Bonjour !
Cette fic' est le premier (et très court) chapitre de la partie "Eren's side" de Repères. D'autres suivront, bien sûr, mais sûrement moins souvent que ceux de "Ymir's side", la partie principale.
Vous trouverez des liens entre cette partie et les autres (il n'y en aura pas que deux), mais je pense qu'elle peut aussi se lire indépendamment.
N'hésitez surtout pas à laisser des reviews, même négatives ou super courtes, ça me met les larmes aux yeux à chaque fois, et ça me motive mieux qu'un carreau de chocolat ! ;)
Ch 1 - Jeudi 8 septembre, soir
Ça n'allait pas.
Peu importait le point de vue, le crayon, le papier, la position, la lumière, les ombres, les vêtements. Peu importait qu'il y passe trente secondes ou plusieurs heures. Le résultat était toujours le même.
C'était raté. Pas moche, non, au contraire. Même lui devait admettre qu'il n'avait jamais dessiné aussi bien. Mais ça restait raté. Et plus il regardait ses dessins, moins il les trouvait réussis.
Beaux, assurément.
D'un réaliste indéniable, également.
Mais d'une infidélité atroce.
Ce n'était pas ses mains, ni ses bras, ni ses épaules, ni sa clavicule, ni ses cheveux, et encore moins ses yeux.
Et plus il réessayait, plus le dessin perdait de sa consistance.
Il se prit la tête entre les mains, les nerfs à vif et les yeux fixés sur son dernier croquis.
Un homme de profil, assis sur un canapé, les jambes croisés, les doigts serrés d'une manière peu conventionnelle autour d'une tasse de café fumante. Son regard songeur, dirigé droit devant lui, ne fixait rien en particulier. Sa main libre était posée sur le canapé, vide, détendue. Tentante.
Eren ferma les yeux, se remémorant à quel point il avait voulu prendre cette main, ce jour-là. À quel point elle était proche et désespérément vide. Mais il ne l'avait pas touché. Il avait ignoré les griffes qui déchiraient sa poitrine et les voix qui lui hurlaient de tendre la main et de la poser sur la sienne, l'air de rien.
Trouillard.
Si les voix s'étaient tues depuis, les griffes, elles, ne l'avaient pas quitté. Elles étaient là du matin au soir, ne le laissant seul que lorsqu'il sombrait enfin dans un sommeil agité, troublé par des rêves dont il se réveillait transpirant sans savoir pourquoi, le nom de Levi mourant sur ses lèvres.
"Levi…" murmuré du bout des lèvres, le mot disparut dans le silence de sa chambre, porteur de toutes ces émotions contradictoires qui l'assaillaient sans cesse.
Colère. Tristesse. Respect. Espoir. Incompréhension. Jalousie. Regret. Curiosité. Dépit. Attirance. Amitié.
Désir.
Un frisson incontrôlable parcourut sa colonne vertébrale, et il ouvrit brusquement les yeux. Le dessin était toujours là, d'autant plus inconsistant qu'il n'était éclairé que par la lumière orangée de sa lampe de bureau. Il fixa la main posée sur le canapé, puis la tasse de café, puis les yeux.
Non.
Il saisit violemment la feuille de papier, prêt à la déchirer. Se retint. Ce n'était pas Levi, mais c'était tout ce qu'il avait.
Il ouvrit son bloc-notes et le feuilleta à la recherche d'un croquis plus réussi que les autres. Il y en avait des centaines. À chaque page, son visage s'assombrissait. Lorsqu'il atteint la dernière page, il resta un instant à la fixer sans la voir. Puis il revint au début et recommença à tourner les pages, cette fois en examinant chaque trait de crayon avec intensité, comme si son regard brûlant pouvait leur donner vie.
Cette fois-ci, une fois atteinte la dernière esquisse, le bloc-notes fut refermé, et Eren s'affala sur son bureau. Il se sentait vide.
Une vibration le tira de sa léthargie dans un sursaut. Il mit quelques secondes à retrouver ses esprits et à localiser son téléphone, puis enfonça sa main dans la poche de son pantalon.
[De : Armin] Ta rentrée s'est bien passée ?
[À : Armin] Ca aurait pu etre pire et toi ?
Lorsqu'il écrivait à Armin, il tâchait de faire des efforts sur l'orthographe. C'était son meilleur ami, et il savait qu'il ne supportait pas le langage sms - même s'il ne le lui aurait jamais dit en face.
[De : Armin] Beaucoup mieux que l'année dernière, et je n'ai presque que des bons professeurs. Je ne connais pas celui de SVT, mais il a l'air particulièrement intéressant.
[À : Armin] Tu aimes tous les profs
[De : Armin] Il faut bien compenser, tu les détestes tous…
Eren ne prit pas la peine de répondre. Il n'était pas d'humeur à débattre avec Armin, et il savait qu'il ne lui en voudrait pas.
Son regard dériva presque malgré lui vers son bloc-notes et y resta aimanté.
J'aurais dû prendre une photo.
Une petite voix lui souffla que ça n'aurait rien changé, et il ne trouva rien à redire. Même une photo ne serait pas parvenue à combler le vide qui lui déchirait les entrailles depuis plus de deux mois.
Il voulait sentir son regard posé sur lui, sa présence dans la pièce, son analyse perpétuelle de ses faits et gestes, son agacement lorsqu'il ne trouvait pas la bonne réponse, sa fierté lorsqu'il poussait le problème plus loin que ce qu'il lui avait demandé.
Il voulait entendre sa voix calme et rassurante, ses remarques sarcastiques, ses réflexions embarrassantes, ses soupirs excédés, le sourire qui perçait dans ses intonations lorsqu'Eren parvenait à briser son masque d'impassibilité, son rire si rare et si précieux, ses éclats de colère d'autant plus terrifiants qu'ils étaient brusques.
Il voulait sentir son odeur lorsqu'il se penchait par-dessus son épaule, le frôlement éphémère de leurs peaux, son souffle sur sa peau lorsqu'ils étaient trop (et pas assez) proches.
Il voulait ressentir ce lien mystérieux qui semblait les unir, cette compréhension mutuelle, ces échanges de regards aussi intenses que troublants, cette bulle qui les isolait pour les emmener hors du temps, cette tension qui parfois alourdissait l'air sans qu'il sache pourquoi ni comment.
Il voulait Levi en chair et en os.