N.A. : Une fin que j'ai vraiment appréciée de Nodoka997 (je ne dis pas tout le temps mon avis, mais pour le coup, je l'aime vraiment bien celle-là, merci de l'avoir écrite !)


Ne sachant comment réagir, il resta figé comme un abruti pendant plusieurs secondes, le cerveau aussi vide qu'après l'achèvement d'un épisode de « Salut les Geeks » particulièrement éprouvant.

Puis la panique s'empara de lui sous ce regard gourmand – nom de Dieu, c'était Antoine, son pote, pas n'importe quel mec ! – et il jaillit précipitamment de son lit, enfilant un pantalon et un T-shirt à la va-vite en balbutiant :

« Ce n'est pas... Ce n'est pas une bonne idée, techniquement tu ne me connais pas encore et... »

S'il ne put voir l'expression qu'arbora l'adolescent à ce moment-là, il put cependant entendre clairement son rire désabusé puis les paroles qu'il cracha venimeusement :

« Laisse-moi deviner. On t'a fait une blague. On a trouvé drôle de te foutre dans un lit avec moi alors que t'es pas gay. »

« Qu'est-ce que... » tenta de répliquer Mathieu, ne comprenant absolument pas le brusque changement d'humeur du plus jeune.

« Putain, mais c'est pas vrai ! » éclata alors soudainement Antoine, faisant sursauter Mathieu, qui se coinça les doigts dans la fermeture éclair de son jean sous la surprise. « Qui sont encore les connards qui m'ont fait un tel coup de pute ?! »

Au moins un juron pour ponctuer chaque phrase. La logique de tout adolescent qui se respecte, eut le temps de penser distraitement Mathieu avant que l'adolescent ne reprenne, la voix cette fois plus basse, un peu plus fragile :

« Casse-toi, mec. Y a des gens qu'ont trouvé fun de me foutre avec quelqu'un qu'est pas du même bord que moi pour se moquer de ma sexualité. Encore. Ça devrait même plus m'étonner. »

Les yeux de Mathieu s'étant progressivement habitués à l'obscurité ambiante, il put clairement distinguer la forme recroquevillée d'Antoine sur son propre lit. Un pincement au cœur le saisit et il déglutit.

Comment aurait-il pu deviner que son pote s'était rendu compte de son homosexualité aussi tôt ? Et déjà, il n'était même pas au courant que son pote était gay, merde, il ne le lui avait jamais dit ! Mais pourquoi ? Mathieu n'était pas du genre intolérant, loin de là... Cet accueil des plus déplaisants qu'on lui avait réservé dès le début lui aurait laissé des marques ? Forcément, à cet âge-là, il n'avait pas dû être bien reçu, c'était malheureusement presque inévitable... Mais qu'il y ait des gens cons à ce point !? Qu'est-ce que ça voulait dire, ce « Encore » ? Qu'on lui avait déjà fait cette blague horrible ? C'était... inimaginable.

Ainsi donc, Antoine était du genre bébé adorable, sale gosse pourri-gâté, puis adolescent renfermé et en mal d'amour à cause de jugements trop hâtifs des autres.

C'était beaucoup à assimiler, et le soleil n'était même pas encore levé, nom de Dieu. S'asseyant à même le sol, Mathieu inspira un grand coup et entama doucement :

« Antoine, je suis désolé, je ne savais pas... Ce n'est pas que tu n'es pas attirant, au contraire, tu es même vachement séduisant et tout et... »

Merde. Ce n'était pas ça qu'il voulait dire, il était en train de perdre le fil en essayant de le rassurer. Qu'il était con, parfois.

Il put presque entendre le sourire dans la voix du chevelu lorsqu'il répondit :

« Séduisant à quel point ? »

Il s'était levé du lit, avançant désormais vers lui tel un prédateur. Mathieu recula, mal à l'aise et un peu paniqué. Et puis pourquoi Antoine avait-il changé de caractère en moins de deux secondes, putain ? T'étais pareil à son âge, rappela une petite voix désagréable. Passer d'un extrême à un autre, c'est la spécialité des ados, et Antoine est comme toi, à fleur de peau. Peut-être, mais lui, il ne draguait pas quelqu'un après seulement un petit compliment ! T'étais coincé, toi, ricana la voix, décidément bien chiante. Lui au moins, il sait profiter de la vie.

« Euh, je, ce n'est pas comme ça que je voulais le dire... » bégaya Mathieu, se sentant aussi démuni que le Geek.

Son dos se heurta à un mur et il pesta intérieurement.

« Mais tu l'as dis comme ça. » chuchota Antoine, s'étant rapproché bien plus rapidement que prévu, la voix aussi caressante qu'une plume.

Et avant que le plus petit – oui, il était déjà plus petit que Antoine adolescent, merde – ne puisse répliquer, deux bras se plaquèrent de chaque côté de ses épaules. Mathieu sentit son souffle s'accélérer et il avala difficilement sa salive. Oui, Antoine était déjà très séduisant lorsqu'il était plus jeune. En plus de sa physionomie que Mathieu pouvait avouer, disons, appréciable – il devait se faire soigner putain – Antoine avait ces légères rondeurs qu'il gardait encore un peu de l'enfance, et qui lui conféraient un charme plus candide. Et ses yeux de braise, bien sûr, ne pouvait qu'être remarqués...

Le YouTuber se crispa lorsque l'homme en face de lui lui souffla légèrement sur l'oreille, le faisant frémir – d'angoisse ou... d'autre chose ? – et s'humecter inconsciemment les lèvres.

Il s'approcha dangereusement de lui puis... éclata d'un grand rire.

« Calme-toi, mec, je ne vais rien te faire ! »

Puis il quitta la pièce – qui avaient entre-temps monté de plusieurs degrés – avec un clin d'œil. Mathieu sentit ses joues devenir cramoisies. Ce... petit con l'avait chauffé, avant de se casser comme si de rien n'était ! Manifestement, Antoine avait été un adolescent qui s'était fait humilier, mais qui n'avait pas pour autant laissé tomber les joies de découvrir son corps, et usait de ses atouts avec amusement.

Mathieu passa une main lasse sur son visage. Voilà qu'il se mettait à analyser l'enfance et le comportement de son meilleur pote comme une vraie mère-poule... ou comme un psy. Un écho désagréable avec le nom « Docteur Frédéric » chuchoté en fond le chatouilla et il frappa son poing en arrière, ignorant la légère douleur qu'il ressentit après la rencontre énervée de sa main repliée contre le mur. C'était derrière lui, tout ça.

Maudissant son côté pessimiste qui lui faisait toujours voir les choses du mauvais côté, il sortit de la chambre à son tour, prenant soin de refermer correctement son pantalon. Seul le Prof était déjà debout, observant Antoine comme s'il était une souris de laboratoire. Cela ne plut que très moyennement à son créateur.

« Arrête ça, Prof. » se contenta-t-il d'asséner froidement.

Comprenant sans mal la menace à peine dissimulée dans ses propos, le savant plongea sagement le nez dans son bol. Mathieu tenta de ne pas trop regarder lui-même en direction du plus grand, qui semblait plutôt détendu, et se remplit généreusement sa tasse de café.

Le petit-déjeuner fut assez étrange, personne ne prenant l'initiative de parler, et cela finit par rendre Mathieu gêné par le silence qui devenait inconfortable. L'entrée fracassante du Patron riant grassement après une nuit apparemment mouvementée lui fit regretter l'ambiance précédente de la table, et il soupira, finissant rapidement d'avaler le liquide brûlant avant de partir dans sa chambre.

« Qu'est-ce qu'il m'arrive ? » soupira-t-il à voix haute.

« T'es juste trop tendu. » lui répondit une voix qui le fit sursauter.

« Qu'est-ce que tu fous là, tu ne te vantes pas de ta super nuit ? » demanda Mathieu, plus par surprise réelle que par défi.

« Pas cette fois, gamin. Et puis faut avouer qu'Antoine, il est chaud comme la braise, à cet âge-là ! »

« Ne me dis pas que tu... » bondit le YouTuber, se traitant déjà mentalement de tous les noms d'avoir laissé un Antoine découvrant les joies de la sexualité et un Patron jamais rassasié dans la même pièce pendant plus de deux minutes.

« Relax, gamin, j'ai rien fait. Son regard de chiot battu quand t'as quitté la pièce m'a ôté toute envie de me le faire. »

Donc il y avait bien songé. Parfois, Mathieu avait peur de ce que son esprit malade avait pu engendrer, quand même. Merde, le Patron, techniquement une partie de lui, était on ne peut plus malsain. Symbole de ses propres passions qu'il avait toujours refoulées, peut-être ? Ce n'était pas impossible. Mais y penser maintenant ne servait à rien. D'autant plus que...

« Qu'est-que tu veux dire par ''son regard de chiot battu'' ? »

« Tu veux pas un dessin, tant que t'y es ? Il avait les yeux tout larmoyants comme le Geek et il ne t'a pas quitté des yeux, ça te va ?! »

Là, Mathieu était complètement paumé. Mais qu'est-ce que le Patron lui racontait et... pourquoi il le lui racontait ?

« Ok Patron, tu veux quoi ? T'es un peu trop gentil pour être honnête, là. »

« Qu'est-ce que tu racontes ? » se mit à ricaner sa sombre personnalité. « Je suis toujours gentil quand il s'agit de toi. »

Son créateur s'apprêta à répondre une réplique bien sentie quand... rien ne lui vint à l'esprit. Ce que venait de dire l'homme en costard... était vrai. Enfin, on ne pouvait pas dire que le Patron ne lui en avait jamais fait voir de toutes les couleurs, mais si on prenait en considération le personnage, il aurait pu faire bien pire. Oui, dans le sens ''patronesque'' du terme... la personnalité aux lunettes de soleil était ''gentille''.

Très déroutant, de penser ça comme ça, tout à coup. Si déroutant que pendant quelques minutes de réflexion, Mathieu avait totalement occulté le monde extérieur, oubliant qu'il se tenait à côté du plus grand pervers de la planète. Fatale erreur. Une main pressée doucereusement contre son entrejambe eut tôt fait de le ramener à la réalité.

« Mais qu'est-ce que tu fous ?! » s'offusqua Mathieu.

Oh, ce n'était pas la première fois qu'il avait droit à quelques attouchements de la part du criminel. Toutes les personnalités y étaient passées. En général, il s'arrêtait en se moquant allègrement de sa victime après qu'il l'ait faite réagir, proposant avec une œillade suggestive de continuer de manière plus poussée dans un endroit plus approprié – non pas que le Patron n'était pas prêt à passer directement à l'acte, mais tout le monde dans la maison avait gardé le souvenir du seul vrai coup de gueule que Mathieu avait eu envers ses créations. Chaque personnalité s'était retrouvée privée pendant une semaine entière de ce qui leur plaisait plus que tout – autant dire que sept jours sans sexe avaient ressemblé à un Enfer pour lui.

« Je te chauffe, gamin. » répondit le Patron avec un sourire carnassier.

Blasé, Mathieu lui demanda :

« Je peux savoir pourquoi ? »

La réponse fut bien plus surprenante que celle à laquelle il s'attendait :

« J'en ai marre de vous voir, Antoine et toi, vous tourner autour sans jamais oser faire le premier pas. J'accélère les choses, gamin. Arrête de jouer au puceau et baise-le ! »

Déconcentré par cette main qui se faisait de plus en plus insistante sur son membre, Mathieu répondit, trop déboussolé pour se concentrer sur deux choses à la fois – ici, la conversation et l'attitude du Patron (et comme il tentait de se concentrer sur la conversation, le Patron continuait de s'en donner à cœur joie) :

« Déjà, t'oublie un petit truc : Antoine est peut-être gay, mais pas moi. »

Cette fois, le criminel éclata franchement de rire, s'arrêtant un instant dans sa besogne, laissant par là un peu de répit à sa victime du moment :

« C'est toi qui m'as imaginé et tu oses me sortir un truc pareil ? »

Ne trouvant aucun argument face à ça, Mathieu s'entêta et insista :

« C'est mon meilleur pote ! Ce qu'il y a entre nous, ce n'est pas de l'amour, mais de l'amitié ! »

Les mains baladeuses reprirent leur manège et le Patron s'approcha tout près de son visage, lui susurrant à l'oreille :

« Ah oui ? Ose me dire que tu n'imagines pas embrasser Antoine, voyant son visage légèrement rougi et ses lunettes de travers. Il met ses mains sous tes fesses pour te mettre à sa hauteur et tu laisses tes doigts courir dans ses cheveux fous, passant tes mains sous sa chemise... »

Un gémissement franchit sans autorisation la barrière des lèvres de Mathieu alors que le Patron réalisait les gestes qu'il décrivait. Mais le présentateur de SLG ne voyait plus sa sombre personnalité, mais quelqu'un d'autre, quelqu'un qui embrasait son être des pieds à la tête, quelqu'un pour qui il avait été complètement aveugle... Il sentit une érection déformer son pantalon et il haleta.

« Bon, c'est pas le tout gamin, mais c'est pas bon de me chauffer comme ça. J'ai des putes à visiter ! » s'exclama alors le Patron, reposant à terre son créateur et s'éloignant de la pièce à grands pas.

Et il laissa là un Mathieu complètement scotché par ses agissements. Et frustré, aussi. Très frustré. Évidemment, ce fut cet instant précis que choisit le Antoine adolescent pour pointer le bout de son nez, alors que le plus petit songeait à s'occuper manuellement de son problème.

« Euh... Tout va bien ? » lui demanda le plus jeune, inconscient de tout le contrôle qu'exerçait son compagnon sur lui-même pour ne pas lui sauter dessus comme une bête sauvage.

Inquiet de ne recevoir aucune réponse, Antoine posa une main sur l'épaule de Mathieu. Ce fut le geste de trop pour le vidéaste à la sensibilité exacerbée et aux nerfs à fleur de peau. Ne résistant pas davantage, le plus petit se retourna brusquement et entraîna son vis-à-vis dans un baiser enfiévré. D'abord surpris, Antoine y répondit avec ardeur, caressant fougueusement la langue de son comparse. Alors qu'ils s'enlaçaient jusqu'à fondre leur corps l'un dans l'autre, Antoine se mit à grandir de quelques centimètres, ses cheveux se mirent à pousser, son visage à perdre définitivement les rondeurs de son enfance. S'éloignant à regret du chevelu, mais effrayé par la réaction qu'il était en droit d'avoir, Mathieu souffla, interdit mais toujours tremblant de désir :

« Antoine... »

Ce dernier se contenta de fondre de nouveau sur sa bouche.

Ce fut alors exactement comme le Patron l'avait prédit : Antoine l'empoigna par les fesses pour le mettre à sa hauteur, laissant le plus petit passer des mains avides sous sa chemise. Mathieu sursauta en sentant des mains caresser la peau nue de ses reins, et il tenta de répondre au mieux à son partenaire en aspirant la peau de sa clavicule, vite récompensé par un grognement de plaisir.

Nom de Dieu, réalisa Mathieu. Je suis amoureux de Antoine Daniel. Et vu le bruit qu'ils faisaient, quelque chose lui disait que toute la maisonnée était déjà au courant...

FIN