Disclaimer: Les personnages de Harry Potter ne nous appartiennent pas.

Couple: Ron / Blaise.

Rating: M.

Cet OS a été écrit pour le fanzine "Sectumsempra, mon amour ?"et a été retenu pour le second hors-série lemoneux. Le concours portait sur... on va dire la sucette. Ouais, on va dire ça. Son auteur, Aslan (ou Galette pour les intimes), nous a gentiment autorisé à publier son OS. N'hésitez pas à aller visiter son profil, qui se trouve dans nos favoris !

N'hésitez pas à passer sur notre profil également :)


Le goût du plaisir

« Faut que je baise. Absolument. »

Harry roula des yeux. Combien de fois n'avait-il pas entendu Ron se plaindre à ce sujet ! Ce jour-là, ils étaient installés dans son appartement et la conversation portait sur l'anniversaire prochain de leur meilleure amie, Hermione. Harry n'arrivait toujours pas à comprendre comment il avait pu mettre ce sujet sur le tapis.

« Tu ne sortais pas avec cette barmaid, là, Rosita ?

- Rosmerta, Harry, Rosmerta.

- Oui, bref.

- Tu l'as bien vue, non ? Tu penses qu'on peut sortir avec une femme comme elle ? Ce serait un tel... gâchis !

- Gâchis ?

- Parfaitement, un gâchis comme... Comme manger du pâté avec de la mayonnaise. Ça n'a aucun sens. »

Soupirant, Harry laissa son ami divaguer sur le pâté, la beauté et les chevilles de Rosmerta. Depuis près de quinze ans qu'ils étaient amis – Dieu que le temps passait vite ! – il n'avait jamais vu Ron si loquace et enthousiaste que sur deux sujets : la nourriture et le sexe (et le football, dans une moindre mesure, mais on retournait toujours sur le sexe quand, après avoir commenté les performances des joueurs, il se mettait à détailler leur anatomie. Et il n'y allait jamais dans la dentelle).

Harry ne connaissait que peu de relations stables au jeune homme : leur amie Hermione, durant l'été de leurs seize ans, et cette fille qu'il avait rencontrée dans sa classe de BTS, Lavande Brown. Sans doute sa plus longue relation : quatre mois. Bien sûr, il ne cachait pas son aversion pour le couple et pour toute marque de fidélité, d'attention. Tout ce qui touchait au relationnel l'emmerdait au plus haut point. Quant au sentimental... Seule une murge saurait lui faire le même effet qu'un mot d'amour. Alors oui, on ne changeait pas un comportement comme ça et Harry respectait les choix de vie de son ami.

Toutefois, il s'inquiétait souvent de son avenir. Ils approchaient de leurs vingt-six ans et Ronald ne savait absolument pas se débrouiller dans la vie. Il avait vécu jusqu'à ses vingt-trois ans chez ses parents, puis avait pris un appartement avec Harry une fois un travail trouvé. Leur colocation avait stoppé quand Harry décida d'emménager avec son compagnon depuis cinq ans, Drago. Ron vivait donc seul depuis seulement quelques mois, dans un quartier inconnu, loin – à vingt minutes à pieds, se plaignait-il – de ses amis les plus proches. Il ne faisait ni sa lessive, ni ses repas, le ménage n'étant même pas une option envisageable.

Quand ils cohabitaient, c'était Harry qui s'occupait du linge (il disposait d'une voiture, ce qui était plus pratique pour se rendre à la laverie) et du ménage. Ils ne prenaient pas les repas ensemble. Après une semaine de traitement, Harry avait abandonné et laissé son ami se débrouiller tout seul – c'est ainsi qu'il découvrit le pub de Rosmerta.

Ron était de cette espèce de mâle qu'on pensait en voie de disparition quand on était optimiste sur le devenir de l'humanité. Le genre de mec qui, pieds sous la table, râle quand le plat fini il n'a plus de quoi assouvir sa faim sans pour autant penser au travail laborieux qu'il avait fallu pour nourrir le véritable gouffre sans fond qu'il était. À chaque repas, la même rengaine : entrée, plat, dessert, de nouveau plat quand il en restait, léchage de marmite puis récurage de poêle. Tout, il engloutissait tout ce qui était comestible et qui passait à moins d'un mètre de lui. Et ça, Harry, malgré toute sa bonne volonté, ne l'avait pas supporté.

Voilà donc son ami, à bientôt vingt-six ans, se faire livrer des paniers garnis toutes les semaines par sa mère et amener son linge chez sa voisine du dessous, une mère divorcée en manque d'affection.

« Oh ! Et ta voisine-du-linge, tu ne peux pas... Avec elle ?

- Grand-dieux, non ! Elle lave mon linge, vieux. Je veux bien discuter et minauder mais de là à... non, sûrement pas ! Elle est comme ma mère. Tu te verrais coucher avec ta mère ?

- Ma mère est morte, abruti...

- C'est vrai. Désolé.

- Pas gr...

- Ta tante alors. Tu te verrais coucher avec ta tante ?

- Ok, Ron, j'ai saisi. Ah, j'entends une clé dans la porte, je crois que Drago arrive ! »

En effet, le petit-ami de Harry venait de faire son entrée dans le salon. Harry se leva précipitamment du canapé où il était resté assis l'après-midi durant et accueillit comme il se devait son compagnon.

« Vous avez bougé de ce canapé un moment ou... demanda-t-il en s'affalant sur les coussins.

- Nope ! clama fièrement Ron.

- Dingue ! On jurerait sentir la marque de tes fesses Harry, juste sous les miennes.

- Passionnant, Dray, remarqua le concerné. Autre fait digne d'intérêt, nous parlions avant que tu n'arrives de l'anniversaire d'Hermione, la semaine prochaine. Elle a eu un dégât des eaux et ne peut pas nous accueillir. Je proposais qu'on le fasse ici ? Ça te convient ?

- Bien sûr, je lui avais déjà proposé, en fait. Et puis... Ce sera l'occasion de fêter... tadaaaam... Ma promotion !

- Oh Dray, c'est génial ! Cette journée s'achève décidément très bien. »

Tandis que les deux amoureux s'embrassaient pour fêter la nouvelle, Ron baissa les yeux, tout penaud.

« Très bien, très bien... C'est que j'ai encore envie de baiser moi. »

OoO

La fête battait son plein dans l'appartement de Harry et Drago. Les convives, assez nombreux, semblaient s'amuser, la musique était savamment choisie et le buffet... Divin ! Des petits fours raffinés aux sandwichs bien garnis, en passant par les gourmandises sucrées, les tartes, les quiches en tous genres et, clou du spectacle, le gâteau, véritable pièce montée aux fruits rouges et à la crème juste légère comme il fallait. Un régal d'une rare justesse !

C'était Drago qui avait proposé ce traiteur et il n'en était pas peu fier : tous venaient le féliciter sur la qualité du repas. Et chaque fois, il souriait d'un faux air modeste, puis renvoyait les admirateurs devant le véritable destinataire des louanges. Accoudé au rebord d'une fenêtre, celui-ci faisait tourner entre ses longs doigts fins un verre de vin d'un profond bordeaux. Il était assez grand, mince et élancé, une peau d'un noir presque violacé qui contrastait avec sa chemise claire. Ses cheveux étaient ras et ses yeux en amandes.

« Je l'ai déjà vu quelque part... »

Depuis déjà dix minutes, Ron fixait le jeune homme à la fenêtre. Il avait cette désagréable sensation de l'avoir croisé auparavant sans pouvoir le remettre. Drago l'avait présenté : Blaise Zabini. Le nom ne lui disait rien du tout. Pourtant, il était persuadé de l'avoir déjà vu. Ces doigts qui s'accrochaient au verre lisse lui rappelaient tant de choses... Mais Blaise était accaparé de toutes parts, impossible de l'approcher pour avoir une conversation. Puis ce fut l'heure de l'ouverture des cadeaux et le talentueux traiteur sortit totalement de son esprit.

OoO

« Oh oui ! Fais monter la crème ! Vite ! Plus viiiiite ! »

Un râle profond et guttural. L'homme de la vidéo explosa en plusieurs traînées blanchâtres sur le visage de son camarade de jeu, aspergeant ses lunettes, ses cheveux blonds et la caméra qui filmait au plus près cette apothéose sexuelle. Œillades coquines aux spectateurs, puis coup de langue sur ses lèvres roses et gonflées, l'autre jeune homme – qui ne devait pas avoir plus de vingt ans – semblait se délecter. La scène se déroulait dans un salon typique de classe moyenne et l'homme qui agitait son gourdin sur le visage du plus jeune avait gardé ses chaussettes.

Assis sur la chaise pivotante de son bureau, la main en fourreau sur son sexe à peine dressé, Ron s'emmerdait au plus haut point. Il en avait vu des tas et des tas de pornos sans saveur comme celui-ci, mais chaque fois, il arrivait à se finir, c'était mécanique, quand il avait besoin de se vider il passait en pilote automatique, la main sur le joystick et ça roulait tout seul ! Pas ce soir-là. Ce soir-là, il avait envie de chair, de sentir un corps contre le sien. Ça faisait trop longtemps, déjà. Trois semaines. Comment en était-il arrivé là ?

D'abord Rosmerta qui lui faisait la tronche, puis ses amants réguliers qui se décommandaient un à un. Paraissait qu'il avait changé, que le feeling ne passait plus aussi bien. Qu'est-ce qui s'était passé, en trois semaines ? Ses cheveux avaient raccourci, il avait gagné deux kilos, un scandale avait éclaté au sein de la famille royale et on avait fêté les vingt-six ans d'Hermione. Telles étaient les nouvelles de ces derniers jours. Rien de bien bandant, en somme.

À dire vrai, depuis cette soirée, quelque chose avait bien bouleversé son train-train quotidien, mais de là à ce que ça affecte ses relations... Au début simplement curieux, il avait fini par devenir carrément perturbé. À force d'y penser, son comportement s'était adapté, c'était certain. Mais... il le savait, il en était plus que sûr, il le connaissait ce type ! Ce Blaise Zabini, qui avait fourni à lui seul ce somptueux buffet, il avait déjà eu affaire à lui. Le problème était qu'il ne savait rien du lieu et des circonstances de cette rencontre. Et cette insécurité le chagrinait plus qu'elle n'aurait dû. Il avait investigué partout, cherché tous ses contacts depuis les sites de rencontre qu'il fréquentait à ses conseillers bancaires en passant par l'almanach du lycée, sur trois promotions. Rien. Aucun Blaise Zabini. Même l'ami Google n'avait pas été d'un grand secours : pas de compte sur un quelconque réseau social, juste le site de son entreprise de restauration.

Ennuyé, il fouilla les nombreux onglets qu'il consultait à la recherche d'une nouvelle vidéo sur laquelle assouvir ses désirs. Comme pratiquement tous les soirs, il se finit sur l'image d'un grand black en baskets blanches et à la queue monstrueuse.

OoO

« Vraiment ? Tu y penses depuis la fête de Mione ?

- Yup. Et je n'arrive pas à me l'enlever de la tête. Dément. »

Harry sourit à pleines dents.

« Attends-moi, je reviens ! »

Enfin ! Il redoutait ce moment et, bien entendu s'agissant de Ron, il lui donnait une tournure étrange. Cependant, il n'était pas plus surpris que ça pour l'avoir rencontré par le passé : c'était tellement évident en y réfléchissant ! Il courut presque avertir Drago. Du salon où il squattait le canapé, Ron put entendre le blond ricaner. Harry revint avec une petite carte beige frappée au nom de Zabini, sur laquelle Drago avait écrit un numéro de portable.

« Mais, je me fiche de son numéro. Je veux juste savoir d'où je le connais.

- Eh bien, tu lui demanderas.

- Vu comme ça...

- Autour d'un bon repas. Il est traiteur, ajouta précipitamment Harry devant la moue interrogative du roux. Autant joindre l'utile à l'agréable. »

Ron haussa les épaules « Pourquoi pas ! ». Pas aussi affligé qu'il aurait dû l'être par l'aveuglement de son ami, Harry sourit de plus belle. Enfin ! Enfin, son Ronnie était ressentait les joies du sentiment amoureux. Restait plus qu'il le découvre par lui-même...

OoO

Rosmerta tira une tronche de six pieds de long en voyant Ron arriver avec ce beau garçon qu'elle ne connaissait que trop bien. Son petit poulain était de moins en moins présent à ses côtés et s'il s'entichait de ce genre de mec, sûr qu'elle n'aurait pas trop à espérer de le revoir. Néanmoins, elle les accueillit avec la chaleur qui faisait sa renommée.

Blaise ne savait pas trop comment il s'était retrouvé aux Trois Balais avec ce type qu'il avait à peine croisé lors de cette réception chez Drago, dont il ne connaissait rien et qui, par-dessus le marché, semblait très intrigué par sa personne. En effet, ce Ron l'avait appelé quelques jours auparavant avec pour seule question : « Est-ce qu'on s'est déjà vus quelque part ? ». Blaise avait répondu qu'il ne pensait pas, non. Toutefois, après une courte description, il ne mit pas longtemps à se souvenir du jeune homme. Le seul à avoir goûté à tout le jour de l'anniversaire, même à cette crème d'oignon au paprika, malheureux résultat d'une erreur d'un commis. Peut-être pour ça qu'il l'avait invité à se voir ce soir-là, en fin de compte. Il était très anxieux quant à ses préparations et voir Ron savourer ainsi son buffet lui avait mis du baume au cœur. Oui, sans doute pour ça qu'ils avaient convenu de prendre rendez-vous devant ce pub, qu'ils jugèrent unanimement comme le meilleur des environs.

« Tiens, un point commun », se surprit à penser le cuisinier.

Ils s'assirent à une table, près de la fenêtre et la serveuse, la jeune, celle qui portait des couettes, des chemisiers très décolletés et qui portait sans arrêt à ses lèvres brillantes une sucette en forme de cœur, prit leur commande : deux bières et une assiette de charcuterie. Pour commencer.

« Alors, comme ça, tu penses m'avoir déjà croisé ? »

Les deux jeunes hommes n'avaient pas grand-chose à se dire alors qu'ils terminaient l'apéritif. La bouche pleine de rosette, Ron marmonna :

« Bah, oui. Enfin, j'ai l'impression. Mais j'ai beau chercher, je ne vois pas. »

Blaise ne put s'empêcher de sourire. D'accord, ce mec n'avait pas beaucoup de conversation et semblait obsessionnel mais il était sympathique. L'air bon vivant et pas prise de tête, il fallait avouer qu'il était pas mal dans son genre. Un visage fin, constellé de taches de rousseur, de beaux yeux bleus et un sourire facile. Loin des pète-cul qui gravitaient habituellement autour de lui. Il paraissait simple, abordable et surtout, surtout, il transpirait le sexe. Il l'avait senti dès qu'il lui avait serré la main, une sorte d'énergie folle, qui l'avait un peu électrisé. Il n'était pas du genre dragueur, il ne paraissait même pas conscient de ce qu'il dégageait mais Bon Dieu ce qu'il sentait le cul à plein nez ! Pas question de rater un tel coup. La Rosmerta avait un bon pif pour ça, ça l'étonnerait pas qu'elle en ait déjà profité à un moment. D'ailleurs, elle s'approchait d'eux, l'air conquérant.

« Tout va bien, les garçons ?

- La bibine est bonne et le cadre exquis. Comme d'habitude, répondit Blaise, charmeur.

- Ava rès ien, mâchonnait Ron, sans même un regard pour la femme.

- C'est drôle ça, deux fidèles clients qui se rencontrent enfin. J'suis sûre que vous avez des tas de choses à vous raconter. »

Et elle partit en roulant des hanches. Blaise perçut le malaise du roux dans sa façon de déguster le vin. On avait de ces attitudes, avec la nourriture, qui trahissaient nos émotions et ce type semblait bien trop nerveux. Le cuisinier se mit alors en tête de divertir son vis-à-vis. La soirée durant, il usa de tout son charme, si bien qu'à force de blagues, d'anecdotes culinaires, de sourires et d'alcools en tous genres, Ron lui fut tout acquis. Le magnétisme qu'il dégageait en début de soirée revint de plein fouet. Ils avaient abusé de la bonne chère au cours du repas : des pâtés, des hydromels, des tartelettes et des salades, du ragoût, des petits légumes, du vin de qualité et des pièces de viande. Le gueuleton de l'année, sans aucun doute ! Rosmerta dut se faire à l'évidence, ces deux-là avaient bien plus à se raconter qu'elle ne l'aurait cru...

Au moment de se quitter, à l'arrêt de bus, Blaise ne put se retenir. Il avait observé ces quelques heures durant les lèvres fines, un peu craquelées, si pâles. La couleur de la rose mais un goût indéchiffrable, presque écœurant. Des relents d'alcool et de saucisson dans les haleines qui se mêlaient, dans les saveurs multiples de leurs langues et de leurs salives. Et là, plaquant le traiteur sur le plexiglas maculé et sentant la pisse de l'abribus, Ron se sentit revivre. Le souffle haletant, il pressait tout son corps contre celui de Blaise, ondulant, léchait la mâchoire carrée, mordait les lèvres pleines et ourlées. Des semaines, des putains de semaines qu'il n'avait goûté de peau, et quelle peau ! Blaise avait une saveur qui le bouleversait. Il sentait les épices et l'après-rasage de luxe. Les deux jeunes hommes décidèrent de se rendre chez le cuisinier, celui-ci habitant le plus près.

Assis au fond du bus, ils ne pouvaient se détacher l'un de l'autre, leurs langues se nouant, se livrant un combat silencieux, leurs mains, à tâtons, aussi discrètement que possible, sous les vêtements. Dans un état second, celui qui le faisait se sentir plus vivant que jamais, Ron ne cessait d'ânonner « Je veux que tu me suces, je veux que tu me suces ! », fébrile, à l'oreille qu'il prenait tant de plaisir à mordiller. Sans plus attendre, dans le hall de l'immeuble plongé dans la pénombre, un zip de fermeture éclair et un gémissement à peine retenu, écho sur les murs imitation marbre. C'était la vie, c'était tout ce qu'il recherchait : une langue sur son gland, sur sa hampe et ses bourses au creux de mains chaudes et accueillantes.

Des pas retentirent dans l'escalier, forçant les deux amants à se séparer ; Ron à remonter sa braguette et Blaise à se redresser brusquement. Le hall s'alluma et ils se sauvèrent en pouffant de rire vers l'ascenseur.

« Je n'ai jamais fait ça, avoua Blaise en claquant la porte de son bel appartement.

- Quoi donc ?

- Dans mon immeuble. Dehors, même, au vu et au su de tous. C'est une première. »

Blaise louait un petit appartement dans cet immeuble de grand standing depuis presque sept ans. Sa propriétaire le considérait à peu de choses près comme le meilleur locataire possible. Il était vrai que le jeune homme donnait, à première vue, une image bien sous tous rapports. Sa silhouette fine et élancée, son maintien altier et son beau visage attiraient toujours la sympathie et la confiance. L'espace était parfaitement bien agencé et décoré avec soin.

« Tu veux boire quelque chose ?

- Si ça vient de tes lèvres, oui. »

Une fois de plus, le roux scella leurs bouches en un baiser fougueux. Direction la petite chambre étriquée, pas le temps de faire visiter ni de commenter la décoration, pourtant de très bon goût. Ron, qui dépassait d'au moins une tête Blaise, souleva presque ce dernier et le jeta sur le lit avec une telle vigueur qu'il en fut sonné pendant quelques secondes. Secondes qui permirent au roux de le dominer complètement, de tout son long corps tendu. Il était si excité que sa vision se faisait trouble, ses gestes désordonnés. Il peinait à retirer la chemise de Blaise, qui avait décidé de s'abandonner complètement et jouissait du simple plaisir de sentir au-dessus de lui cette espèce d'animal en rut. La chemise tomba, non sans perdre quelques boutons dans l'opération, suivie du pantalon. Du boxer en coton doux. Il en exhala une odeur moite et lourde que Ron huma à plein nez. Instant de répit avant le déchaînement, il déposa un bref baiser sur les poils noirs et drus. Puis, se relevant brusquement, il arracha ses vêtements.

« Viens. »

Blaise n'eut pas à se le faire dire deux fois. Pas besoin d'autres paroles quand devant lui s'érigeait cette masse palpitante, nerveuse. L'autre le surplombait de toute sa hauteur. À genoux devant le membre durement dressé, il n'eut pas loisir de le contempler car Ron l'attrapa par le haut du crâne.

« Viens par ici ! »

Les larges paumes du roux se posèrent sur ses tempes, les longs doigts encerclant son crâne, étau serré mais tremblant sous le plaisir. Encouragé par les puissants coups de bassins, Blaise pompa avec ardeur le sexe plus dur que jamais. Sans demi-mesure, ni raffinement, il aspirait la chair jusqu'à s'en étouffer, aussi profondément que le permettait son anatomie. À chaque lampée, un râle du roux l'enjoignait à continuer. Et il suçait, suçait comme rarement il l'avait fait, salivant abondamment, retenant par moment son souffle comme un plongeur en apnée s'apprêtant à découvrir un trésor sous-marin. La saveur douce et salée qui emplissait sa bouche avec délice fut bientôt remplacée par celle âcre et poisseuse qui accompagne les extases. Les doigts sur le crâne se crispèrent. Un soubresaut agita le bassin étroit et le silence suivit les gémissements. Deux lèvres satisfaites déposèrent un tendre baiser sur les bourses rétractées. Pendant un court instant, plus rien ne bougea dans la pièce, l'air semblait même se figer, enveloppant les deux amants dans une bulle de confort et de félicité. Puis l'effort passé se fit ressentir, Ron se laissa tomber au pied du lit, près de Blaise, un sourire béat sur le visage. Quelques baisers sur les lèvres qui tenaient une minute auparavant son sexe.

« J'aurais voulu te voir m'avaler. Des fois, j'en jouirais une nouvelle fois tellement j'aime ça. J'aurais posé mes mains, comme ça, autour de ta gorge – il joignit la parole aux gestes- et je t'aurais senti déglutir.

- On a toute la nuit. »

Nouveau baiser.

« Blaise.

- Oui, rouquin ?

- J'ai la dalle. »

Éclatant de rire, le traiteur se leva d'un bond. Ces préliminaires lui avaient également ouvert l'appétit. Il n'y avait pas photo, ces deux-là étaient faits pour s'entendre.

OoO

Ron et Blaise se voyaient régulièrement. Harry était enchanté par la nouvelle et les imaginait déjà faire des soirées entre couple avec lui et Drago. Bien entendu, Ron refusait systématiquement : le traiteur et lui ne sortaient pas ensemble ! Leurs soirées suivaient à peu de choses près toujours le même schéma. Dîner (ou déjeuner les week-ends) dans un restaurant pioché dans la liste d'un guide culinaire en vogue puis séance active de sexe brut et parfois cradingue – pour cette activité-ci, le lieu dépendait de l'humeur des partenaires mais Blaise avait pris goût au grand air et leurs parties de jambes en l'air se déroulaient bien souvent dans des lieux ouverts au public. Parfois, quand ils avaient envie d'un minimum de confort, ils allaient chez le traiteur. Jamais chez Ron. Bref, rien de très romantique.

Pourtant, une fois n'est pas coutume, Ron se satisfaisait de cette seule relation. Il y a quelque temps, il se lassait vite de ses partenaires, aussi bonne leur entente était-elle, et il ne pouvait passer un soir sans avoir de rapports. Les soirées où aucun de ses contacts réguliers ne pouvait se libérer, il se masturbait compulsivement devant des vidéos. Depuis qu'il fréquentait Blaise, il n'avait pas eu d'autres amants. La relation qu'ils entretenaient semblait lui suffire amplement. Naïvement, il se disait que l'âge commençait déjà à lui jouer des tours mais force était de constater que s'il avait toujours des envies brutales en croisant une belle personne dans la rue, il se restreignait et se préservait pour son cuisinier.

Ce soir-là, ils se rejoignirent dans un pub très animé que connaissait bien Blaise pour y avoir travaillé quelques années avant d'ouvrir son entreprise de traiteur. On y servait de la nourriture simple et goûteuse, comme dans tout bon pub qui se respecte. La spécificité du lieu tenait essentiellement dans l'ambiance qui se dégageait de l'endroit. Quand le roux arriva, Blaise était déjà installé et discutait avec des habitués. Discrètement, il se glissa derrière le jeune homme et lui cacha les yeux de ses deux grandes pognes.

« Devine qui c'est !

- Laisse-moi voir – il attrapa ses mains et les colla à ses narines. Bacon frit, cannelle et lingette au citron du dinner de la rue Keller... Tu dois être Ronald, sans aucun doute ! »

Ricanant, il se tourna pour embrasser légèrement Ron.

« Comment as-tu deviné ?

- Logique. Personne n'irait se faire un petit-déjeuner juste avant un dîner. Personne, à part toi, s'entend. Tu mets de la cannelle dans ton café ? C'est bon à savoir. »

L'odorat de Blaise le laissait toujours pantois. Un vrai chien renifleur, qui savait reconnaître n'importe quelle odeur à des mètres à la ronde. D'ailleurs, tandis qu'il laissait ses amis pour s'installer à une table un peu à l'écart, il ajouta, à voix basse :

« Cannelle, oui, beaucoup de cannelle. Et cette odeur constante de sperme et de transpiration... »

Le regard qu'il lui lança fit monter un afflux de sang imprévu chez Ron. Voilà. La raison pour laquelle il était si satisfait était celle-ci : quoi qu'il fasse, quoi qu'il dise, Blaise avait ce don de lui provoquer des érections quasi continuellement. Il avait tout ce qu'il voulait avec le jeune homme, le sexe torride et toujours innovant, les bouffes de qualité, abondantes et, dans leur genre, elles aussi torrides. Que demander de plus à une relation ?

« Une salade d'endive, lardon et chèvre, un burger végétarien, une grande assiette de frites, une autre de riz au poivron -avec double ration de chorizo, merci- et des beignets de calamar. En boisson, un bon muscat pour commencer. On verra après pour le dessert. Et toi, Rouquin, que veux-tu ? Fais-toi plaisir, c'est moi qui offre. »

Non, franchement, que demander de plus ?

OoO

Repus pour quelque temps, Ron et Blaise quittèrent le pub un peu avant la fermeture. Il était assez tard. Rapide paluchage près d'un container de tri sélectif. La soirée avait été excellente. Ils pouvaient même affirmer que c'était là leur meilleure depuis deux mois qu'ils se voyaient. Le pub et son ambiance chaleureuse y étaient pour quelque chose, c'était certain. Toutefois, et ils le sentaient plus que jamais alors qu'ils échangeaient de langoureux baisers comme deux adolescents, c'était la proximité entre eux, cette intimité qui avait commencé à poindre qui les faisait se sentir aussi à l'aise.

« Où va-t-on, ce soir ?

- Hmm... J'ai une petite idée. Un peu folle. Tu me suis ?

- Plus folle que le parc public, les toilettes de la gare et le parking du commissariat ? Évidemment que je te suis ! »

Blaise ne savait pas trop ce qu'il faisait. Peut-être était-il un peu saoul, dans tous les cas il voulait que cette soirée fantastique le soit encore plus. Il n'aurait pas pensé, deux mois auparavant, être autant attaché à ce rouquin pas finaud qui pensait l'avoir déjà croisé sans savoir où. Ron n'était pas du genre qu'il fréquentait d'ordinaire. Leurs habitudes, leurs attitudes, tout semblait les séparer à première vue et pourtant, ce grand gamin assisté élevé à la campagne passait le plus naturellement du monde sa main sous la ceinture de cet autoentrepreneur à succès de la petite bourgeoisie afin d'attraper une fesse ronde et un peu molle. De la masser tendrement, de laisser l'index s'aventurer vers des contrées plus sombres -et de plus en plus humides- alors qu'ils marchaient dans les rues presque désertes.

« Alors, où m'emmènes-tu ?

- C'est une surprise. D'ailleurs, à partir du croisement, je te demanderai de fermer les yeux. »

De plus en plus intrigué, Ron se prêta au jeu. Blaise le conduisit derrière un immeuble rénové, passa près de poubelles débordantes et malodorantes puis se posta devant une porte de service, qu'il ouvrit péniblement – il ne pensait jamais à la faire réparer.

« N'ouvre pas encore les yeux ! Attention à la marche. Baisse la tête. Tourne sur toi-même trois fois. Saute à pieds joints. Pieds écartés. Fais un vœu. »

Joueur, Ron s'exécuta tandis que Blaise allumait la lumière. L'endroit ainsi éclairé était étincelant ! Quand le roux fut autorisé à lever les paupières, il ne put cacher sa surprise. Ils se trouvaient dans une cuisine professionnelle. La cuisine de l'entreprise de Blaise ?

« Affirmatif mon grand.

- Tu veux me donner des leçons de cuisine ?

- Mieux que ça, Rouquin. C'est toi, que je vais passer à la casserole... Déshabille-toi et allonge-toi sur ce plan de travail.

- Tu es... sérieux ? »

Blaise réitéra sa demande, forçant la voix et durcissant son regard. Mais son air sévère ne dura qu'un court temps. Face à l'expression déboussolée de Ron, il partit dans un fou rire.

« Je... Oh, mon dieu, je suis si... si stupide. « Allonge-toi », « Je vais te cuisiner ». On se serait cru dans un mauvais porno. Désolé, désolé ! Bon, maintenant que je t'ai ici, je vais nous préparer un petit quelque chose. »

Ne sachant toujours pas quoi penser, Ron retira son manteau et resta debout près de son ami qui s'affairait à faire des crêpes. Ce soir-là, Blaise portait un pantalon beige très près du corps et un pull vert très fin dont il avait relevé les manches pour cuisiner. Ses avant-bras étaient puissants et ses muscles secs se contractaient alors qu'il fouettait la pâte avec dextérité. Ron pensa qu'il aurait aimé le voir se masturber, voir ses bras, ses muscles se raidir pendant qu'il se caressait. Il aurait alors léché cette veine de son poignet à son coude, passé sa langue sur la peau tendue par le sang. Il l'aurait mordillé, délicatement, sa peau ébène ; chocolat puissant sous ses dents blanches.

Blaise était magnifique, taillé à son goût.

Il aurait remonté le bras, respiré un instant sous l'aisselle sombre et délicate, parcouru le cou, lui aussi délicieusement veiné, puis serait redescendu sur le torse, aurait croqué un ou deux des tendres mamelons, titillé le nombril, l'épaisse chaîne de poils qui le reliait au pubis et se serait retrouvé le nez contre le membre aimé, contre la peau si fine, les veines si épaisses. Il aurait pris le relais de la main, violemment, comme il aimait tant, léché à grands coups de langue la verge, aspiré le gland, englouti les testicules. Il aurait recommencé ce manège jusqu'à la récompense, la sève délicieuse qui monte en un éclair et qui jaillit, éruption de lave opaline, onctueuse et odorante. Oh oui ! Ce qu'il aurait aimé voir Blaise se masturber, là, à l'instant, devant lui.

« On a de la gelée de groseille et de la vergeoise. Ça te va ? »

La voix du cuistot le sortit de sa rêverie. Ils s'installèrent sur un plan de travail pour déguster les crêpes, chaudes et moelleuses. Blaise s'excusa de nouveau.

« Vraiment... Je ne sais pas ce qui m'a pris. Je t'amène ici, je dis ces bêtises, je te fais des crêpes. Ça n'a vraiment aucun sens.

- Tu comptais réellement me sauter dans ta cuisine ? »

Haussement d'épaules. Peut-être. Un fantasme comme un autre.

« Mais question hygiène... C'est que je bosse ici, moi.

- Ne t'inquiète pas, va. Puis les crêpes sont bonnes. Puis... Qu'est-ce qu'on aurait fait ici qu'on aurait pas pu faire ailleurs ?

- Tu n'imagines même pas... »

Un sourire mutin apparut sur les lèvres de Ron, en même temps que sur celles de Blaise. Oh si ! Il imaginait, et c'était bien là le souci. Avalant la dernière crêpe, le roux proposa entre deux bouchées, comme ça, pour passer le temps :

« Tu pourrais me raconter. Pour que j'imagine. Je vois à peu près jusqu'à « Déshabille-toi et allonge-toi sur le plan de travail » mais le reste me paraît bien flou. »

Ils étaient assis l'un à côté de l'autre, devant le plan de travail et leur regard était fixé sur la batterie de cuisine accrochée au loin.

« Tu te déshabilles alors, rapidement et maladroitement comme tu le fais si souvent ; des fois, j'ai l'impression que tes vêtements te brûlent tant tu les retires à toute vitesse. Une allergie ?

- Bref...

- Tu enlèves ton t-shirt. Tu oublies de contracter tes abdos pour m'impressionner, et puis, on a tellement mangé que ta bedaine ressort, ronde et lisse.

- Quel sens du détail.

- Chut ! Je raconte. Ta bedaine, donc. Tu défais ta ceinture, déboutonnes ton pantalon et le fais glisser sur tes longues jambes. Il vient buter contre tes chaussures. Tu t'empresses de les retirer, manques de tomber et finis en calbute. Un instant d'hésitation et il rejoint le reste de tes habits, à tes pieds. Tu t'avances vers le plan de travail, tu m'obéis et tu t'allonges. La surface est froide, tu tressailles parce que tes mains et ton cul sont brûlants. Je t'observe, sans rien dire. Je prépare quelques instruments que tu n'arrives pas à voir, tu entends simplement le claquement du métal, le bruit sourd du plastique et les placards qui s'ouvrent et se ferment. Ton attente est trop longue mais tu ne dis rien, parfois tu agites les pieds et tournes la tête, à droite, à gauche, mais sinon, rien. Tu es patient. Je te demande enfin de fermer les yeux. Tu t'exécutes. »

La voix de Blaise se faisait plus basse à mesure qu'il imaginait. Ses yeux étaient toujours rivés sur la batterie de cuisine. Ron, lui, le dévorait du regard. Leurs genoux s'effleuraient légèrement.

« L'air est lourd, pesant sur tout ton corps. Tu ne me vois pas, mais je regarde ton sexe encore au repos. Je m'étonne : je n'ai jamais vu ta bite qu'en érection. Tu es calme, on dirait que tu dors. Dans les mains, j'ai cette grosse spatule, comme une petite rame. J'avais envie de te frapper avec. De te faire hurler, te faire jouir, deux, trois, quatre fois, plus, beaucoup plus. De t'asperger de chocolat fondu et de lécher chaque recoin de ton corps. J'avais envie que tu me prennes contre la gazinière, là-bas ; j'ai toujours voulu me faire prendre sur cette fichue gazinière, avoir ses boutons incrustés dans la peau pour quelques jours, j'aurais pu me dire sans que personne ne soit au courant « Héhé, j'ai fait l'amour là-dessus et c'était génial ! ». Plus le cœur à te déranger. Je t'ai vu nu et calme et mon envie est passée. »

Ron ne sut plus quoi dire, décontenancé. Qu'est-ce que ça voulait dire ? Bientôt, il se trouva déçu. C'était la première fois qu'il ressentait de la déception par rapport à un partenaire. Non, ce n'était même pas de la déception, c'était plus fort, ça le prenait dans ses tripes et lui tombait sur le coin du crâne. Sorte de gueule de bois, tout en étant sobre. Rien de comparable à ce qu'il avait déjà ressenti par le passé. C'était si bête que ça finisse ainsi, ils s'amusaient bien tous les deux, tout roulait parfaitement, de son point de vue.

« Je crois, Rouquin, je crois que... je t'aime bien. »

Blaise soupira longuement et posa une main hésitante sur la cuisse du roux, la fit remonter lentement sur son torse, son cou, sa joue, ses lèvres. Le baiser qui suivit fut chaste et furtif. Léger. Pourtant, ça prenait aux tripes et ça tombait sur le coin du crâne...

OoO

« Donc, plus de voisine-du-linge ? »

Harry aidait Ron à charger son panier de linge propre dans sa voiture. Le roux acquiesça. Oui, il n'irait plus voir sa voisine afin qu'elle lui lave ses chaussettes sales. De même qu'il demanda à sa mère d'espacer les paniers-repas. Il fallait bien qu'il commence à se débrouiller par lui-même. Harry regardait Ron avec tant de bienveillance que ce dernier se sentit obligé de s'expliquer.

« J'aimerais bien déménager – tu visualises le placard à balai dans lequel je vis – et qui dit nouvel appart, dit adieu voisine-du-linge et, peut-être, plus de place pour installer une cuisine fonctionnelle, qui sait.

- Es-tu en train de me dire…

- Que je compte déménager ? Parfaitement.

- Avec… ?

- Avec tous mes meubles, Harry.

- Oh la la ! Mon Ronnie qui grandit ! »

OoO

« On parle de la dernière fois ? »

Ron hocha négativement la tête. Ils étaient assis dans le petit salon de Blaise, sur le canapé recouvert d'un doux plaid. Le soleil emplissait la pièce, les réchauffait doucement. Il était trop serein pour parler. Alors, il entreprit ce qu'il savait faire de mieux quand un silence devenait trop oppressant. Ses mains s'aventurèrent sur le corps de l'autre, désordonnées. Dans le silence, les vêtements tombèrent, les lèvres s'enlacèrent. Elles se connaissaient bien, à présent, elles s'appréhendaient facilement et avaient développé leur propre langage sans paroles.

Pendant qu'il ôtait son boxer, Ron contempla son ami. Blaise était grand, mais plus petit que lui de presque une tête. Ses bras et ses épaules étaient très musclés. Le bas de son corps, beaucoup moins, il avait les cuisses fines, la fesse molle et, bien qu'il le démentait ardemment, un ventre apparent et pas très ferme. Mais il était diablement sexy et tant qu'il réussissait à le faire bander aussi dur, ça lui allait. La pièce était baignée de clarté, si bien qu'il distinguait de merveilleux reflets violacés sur sa peau. À la lumière, la sienne paraissait d'autant plus pâle.

« Je veux que tu me baises, mon rouquin, comme tu n'as jamais baisé personne. »

Brisant le silence, Blaise tourna dos à Ron et lui présenta sa croupe. Il creusa ses reins, écartant ses fesses pour dévoiler l'anus sombre, luisant mais encore serré. Ron les empoigna violemment, impatient de goûter ce fruit qui lui était offert. Les coups de langue s'enchaînèrent, tantôt brefs et électrisants quand il bandait sa langue et titillait le corps hostile, tantôt longs et langoureux quand il la relâchait et léchait de toutes parts ce magnifique cul. Les gémissements de Blaise s'en ressentaient, à la fois vifs et profonds. Ses chairs, petit à petit, se détendaient. Quand Ron put enfin plonger sa langue dans le rectum chaud, il sursauta et se contracta immédiatement, expulsant ce corps étranger inquisiteur, qui revint tout de même à la charge, conquérant. Leurs sexes frottaient délicieusement contre l'étoffe du canapé.

Leurs bassins se mouvaient dans un rythme qui leur était propre et Ron se sentit au bord du gouffre. Il attrapa Blaise par les hanches, ses ongles plantés dans sa peau, son membre gonflé glissant entre les fesses lisses. Les poils drus griffaient gentiment sa peau, l'échauffaient. Le baiser comme jamais il n'avait baisé ? Facile. Son esprit se fit la malle pendant qu'il pénétrait, aussi lentement que possible, l'homme en sueur sous lui. Doucement, sans brusquerie aucune, acceptant les expulsions incontrôlées. Lui, habitué à la violence des coups de reins, à la pénétration systématique, voyait là de nouvelles perspectives. Son cœur suivait le rythme de ses hanches, sa respiration était profonde. Calme, il l'était étrangement. Pourtant, le corps luisant, le sexe dressé et cette envie, si pressante, de se lâcher étaient bien là. Mais il laissait Blaise se détendre, à son allure.

Quand il fut enfin prêt, leurs corps semblèrent se fondre l'un dans l'autre. Toujours aussi lentement, si bien que Ron sentait chaque parcelle du cul de Blaise, chaque contraction, chaque pression. Il prenait conscience de chacun de ses mouvements intérieurs à mesure qu'il avançait en lui. Le temps était devenu le cul de Blaise et il se dilatait à son rythme. Plus de secondes, plus de minutes, plus rien, la vie s'écoulait à l'unisson de leurs ébats. La jouissance vint pourtant puissante et inattendue. Mâchoires serrées, muscles raidis mais bouche close. Aucun son ne franchit les lèvres de Ron quand il se déversa en de longs jets douloureux. Blaise, lui, était agité de spasmes, tremblait et poussait des jurons. L'air humide était chargé d'une douceur infinie, les effluves poisseuses en devenaient délicates.

« À cent à l'heure, constamment, se plaignit Blaise. Toujours sous tension. J'en avais marre. C'était grandiose. Merci. »

Alors qu'il disait ces mots, il attrapa la main brûlante de Ron. Celui-ci ne bougeait pas, comme sonné. L'évidence. La putain d'évidence qui dansait à poil devant ses yeux tout ce temps venait de se dévoiler. Et pas si simple de l'accepter. D'où il le connaissait ? La bonne blague, il avait capté, à présent. Foutaises ! Il ne s'y attendait pas, ça avait été violent et ridicule, comme tout le temps dans ce genre d'histoire. Quel crétin ! D'où il l'avait croisé ? Dans ses rêves les plus secrets, ceux qu'ils étouffaient sous sa connerie habituelle. Ce truc mielleux qu'Harry lui tartinait à chaque fois qu'ils se voyaient. Sûr, Blaise était trop beau pour être vrai et il s'évaporerait après qu'il ait dessaoulé. Pas d'autre explication.

« Je suis vanné. Je te prépare un casse-dalle ?

- Non merci. J'ai la gerbe. »

C'était rien. Rien du tout. Ça allait passer. Et finir comme ça avait commencé.

OoO

« On ne te voit plus trop par ici, mon grand. Tu nous fais des infidélités ? »

Accoudé au comptoir du bar, Ron entamait sa troisième bière de la soirée. La serveuse essuyait d'un rapide coup d'éponge les tables pourtant vides depuis des heures. Pas un chat dans la boutique ce soir-là.

« On dirait bien que je ne suis pas le seul...

- Les affaires en ce moment, ouais, c'est pas la joie, comme tu peux le constater. On peut même plus compter sur nos plus fidèles clients, c'est dire.

- Haha, je plaide coupable.

- Il fut un temps où tu posais tes miches sur cette table – elle pointa d'un doigt orné de bagues surmonté d'un ongle bleu électrique une table près du comptoir, donnant vue sur les cuisines – tous les soirs, mon beau. Tous les soirs, et pas moins de cinq midis par semaine, tu te souviens, j'espère ?

- Je sais, je sais... Mais la crise, tout ça, la baisse des salaires, j'ai dû m'adapter.

- Moui. Tu sais ce que je pense, moi, plutôt ? Je pense que tu t'es trouvé quelqu'un. J'ai du pif pour ce genre de choses. »

Le ton était sec bien qu'elle affichait un sourire en coin. Ron commandait une nouvelle bière.

« Tu t'es trouvé une gentille bobonne qui accepte de te nourrir, je me trompe ? Je te connais depuis le temps que tu traînes ta viande par ici. Pas fichu de se faire une omelette mais qui en bouffe dix à la suite.

- La crise, je te dis...

- Elle t'a pas empêché de faire une bonne part de notre chiffre d'affaires de ces derniers mois, la crise ! Notre meilleur client qui se barre du jour au lendemain, sans prévenir ? Y a du cul derrière tout ça, c'est évident.

- Rose, tu dérailles. Seules tes miches peuvent me retenir. Et tu le sais. Tes miches et ta salade de pommes de terre, le paradis, quoi. Est-ce que j'aurais pas une bonne raison de me priver de ces deux splendeurs ? »

Ladite Rose émit un sifflement dédaigneux en encaissant Ron. On ne la lui faisait pas, ça sentait le rance comme une bonne vie de couple à plein nez. Elle en voyait traîner des tas comme lui dans ce pub, sas de décompression pour mâle en perdition. Elle était un peu comme la maman qu'ils avaient quittée trop tôt et ça lui foutait toujours un coup au cœur quand un de ses petits apprenait à voler de ses propres ailes.

« Je ne te dis pas à bientôt, mon chou, je suppose.

- Dépend. À quelle heure tu finis ?

- Suis de fermeture, très tard.

- Tu déconnes, pas un clampin depuis que je suis arrivé...

- On sait jamais. Je suis fatiguée, tu ne tireras rien de moi. Et puis, te force pas. C'est pas moi qu'il te faut, ce soir. »

Un clin d'œil, un coup d'éponge à la place occupée par Ron. Rosmerta avait dû être terriblement vexée par sa désertion, c'était rare qu'elle se refuse. Surtout à lui.

« Fais pas la tête, gamin, voyons ! Juste… C'est pas bon pour toi. J'ai pas la tête à repêcher du fond du trou une âme esseulée, ce soir.

- T'en fais pas pour moi.

- Je sais bien, j'en ai vu des tas d'autres, comme toi. Qui se radinent au moindre problème. C'est pas comme ça que ça fonctionne. Je tiens à te prévenir, tu sembles pas trop au fait de ces choses.

- Ouais. Peut-être. »

Le roux fit la moue mais laissa tout de même un pourboire conséquent. Il prit son manteau et son portable sonna. Blaise lui laissait son troisième message de la journée. « Il faut qu'on se parle. Rappelle-moi, Rouquin. Je tiens à toi… ». Ron s'apprêtait à passer le pas de la porte.

« Puis, tu sais quoi ? Je m'en fous, Rosie. Cette soirée, j'ai envie de la passer avec toi. File-moi une bière. Et un croque-monsieur, tu seras un ange. »

Il éteignit son portable et se rassit au comptoir. Aussitôt, il regretta son geste mais il lui était impossible de faire marche arrière. Il avait beau avoir évolué, certaines étapes restaient plus dures à franchir que d'autres. Blaise avait changé sa vision des relations humaines mais ce soir-là, dans le bar de Rosmerta, son bonheur avait le goût de la bière. Amer.

FIN