11. Une embarcation mortelle

Un bateau fantôme.

Nous étions sur un bateau fantôme dirigé par Clarisse. Je répète: bateau fantôme. Dirigé par Clarisse Larue, qui je le rappelle, me déteste. Et haït Percy.

Et quand je dis bateau fantôme, je n'exagère rien. À part Percy, Tyson, Clarisse et moi, tous les passagers étaient morts. Ils étaient habillés en soldats, et on distinguait clairement les taches de sang sur leur uniformes. Mais même sans son équipage, le bateau était glauque. Il était sombre, métallique, et débordant d'armes en tout genre.

Mais je ne plaignais pas: les soldats m'ont tout de suite adoptée, vue que j'étais originaire de Virginie, comme eux. Savoir que j'avais le soutient d'une petite armée de zombies était rassurant. (Et le fait qu'ils détestent Percy pour être New-Yorkais n'a fait qu'augmenter ma satisfaction).

Non, ce qui m'embêtait par dessus les morts, l'obscurité et la vantardise de Clarisse, c'était Tyson. Effrayé, il a insisté pour me tenir la main pendant toute la visite du bateau. Il ne l'a jamais lâchée, même pas quand il a inspecté le moteur.

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Finalement, nous sommes arrivés au quartier du capitaine pour dîner. En mangeant nos sandwichs, Clarisse nous a informés que Percy et moi étions renvoyés "pour l'éternité" de la Colonie. Puis elle nous a expliqué comment elle avait obtenu son bateau:

- Après chaque guerre, les esprits des vaincus doivent payer un tribut à Arès. C'est la malédiction des perdants. J'ai prié mon père, je lui ai demandé un moyen de transport et le voici. Ces gars sont prêts à faire tout ce que je leur ordonnerais. Pas vrai, capitaine?

- Nous ferons tout ce que vous voudrez, a déclaré le zombie-en-chef. Nous sommes prêts à tuer n'importe qui.

Percy et moi avons échangé un regard, puis j'ai expliqué:

- Clarisse, il se peut que Luke soit à la recherche de la Toison, lui aussi. Nous l'avons vu. Il a les coordonnées et il fait route vers le sud. Il a un bateau de croisière plein de monstres…

- Parfait! Je vais le faire sauter!

J'ai du me retenir pour ne pas lever les yeux au ciel. J'essayai une nouvelle fois:

- Tu ne comprends pas. Nous devons unir nos forces. Laisse-nous t'aider.

- Non! C'est ma quête à moi, Puits de Sagesse! J'ai enfin l'occasion d'être l'héroïne, vous n'allez pas me la piquer!

J'allais insister, mais Percy nous a coupées:

- Où sont tes compagnons de bungalow? Tu avais le droit d'emmener deux amis, n'est-ce pas?

- Ils ne… Je les ai laissés à la colonie. Pour la protéger.

- Tu veux dire que même les gens de ton bungalow ne peuvent pas t'aider?

- La ferme, Cerfeuil! Je n'ai pas besoin d'eux! Ni de toi!

- Clarisse, a dit Percy, plus calme que ce que j'espérais. Tantale se sert de toi. Il se moque pas mal de la colonie. Il serait ravi de la voir en ruine. Il a tout combiné pour que tu échoues.

- C'est pas vrai! Je me moque de ce que l'Oracle…

Elle s'est tue brusquement, les joues roses, et a refusé de donner plus de détails, malgré notre curiosité. Elle nous a juste informés que nous n'étions ni prisonniers ni invités. Nous étions comme des otages prestigieux, en gros.

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Des otages prestigieux qui dormaient dans les hamacs. En effet, le seul lit disponible était celui de Clarisse. Donc notre trio fut relégué au pont de couchage. Tyson s'endormit immédiatement, ronflant bruyamment, et Percy ne tarda pas à le suivre. Il faut dire que nous n'avions pas beaucoup dormi. Malgré tout, j'avais plus de mal à trouver le sommeil. Luke était vraiment perdu; je le savais déjà, au fond de moi. Mais… j'avais espéré. Luke était tout de même ce que j'avais de plus ressemblant à un frère.

Puis il y avait Clarisse. Avec un peu de chance, elle comprendrai vite que nous pouvions l'aider. Nous n'allions pas lui voler le flambeau, nous voulions absolument pas la gloire éternelle. Nous voulions juste sauver la Colonie. Sauver Thalia. Je devais vraiment lui expliquer qu'ensemble nous serions bien plus forts.

Le lendemain, je me suis levée avant Percy, mais après Tyson qui apparemment m'attendait pour se déplacer sur le bateau. Après avoir mangé un petit-déjeuner copieux, j'essayai de savoir où nous nous dirigions, mais la seule réponse que m'octroya Clarisse fut "à la mer des Monstres. Le reste, tu veras." Je ne savais pas si elle avait encore peur que je prenne des commandes, ou que je lui propose un autre plan. Peut-être les deux.

Quand le capitaine-zombie actionna les sonneries d'alarme, les zombies s'activèrent; certains chargeaient des canons, d'autres sécurisaient le pont. D'après le capitaine, qui s'éclipsa à la recherche de Clarisse, nous étions à l'entrée de la Mer des Monstres. Tyson et moi montèrent dur le pont, et Percy nous rejoignit rapidement. Ce dernier était pâle, et semblait être tombé du lit. Il évita mes questions, et je supposai qu'il m'expliquerai plus tard.

Clarisse a débouché de l'escalier, et a pris une paire de jumelles à un officier-zombie.

- Enfin! Capitaine, en avant toutes!

Je ne savais pas ce qu'elle voyait au bout de ses jumelles, mais je me doutais qu'il ne s'agissait pas d'une belle île paradisiaque.

- On est où, Percy? ai-je demandé tout bas.

- Au large de la côte nord de la Floride, me répondit-il immédiatement.

Nous avions voyagé beaucoup plus rapidement qu'un simple navire mortel. Ce cadeau d'Ares avait vraiment des avantages.

Quand nous avons accéléré, le moteur a émis un bruit terrifiant, et Tyson a marmonné qu'il y avait trop de pression sur les pistons. Je n'étais pas une spécialiste des moteurs, mais même moi je savais que ce n'était pas bon signe.

Quelques minutes plus tard, les formes floues se sont précisées. D'un côte, il y avait une île rocheuse. De l'autre, une masse sombre et nuageuse.

- Un cyclone? ai-je demandé.

- Non, m'a répondu Clarisse. Charybde.

Charybde. Le monstre marin qui avalait tous les navires lui passant en face. Et donc, en face… ce n'était pas une île rocheuse. C'était Scylla, qui attrapait les marin pour les dévorer ensuite.

J'ai blêmit.

- Tu es folle?

- C'est la seule façon de pénétrer dans la mer des Monstres. En passant tout droit entre Charybde et sa sœur Scylla.

- Comment ça, le seul moyen? a demandé Percy. On a toute la mer devant nous! Il suffit de les contourner!

Clarisse a levé les yeux au ciel, et je la comprenais. Note à moi-même: faire lire L'Odyssée à Percy.

- Mais tu ne sais rien de rien, toi! Si j'essayais de les contourner, elles resurgiraient sur ma trajectoire et voilà tout. Pour entrer dans la Mer des Monstres, on est obligés de passer entre elles deux.

Le plan me semblait être de la folie pure. Même avec un bateau de guerre et un équipage fantôme, s'y risquer était suicidaire.

- Et les Roches flottantes? ai-je demandé. C'est un autre accès. C'est celui qu'a utilisé Jason.

En effet, si ma mémoire était bonne (elle l'était), Jason avait passer les Symplégades en y faisant passer une colombe avant son bateau. Des roches meurtriers me paraissaient moins dangereux que deux monstres mangeurs d'hommes.

- Je ne peux pas faire sauter des rochers avec mes canons, a dit Clarisse. Tandis que des monstres…

- Tu es folle, ai-je confirmé.

Clarisse ordonna au capitaine de mettre cap vers Charybde, quand Percy intervint:

- Charybde avale la mer, c'est bien ça?

- Et elle la recrache un peu plus tard, ouais.

- Et Scylla?

- Elle vit près d'une grotte en haut de ces falaises. Si nous passons trop près, elle laissera pendre ses têtes de serpent et se mettra a cueillir des matelots sur le pont.

- Opte pour Scylla, dans ce cas. Tout le monde descend sous le pont et on file à toute vapeur devant elle.

- Non! a insisté Clarisse. Si son déjeuner lui passe sous le nez, Scylla risque de vouloir cueillir le bateau tout entier. En plus elle est trop haut pour faire une bonne cible. Mes canons ne peuvent pas tirer à la verticale. Tandis que Charybde, elle, est assise au milieu de son tourbillon. Nous allons foncer droit dans sa direction, braquer nos canons sur elle et l'expédier au Tartare!

Je dois dire que le plan de Cervelle d'Algues me plaisait plus; pour éviter que Scylla emmène tout le bateau, nous pouvions laisser des marins sur le pont… de toutes façons, ils étaient déjà morts. Mais il était trop tard: nous nous rapprochions de Charybde à toute vitesse. À chaque inspiration du monstre, notre bateau faisait un saut en avant. La seule manière d'éviter de se faire aspirer était de passer au ras des falaises de Scylla. Il nous fallait un plan de secours.

- Percy, ai-je demandé. Tu as encore ton thermos plein de vents?

- Oui mais c'est trop dangereux de s'en servir devant un tourbillon comme celui-ci. On risquerait d'aggraver les choses en rajoutant du vent.

- Et si tu essayais de dompter l'eau?

Percy ferma les yeux. Il fronça les sourcils, et je sus que quelque chose n'allait pas.

- Je… je n'y arrive pas, dit-il piteusement en ouvrant les yeux. Charybde est trop bruyante et trop forte, je ne peux pas me concentrer.

- Le plan de Clarisse ne va pas marcher, ai-je déclaré (et il ne fallait pas être une fille d'Athéna pour comprendre ça).

À ma plus grande surprise, Tyson est intervenu:

- Annabeth a raison. Le moteur est pas bon.

- Qu'est ce que tu veux dire?

Avant que Tyson puisse me répondre, Charybde a commencer son cycle d'avalage d'eau, et le bateau a fait un bon vers elle. Nous avons tous été projetés sur le sol, et je savais que nous étions entrer dans le tourbillon.

Alors que les marins préparaient les canons, l'un d'entre eux s'est exclamé:

- La chaufferie surchauffe! Elle va exploser!

- Ben, descends la réparer! ordonna Clarisse.

- Je ne peux pas! a crié le matelot. On s'évapore à la chaleur.

- Nous sommes happés trop vite, a déclaré le capitaine. Préparez-vous à mourir.

- Non! a rugi Tyson, me surprenant une nouvelle fois. Je peux la réparer.

Devant les airs incrédules de Clarisse et du capitaine, j'expliquai:

- C'est un Cyclope. Il ne craint pas le feu, et il s'y connait en mécanique.

Je ne pouvais pas croire que je défendais un Cyclope. Un gentil cyclope, près à aider en toute situation, certes. Mais tout de même.

Alors que Tyson s'élançait dans les escaliers, Percy hurla pour le retenir; en vain. J'espérais vraiment qu'il réussirai à réparer le moteur, parce que sans ça, nous mourrions tous.

En parlant de mourir, j'ai cru que la fin était proche. Nous aperçu Charybde, trop près au goût de mon instinct de survie. Le monstre était au milieu d'un tourbillon, et n'était qu'une gueule noire et terrifiante. Alors que j'essayai d'accepter ma mort prochaine, le capitaine prit la parole:

- Dame Clarisse! Les canons de tribord et d'avant ont la portée de tir!

- Feu! a ordonné Clarisse.

Deux boulets ont touché Charybde, mais un troisième ricochât et brisa le pavillon d'Arès. Clarisse fit feu une nouvelle fois. Nous n'y arriverions jamais, même en tirant des centaines de fois. Les boulets ne semblaient pas déranger Charybde.

À ce moment là, le grondement du moteur s'est fait plus fort et plus régulier. Le bateau a commencé à s'éloigner de la bouche. Tyson avait réussit! Le bateau luttait contre le courant. La puissance du moteur était tout juste suffisante pour faire du sur-place.

Brusquement, Charybde a fermé la bouche. Le calme absolu s'est abattu sur la mer, et pendant un dixième de seconde, j'ai cru que nous étions sauvés. Mais tout aussi brusquement, la bouche s'est rouverte et a commencé à recracher tout ce qu'elle avait avalé de non-comestible; nos boulets de canon inclus. Ils ont foncés droit sur nous, frappant la coque du navire.

La marrée nous envoya sans pitié vers l'autre rive; la rive de Scylla.

- Le moteur va exploser! cria un matelot déboulant de la soute.

- Où est Tyson? demanda immédiatement Percy.

- Encore en bas, répondu le matelot. Allez savoir comment, il contrôle le moteur, mais il ne pourra pas tenir éternellement.

- Il faut abandonner le navire, a dit le capitaine.

- Non! a hurlé Clarisse.

- Nous n'avons pas le choix, milady. La coque a commencé à se fissurer. Bientôt…

Le capitaine n'a pas fini sa phrase. Trop vite pour suivre le mouvement des yeux, il a été happé par une espèce de grappe marron, et il disparu dans la falaise de Scylla. La marée de Charybde nous avait envoyé trop près de Scylla, et nous étions désormais à sa portée.

Percy a dégainé Turbulence, et j'ai sortit mon poignard; mais nous étions bien trop lents pour la créature.

- Tout le monde dans la soute! a hurlé Percy.

- Impossible! a répliqué Clarisse, l'épée à la main. Il y a le feu en bas.

- Aux canots! ai-je à mon tour proposé. Vite!

- On ne pourra jamais franchir les falaises, a objecté Clarisse. On va tous se faire dévorer.

- Nous devons essayé, ai-je insisté, mon cerveau tournant à plein régime. Percy, le thermos.

- Je ne peux pas laisser Tyson, a-t-il protesté.

- Il faut préparer les canots!

Heureusement, Clarisse m'a écoutée. Deux matelots-zombies l'ont aidée à retirer la house d'un des deux canots de sauvetage, pendant que les têtes de Scylla continuaient de tomber du ciel en emportant des matelots avec elles.

- Sors l'autre canot, m'a demandé Percy en me lançant le thermos. Je vais chercher Tyson.

- Non, n'y va pas! La chaleur te tuerait!

Mais je savais que c'était peine perdue. Il s'élança vers l'écoutille de la chaufferie. Je m'affairai sur le canot, décidée à le tenir prêt pour déguerpir dès que Percy reviendrai avec Tyson.

À mon plus grand désespoir, Percy se fit attraper par l'une des têtes de Scylla. Je priai pour qu'il trouve une solution; sinon, je jurai sur le Styx que j'irai le chercher dans les falaises, quoi qu'il me coûte.

Soudainement, le bruit du moteur s'intensifia. Je savais qu'il ne tarderais pas à exploser. Clarisse ordonna aux marins de mettre les canots à l'eau. Je savais qu'il ne restait que quelques secondes avant d'être pulvérisée avec le reste du bateau; malgré moi, je mis le canot à l'eau, pendant que Clarisse faisait de même avec le sien.

Nous venions à peine de toucher l'eau quand j'entendis le premier retentissement. Sans réfléchir, j'ouvris le thermos en grand. Immédiatement, tous les vents s'en échappèrent, emmenant nos canots loin de l'explosion.

J'étais seule dans mon canot, entourée de débris. Je mis mon cerveau en pilote automatique. Je ne pouvais pas me permettre de trop réfléchir… sinon, je risquais de m'effondrer sous un flot d'émotions. Je ramais lentement, essayant de repêcher tout ce que je pouvais; et surtout, de retrouver Percy. J'avais le thermos (vide), je trouvais une pochette plastique pleine d'ambroisie, qui avait miraculeusement échappé à l'explosion. Je pêchai une chemise de matelot avec ma rame, et je découvris un sac à dos troué dessous. Un sac à dos marin, jaune fluo. Comme celui qu'Hermès a donné à Percy. Pleine d'une énergie nouvelle, je plongeai à l'eau. J'attrapai le sac, qui était encore accroché à quelque chose… à quelqu'un. Percy! En essayant d'ignorer son immobilité totale, je le trainai vers le canot. Avec beaucoup de difficultés (qui aurait cru qu'un garçon pouvait peser aussi lourd), j'ai mis Percy dans le canot, et je montai à mon tour. Grelotant, j'ai vérifié son pouls. Il était faible, mais il était là. J'ai sentit vingt kilos quitter mes épaules. Encore une fois, son status de fils de Poseidon avait du le sauver de la noyade.

J'ai mis un morceau d'ambroisie à l'eau, et j'ai silencieusement remercié le dieu de l'océan.

J'ai eu une dernière pensée pour Tyson, qui avait disparu avec le bateau, puis je m'endormis.


Salut tout le monde! Comment ça va?

Je sais, je dis toujours que je vais faire un effort, et je prends des mois à publier chaque chapitre... Mais bon.

Je suis en vacances (bon, j'ai un seul cours et 4 heures de travail par semaine - je suis virtuellement en vacances), donc je vais essayer d'écrire un maximum avant de reprendre les cours.

Comme je n'avais pas écrit depuis longtemps, ce chapitre a été douloureux à écrire au début, mais je commence à reprendre le rythme. Le prochain chapitre est celui que je veux écrire depuis que j'ai commencé La Mer des Monstres!

J'espère que ce chapitre vous a plu, et merci à tous d'être aussi patients avec moi et de toujours laisser des commentaires qui font très plaisir.

Réponses aux reviews:

armand: je m'excuse pour le (grand) retard. merci de toujours laisser un commentaire, ça fait énormément plaisir.