Joyeux Anniversaire Nathdawn ! Voici mon petit cadeau pour toi ! J'espère que tu aimes les univers alternatifs et en tout cas que tu apprécieras celui-ci. J'avais cette idée qui me trottait dans la tête depuis quelque temps, et c'était l'occasion parfaite pour l'écrire. J'espère juste ne pas les avoir fait trop OOC, si c'est le cas je m'en excuse.
Bien sûr, j'espère que les autres lecteurs/trices l'apprécieront aussi !
Thé ou Café ?
xXx
La sonnerie stridente de l'alarme réveilla Sanji. Il était encore tôt. Bien trop tôt pour le commun des hommes pour se lever. Pourtant c'était son lot quotidien. Encore à moitié endormi, il se retourna sur le dos et tenta de remettre paresseusement un peu d'ordre dans ses mèches blondes, sans grand succès. Après un bâillement à s'en décrocher la mâchoire, il ouvrit enfin les yeux et l'obscurité l'accueilli. Il faisait encore nuit à cette heure en cette période de l'année, mais bientôt il serait réveillé par les premiers rayons du soleil. C'était toujours plus facile de se réveiller lorsque l'astre était déjà là pour le sortir du lit.
Après quelques minutes pendant lesquelles son cerveau se remit lentement en route, il s'assit sur le rebord de son matelas et entama sa journée. Après une douche énergisante et un petit déjeuner qui le ferait tenir jusqu'au midi, il enfila son manteau et quitta son appartement.
Arrivé dans la rue, il prit à droite et marcha les quelques centaines de mètres qui le séparait de son lieu de travail. Lorsqu'il arriva à proximité, il laissa son regard errer sur la devanture du magasin, comme il le faisait chaque matin. La porte d'entrée et les larges baies vitrées de chaque côté étaient encore cachées par les rideaux de fer qui les protégeaient, mais l'encadrement en bois était bien visible. Le nom de l'établissement, en grosses lettres d'imprimerie marron foncé était éclairé par la faible lumière des lampadaires de la rue. All Coffee. C'était le nom qu'il avait choisi. Ce n'était peut-être pas le meilleur ni le plus original, mais il lui plaisait, et annonçait clairement ce qu'un étranger poussant la porte du magasin trouverait à l'intérieur.
Car oui, il possédait un "Coffee Shop". Il n'était d'ordinaire pas porté sur les noms d'origine étrangère, mais cela résumait parfaitement ce qu'il offrait. Le concept était différent d'un café traditionnel. Il ressemblait plus au genre de choses que l'on voyait dans les films et les séries étrangères. Il était d'ailleurs le premier à avoir ouvert un magasin du style dans sa ville, même si depuis d'autres avaient sautés dans le wagon en marche. La concurrence avait un peu fait baisser ses affaires, mais l'expérience et la renommée qu'il avait acquise en faisait une adresse incontournable, et il savait que les connaisseurs et les amateurs du genre venaient chez lui et uniquement chez lui.
Ce magasin, c'était sa fierté. Il avait mis des années à économiser, à monter un dossier pour que la banque accepte de lui faire un prêt, et lorsqu'il avait enfin eu les autorisations, il avait cherché l'endroit idéal et avait passé des mois à le décorer, trouvant du mobilier qui lui correspondait et qui correspondait à l'ambiance qu'il voulait créer. Il avait passé également un long moment à mettre au point sa carte, choisissant les meilleurs cafés, optant pour un large choix. Car ce qu'il voulait avant tout, c'était faire découvrir au plus grand nombre possible les différents cafés produits à travers le monde. Il proposait de nombreuses origines, tous purs. Mais il avait vite compris que s'il n'ajoutait pas un brin de fantaisie et de diversité, son affaire ne marcherait pas longtemps. Il avait alors étudié la carte de ses concurrents, notamment cette grande chaîne qui envahissait les grandes villes mondiales.
Il avait ainsi ajouté à sa carte quelques thés de qualité, ainsi que des préparations à grand renfort de crème fouettée et de coulis divers et variés. Il essayait de miser sur l'originalité, l'introuvable ailleurs, et il proposait chaque mois une nouveauté en édition limitée qui rencontrait chaque fois un grand succès.
Arrivé enfin devant la devanture en bois, il jeta un rapide coup d'œil pour s'assurer que tout allait bien puis ouvrit et leva le rideau de fer. Lorsqu'il entra enfin dans la salle, il prit une seconde pour apprécier l'odeur qui y régnait. Il y flottait toujours un parfum de café fraîchement moulu qui rendait l'atmosphère accueillante et conviviale. Et quand il faisait une torréfaction, car oui même cela il le faisait lui-même ayant finalement réussi à investir dans un torréfacteur, une odeur de café grillé se répandait non seulement dans tout le magasin, mais aussi dans une bonne partie de la rue.
Juste en face de l'entrée, posé sur un sol en parquet, se trouvait le comptoir derrière lequel étaient disposées toutes les machines dont il avait besoin. Cela avait été le plus gros investissement après les locaux. Une vitrine réfrigérée encore vide à cette heure, présenterait à l'ouverture des dizaines de pâtisseries et gâteaux variés qu'il confectionnait lui-même chaque matin dans la petite cuisine à l'arrière.
A droite et à gauche s'étendait la salle, avec un coin tables et chaises, au mobilier disparate, abritant aussi bien des chaises tolix aux couleurs sombres et patinées que des chaises qu'il avait trouvées dans des brocantes. Une bibliothèque en bois massif abritait quelques livres et magazines à la disposition des clients. De l'autre côté, là où la salle était la plus grande, se trouvait l'endroit des canapés et des tables basses, un mélange de cuir, de bois et de tissus aux teintes sombres et chaleureuses. Sur le mur vierge étaient encadrés des sacs à café décorés aux couleurs des diverses provenances.
Il disposait d'une clientèle variée, avec suivant les heures de la journée, des employés de bureau venus chercher leur dose de caféine avant le travail, des sportifs reprendre des forces, des étudiants profitant de l'accès wifi, des travailleurs cherchant à se mettre au chaud après une journée passée à l'extérieur et parfois même, des personnes d'âges mûrs venus discuter entre amis, tricotant ou jouant aux échecs pour passer le temps les journées pluvieuses.
Sanji était incroyablement fier de cet endroit, et se lever tôt pour préparer les pâtisseries avant l'arrivée des premiers clients était un maigre sacrifice. Rapidement, il se mit au travail en laissant le fil de ses pensées divaguer.
Il avait quelques clients réguliers, qui venaient chaque jour à la même heure, commandant souvent la même chose, et dont il avait retenu les noms.
La flamboyante Nami, qui venait après sa pause déjeuner juste avant de retourner à son travail, comptable lui avait-elle confiée un jour. Sa longue chevelure rousse attirait toutes les attentions et ses taches de rousseur ainsi que sa gentillesse avaient fait fondre le cœur de Sanji dès le début. Elle commandait toujours un café aux épices avec de la crème fouettée et un coulis de mandarine, l'une des spécialités d'All Coffee, et la première création originale de Sanji.
Une autre femme, Robin, tout aussi belle mais dans un autre style, passait chaque matin, prenant toujours un café noir comme la couleur de ses cheveux, origine Ethiopie. Le café originel comme elle aimait l'appeler, ce pays africain étant le berceau du café. Elle venait aussi quelques fois avec ses clients. Ils s'installaient à l'une des tables et passaient des heures à parler architecture, étalant devant eux des plans aux dimensions impressionnantes.
Il y avait aussi cet étudiant de l'école vétérinaire tout proche, un jeune garçon qui lui avait avoué avoir sauté plusieurs classes, et qui venait chaque jour après ses cours. Il passait des heures à étudier, écrire des rapports, faire des exposés. Il commandait la plupart du temps un chocolat chaud avec beaucoup de crème chantilly, et il était particulièrement friand de ses pâtisseries. Il n'avait pas vraiment de préférée, mais dévorait tout ce que Sanji lui apportait, ce dernier lui faisant bien souvent cadeau d'une part, sachant le peu de moyen du jeune homme. Ses cheveux bruns et bouclés, ses grands yeux marron et son visage encore enfantin incitaient à l'attendrissement, et Sanji devait bien avouer qu'il l'appréciait beaucoup.
Et enfin, il y avait cet homme, grand, fin, une chevelure impressionnante et des manières de gentleman. Il disparaissait parfois pendant des mois, et lorsque Sanji avait posé la question, il lui avait répondu être musicien et partir régulièrement sur les routes pour diffuser sa musique. Et il avait également ajouté que nulle part ailleurs il n'avait trouvé meilleur café, et Sanji s'était senti rougir de plaisir. Il buvait essentiellement un café origine Brésil.
Sanji sourit en pensant à toutes ces personnes, à tous ces sourires sur leurs visages, placés là grâce à son travail. Il aimait vraiment faire plaisir aux gens, leur procurer un peu de bonheur et de chaleur dans le quotidien de leurs vies.
Il était tôt dans l'après-midi lorsqu'il le vit pour la première fois. C'était l'heure creuse de la journée, et Sanji s'ennuyait fermement derrière son comptoir. Il était à jour de toute sa paperasse, et avait oublié le livre qu'il était en train de lire chez lui. Alors il s'occupait comme il pouvait, observant les quelques clients en salle. Mais il avait rapidement perdu le peu d'intérêt qu'il y avait trouvé et avait à présent tourné son regard vers l'extérieur. Il aimait regarder tous ces inconnus passer devant son café, chacun dévoilant un minuscule morceau de leurs vies pendant les quelques secondes où ils étaient dans son champ de vision.
Il venait de voir passer une grand-mère avec son chien quand il apparut. Il arriva de la droite et vint se planter devant le tableau qu'il plaçait à l'extérieur pour attirer le client, indiquant les offres du moment. D'après son comportement, il était évident qu'il venait ici avec intention, et qu'il ne s'était pas arrêté par hasard devant la vitrine en se disant qu'il boirait bien un café.
Sanji se redressa légèrement en le détaillant du regard. La première chose qui frappait chez cet homme c'était la couleur de ses cheveux. Qui avait les cheveux verts ? Mais sa tenue n'indiquait pas un jeune en mal d'attention. L'homme, à l'allure athlétique, portait une chemise blanche cintrée, mettant divinement en valeur un torse musclé, aux épaules larges, et à la taille parfaitement marquée. Son pantalon de costume foncé, lui aussi très bien ajusté, laissait deviner des cuisses musclées. Ce bel inconnu devait avoir son âge, peut-être un peu plus vieux, et son teint hâlé, de toute évidence naturel, ajoutait une touche d'exotisme particulièrement intéressante.
Il essaya de plaquer une expression professionnelle sur son visage en le voyant enfin pousser la porte et entrer dans son café. Il le regarda en silence s'approcher tout en regardant autour de lui. Arrivé devant le comptoir, l'inconnu tourna immédiatement le regard vers la carte sans même lui jeter un coup d'œil. Mais Sanji n'y prêta pas attention, trop occupé à le dévisager. Il était encore plus attirant de près. Il avait de magnifiques yeux gris-vert cachés derrière des lunettes rectangulaires aux larges montures noires qui accentuaient le carré de sa mâchoire. Son nez était fin, tout comme ses lèvres. Il portait également trois boucles d'oreilles dorées du côté gauche.
- Vous avez du thé ? demanda-t-il sans lever les yeux de la carte.
Sa voix était grave et chaude, et elle fit frissonner Sanji.
- Deuxième colonne, tout en bas, indiqua-t-il en réprimant un sourire.
Après quelques nouvelles secondes de réflexion, l'homme reprit la parole.
- Je vais prendre un chai latte, s'il vous pl… aît.
Il avait enfin relevé la tête à la fin de sa phrase et avait eu un instant d'oubli en croisant son regard. Sanji l'observa en silence, appréciant le regard perçant qui parcourut son corps en quelques secondes. L'attraction semblait réciproque, ou Sanji n'y connaissait rien. Il sourit à son inconnu quand celui-ci croisa à nouveau ses yeux avant de se détourner presque à contrecœur pour préparer sa boisson.
- Sur place ou à emporter ? demanda-t-il en même temps.
- A emporter.
Dommage, il aurait bien aimé l'avoir dans son champ de vision un peu plus longtemps. Mais quelque chose lui disait qu'il reverrait à coup sûr cet homme.
Pendant tout le temps où il prépara la boisson, il sentit l'insistance de son regard sur lui, mais il resta professionnel et à peine quelques minutes plus tard, il se retourna. Il eut le temps de voir ses yeux remonter vers son visage, et il ne put réprimer un sourire frisant l'arrogance. Bien qu'il soit modeste, il savait parfaitement où se trouvaient ses atouts.
- 2,95 s'il vous plaît, annonça-t-il ensuite en posant la tasse en carton sur le comptoir, en n'oubliant pas de glisser dessous une serviette en papier.
- Vous ne me demandez pas mon nom ? demanda l'Apollon en souriant.
- Qu… quoi ? bredouilla-t-il.
Etait-il en train de flirter ouvertement avec lui ? Pas qu'il était contre, mais il n'aurait pas cru ça de lui.
- Pour l'écrire sur le gobelet ?
Et là il comprit ce qu'il voulait dire, et il se fustigea légèrement d'avoir compris de travers. Quoi que, le sourire qui ne quittait pas les lèvres du bel inconnu pouvait insinuer autre chose.
- Non, on ne fait pas ça ici, répondit-il en lui rendant son sourire.
L'homme ne répondit rien et paya en silence. Il empocha sa monnaie et se pencha légèrement par-dessus le comptoir, le faisant déglutir d'anticipation. De quoi il n'en savait rien, mais la sensation était là.
- Merci… Sanji, lui dit-il finalement en lui lançant un clin d'œil.
Il en resta bouche bée, appréciant la sonorité de son prénom entre les lèvres de son inconnu, et il eut à peine la présence d'esprit de réaliser qu'il s'était détourné et qu'il passait déjà la porte du café, sans un regard en arrière.
Maintenant qu'il était parti, il se sentit rougir sans qu'il ne puisse le contrôler, et il se maudit de ne pas avoir attrapé la perche qu'il lui avait lancée et de lui avoir demandé son nom. Le sien était brodé sur son polo aux couleurs d'All Coffee et cela n'était pas passé inaperçu de cet homme.
Il passa tout le reste de la période creuse à penser à son inconnu, tentant de plaquer un prénom sur ce visage, sans grand succès. Rien ne semblait coller à cet homme si particulier. Et puis l'heure de pointe de l'après-midi arriva, et il n'eut plus aucune minute à lui pour penser à quoi que ce soit, encore moins à cet homme.
Ce n'est que lorsqu'il rentra chez lui le soir, épuisé, qu'il s'autorisa à laisser ses pensées repartir dans sa direction et qu'il se demanda s'il reviendrait le lendemain, et pria pour que ce soit le cas.
L'inconnu ne se montra pas le lendemain, mais il réapparut le jour d'après. Il était habillé sensiblement de la même façon, sauf que sa chemise était ce jour-là à fines rayures bleues claires et qu'il ne portait pas ses lunettes. Il put ainsi avoir une bonne vision de ses yeux, et il remarqua qu'ils étaient légèrement bridés. L'homme devait avoir du sang asiatique dans les veines, et Sanji était conquis.
- Salut ! salua-t-il sitôt la personne devant lui servie et partie.
- Bonjour, répondit Sanji, choisissant de garder un certain degré de politesse.
- La même chose que l'autre jour s'il vous plaît, annonça simplement son inconnu, sans se départir de son sourire.
- Toujours à emporter ?
- Oui.
Mécaniquement, Sanji attrapa une tasse en carton et se retourna pour préparer la boisson.
- Vous vous souvenez toujours de ce que prennent vos clients ? demanda l'homme dans son dos, apparemment amusé.
- Seulement ceux qui attirent mon attention, répondit Sanji en se retournant légèrement pour lui jeter un coup d'œil.
- Oh alors j'ai attiré votre attention ?
- Avec des cheveux comme les vôtres, ce serait difficile de ne pas vous avoir remarqué, répondit Sanji du tac au tac.
Lorsqu'il n'entendit aucune réponse, il se tendit légèrement. Qu'elle idée avait-il eue de parler de ses cheveux. Peut-être que c'était un sujet sensible, et qu'il l'avait mal pris. Discrètement, il lança un nouveau coup d'œil derrière lui, mais fut soulagé lorsqu'il trouva sur son visage son habituel sourire, additionné d'une petite lueur amusée dans les yeux.
Il se retourna pour de bon et découvrit que son inconnu avait déjà déposé ce qu'il lui devait en monnaie sur le comptoir. Sanji lui jeta alors un regard étonné, et pour simple réponse, l'homme tendit la main. Comprenant où il voulait en venir, il lui passa directement la boisson, frissonnant presque lorsqu'au lieu de prendre la tasse par le haut, là où il ne la tenait pas, son inconnu en profita pour poser sa main sur la sienne. Sans décrocher son regard du sien, Sanji mit quelques secondes à retirer sa propre main et la chaleur de ce toucher lui manqua instantanément.
- A demain, lui dit doucement son inconnu, avant de faire demi-tour et de disparaître à nouveau.
Sanji ferma les yeux un instant, profitant de l'absence de clients au comptoir pour reprendre ses esprits. Il n'avait pas l'habitude de se faire draguer comme ça, d'ordinaire c'était sa partie, et il s'en trouvait totalement désemparé. En seulement deux brèves rencontres, cet homme avait réussi à l'envoûter, et Sanji en voulait plus.
C'était décidé, demain il lui demanderait son nom.
Le jour suivant, il l'attendit toute la journée. L'heure creuse en début d'après-midi passa incroyablement lentement, et son inconnu ne se montra pas. Conis, la jeune étudiante qui venait l'aider après les cours et le week-end, venait de partir lorsqu'il arriva enfin. Il ne restait qu'une heure avant la fermeture, et il faisait déjà nuit.
Il commençait déjà à ranger ce qu'il pouvait pour s'avancer quand il entendit la porte s'ouvrir. Il revint alors derrière son comptoir et le regarda s'approcher. Il portait ce soir-là un imper gris foncé et tenait une sacoche en cuir à la main. Il portait à nouveau ses lunettes et il avait l'air fatigué.
- Dure journée ? demanda Sanji, compatissant.
- Plutôt oui, répondit-il d'une voix un peu plus grave que d'ordinaire. Je n'ai même pas eu le temps de faire de pause.
- Vous travaillez dans le coin ?
- Oui, à l'agence de pub au bout de la rue, répondit-il sans hésiter.
Un léger silence s'installa entre eux, perturbé seulement par le murmure des conversations des quelques clients encore présents et par les notes de jazz que laissaient échapper les hauts parleurs.
- Je vous sers quelque chose ?
- Je ne sais pas, il est déjà tard, hésita-t-il.
Sanji se demanda pourquoi il était venu dans ce cas, mais ne se risqua pas à lui poser la question. Ce n'était pas lui qui allait se plaindre de sa présence, même s'il ne consommait pas. Et puis soudain, il eut une lumière.
- J'ai du rooibos si vous voulez. Je ne sais pas si vous connaissez. Même si ça paraît similaire, ce n'est pas du thé donc il n'y a pas de théine…
- Oh, dans ce cas volontiers, accepta-t-il en souriant pour la première fois depuis qu'il était arrivé.
- Allez vous installer, je vous l'apporte, proposa Sanji en lui rendant son sourire.
Finalement, l'attente avait eu du bon puisqu'il allait l'avoir devant les yeux un peu plus longtemps que d'ordinaire, pensa-t-il en le regardant se diriger dans la plus grande salle. Après avoir posé sa sacoche au sol et enlevé son imper, il s'installa dans un fauteuil club. Sanji se secoua alors et se pressa de préparer sa boisson. L'infusion prenait quelques minutes et il ne voulait pas trop le faire attendre non plus.
Lorsqu'elle fut enfin prête, il la lui apporta rapidement et la posa sur la table basse devant lui. Debout à côté de lui, il hésita alors un instant. Il avait vraiment envie de lui demander son prénom, mais il ne savait pas comment entamer la conversation. Et le fait qu'il soit le nez dans son téléphone n'aidait pas non plus. Au final, l'arrivée d'un nouveau client lui facilita la tâche et il se dépêcha de revenir derrière le comptoir.
- Mademoiselle Nami ! s'exclama-t-il alors en reconnaissant la nouvelle arrivante. Ce n'est pas habituel de vous voir à cette heure-ci.
- C'est vrai, admit la jeune femme en lui souriant. En fait je me demandais s'il vous restait des pâtisseries. Pour tout vous dire je reçois quelques amis ce soir, mais j'ai oublié le dessert…
Ravit qu'elle ait pensé à lui, Sanji se plia en quatre pour la satisfaire. Il lui emballa les muffins et les parts de tartes aux fruits qui lui restaient, lui faisant bien sûr un prix sur le lot. Sitôt la jeune femme partie, il reporta son attention quelques secondes sur son inconnu, puis haussa les épaules et continua son travail. Grâce à Nami, il avait maintenant écoulé son stock de pâtisseries de la journée et pouvait donc nettoyer la vitrine réfrigérée. Encore une chose de moins qu'il aurait à faire avant de partir. Concentré, il en oublia ses clients et sursauta lorsque son inconnu posa sa tasse vide sur le comptoir. Il était prêt à partir.
- C'était très bon.
- Merci, répondit Sanji. Je suis heureux que ça vous ait plu.
- Combien je vous dois ? demanda-t-il ensuite en fouillant dans sa poche de pantalon.
- 2,1 s'il vous plaît.
En lui rendant la monnaie, tout ce à quoi Sanji pensait était de lui demander son nom. Mais au final, il n'en eut pas besoin. Juste avant de partir, son bel inconnu prit les devants.
- Zoro, se présenta-t-il en tendant sa main.
- Sanji, répondit-il automatiquement en lui rendant sa poignée de main. Même si vous le saviez déjà.
Ils laissèrent tous deux échapper un sourire, puis son inconnu, ou plutôt Zoro, lui souhaita une bonne soirée et disparut dans la nuit.
Il aurait été seul, il aurait sauté de joie, mais il se força à se contenir. Il connaissait enfin son prénom. A première vue, il était un peu étrange, mais en y réfléchissant, il collait parfaitement à l'homme. Il avait hâte de pouvoir l'utiliser, et il savait que sitôt retrouvé seul, il allait en tester la saveur en le prononçant à voix haute.
Réalisant ce à quoi il venait de penser, il se secoua mentalement et se remit au travail, prenant son matériel pour aller nettoyer les tables inoccupées. Il ne savait pas pourquoi ni comment, mais cet homme avait réussi à s'installer dans son esprit et Sanji savait qu'il serait difficile de l'y en déloger.
Finalement, la dernière grosse demi-heure avant la fermeture passa calmement. En pensant à Zoro, une idée de nouvelle boisson commença même à germer dans sa tête, et sitôt le café fermé, il se dépêcha de rentrer chez lui pour prendre quelques notes. Il allait devoir faire quelques essais, mais son idée devait être faisable, d'autant plus que la belle saison approchait et que c'était un parfum parfait pour cela. Peut-être pourrait-il en faire l'édition limitée du mois prochain ? Et pourquoi pas la mettre ensuite à la carte si le succès était au rendez-vous ? C'est excité de sa journée, et de ce qui l'attendait les jours suivants, qu'il s'endormit enfin, un sourire aux lèvres.
Le lendemain était déjà le vendredi. Dernier jour de la semaine mais pas le dernier jour de travail pour Sanji puisqu'il était ouvert aussi le samedi et une partie du dimanche. La seule différence était le changement de clientèle. Les habitués de la semaine ne venait habituellement pas le weekend, par contre d'autres clients venaient, en groupe ou en famille, et passaient plus de temps en salle. En général, cela signifiait plus de travail pour Sanji, mais également plus de ventes, donc il ne s'en plaignait pas, et puis il avait Conis pour l'aider. Il profitait donc de son vendredi, qui était généralement un peu plus calme que les autres jours, sachant ce qui l'attendrait le lendemain.
Toute la matinée, il espéra que Zoro ait le temps de venir. Il ne le verrait certainement pas avant le lundi suivant et rien que le fait de penser qu'il ne pourrait pas le voir pendant deux jours le déprimait. Alors pour ne pas y penser et s'occuper un peu, il décida de tester sa nouvelle boisson après sa courte pause déjeuner. Heureusement qu'il n'y avait d'ordinaire pas beaucoup de clients entre quatorze et seize heures, parce qu'il était tellement concentré sur ce qu'il faisait qu'il ne prêtait pas vraiment attention à tout ce qu'il se passait autour de lui.
Il n'entendit pas la porte s'ouvrir, ni quelqu'un s'approcher du comptoir. Il ne sentit pas non plus le regard du nouvel arrivant sur lui, et il sursauta lorsque celui-ci prit la parole.
- Qu'est-ce que vous faites ?
Manquant de renverser de la crème fouettée sur le plan de travail, Sanji se retourna vivement, et après la surprise, il ne put s'empêcher de sourire en découvrant Zoro, les bras croisés, en train de l'observer avec amusement.
- Une nouvelle création, répondit-il finalement, sans se départir de son sourire.
- Encore un de ces trucs au café ?
- Vous n'aimez pas le café hein ? ne put-il s'empêcher de remarquer.
- Pas vraiment non, si je peux l'éviter…, répondit Zoro en fronçant légèrement les sourcils, montrant ainsi le peu d'attrait qu'il avait pour cette boisson.
- En fait c'est du thé, lui apprit Sanji pour répondre à sa question. J'aimerais diversifier un peu le choix pour les gens comme vous qui ne savent pas reconnaître le café à sa juste valeur.
Son vis-à-vis fronça à nouveau les sourcils, et encore une fois, Sanji craignit d'avoir parlé trop vite. Pourtant après quelques secondes, il sembla se détendre et retrouva le sourire.
- Il faut de tout pour faire un monde comme on dit, n'est-ce pas ?
- Bien sûr, d'où cette nouvelle boisson, répondit Sanji en souriant.
Un léger silence se fit pendant lequel il termina sa préparation, puis une idée lui vint.
- Vous avez cinq minutes ? demanda-t-il alors.
- Même dix, pourquoi ?
- Ça vous dirait de goûter et de me donner votre avis ?
Tout en parlant, il revint vers le comptoir et y déposa ses deux essais, légèrement différents.
- Gratuitement bien sûr, ajouta-t-il devant son hésitation apparente.
- Pourquoi pas, répondit-il enfin. J'avoue être curieux.
Son regard s'était posé sur les boissons, et il sembla s'illuminer lorsqu'il découvrit la poudre verte décorant la crème.
- Matcha ? demanda-t-il simplement.
- Oui, je me suis dit que son goût frais serait parfait avec les beaux jours qui vont bientôt revenir, expliqua Sanji.
- C'est quoi la différence entre les deux ?
- Juste une question de proportions, répondit Sanji de façon évasive.
- Et comment vous appelez ça ? demanda Zoro en prenant celui de gauche en premier.
- Matcha latte ? proposa-t-il alors.
Il n'avait pas vraiment encore pensé à un nom, à vrai dire.
Zoro ne répondit pas, et prit une gorgée de la boisson. Son visage était impassible, et Sanji était incapable de dire s'il aimait ou pas. Il en bu une nouvelle gorgée avant de reposer le gobelet et de prendre l'autre et de faire de même. Lorsqu'il l'eut lui aussi reposé, il prit quelques secondes avant de donner son verdict.
- Celui-ci est meilleur, dit-il en désignant le gobelet de droite.
- En quoi ?
- Le goût est plus subtil, l'autre est trop agressif, trop de sucre aussi.
Sanji ne répondit pas, mais prit note mentalement de cet avis. Il décida alors de goûter à son tour, et ne put qu'être d'accord avec lui. Pourtant, même le meilleur des deux n'était pas encore parfait. Il allait devoir corriger cela.
- Merci, dit-il. Je vais essayer d'améliorer celui-ci alors.
- Il est déjà très bon comme ça, rétorqua Zoro, qui ne semblait pas comprendre pourquoi il parlait d'amélioration.
- Non, quelque chose ne va pas. Je vous le ferai goûter quand il sera parfait et vous verrez la différence.
- Je peux le finir ?
- Bien sûr. Vous voulez autre chose ?
- Non, ça ira.
Il reprit le gobelet dans ses mains et bu une nouvelle gorgée. Sanji ne pouvait s'empêcher de le fixer du regard, et Zoro ne semblait pas en être mécontent, si le sourire en coin qui ne quittait pas ses lèvres en était la preuve.
Et puis finalement, les yeux de Zoro dévièrent vers la pendule sur le mur derrière Sanji et il retrouva son sérieux.
- Je vais devoir y aller, dit-il alors.
- Oh, répondit Sanji, déçu de devoir déjà le laisser partir. D'accord.
Pourtant, malgré ce qu'il venait de dire, il prit le temps de terminer sa boisson. Aucun des deux ne parla, mais leurs yeux ne se lâchèrent pas une seconde. Finalement, Zoro reposa le gobelet vide sur le comptoir et le remercia. Il lui souhaita ensuite une bonne fin de journée, ce à quoi Sanji répondit pareillement, puis il sortit et disparut dans la rue.
Sanji le suivit du regard jusqu'à la fin, et il soupira, se disant qu'il allait devoir attendre le lundi suivant pour le revoir, avant de reprendre le travail.
Cet homme lui plaisait vraiment énormément, et cela semblait être réciproque, et il se dit qu'il allait devoir essayer de sortir avec lui. Il n'avait pas beaucoup de temps à lui avec le café, alors cela allait peut-être s'avérer difficile, mais il était bien décidé à essayer. Qui sait, peut-être que Zoro était l'homme qu'il attendait ? Du moins, c'est ce que son esprit romantique n'arrêtait pas de lui murmurer depuis que son bel inconnu était entré dans son café la première fois.
Le samedi en début d'après-midi, Sanji profita de la présence de Conis pour s'éclipser en cuisine et refaire une tournée de muffin, ceux qu'il avait confectionnés ce matin ayant déjà tous été vendu. C'était un produit qui marchait généralement très bien. Il prépara aussi quelques coupes de salade de fruits de saison, et revint en salle pour disposer le tout dans la vitrine réfrigérante.
- Tout va bien Conis ? demanda-t-il à la jeune femme occupée à servir un client derrière le comptoir.
- Oui, tout va bien Monsieur Sanji, répondit-elle, toujours aussi douce et polie.
Rassuré, il repartit dans la cuisine et prit son ordinateur portable ainsi que ses classeurs dans l'armoire où il rangeait tous ses papiers puis revint en salle et s'installa à une table. Le weekend, les gens préféraient s'asseoir dans les canapés et les fauteuils confortables, laissant l'espace tables quasiment vide. Il n'avait pas de bureau à proprement parler, alors il faisait tout ce qui était administratif soit ici en salle, soit le soir chez lui.
Rapidement, il se concentra sur sa tâche, se perdant totalement dans ce casse-tête. Il ne vit pas le temps passer, ignorant le défilement constant des clients et les allers-retours affairés de Conis entre la salle et le comptoir. Il savait de toute façon que si jamais elle avait besoin d'aide, elle n'hésiterait pas à le déranger.
Alors quand une voix s'éleva juste devant lui, il sursauta.
- Cette place est occupée ? demanda la voix.
Revenu de sa surprise, Sanji releva la tête. Il eut un moment d'absence, le temps de réaliser qui se trouvait devant lui, puis un large sourire étira ses lèvres, et ses yeux partirent immédiatement à la redécouverte de ce corps parfait. Zoro se trouvait devant lui et il en oublia tout le reste. Il portait un jean lâche et troué, mais qui pourtant mettait parfaitement en valeur ses hanches et ses cuisses, et un sweat noir à capuche épousait la forme de ses épaules et de son torse. Cela faisait un peu bizarre de le voir en habits de tous les jours après l'avoir vu en costume toute la semaine, mais ce n'était pas déplaisant.
- Je peux m'asseoir ? demanda-t-il avec amusement devant le manque de réaction de Sanji.
- Oh, oui, bien sûr, s'empressa-t-il de confirmer.
Il le regarda s'installer et jeter un coup d'œil aux papiers qui recouvraient à présent la surface de la table.
- Je ne vous dérange pas ?
- Non, c'est bon, je peux faire une pause, ça ne me fera pas de mal. Vous voulez boire quelque chose ?
- C'est bon, répondit-t-il en se retournant et en désignant du regard une table basse dans l'autre salle. J'ai déjà pris quelque chose.
A nouveau, Sanji fut surpris, mais aussi déçu par lui-même. Il semblait qu'il était là depuis déjà quelques temps et il ne l'avait même pas remarqué.
- Vous êtes arrivé il y a longtemps ? demanda-t-il, curieux.
- Une bonne heure je dirais, j'étais plongé dans mon bouquin, je n'ai pas vu le temps passer.
Sanji lui sourit en réponse, comprenant parfaitement cette sensation de se perdre dans un bon livre à en oublier tout ce qu'il se passait autour. Un silence se fit entre les deux. Sanji ne savait pas vraiment quoi dire pour alimenter la conversation.
Et puis son attention fut détournée un instant en voyant derrière Zoro entrer deux nouveaux clients dans son café. Il s'agissait de la belle Robin, ainsi qu'un homme aux cheveux bleu électrique. Ils semblaient très proches, et Sanji apprécia le fait que l'homme lui tienne la porte ouverte et la laisse entrer avant lui. C'était ainsi qu'un vrai gentleman devait traiter les femmes.
- Vous les connaissez ? demanda soudain Zoro, qui s'était retourné pour voir ce qui avait attiré son attention.
- Robin est juste une cliente régulière, répondit Sanji en revenant à Zoro. Je ne savais pas qu'elle voyait quelqu'un.
- Est-ce une pointe de jalousie que j'entends ? s'amusa Zoro.
- Pas du tout, se défendit Sanji. Je ne m'intéresse pas à elle de cette façon…
- Tant mieux.
Il avait dit ça si bas que cela failli échapper à Sanji. Pourtant il l'entendit parfaitement, mais décida de ne pas le relever. La situation commençait à devenir intéressante.
- On peut se tutoyer ? demanda soudain son vis-à-vis.
- Je n'y vois pas d'inconvénient, répondit-il en souriant.
Bien qu'il ne soit pas celui qui dominait la conversation, il avait l'impression d'être en situation de force, et cela lui plaisait. D'autant plus qu'il arrivait maintenant à déceler une pointe de nervosité et d'embarras chez cet homme qui jusque-là avait été très direct dans ses intentions.
- Vous fermez à huit heures aujourd'hui aussi ?
Sanji mit quelques secondes à répondre à cette question. Ce n'était pas vraiment ce à quoi il s'était attendu.
- Oui pourquoi, tu as l'intention de rester jusqu'à la fermeture ?
Cela était vraiment étrange de le tutoyer, mais il savait qu'il s'y habituerait très rapidement.
- Non, en fait j'ai l'intention de t'emmener au restaurant, répondit Zoro en baissant le regard. Du moins si ça te dis…
Sanji prit quelques instants, le temps de bien comprendre l'implication de ce qu'il venait de dire. Il eut soudain un moment d'hésitation. Etait-il prêt à tenter quelque chose avec cet homme ? Aurait-il suffisamment de temps à lui accorder ? Et puis il se rappela la décision qu'il avait prise la veille. S'il ne l'avait pas fait, Sanji lui aurait demandé de sortir avec lui, pas forcément si rapidement, mais tout de même. Alors au diable les hésitations ! Et puis son expression de plus en plus dépitée l'incita à répondre sans plus tarder.
- D'accord, acquiesça-t-il en souriant à nouveau. Tu viens me chercher ici à huit heures ?
Son visage exprima tour à tour la surprise, le soulagement et enfin la joie, et Sanji en fut tout attendri.
- Parfait ! répondit-il avec enthousiasme.
Rapidement après, Zoro se leva, puis se pencha vers lui et déposa un rapide bisou sur sa joue.
- A ce soir ! lança-t-il en s'éloignant rapidement, laissant Sanji bouche bée.
Il le regarda retourner dans l'autre salle, prendre ses affaires, avant de revenir vers lui et se diriger vers la porte. Il lui fit un signe de la main, accompagné d'un large sourire, et disparut à l'extérieur.
Sanji resta de longues minutes abasourdi, mais incroyablement heureux. Il avait son rendez-vous. Avec cet homme. Il n'en croyait pas sa chance. Finalement, l'euphorie se calma un peu et il décida de se remettre au travail, priant pour que les heures s'écoulent rapidement jusqu'à ce que son bel inconnu revienne. Et il ne remarqua pas l'expression amusée de Conis lorsqu'elle vint lui apporter un café quelques minutes plus tard.