Note de la traductrice : Bonjour à toutes et à tous ! Et voilà, j'ai la joie et la fierté de vous présenter le tout dernier chapitre de cette fic. Deux jours avant la sortie de la prochaine saison : pari tenu !

Je pensais plancher sur cette traduction depuis un an, mais un coup d'œil à la date de publication m'a rappelé qu'en réalité c'était deux ans. Je remercie du fond du cœur toutes celles qui pendant ces deux années m'ont soutenue par leurs commentaires encourageants, en mettant cette histoire en favori ou en la suivant, et puis je remercie aussi toutes celles qui ont simplement lu sans se montrer (oui, toi tout au fond, je te vois !^^). Je vous adore toutes ! Ce fut un véritable plaisir de partager avec vous cette histoire fantastique. Bien sûr je remercie aussi l'auteur, OTP221B, pour avoir écrit cette merveilleuse fic et m'avoir autorisée à la traduire. Et enfin je remercie celles qui m'ont tant aidée par leur relecture, leurs corrections et leurs remarques : Rose Atsamy qui a relu les premiers chapitres, et Gargouilles pour la suite.

Merci, merci, merci, je ne suis que reconnaissance !

Note de l'auteur : Désolée que ça m'ait pris si longtemps. Je trouve Mary très difficile à écrire. Merci de m'avoir lue !

Résumé du chapitre : John choisit. FIN.

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Chapitre 40

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Je bondis de ma chaise, manquant de bousculer Mary au passage. Elle me regarda silencieusement traverser la salle d'attente et contrôler l'état du réceptionniste. Il ronflait doucement, son pouls était lent et régulier. Un café à moitié bu traînait sur le bureau près de son coude. Je soulevai le gobelet en carton et reniflai le liquide.

« Il va bien, dit la femme qui se trouvait être mon épouse. Il va dormir encore un peu et se réveiller avec un mal de crâne. »

Je serrai le poing, pivotai et passai la tête dans le bureau du docteur Davis. L'hypnothérapeute dormait sur sa chaise, la tête rejetée en arrière, ronflant légèrement. Tout en laissant la porte ouverte pour pouvoir garder un œil sur lui, je cherchai une nouvelle fois mon téléphone portable.

« Qu'est-ce que tu fais ? » demanda Mary, toujours agenouillée sur cet affreux tapis de salle d'attente.

« J'appelle le 999 [1].

- John. » Elle poussa un soupire impatient. « S'il te plaît. » Elle se releva lentement et épousseta son jean au niveau des genoux. « Accorde-moi quelques minutes. Je te le promets, je ne suis pas là pour te faire du mal. Regarde. » Elle fouilla dans son sac en toile. « Je t'ai apporté des choses. »

J'étudiai son visage. Calme, joli, reflétant tout à la fois l'innocence et la confiance en soi. Il y avait de petites rides aux coins de sa bouche. Je me demandai si nous riions souvent, avant.

Elle semblait tranquille tandis qu'elle sortait une liasse de papiers et un petit livre de son sac. Ses épaules étaient détendues, ses mouvements sans précipitation. Ce qui signifiait…

« Qui garde la porte ? » demandai-je, m'arrêtant avec le pouce flottant au-dessus du bouton 'appel' de mon téléphone.

Elle me regarda.

« J'ai toujours des amis à Londres, John, répondit-elle, l'air peu concerné. On me doit quelques services. Preuve en est la croyance erronée de Mycroft que je squatte actuellement une yourte à Ankara. Il n'est pas infaillible, celui-là. Il était peut-être temps que quelqu'un lui ouvre les yeux. »

Elle me sourit, joyeuse. Je ne pus m'empêcher de remarquer que ses yeux glissaient sans cesse vers les cicatrices sur mon visage.

« Pas terrible, hein ? » dis-je en glissant mon mobile dans ma poche. « Merci pour ça. »

Mary soupira et m'offrit les papiers qu'elle avait sortis.

« Viens là, dit-elle. S'il te plaît. Nous n'avons pas beaucoup de temps avant que Sherlock ne s'impatiente, et je leur ai dit de le tenir à l'écart. C'est mieux si nous n'avons pas à gérer en plus une de ses crises de colère, tu ne crois pas ? »

Je fus pris de l'envie soudaine, violente et irrépressible d'enrouler mes doigts autour de sa gorge fine et de secouer jusqu'à ce qu'elle devienne toute molle. Je pris une grande inspiration, surpris par ce besoin viscéral, et joignis mes mains derrière mon dos, serrant fort, broyant mes articulations les unes contre les autres. Je ne rendrais pas service à Maddie en étranglant sa mère.

« Très bien. » Elle avait dû lire sur mon visage mes envies de meurtre car elle posa les papiers et le petit livre sur la table basse de la salle d'attente et regagna sa chaise. « Jette un coup d'œil. »

Je traversai la pièce en cinq enjambées furieuses. « Qu'est-ce que c'est ?

- Les papiers du divorce, répondit-elle. Des vrais, pas la version frauduleuse de Mycroft. Je les ai signés. Il ne manque plus que ta signature pour pouvoir classer le dossier.

- Quoi ? » J'arrachai les papiers et les feuilletai. « Pourquoi ? »

Sa jolie bouche se déforma en une grimace qui ressemblait beaucoup à du mépris. « Vraiment, John. Je t'ai aidé à faire ton deuil après sa mort. Je t'ai accueilli dans mon lit, et dans mon cœur, et je t'ai rappelé comment vivre. Je m'asseyais dans le lit la nuit pour te regarder dormir, pour te protéger des cauchemars, et ce n'est pas l'Afghanistan qui te mettait dans cet état. Tu as aimé Sherlock Holmes toute ta vie, tu as attendu ce connard dès l'instant de ta naissance.

- Je t'aimais, toi aussi, dis-je en me haïssant. Je ne t'aurais pas épousée sinon.

- Tu aimais l'idée de moi. » Elle haussa les épaules, le regard dur. « Jusqu'à ce qu'il revienne et que tu comprennes que tu avais fait une erreur. Mais à ce moment-là il y avait un mariage à organiser et Maddie à qui il fallait penser… » Elle baissa les yeux vers ses mains. « J'étais un peu inquiète, John, mais je n'avais pas vraiment peur. Parce que je savais que tu ne pourrais jamais lui pardonner de t'avoir abandonné, pas complètement. Tu en es juste incapable. »

Mes poumons me semblaient oppressés entre mes côtes. Je dus me forcer à inspirer et expirer régulièrement.

« Assieds-toi, John, ordonna mon épouse, légèrement inquiète. Tu m'as l'air un peu pâlichon. »

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Je refusai de m'asseoir, mais je m'appuyai d'une main sur le dossier d'une chaise tandis que j'attrapai le petit livre.

« Et ça, qu'est-ce que c'est ? »

Le livre était relié avec du tissu damassé lavande et crème. Il semblait lourd dans mes mains, et familier.

« Notre album de mariage. » Je sentais le poids de son regard sur mes cicatrices. « Des photos.

- J'ai déjà vu les photos, annonçai-je en commençant à reposer l'album. Sur mon blog.

- Des photos de Maddie, aussi, dit Mary. Des photos d'elle bébé. Ce sont les dernières pages. Regarde-les, John. Je crois que ça pourrait aider.

- Aider ? » Je serrai les dents. « Je ne veux pas d'aide venant de toi. Tu es une putain de vipère : l'aide que tu as à offrir est mortelle.

- Tu te trompes, John. » Elle quitta sa chaise et se rapprocha, mais était trop maline pour me toucher. « Jette juste un coup d'œil, d'accord ? Tente le coup. »

Tente le coup.

J'ouvris le petit album et tournait la première page d'un geste colérique.

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Le réceptionniste marmonnait dans son sommeil et commençait à s'agiter quand je relevai enfin la tête depuis la chaise où je m'étais finalement effondré. Mary était assise en tailleur sur le tapis à mes pieds. Elle tenait mon téléphone dans sa main. Il me semblait qu'il avait sonné une ou deux fois au cours des dernières minutes, mais j'avais été trop absorbé par mon album de mariage pour y faire vraiment attention.

Je déglutis difficilement.

« Je lui ai pardonné. » dis-je, terminant une conversation que nous n'avions pas vraiment commencée.

« Tu en es sûr ? » me demanda-t-elle en regardant les photographies qui s'étalaient sous mes doigts. « Cet homme-là n'a pas pardonné. »

Elle avait raison. Je pouvais voir dans ces photos de mariage personnelles ce que je n'avais pas su voir sur internet. Il y avait de nombreuses photos de Sherlock et moi, ou de Sherlock et mon épouse et moi. Le photographe que nous avions embauché, bien que n'étant clairement pas le plus malin des meurtriers, affichait un talent évident pour manier l'objectif. Il était parvenu à capturer pléthore de moments intimes, sans que les sujets n'en aient apparemment eu conscience.

Mary riant, rayonnante, vivante. Dans les photos, elle regardait souvent dans ma direction, l'affection et la possessivité lisibles dans l'inclinaison de son corps vers le mien. Ma main sur son épaule, ou autour de sa taille. Protecteur, fier et… désespéré ? Attendant de commencer une nouvelle vie avec une nouvelle compagne, attendant d'être normal, attendant que cette idée devienne une réalité.

Sherlock était époustouflant dans son costume de témoin, avec sa peau ivoire et ses boucles noires contrastant sur le gris et lavande. Dans la plupart des photos il regardait ailleurs, ou sur le côté, intimidé par la caméra, comme s'il était atteint de la même peur que les Aborigènes de voir la photo lui voler son âme. La ligne de sa bouche et la courbe de son dos sous son veston parfaitement coupé pouvaient passer pour de la nervosité ou de l'insatisfaction à des yeux non-exercés, mais j'y lus le désespoir.

Pourquoi ne m'avait-il pas dit que je lui brisais le cœur ?

Ou bien l'avait-il fait ? Parce que le John Watson sur ces photos paraissait résigné sous le vernis du mariage, et ma main autour de la taille de Mary ou sur son épaule était juste un peu trop crispée, mon expression quand je souriais à Sherlock Holmes juste un petit peu trop affable. J'avais déjà vu cette expression sur mon visage auparavant, je me rappelais l'avoir vu sur des clichés pris avec les gars dans le désert. Sur ces photos prises en temps de guerre, je posais devant l'objectif avec exactement le même sourire : si j'arrivai à maintenir ce sourire malgré la peur, tout irait bien.

« Tu n'es pas un homme qui pardonne facilement, John Watson, dit mon épouse. Loyal, oui. Mais tu avances dans la vie en t'attendant à ce qu'on te chie dessus, et quand ça finit par arriver, tu hoches la tête en souriant et tu dis : 'Vous venez juste de prouver que j'avais raison, alors allez vous faire foutre' et après tu… Tu coupes tous les ponts, John, et tu reprends ton chemin.

- Tu n'es pas ma putain de psy.

- Pas besoin d'être un psy, John Watson. » Sa main se posa sur mon genou, et je ne l'envoyai pas balader. « C'est évident aux yeux de ceux qui t'aiment. Pourquoi crois-tu qu'il ait mis tant de temps à revenir ? Ce n'était pas qu'à cause de Moriarty. Sherlock a compris qu'il t'avait perdu à l'instant même où il n'a pas heurté le trottoir. Je crois qu'il avait peur de rentrer à la maison et de le voir de ses propres yeux.

- Alors tout est de ma faute, c'est ça ? » Mes doigts se crispèrent sur le bord de l'album.

« C'est possible, fit mon épouse. Parfois c'est un peu comme marcher au bord d'un champ de mines, avec toi, John. On attend juste que tout pète à cause d'un faux pas.

- Un faux pas ? » J'attrapai l'album sur mes genoux et le balançai par terre. De l'autre côté de la pièce le réceptionniste sursauta et se releva à moitié, puis reposa sa tête dans ses bras. « Un putain de faux pas ? C'est de ma faute, c'est ce que tu es en train de dire ? »

Elle déplaça sa main de mon genou à mon bras gauche et souleva la manche, dévoilant mes brûlures.

« Tu es un homme bien, John Watson, mais tu n'es pas quelqu'un de facile à aimer, et je ne pense pas que tu le seras jamais. » Elle prit une grande inspiration, ramassa l'album photo sur le tapis et caressa la couverture de ses doigts. « J'espère, pour le bien de Maddie, que tu apprendras comment... t'améliorer »

M'améliorer.

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« Il se réveille. » Je désignai d'un doigt le réceptionniste qui s'agitait.

« Pas vraiment, répondit Mary. Nous avons encore un petit moment, pour nous dire au revoir.

- Au revoir ? » Surpris, je croisai son regard calme.

Elle rit doucement, mais les coins de sa bouche étaient tombants. « Je suis plus forte que Sherlock Holmes, John. Je ne vais pas m'attacher à un homme qui pense 'menteuse' à chaque fois qu'il prononce mon nom. » Elle regarda à nouveau les brûlures sur mes bras. « Je mérite mieux que ça.

- Tu ne peux pas emmener Maddie. Je ne te laisserai pas le faire. » Je ne me donnai pas la peine de me lever pour expliciter ma menace. Si elle me connaissait ne serait-ce qu'un peu, elle n'avait pas besoin que je l'en convainque.

Mon téléphone bipa. Mary y jeta un coup d'œil. Elle soupira et se leva. Elle reposa l'album photo et mon téléphone sur mes genoux.

« Deux fois par an, John, dit-elle clairement et avec une affection effrayante. Je veux la voir deux fois par an. Pour son anniversaire, et pour mon anniversaire. N'importe où, je m'en fiche. Ton appartement, un parc… Je m'en fiche. Amène qui tu veux pour t'assurer que je ne la kidnappe pas. Je ne le ferai pas.

- Qu'est-ce que… » Mon sang tambourinait dans mes oreilles, cascadait derrière mes yeux.

« Et je veux être autorisée à lui écrire des lettres. Lis-les d'abord, si tu veux. Mais permets-lui de me répondre, si elle veut. Je me débrouillerai pour avoir une adresse en poste restante.

- Tu ne vas pas l'emmener ?

- Quand elle aura dix-huit ans, John, elle pourra décider si elle veut me voir plus souvent. »

Je respirais laborieusement, haletais presque. Mon poing agrippait les papiers du divorce et les froissait, mais je ne parvenais pas à détendre mes doigts.

« Tu ne vas pas l'emmener. »

Elle épousseta à nouveau son pantalon, puis ramassa son sac et le passa à son épaule.

« Je ne vais pas l'emmener.

- Pourquoi ?

- Oh, John. » Elle se pencha et déposa le plus léger des baisers sur l'entaille dans mon crâne. « Tu as réveillé mes démons, je n'ai pas d'endroit sûr où m'installer, pas encore, certainement aucun endroit assez sûr pour ma fille. Et je ne veux pas passer le reste de ma vie à me demander quand tu viendras me brûler dans un entrepôt parce que je te l'ai prise. Et puis… » Ses lèvres s'incurvèrent délicatement contre mon crâne. « …c'est le seul moyen pour moi de battre Sherlock Holmes au plus grand des jeux : conquérir le cœur de John Watson. »

Je grimaçai et fuis son contact, l'estomac retourné. Je n'avais jamais frappé une femme de toute ma vie, et je ne comptais pas commencer, mais je voulais qu'elle parte, juste qu'elle parte.

« Je croyais que le jeu était : redonner sa mémoire à John Watson. »

Elle s'arrêta à la porte, haussa les épaules sans se retourner. « Tu finiras bien par la retrouver, John, même Sherlock le pense. Et quand ça arrivera, tu te souviendras que je t'ai donné ta liberté, et confié notre fille, et tu te souviendras combien je l'aime, quelle bonne mère tu as toujours dit que j'étais. C'est un sacrifice beaucoup plus noble qu'un faux suicide, tu ne crois pas ? Je te recontacterai, John. N'oublie pas de remplir les papiers, Sherlock va être fou de joie. »

J'attendis que la porte se soit refermée derrière elle, puis j'attrapai une chaise et frappai la table basse qui se brisa en mille morceaux. Le réceptionniste se réveilla avec une exclamation d'ivrogne. Je m'attaquai au mur, ignorant ses cris.

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« John ! »

Holmes émergea de l'ascenseur dans un tourbillon de boucles brunes et de manteau noir. Il attrapa mon bras.

« Tu ne répondais pas au téléphone, dit-il, l'air vexé.

- Et tu as pensé qu'après tout j'avais pu me mettre à caqueter ? » demandai-je sèchement. Je pouvais entendre au loin le chant de sirènes qui se rapprochaient. Je ne pensai pas que ni le docteur Davis ni son réceptionniste n'avaient subi de dommages définitifs, mais ils auraient probablement une sacrée gueule de bois. « Elle n'est pas redescendue par-là, si je comprends bien ? »

Ses yeux aux arcs en ciel sous-marins se plissèrent. Je pouvais presque entendre les rouages de son cerveau surdoué se mettre en place.

Rythme cardiaque élevé. Dilatation pupillaire. Jointures des doigts ensanglantées. Morceaux de bois brisés et poussière de plâtre. Clair de Lune…

« Qu'est-ce que c'est ? » Il arracha les papiers que je tenais toujours serrés dans mon poing.

« Les papiers du divorce, répondis-je. Et, à ce qu'il semblerait, la renonciation à ses droits parentaux. Signés. »

Holmes se statufia littéralement, sa main agrippant toujours ma manche. Cette fois-ci je ne pus deviner ses déductions, et je n'étais pas sûr de vouloir le faire.

« Oh. Oh ! »

Sa magnifique bouche se tordit en quelque chose de presque affreux.

« C'est un jeu, souffla-t-il.

- Non. » Je n'avais pas pu frapper Mary, mais je pouvais frapper Holmes. Je le poussai, furieux.

- Si, John, ça l'est. » Indifférent à mon attaque sans enthousiasme, il passa ses mains dans ses cheveux. « Tu ne vois donc pas ? Elle a donné le coup de départ, installé l'échiquier, elle n'a pas renoncé à…

- Holmes, sifflai-je. Appelle ton frère et préviens-le qu'il y a un serpent dans son nid. »

L'ascenseur s'ouvrit encore une fois, libérant un flot d'ambulanciers. Je leur adressai un signe de tête et ils s'éparpillèrent autour de nous pour rejoindre le bureau de l'hypnothérapeute.

« Pas maintenant, pas le temps. » Sa main triturait inconsciemment sa bouche, son regard était perdu au loin, mais je remarquai qu'il s'était rapproché de moi jusqu'à me surplomber de manière possessive, sa longue cuisse pressée contre la mienne. « Dis-moi tout ce qu'elle t'a dit, John.

- Plus tard, déclarai-je, soudain fatigué. Elle ne va pas… Laisse-moi juste… Est-ce qu'on pourrait rentrer à la maison ? »

Il releva brusquement la tête, me jaugeant de son regard calculateur. « Tu es secoué. » diagnostiqua-t-il. Il prit ma main, la serra fort, puis la plaça sur ses côtes. Il était chaud, aimé et familier. « Bien sûr que tu l'es. Bien sûr. John… »

Une des ambulanciers passa la tête par la porte. « Monsieur ? C'est à vous ? »

Elle tenait à la main un petit livre à la couverture lavande avec des roses ivoire. L'album photo du mariage.

« Oui. » dis-je. Mais Sherlock devait avoir perçu mon hésitation, car il s'élança et l'arracha des mains de la jeune femme étonnée.

Il feuilleta l'album, et ses joues pâles se colorèrent de rouge.

« Elle t'a obligé à choisir, murmura-t-il.

- Non. » Comme il devenait plus tendu, je devins plus calme. Je soupirai, sentant mes épaules se détendre, et lui pris l'album des mains. « Holmes…

- Elle t'a obligé à choisir. » répéta-t-il, les sourcils froncés, l'air étrangement perdu. Il me sembla que j'aurais préféré des cris plutôt que ce murmure brisé.

« Non. » Jonglant avec l'album, je me mis sur la pointe des pieds pour qu'il ne puisse esquiver mon regard. J'attrapai le col de son manteau pour l'immobiliser. Il était aussi tendu que les cordes d'un arc. « Sherlock, elle ne l'a pas fait. Elle ne pouvait pas. Ecoute-moi. J'avais déjà choisi. Il y a longtemps. »

Je pressai un baiser contre sa bouche, léger et doux, comme une promesse. Il eut un mouvement de surprise et s'effondra en avant, m'entraînant contre lui.

Tu as aimé Sherlock Holmes toute ta vie, tu as attendu ce connard dès l'instant de ta naissance.

« C'est toi. » dis-je, parce que c'était la vérité. « Ça a toujours été toi. »

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FIN

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[1] 999 : numéro de téléphone des urgences au Royaume-Uni (équivalent chez nous du 15, 17 ou 18).