin, il a appris leur signification, mémorisant leurs noms, s'émerveillant de leurs couleurs vives ou chatoyantes, s'enivrant de leur parfum. La connaissance qu'elle avait acquise tout au long de sa vie à effectuer ses propres plantations, elle la lui a transmise avec un soin méticuleux et un bonheur sans pareil. Voir jour après jour, son petit-fils se prendre au jeu et surtout, montrer des capacités indéniables pour exercer ce métier si exigeant, l'enorgueillissait au plus haut point.

A sa mort, Ichigo avait à peine quinze ans. Cependant, son intérêt n'a pas failli pour autant. Bien au contraire. Au grand dam de son père qui le voyait suivre ses traces en faisant médecine et venir l'épauler à la clinique Kurosaki, l'adolescent d'alors a continué le travail de son aïeule, tout en suivant ses cours avec assiduités. Et à la fin du lycée, il a fait un choix étonnant, bien que parfaitement calculé de son point de vue. Plutôt que de se diriger vers un cursus d'apprentissage, il a suivi des études assez poussées pour compléter l'enseignement du langage des fleurs, initié par Aiko. Sa vocation ne l'ayant jamais quittée, il n'a eu de cesse de garder en ligne de mire l'objectif qu'il s'était juré d'atteindre. Celui de réaliser ce qui lui avait été interdit à elle, cette femme qu'il vénérait : ouvrir un magasin de fleurs. Pas très masculin diront certains, mais parfaitement assumé par le jeune diplômé de vingt et un ans.

Avec le soutien de ses parents, Ichigo s'est mis en quête de l'emplacement idéal pour ouvrir son petit commerce. La recherche a été moins aisée qu'il n'y paraissait au début. Si bien qu'au gré de ses nombreuses visites, il est allé de déceptions en découragements, jusqu'à trouver complètement par hasard, la perle rare. C'était il y a un peu plus d'un an et demi. En rentrant après une énième visite à vous foutre le bourdon, il s'est arrêté dans un petit café pour se prendre un petit café bien corsé. En écoutant distraitement deux vieux assis à la table derrière lui, il les a entendus parler d'un local qui se libérait dans une petite rue commerçante, à deux pas de la place où a lieu le marché chaque vendredi. Immédiatement, il s'est enquis auprès des deux hommes de l'adresse exacte. Ces derniers lui ont aimablement répondu, après lui avoir gentiment tiré les vers du nez, fort de leur bonne mine d'anciens atteints de curiosité aigüe.

Ensuite, ce fût une suite de hauts et de bas. Beaucoup de bas ! La visite l'a porté aux nues. La négociation avec le propriétaire qui le trouvait bien trop jeune pour se lancer dans une telle aventure commerciale, a été âpre, l'obligeant à montrer un sens de la manipulation dont il ne se serait jamais cru capable. Les rebondissements administratifs ont failli l'achever.

Mais tout ça est derrière lui depuis le 14 septembre 2012, jour ô combien chéri où, dans un costume impeccable, à la fois tendu et soulagé, il s'est rendu chez le notaire accompagné de ses parents, pour signer un bail commercial d'une durée de cinq ans.

Ensuite, tout s'est enchainé à un rythme vertigineux, mais sans facilité aucune. Pour résumé, les débuts n'ont pas été aisés. Faire pousser des fleurs en quantité dans la serre au fond du jardin du domicile Kurosaki pour composer des bouquets à couper le souffle est une chose. Tenir un commerce en est une autre. Malgré une détermination inébranlable et des capacités indéniables, Ichigo s'est vite rendu compte de la difficulté à gérer conjointement les commandes, la conception des bouquets, l'accueil de la clientèle, sans compter la paperasserie qu'il faut régulièrement faire, faute de quoi on se laisse submerger. Il lui a fallu plusieurs mois pour trouver ses marques et s'affranchir, par la même occasion, de l'aide financière de ses parents.

Aujourd'hui, il a son propre appartement et son magasin a acquis une petite renommée. Son talent pour cibler les besoins de sa clientèle, tout en les séduisant avec ses connaissances sur les fleurs, y est pour beaucoup. Et si on ajoute qu'il considère son travail comme la chose la plus importante qui soit dans sa vie, on comprendra aisément son succès, et par déduction, la raison pour laquelle il est levé de si bonheur.

Nous sommes le 14 février, jour de la St Valentin, une référence dans son métier, un jour béni pour les amoureux des fleurs, un pic d'activités. Bref, un jour où il ne faut surtout pas se vautrer.

Son café avalé, Ichigo sort de ses pensées et se met en mouvement en direction de la petite cuisine. Il pose sa grande tasse dans l'évier. Il n'a pas le temps de la nettoyer car il est déjà en retard. Il s'active vers la salle de bain où il se dévêt rapidement, avant de glisser sous la douche à peine chaude. Tant pis, ça finira de le réveiller.

L'eau tiède aura eu le mérite de lui remettre les idées en place. Habillé chaudement, il enfile son écharpe, se saisit de son bonnet, puis ouvre la porte d'entrée. Dans le silence matinal, il referme à double tour et à la va vite, enfile le bonnet en laine que sa sœur Yuzu lui a tricoté pour Noël, après quoi il s'élance dans l'escalier. La plus jeune des Kurosaki n'était pas peu fière de lui offrir sa première composition, qui s'avère une véritable réussite. Preuve en est que dans la famille, il n'est pas le seul à être un manuel avec une once d'artiste.

Il finit par sortir et marque un temps d'arrêt, surpris par le froid pinçant qui le fait frissonner malgré l'épaisseur de sa parka. Hâtant le pas, il marche jusqu'au coin de la rue, tourne à gauche, et débouche sur une rue plus grande. Il poursuit son chemin et, en passant devant la devanture d'un troquet, il fait un signe de la main au patron qu'il a appris à bien connaitre. Par habitude, ce dernier, qui est en train d'essuyer des verres comme chaque matin du lundi au samedi compris, lui renvoie d'un signe de tête son salut. Après une centaine de mètres, la rue aboutit à une intersection, se divisant en deux rues obliques, de largeur inégale. Bien que la circulation à cette heure soit quasiment nulle, il traverse en courant pour gagner la rue qui part vers la droite. Plus petite mais plus commerçante que celle à gauche, c'est le long de ses trottoirs que se trouve l'échoppe d'Ichigo.

Il traverse à nouveau et arrive devant un rideau grillagé. Il s'accroupit et insère sa clé dans la serrure près du sol. Un déclic suffit à débloquer le loquet. D'un geste sûr, il relève le rideau, révélant la devanture de son magasin. Insensible aux couleurs criardes, étranger aux sirènes qui vous hurlent de favoriser les tons tendances tels que le gris, Ichigo a opté pour des teintes naturelles, en corrélation avec son univers. Un vert mousse qui se fond admirablement dans le paysage urbain et sur lequel viennent se projeter savamment des filaments de vert d'eau et des lettres marron glacé. En plein et délié, il est écrit 'Le langage des fleurs'.

Comme chaque matin, Ichigo s'est brièvement placé face à la vitrine pour repérer les défauts à corriger, mais surtout parce que cette vision le rend fier. Accompagné par le bruit aigu de la sonnette, il entre dans la pièce chauffée, et allume aussitôt les lumières. Il doit se dépêcher car sa première livraison est prévue à six heures et il lui faut encore se mettre en tenue. Rapidement débarrassé des vêtements de trop, il enfile un grand tablier vert, sur lequel est brodé le nom de son enseigne. Ainsi paré, il lui reste suffisamment de temps pour déverrouiller la caisse et vérifier que tout est à sa place, et déjà le carillon de la porte retentit.

- « Eh salut Ichigo ! Comment ça va la vie ? »

Surgit dans l'encadrement un grand escogriffe aux cheveux rouges relevés dans une queue de cheval en forme d'ananas et au cou tatoué d'encre noire. Bien que le magasin soit spacieux, il suffit à cet homme athlétique trois enjambées pour parvenir jusqu'au comptoir, sur lequel il vient s'appuyer négligemment, le visage égayé par une expression respirant la bonne humeur.

- « Bonjour Renji ! », répond Ichigo en se retournant. « Tu as ma commande ? »

- « A ton avis ? », fait le rouge avec un sourire malicieux sur les lèvres.

Peu enclin à entrer dans le jeu de son interlocuteur, Ichigo commence par froncer les sourcils, puis par soupirer face au mutisme amusé de l'autre homme. Renji Abarai est certes un mec plutôt sympa, il n'empêche qu'il n'est jamais pressé. Le comble pour un livreur !

- « Renji, je n'ai pas le temps de me perdre en sémantique. »

- « Bah moi non plus ! », regimbe l'autre, avant d'ajouter avec un sourire en forme de banane : « Surtout que je sais pas c'que c'est le sémantique. »

Cette fois, le fleuriste pousse un soupir à fendre l'âme la plus récalcitrante que la terre et le ciel aient portée.

- « On dit la sémantique. Et ça veut dire, jouer sur les mots. »

- « Ah ouais, j'ai pigé. Pourquoi tu l'as pas dit plus tôt ? Tu sais bien qu'y faut pas utiliser des mots savants avec moi », ricane le livreur en tournant les talons, probablement pour aller chercher le pourquoi de sa présence ici de bon matin.

Et tandis qu'il repart en direction de la porte du magasin qu'il ouvre avec fracas, Ichigo le suit en marmonnant : « Je me le demande moi-même ! »

Une fois dehors, il rejoint Renji à l'arrière de sa camionnette et découvre la multitude de sachets d'où débordent des fleurs. Du rouge, du rose, de l'orangé, du jaune, mais aussi plus surprenant du bleu, du pourpre, du noir, les teintes foisonnent et un parfum entêtant s'immisce bientôt dans l'air.

- « Tu as pu m'avoir des orchidées noires et c'est l'odeur des freesias que je sens ? », s'exclame Ichigo, des étoiles plein les yeux lorsqu'ils se posent sur les boutons à peine éclos.

- « Ouais. J'ai dû faire des pieds et des mains pour te les avoir. Mais ça valait le coup, t'as l'air d'un gamin face à un grand sac de bonbons ! »

- « Te fous pas de moi, tu veux. L'une de mes meilleures clientes me tanne depuis des lustres pour avoir une orchidée de cette couleur. »

- « Mais je ne me moque pas, Ichigo. C'est toujours un plaisir de voir tes yeux pétiller devant les jolies fleurs que je t'amène. Ah la la ! Qu'est-ce que je n'ferais pas pour mon fleuriste préféré ! »

- « Mais bien sûr ! Tu vas me faire croire que tu me privilégies à ta clientèle féminine. A d'autres ! »

- « Ichigo », commence le rouge avec une main posée sur le cœur, « l'amitié passe avant la bagatelle ! Tu m'connais mieux que ça ? »

- « La ba-ga-telle ? », énonce lentement le rouquin. « Tu utilises un mot pareil ? Et en plus, tu en connais la signification, j'en reviens pas ! »

Sans se laisser démonter par le sous-entendu critique, Renji commence à décharger les cartons. Ichigo plisse les yeux, et croise les bras sur sa poitrine, suivant du regard le livreur. Après quelques secondes, il se place en travers de son chemin, l'obligeant à s'arrêter et à le regarder.

- « Qui êtes-vous ? Qu'avez-vous fait de Renji ? »

- « Ah ah ah ! Tu sais qu't'es drôle, Ichi ! »

- « Ne m'appelle pas comme ça ! J'ai horreur qu'on me donne du surnom ! »

- « Je sais. Mais fallait pas d'te moquer de moi, na ! », rétorque Abarai en posant sur le pas de la porte le premier carton remplis de fleurs coupées.

- « Oh ça, c'est très éloquent, Renji ! »

- « M'en fiche, je sais pas ce que ça veut dire éloquent. Mais ça sonne bien », fait le livreur en se prenant le menton et en faisant mine de réfléchir.

- « C'était pas un compliment, crétin ! », rétorque Ichigo, dont l'agacement se transforme bien vite en éclat de rire sous l'air tellement irréfléchi d'Abarai. « Allez, dépêchons-nous. J'ai un milliard de trucs à faire. Aujourd'hui, c'est la Saint Valentin, au cas où tu l'aurais oublié. »

- « Bah ça, ça risque pas ! »

La mine plus que réjouie du livreur laisse deviner sans peine qu'il a un rendez-vous galant.

- « Oh ! Tu as un rancard… c'est ça ? »

La question est purement rhétorique, car il est évident qu'un homme tel que Renji ne peut pas passer la Saint Valentin tout seul. Et si Ichigo en est conscient, ça ne l'empêche pas d'être un peu dépité que ce ne soit pas le cas pour lui. Il sait qu'il fait passer son travail avant tout et qu'il apprécie son indépendance. Néanmoins, il aimerait parfois un peu de compagnie. Câliner et se faire câliner, un programme alléchant qu'il envisage avec de plus en plus de sérieux, particulièrement quand il se projette dans le futur. Un futur où il ne vivrait pas seul. Un futur avec une compagne, peut-être des enfants. Il veut pouvoir un jour construire quelque chose de solide, à l'image du couple que forment ses parents.

- « J'en ai deux ! »

La réponse surprenante le sort de la douce torpeur dans laquelle il était plongé.

- « Deux quoi ? »

- « Rendez-vous de la Saint Valentin, pardi ! »

- « DEUX ? Mais… mais…, c'est immoral ! »

- « Hein ? »

- « Tu ne peux pas avoir deux rendez-vous le jour de la Saint Valentin. Ça ne se fait pas ! »

- « Tu rigoles ? »

- « Bien sûr que non. Imagines si elles l'apprennent ! »

- « Pourquoi tu veux qu'elles l'apprennent ? J'me suis arrangé pour que ça s'fasse en douceur. Pas vu, pas pris, tu saisis ? »

- « Non, je ne saisis pas et je maintiens que ce n'est pas correct », lâche Ichigo sur un air plus renfrogné que jamais, à cause de l'envie qui le tenaille.

- « Ecoute Ichigo, dans mon monde à moi, ça s'fait pas de refuser une invitation. Alors deux, t'imagines même pas. C'est aussi simple que ça. »

Le fleuriste est KO debout. La bouche ouverte, il observe son partenaire de travail qui poursuit le déchargement, pas tout à fait certain d'avoir compris ce qu'il vient de sous-entendre.

- « Tu veux dire que ce n'est pas toi qui les as invitées ? »

- « Nan ! Moi, j'ai juste à sourire et elles tombent comme des mouches. »

A ce moment-là, Ichigo pense que la vie est injuste. Lui, il la passera seul la Saint Valentin. Pas de rendez-vous, pas de cœur en chocolat, pas de bouquets de fleurs. Enfin si, pour les bouquets, il y aura… mais à faire ! Bon, il doit admettre qu'il n'a pas cherché non plus à se mettre dans une situation propice à un rapprochement.

Pourtant, il aurait facilement pu le faire. Tiens, la vendeuse de la pâtisserie d'en face ne cesse de lui lancer des œillades énamourées. En plus, elle est sacrément jolie, la petite Kumiko. Bon, du peu qu'il a pu converser avec elle, ça semble être une pauvre gourde. Mais elle est jolie, ça compte quand même. Enfin surtout si on n'est pas regardant côté personnalité.

- « Eh ! Tu rêves déjà à ta copine et à ce que tu vas lui faire ce soir ? », demande le livreur en lui faisant un clin d'œil, un air lubrique sur le visage.

- « Hein ?... Bien sûr que non, espèce d'obsédé ! », éructe un Ichigo cramoisi face à la question plus qu'indiscrète de l'autre. Puis, il ajoute à voix basse et en détournant le regard : « De toute façon, je n'ai pas de petite amie. »

- « Vraiment ? T'es pourtant plutôt beau garçon. »

- « Ouais, bah le beau garçon n'a pas vraiment le temps ces temps-ci », fait Ichigo sur un ton agacé. « Si on en terminait, tu dois bien avoir d'autres gens à emmerder… enfin, je veux dire d'autres livraisons à faire. »

Renji éclate de rire et continue sa tâche. Une fois tous les cartons sortis, il tend à Ichigo le bordereau pour qu'il y appose sa signature et vient poser son bras sur son épaule, faisant grogner dans sa barbe le fleuriste sur les gens incapables de respecter l'espace personnel d'autrui.

- « T'inquiète, tu finiras bien par en trouver une petite poupée. »

- « Une petite poupée, tu as une drôle de façon de parler des femmes toi ! Et pis, je ne vois pas en quoi ça te concerne ! »

- « Bah quoi ! Je t'encourage, c'est sympa de ma part. Et tiens, je peux même de donner quelques conseils en matière de drague… »

- « Ah oui, j'ai saisi ! Tu vas m'apprendre à sourire, gros malin ? »

- « Bah ça serait pas du luxe », réplique aussitôt le rouge en explosant de rire. Rire qu'il est le seul à émettre, ce dont il finit par se rendre compte en voyant les yeux d'ambre lui lancer des éclairs de fureur. « Non, non, t'emballes pas, je faisais que me moquer. Non, toi t'es l'genre taciturne. Si tu veux… »

- « Je n'ai aucunement besoin de tes conseils ! », s'énerve Ichigo. « Je te signale que j'ai déjà eu des relations. Au lycée par exemple, j'avais une petite amie. Elle s'appelait Orihime et elle était… »

- « Au LYCEE ? Et rien depuis ? »

Le ton dramatique de Renji fait rougir Ichigo jusqu'à la racine de ses cheveux orange, et ce n'est pas peu dire que les deux couleurs jurent affreusement ensembles. De toute façon, ce n'est pas de sa faute s'il s'est fait largué comme une merde et qu'après ça, il n'a pas eu le cœur à retenter l'expérience.

- « Mais tu dois être rouillé ! Bon sang, comment tu fais pour te soulager ? Moi, j'pourrais pas. Y'a que les moines qui peuvent. » La gêne largement visible sur le visage du rouquin est en train de se transformer en colère et Renji préfère se rattraper, ce qui n'est pas une sinécure pour un bourrin tel que lui. « Remarque, t'as deux mains et tu sembles adroit avec », rajoute-t-il en pouffant de rire, amusé par ses propres mots, sous le regard assassin d'Ichigo.

Pourtant, à la surprise du fleuriste, il s'interrompt, cessant subitement de rire et redevenant sérieux en une seconde. Il vient se placer face à lui, il croise lentement les bras et darde sur lui un regard étrangement plissé. Puis, il le dévisage de la tête au pied et finit par lâcher le résultat de ses cogitations, ce dont il aurait dû s'abstenir du point de vue d'Ichigo.

- « Dis-donc, tu serais pas gay des fois ? »

Abasourdi par ce qu'il vient d'entendre, le supposé gay se fige dans l'instant, les yeux écarquillés et la bouche ouverte. Pendant quelques secondes qui paraissent une éternité, un silence pesant s'instaure durant lequel Renji observe l'absence de réaction de son vis-à-vis, se demandant s'il n'a pas mis dans le mille. A moins qu'il ne l'ait fait boguer. Le rouquin finit par sortir de son état léthargique et repousse violemment le livreur. Rouge de colère, il se positionne face à ce dernier et commence à lui hurler dessus :

- « NON MAIS ÇA VA PAS LA TETE ! »

- « Bonjour, Ichigo ! », lance une voix féminine.

Tout à son emportement, le fleuriste a oublié qu'il était toujours sur le trottoir devant son magasin, et par conséquent, à la vue de toute personne passant par là. Et pas de chance pour lui, il faut que la première de ces personnes potentielles, soit la très jolie Kumiko, vendeuse de son état et amoureuse auto-proclamée de sa personne.

- « Ah… euh… bonjour, Kumiko. »

- « Salut, jolie demoiselle », lance avec un sourire éclatant Renji repassé en mode tombeur. « Bon, je te laisse Ichigo, mais réfléchis bien. »

- « Hein ? Quoi ?... »

- « Je te dis de réfléchir ! Bon sang, faut arrêter la branlette, tu deviens sourd ! »

Les joues aussi rouges que les coquelicots, Ichigo prend une grande inspiration et ferme les yeux deux petites secondes. Quand il les rouvre, il serre très fort les dents et lui demande : « De quoi tu parles, Renji ? »

- « Bah, du fait d'être gay. Mais c'est pas un problème, tu sais. »

Inconscient qu'il vient de lancer une bombe, le rouge referme les portes arrière et après un signe de la main pour le rouquin et un clin d'œil à la demoiselle, il se met au volant et démarre sur les chapeaux de roue.

Restés seuls dans la rue, les deux jeunes n'osent pas se regarder. Après un silence inconfortable, Ichigo tourne son regard vers la jeune femme, mais la mine déconfite le refroidit immédiatement. Du moins, s'il envisageait un éventuel rendez-vous de dernière minute. Quelque peu gêné, il se gratte la nuque et tente de réparer les dégâts occasionnés par la langue bien trop pendue de ce maudit Renji.

- « Euh… sinon, tu vas… travailler là ? »

Il réalise tout de suite qu'il vient de manquer cruellement d'imagination, et il n'en fallait pas plus à la jeune femme pour profiter de l'opportunité et se faire la malle avec le plus de dignité possible.

- « Oui… faut que j'y aille, parce que je suis en retard… »

Sans un dernier regard pour lui, elle passe en courant devant son ex-futur-petit-ami, et après avoir traversé la rue, s'engouffre illico dans la pâtisserie, comme si elle avait le feu aux fesses. Et cette fois, ça n'a rien de métaphorique, car il s'agit bien d'un vrai feu, celui qui brûle avec des flammes.

- « Génial ! Je suis grillé maintenant. Et tout ça, c'est la faute de ce crétin de livreur ! »

Se retournant pour entrer, il réalise qu'il avait complètement occulté la livraison de sa commande. Le tas de cartons remplis de feuillages et de pétales s'alignent devant l'entrée de son magasin, comme pour se moquer de son air abattu. Il secoue la tête, histoire de se remettre les idées en place, et prend une grande inspiration pour s'encourager, avant de se baisser pour se saisir de l'un des cartons. Il entre dans le magasin et se dirige vers la petite remise dans laquelle il va les stocker. Les fleurs doivent être triées avant d'être mises dans des réceptacles pourvus d'eau. Et certaines iront directement sur la table de travail, afin qu'il puisse élaborer les premiers bouquets de la Saint Valentin.

Alors qu'il sort chercher un deuxième carton, un bolide de petite taille et aux cheveux roses pétants lui fonce littéralement dessus.

- « Salut Ichi ! », s'écrie une gamine au visage enfantin.

- « Bonjour Yachiru », répond-t-il en parvenant de justesse à se stabiliser. Sa lutte pour garder l'équilibre a occulté le fait que l'on vient encore de l'appeler avec ce foutu surnom. Il se baisse et découvre le visage souriant d'une jeune gamine, qui se trouve être une adolescente de seize ans.

A deux pas derrière eux, apparaît une montagne qui obscurcit la lumière faiblarde du petit matin. Kenpachi Zaraki, chef du restaurant 'Le numéro 11', se tient debout et les regarde avec une expression agacée qui ne laisse rien présager de bon pour sa turbulente héritière.

- « Bonjour Kurosaki. Yachiru, combien de fois je t'ai dit de ne pas d'jeter sur les gens ! », tonne la voix du brun.

- « Mais papa, c'est pas les gens, c'est Ichi ! »

- « Et ça aussi, je te l'ai répété un million de fois. Tu n'as pas à affubler les gens que tu apprécies de petits noms. Est-ce que Kurosaki-kun t'a seulement autorisé ? »

Pas décontenancée pour deux sous, la fille relève la tête pour regarder Ichigo qui, entretemps, est parvenu à se dépêtrer de ses bras ventouses et à s'éloigner d'elle.

- « Je peux t'appeler Ichi, Ichi ? »

Ichigo hésite quelques instants. Il n'a pas envie de lui faire de la peine, surtout que son géant de papa est juste à côté. Mais en même temps, celui-ci vient bien de lui tendre une perche, non ? Un échange de regard avec ce dernier, qui hoche la tête de bas en haut, et il se lance.

- « Eh bien, vois-tu Yachiru, seules mes deux petites sœurs m'appellent comme ça. Et j'aimerais bien que ça reste ainsi. Tu comprends, ce sont mes petites sœurs. »

- « Oh… d'accord Ichigo ! Je file devant, papa ! Salut Ichigo !», s'écrie la fille avant de partir comme une fusée, sans être vexée par la réponse de son Ichi.

- « Merci », soupire le fleuriste en regardant le colosse aux cheveux noirs.

- « De rien. Il faut qu'elle respecte un minimum de règle. Je l'ai trop laissé faire, maintenant faut redresser la barre. Sinon, elle serait capable d'aller taper l'épaule des clients. » La remarque fait apparaitre un sourire sur le visage jusque-là soucieux du rouquin. Car, il n'a aucune mal à visualiser Yachiru en train de taper la causette avec les clients de son père. « Dieu sait comment elle les appellerait ! », répond le restaurateur en levant les yeux au ciel. La déclaration étant faite, il fait mine de partir avant de s'arrêter et d'observer son collègue commerçant. « Dis donc, t'as pas l'air en forme, toi ? »

- « Oh si ça va… enfin presque. C'est juste que cet abruti de Renji… eh bien… il m'a comment dire… grillé devant Kumiko. »

- « Oh je vois. Il l'a invité pour la Saint Valentin. C'est pas grave ça. Tu vaux mieux que cette idiote. Laisse-là donc à Renji. Ils vont faire un beau couple de crétins, tous les deux ! »

Cette fois, Ichigo éclate de rire à la remarque en lâchant un « Non, c'est pas ça… », avant qu'une sorte de malaise le reprenne. Il ne sait pas s'il doit en parler mais comme Zaraki est toujours face à lui, et qu'il ne semble pas projeter de bouger avant d'avoir obtenu une réponse, il reprend avec hésitation : « Non, c'est… pire que ça. Enfin, c'est Renji donc, je ne devrais pas m'en faire, hein ? »

- « Crache le morceau et j'te dirai c'que ça vaut ! »

Le ton ne souffre aucun refus alors Ichigo poursuit : « Eh bien, voilà… il a émis l'hypothèse que je serais gay. Bien entendu, c'est arrivé pile au moment où Kumiko s'est pointée. Bah oui, sinon ce serait moins drôle, n'est-ce pas ? »

L'absence de réponse, voire même de réaction face à la tentative d'humour avortée, Ichigo préfère conclure par un rapide « Bref, Kumiko a tout entendu et elle a filé comme si j'étais devenu le diable en personne », ce d'autant que Zaraki est en train de le fixer sous toutes les coutures et qu'il ne réagit toujours pas.

- « Toi gay ? », s'esclaffe alors le géant avec un rire puissant, rejoint bientôt par Ichigo rassuré par la réaction du restaurateur. Enfin, pas pour longtemps. « C'est n'importe quoi ! Je l'aurais su si t'étais gay ! »

Eberlué, Ichigo met du temps à réagir : - « Pourquoi, vous l'auriez su ? Yumichika, je ne dis pas, mais vous… »

Ichigo perd son sourire instantanément. Il marque une pause le temps que son cerveau digère l'information. Puis, voyant l'expression ravie sur le visage du grand brun, surtout le hochement de tête et l'étirement suspect de ses lèvres, il se met à bégayer : « Mais… enfin… je veux dire… Yachiru… comment ? »

- « Eh respire, gamin ! Yachiru, je l'ai adoptée. Moi j'aime les mecs, de préférence musclés et effrontés », fait-il en se penchant et en affichant un sourire de pervers à faire pâlir d'envie le Joker de Batman.

Content de lui, car Zaraki aime impressionner, il vient flanquer une pichenette dans l'épaule du rouquin, le faisant avancer d'un bon mètre.

- « Tu sais, le plus important, c'est pas où s'fourre la queue, c'est c'que tu ressens là », fait-il en posant son doigt à l'emplacement de son cœur. « Bon, faut que j'aille bosser. La prochaine fois que tu vois Renji, dis-lui d'arrêter la boisson. »

Et voilà comment, pour la deuxième fois en moins de trente minutes, Ichigo Kurosaki est planté comme deux ronds de flan sur le palier de son magasin, à une heure où les bonnes gens sont encore en train de pioncer.


Ce premier chapitre est une présentation et je vous avoue ne pas attendre de commentaires particuliers. Par contre, j'aimerais bien avoir vos pronostics quant aux 4 trentenaires qui vont faire leur arrivée au chapitre suivant. Alors qui veut jouer aux devinettes ?