Chapitre 13 : Fraternité Mortelle

29 mars 2001, 11h 57

La chambre dans laquelle logeait temporairement Adam Warren n'était pas vraiment à son goût. En effet, l'américain était friand d'art antique, et il appréciait retrouver quelques vestiges de ce passé fascinant à chaque endroit où il couchait. Mais lorsqu'il en avait informé le Docteur, celui-ci lui avait rétorqué qu'il avait d'autre priorité que le caprice d'un enfant gâté. Warren avait difficilement avalé l'affront, il avait cessé de compter le nombre de fois où le sexagénaire l'avait offensé, mais le chiffre dépassait sans difficulté la cinquantaine. L'américain haïssait son collègue, et celui-ci le lui rendait bien, c'était ainsi depuis bien longtemps. Mais à l'époque, ils avaient besoin l'un de l'autre pour faire tourner l'organisation. Aujourd'hui, ce temps était révolu.

Warren glissa ses yeux sur la pièce dans laquelle il se trouvait, elle était tout de même assez luxueuse. Les murs avaient été peints d'un bleu nuit particulièrement esthétique, le lit était d'un confort unique, et les quelques meubles de la Renaissance dont il disposait avaient été choisi avec goût.

Mais Warren ne les aimait pas, car il se doutait bien que c'était le Docteur qui avait choisi la décoration de chacune des chambres de son complexe. Se retrouver ici équivalait à penser que l'on est un oiseau enfermé dans une cage dorée, une cage dorée forgée par le Docteur.

Warren balaya ses pensées d'un geste de main, il se savait paranoïaque -tous les hommes puissants le sont-, mais là c'était exagéré. Car l'oiseau allait bientôt ouvrir sa cage pour aller crever les yeux du maître. Il devait faire preuve d'un peu plus de sang-froid.

On frappa à la porte, Warren sursauta, et poussa un juron.

-Qui est-ce ? Demanda-t-il en s'injuriant lui-même.

-Peter.

Le visage de l'américain s'illumina un peu.

-Entre.

Le cannibale poussa doucement la porte, salua poliment son géniteur de loin, et s'écarta pour laisser entrer l'homme en blouse blanche qui le suivait.

Warren alla s'asseoir sur son bureau, et examina attentivement son visiteur. Il le trouva faible immédiatement, il était d'une stature ridiculement petite, et ses grosses lunettes carrées le faisait plus passer pour un professeur de physique-chimie qu'un véritable scientifique.

Et pourtant, il était l'un des meilleurs chercheurs du complexe.

-Bien le bonjour Monsieur Belpois, salua l'américain en l'invitant à s'asseoir, quelles nouvelles m'apportez-vous ?

Ledit Belpois prit place maladroitement sur la chaise, le mal aise était présent dans chacun des gestes qu'il esquissait. Warren le trouvait ridicule.

-Bon, lança-t-il d'un ton enjoué qui sonnait faux, avez-vous réfléchi à ma proposition ?

-Je vous aiderais, lâcha le scientifique en essayant de faire preuve d'assurance, je vous donnerais toutes les informations que vous désirez.

L'américain se retint de pousser un soupir satisfait, il avait peur d'être obligé de demander à son fils de le torturer.

Son regards se posa sur le gros porte-document noir sous le bras du blondinet, il esquissa un sourire.

-Et bien montrez-moi ce que vous avez pour moi et nous pourrons discuter de votre avenir.

-Excusez-moi, répondit Belpois d'un ton un peu plus confiant, mais pourrions-nous parler de mon avenir maintenant ?

Warren haussa un sourcil.

-Il me semble vous avoir dit que je vous aiderais en fonction de la valeur de vos...

-Tout y est, coupa le scientifique en posant l'énorme dossier sur le bureau, absolument tout, vous ne pouvez pas trouver plus important.

L'américain brûlait d'envie de coller une gifle surpuissante à son interlocuteur, mais il se ravisa.

-Dites-moi ce que vous voulez alors.

Belpois prit une grande inspiration, ses mains tremblaient comme des feuilles.

-Je veux un demi-million.

Warren écarquilla les yeux, c'était ridicule.

Il voulut répliquer, mais Belpois fut plus rapide.

-En euros, précisa-t-il, cette monnaie sera en circulation dès l'année prochaine, ça ne devrait pas être trop dur de trouver cela pour un homme comme vous.

L'américain n'aimait pas du tout la façon dont le scientifique lui adressait la parole, mais celui-ci ne s'arrêta pas là :

-Cet argent servira à éponger les dettes de mon frère, et financera les études de mon neveu. Si mes calculs sont exacts -ce qui a toujours été le cas à ce jour- il devrait rester la moitié de cette somme. Considérez-la comme ma prime personnelle dès que j'aurais finis mon travail auprès de vous.

Belpois peinait à reprendre sa respiration, il avait du mal à croire qu'il avait réussi à sortir tout ça sans s'arrêter ou revenir sur un point.

De son côté, Warren pesa le pour et le contre. Un demi-million d'euros. La somme était considérable, et il avait beau être riche, l'euro était difficile à obtenir. Mais il pourrait toujours ordonner que l'on organise un vol de fonds dans l'une des banques allemandes ou françaises qui conservaient précieusement ces jolies petites coupures. Et puis, c'était un prix dérisoire pour s'accaparer l'empire du Docteur, il payerait volontiers.

Il se leva, et serra la main de son interlocuteur.

-Marché conclu.

29 mars 2001, 13h 54

Peter n'avait pas bougé depuis qu'il était entré dans la chambre de son père, celui-ci examinait depuis plus d'une heure et demi les informations laissées par Norman Belpois. Cette longue attente n'avait pas vraiment dérangé le cannibale, il était quelqu'un de patient. Une valeur indispensable pour un bon tueur. Son père étala plusieurs feuilles sur le bureau, à en juger par son sourire, il ne regrettait pas d'avoir dépensé une telle somme.

Du doigt, il fit signe à son fils de s'approcher. Puis, d'un geste de la main, il l'invita à examiner attentivement chacun des dossiers qu'il avait étalé.

Peter déchiffra chacun de leurs titres, et releva la tête pour faire signe à son père qu'il avait fini.

-Vois-tu, commença ce dernier en s'installant encore plus confortablement dans son fauteuil, ceci représente un avenir radieux qui se rapproche de plus en plus. Le sort du Docteur est à présent dans le creux de ma main.

-Que devons-nous faire ?

Toujours aussi direct, Warren aimait cela.

-A ton avis, quel serait le meilleur moyen pour prendre ce complexe tout en essuyant un minimum de perte ?

Peter ne fut pas surpris que son père lui confit la mise en place du plan, il était bien meilleur que lui.

Le chasseur réfléchit pendant quelques secondes avant de répondre :

-Je pense que le mieux à faire est d'attendre l'heure du dîner pour agir. Au préalable, je suggère de glisser un somnifère rapide dans les boissons de chacune des personnes présentes au réfectoire, mais de prévenir nos hommes pour qu'ils ne commettent pas de gaffe. Une fois ceci fait, il ne nous restera plus qu'à nous introduire dans la chambre du Docteur. Il aura beau tirer l'alarme, personne ne viendra l'aider. Nous le transporterons lui et ses hommes hors du bâtiment. Après je te laisserais la main.

Warren sourit de l'intelligence de son rejeton, il était sa plus grande fierté. L'américain rangea les dossiers, mais il en ressortit quatre autres qu'il aligna sur son bureau.

-Sais-tu ce que c'est ?

Peter examina attentivement chacune des photos en première page de chacun des documents. Et il eut la surprise de découvrir trois figures vaguement humaines qui baignaient dans une étrange mixture. Il déchiffra les titres de chacun des dossiers :

Thanos

Crystal

Seth

-Il semblerait que ce cher vieux Docteur ait décidé de jouer au savant fou, soupira le père, voilà qu'il tente de créer la vie maintenant.

-Qu'est-ce que c'est ? Demanda Peter fasciné par ces créatures.

Son père haussa les épaules.

-Je l'ignore, mais d'après ce que j'en ai lu, ils sont puissants. Cependant, aussi étrange que cela puisse paraître, il n'y en a qu'un qui possède une conscience qui lui soit propre.

Lentement, Warren fit glisser son doigt sur le dossier de Seth. Peter ne put s'empêcher de sourire.

-Que devons-nous faire ? Demanda-t-il sans cacher l'excitation dans sa voix ?

-Celui-ci pourrait nous causer quelques ennuis, j'aimerais tous les garder. Mais je ne veux prendre aucun risque, quitte à faire une croix sur une telle création.

Peter n'aimait pas la tournure que prenait les choses.

-Devons-nous l'éliminer ?

-J'en ai peur, soupira Warren, c'est vraiment dommage, mais nous aurons encore les autres sous la main. Sans oublier les scientifiques du Docteur qui seront tous à notre botte, nous pourrons en recréer d'autres.

Peter ne semblait pas convaincu, il jeta encore un regard sur la photo de Seth. Il n'avait pas la moindre envie de tuer une telle merveille.

-C'est toi qui va t'en occuper.

Le cannibale releva la tête, et se maudit intérieurement. Son père ne pouvait pas ne pas avoir remarqué cet instant de faiblesse, il s'était fait avoir.

Warren se leva.

-Occupons-nous d'abord de corser la boisson de nos chères ennemis. Ensuite, nous nous occuperons de ces... choses. J'enverrais deux équipes s'occuper de Thanos et Crystal. De ton côté, je veux que tu abattes Seth. Je comprends que tu n'en es pas envie, mais s'y j'en juge par le dossier, il est très instable. Ne prends pas de risque, tue-le vite et revient me voir dehors. Nous exécuterons le Docteur et toute sa clique inutile de bon à rien. Mais nous conserverons les scientifiques intacts. Ils nous serviront bien.

Peter savait qu'il était inutile d'insister, quand son père avait une idée en tête, il était difficile de la lui enlever. Il ne pouvait pas faire grand chose.

Il salua poliment son géniteur, tourna les talons, et se dirigea vers la sortie.

-Ah une dernière chose !

Le cannibale s'arrêta, et se retourna.

-Concernant ce Serpent, prend vite ta décision. Sinon j'oublierais ma promesse de le laisser en vie tu m'entends ? Tue-le ou pardonne-le, mais décide toi.

Le cannibale ne répondit pas, il se contenta de hocher la tête, puis il sortit.

29 mars 2001, 21h 30

Assis dans son lit, le Docteur s'adonnait à sa distraction favorite, celle qui était devenue une véritable addiction. Sa chambre n'avait pas vraiment changée depuis le passage de Mathilda, mis à part le fait qu'un pan entier du mur face au lit était manquant. A la place, un cube remplie d'un liquide étrange y était incrusté, et une créature semblable à Seth y flottait paisiblement. Le Docteur ne pouvait plus s'empêcher de la regarder, il la trouvait tellement... parfaite. Intérieurement, il se dit que Crystal était de loin sa plus belle création. Chaque fois qu'il la regardait, il admirait le magnifique visage digne d'une déesse qui lui avait été façonné. Il était comme un peintre devant son tableau, et Crystal était son chef-d'œuvre. Son regards se posa sur les cheveux de la créature. La couleur avait été difficile à trouver. A la base, il voulait qu'ils soient blonds, mais il s'était rétracté, car trop commun. Non, il s'agissait d'une créature unique, et en tant que telle, il lui fallait une couleur unique. Il avait donc opté pour une chevelure d'un argenté rayonnant, et il n'avait pas regretté son choix. Il lui tardait qu'elle puisse enfin être capable de bouger et de parler, comme un père qui assiste à la croissance de son enfant, et c'était ce qu'il était, un père. Ses pensées voguèrent alors vers Mathilda, sa fille, celle qui obtiendrait bientôt ce corps parfait. Pendant des années, il l'avait observée, il avait chargée Tanner et d'autres scientifiques de l'éduquer proprement. Et bien sûr, il avait fait en sorte que l'emploi du temps d'Anthéa soit suffisamment chargé pour qu'elle s'en occupe le moins possible afin d'éviter tout attachement. Car il savait qu'au moment venu, Anthéa Schaeffer devrait disparaître. C'était évidemment une grosse perte, mais un sacrifice nécessaire à l'épanouissement de sa fille. Inconsciemment, il se mit à penser à la femme aux cheveux roses. Il n'aimait pas vraiment la savoir entre les mains de Warren, ses connaissances pouvaient lui être encore très utiles. Mais il savait qu'elle ne dirait rien ni ne travaillerait pour son futur-ex-associé. Après tout, il avait encore un moyen de pression. Même si bien sûr, il ne toucherait pas à un seul cheveu de Mathilda. Du moins, pas tant qu'elle se trouverait dans son corps.

Le bruit strident de sa sonnerie vint interrompre ses pensées, agacé, il appuya sur un bouton de sa télécommande, et Crystal disparue à nouveau derrière son mur. Puis, il s'empara de l'interphone sur sa table de nuit.

-Qui est-ce ? Demanda-t-il de sa voix éraillée.

-Dragunov.

Le Docteur fronça les sourcils, voilà bien une visite à laquelle il ne s'attendait pas.

-Entrez, lâcha-t-il en appuyant sur un autre bouton.

Le russe s'exécuta, salua poliment son employeur, et vint s'installer près de son lit.

-Qu'y-a-t-il ? Interrogea le sexagénaire en enfonçant sa tête dans son oreiller.

Pour toute réponse, il sentit le contact froid du canon d'un Tokarev russe contre son front. Il poussa un profond soupir.

-Après toutes ses années, je pensais pouvoir te faire confiance.

-Ça n'a malheureusement pas grand chose à voir avec toi Herman, mais ce sont les risques du métier.

Le Docteur ferma les yeux, « Herman », il y avait bien longtemps qu'on ne l'avait pas appelé par son propre nom.

29 mars 2001, 22h 08

Norman Belpois venait tout juste de terminer de ranger ses affaires. Il n'emportait pas grand chose, seulement ses vêtements ainsi que son ordinateur portable contenant toutes ses recherches. Il aurait pu prendre d'avantage, mais il préférait tout laisser derrière lui. A ses yeux, seul son travail comptait. Il s'agissait de sa seul protection contre Warren : les plans du supercalculateur.

Il en était l'un des principaux artisans, et le seul qui avait travaillé à un moyen de l'améliorer. De plus, il était le chef de l'équipe chargée de développer de nouvelles technologies. Il serait très utile.

Belpois se leva, il tremblait comme une feuille, mais une pensée pour son neveu ainsi que son frère lui permit de se contrôler.

-Je fais ça pour vous, murmura-t-il.

Il se dirigea vers la porte, et l'ouvrit.

C'est alors qu'un coup de pied circulaire surpuissant vint lui écraser le nez, il bascula en arrière tout en se tenant le visage ensanglanté.

-Bonsoir, fit une voix dans l'obscurité, j'espère ne pas vous avoir fait trop mal.

Norman Belpois avait rarement ressentie une telle douleur, mais il s'efforça de découvrir son interlocuteur.

-Je suis navré de vous déranger, reprit celui-ci, mais comme vous pouvez le constater, j'ai un petit problème que vous seul pouvez résoudre.

Du bout de son pied, l'agresseur fit glisser un dossier rouge vers le scientifique. Celui-ci écarquilla les yeux.

-Je... Je ne peux pas, bredouilla-t-il.

-Mais si, assura l'agresseur, si je vous motive un peu, vous devriez y arriver.

Belpois leva les yeux, il se demandait s'il pourrait prendre le dessus sur son adversaire, mais un nouveau coup de pied en pleine figure l'y fit renoncer.

-Ne me forcez pas à en arriver là, je ne suis d'humeur joueuse ce soir.

-Mais..., commença le blondinet en gémissant, ce projet à été abandonné. La douleur est bien trop intense pour un humain normal.

-Ne vous en faites pas pour moi, sourit l'agresseur, je ne suis plus tellement normal.

29 mars 2001, 22h 13

Mathilda se sentit à nouveau gagnée par la nausée, jamais auparavant elle n'avait vu de cadavres. Une peur sourde s'était insinuée en elle, ses jambes refusaient de bouger.

Mais bon sang, qu'avait-elle fait pour mériter ça ? Elle n'était qu'une jeune fille aux portes de l'adolescence, ne rêvant que de succès et de reconnaissance. Pareil châtiment pouvait-il se justifier pour une personne comme elle ?

Mathilda tenta tant bien que mal de reprendre le contrôle de son corps et de dominer sa peur. Elle ignorait quoi faire à présent, devait-elle se risquer à entrer tout en sachant qu'un destin mortel pouvait l'y attendre ? Trop risqué, elle devait d'abord attendre l'arrivée du possédé d'Intelligence.

-Où en es-tu ? Demanda-t-elle à celle-ci en levant les yeux.

Elle attendit la réponse, une minute, deux minutes. Quelque chose clochait.

-Tu es là ? Articula-t-elle tout en tentant de dissimuler son effroi.

Toujours aucune réponse. La jeune fille se mit à paniquer.

Non mais qu'est-ce que c'était que cette histoire ? Comment un plan pourtant enfantin aurait pu capoter à ce point ?

Mathilda secoua la tête, elle pleurerait sur son sort une autre fois. L'important était de prendre une décision et le plus tôt sera le mieux.

Son regards se posa sur l'énorme porte de métal qui renfermait le département biologique.

Son corps tout entier lui hurlait de ne pas s'approcher de cet endroit, mais un pressentiment s'empara de son être.

Seth.

Elle n'avait aucune envie de rentrer dans ce lieu sinistre, mais le doute s'empara de son esprit. Pourrait-elle s'enfuir ? Même si cela signifiait laisser un être aussi innocent que Seth entre de mauvaises mains ? La jeune fille se surprit elle-même à faire du sentiment, voilà bien une chose qu'elle avait rarement faite au cours de son existence dans le royaume terrestre. Mais tout avait changé depuis qu'elle avait rencontré le mutant. Elle éprouvait à son égard une affection indéfinissable, probablement fraternel. Oui, c'était ce qu'il était, son frère. La jeune fille sentit des larmes couler le long de ses joues, elles représentaient la tristesse et la rage qu'elle s'était mise à éprouver. Sa décision était prise, elle vivante, jamais elle ne laisserait quiconque faire de mal à Seth. Pour la simple et bonne raison qu'il était le dernier à le mériter. De plus, si jamais elle rentrait. Elle aurait peut-être une chance de déclencher l'alarme qui s'y trouve. Intelligence n'ayant pas accès à cette partie du complexe, tout était possible.

Les chances étaient minces, mais le choix était déjà fait.

Lentement, elle s'approcha du panneau de contrôle. Heureusement, depuis qu'elle s'y était introduit lorsqu'elle était petite. Le Docteur avait jugé préférable de remplacer les cartes magnétiques par un système de reconnaissance d'iris. Et comme elle faisait partie du programme d'éducation de Seth, la sienne y était enregistrée. Elle plaqua son œil droit contre le panneau, et aperçu une lumière bleu se promener sur son œil de haut en bas. L'appareil émit un petit bruit strident, avant que les portes ne s'ouvrent dans un fracas métallique.

« -Merci »

C'était la voix d'Intelligence, enfin, un simple enregistrement. Le Docteur était exigeant sur la politesse.

Mathilda effectua quelques pas prudent dans le département. Il y faisait étonnamment sombre. Un peu comme lors de sa première visite, oui, c'était la même ambiance. Toutes les expériences bizarroïdes qui traînaient dans du formol, de faibles lumières vertes pour seul éclairage. Ses souvenirs d'enfances lui revinrent en mémoire, elle avait adorée cette endroit à l'époque. Mais il n'y avait aucun danger imminent à ce moment. Elle s'efforça de conserver son calme, celui qui avait tué les gardes n'aurait pas pu entrer ici. C'était à proprement parlé impossible, comment aurait-il passé la porte ?

Les seuls capables de faire cela étaient des scientifiques affectés au département, ce qui ne laissait que l'équipe de Tanner qui l'avait aidée à se préparer pour sa mission avec...

La jeune fille s'arrêta net, elle l'avait trouvée. Du moins, c'était ce qu'elle croyait.

Seth n'avait pas bougé, il était toujours là, flottant dans son bocal. Rien n'avait changé, excepté le mutant lui-même.

En effet, en à peine quelques jours, ses membres manquants avaient poussés. En si peu de temps, il s'était achevé de lui-même, et à présent, son corps était parfait.

Mathilda en avait le souffle coupé, Seth avait une peau d'une blancheur éclatante. Ses muscles étaient saillants, et parfaitement dessinés. Sa pilosité était inexistante (mis à part les cils et les sourcils) et son doux visage endormi était capable de faire rêver un ange tant il était beau. La jeune fille restait émerveillée devant ce spectacle, jamais elle n'aurait imaginé que l'affreuse créature virtuelle qu'il était aurait pu devenir un être d'une beauté aussi peu commune.

Elle était si époustouflée qu'elle ne remarqua pas la personne qui s'était placée dans son dos, ni même la fine lame qui s'était glissée sous sa gorge.

-En voilà une surprise, murmura Peter en faisant sursauté la fille d'Anthéa, je ne m'attendais pas à trouver aussi sympathique compagnie dans ce lieu.

L'air émerveillé de Mathilda s'écroula comme un château de cartes, laissant l'effroi s'emparer à nouveau de son visage. L'américain sembla amusé par la situation.

-Co-co-comment...

-J'ai fais pour entrer ? Rien de plus simple.

Lentement, le cannibale fit pivoter sa victime, tout en prenant soin de conserver sa lame sous sa gorge. Mathilda se sentit alors comme paralysée par les profonds yeux verts de son agresseur, il dégageait une aura mortelle. Mais son regards se posa très vite sur sa joue, où une jolie bosse trahissait la présence d'un objet rond dans sa bouche.

Le cannibale sourit, puis, il écarta ses lèvres l'une de l'autre, et vint placer l'objet sur sa langue. C'était un œil humain.

-J'en fais collection, précisa Peter après avoir remis l'organe dans sa joue gauche, celle qui me l'a remis ne s'était pas montrée très coopérative.

Seule la terreur empêchait Mathilda de se plier en deux pour vomir son dégoût. D'où sortait ce cinglé ? Le Docteur était-il devenu sénile au point de travailler avec des psychopathes ?

Peter l'ignora, son regards s'était posé sur Seth.

-Il est magnifique n'est-ce pas ? Lâcha-t-il d'un ton mélancolique. Vraiment, je regrettes de devoir supprimer une telle merveille.

Le visage de Mathilda se crispa, Peter n'y prêta pas attention.

Le cannibale rapprocha son visage de celui de sa victime. L'espace d'un instant, elle crue qu'il allait l'embrasser, mais il se contenta de lui renifler le cou.

-Pas mal.

Elle sentit alors quelque chose de gluant et humide se promener sur sa peau, il la léchait.

Il hocha la tête.

-Ça fera amplement l'affaire.

Sur ses mots, Mathilda sentit alors sa chaire se perforer. Elle voulue crier, mais aucun son ne franchit ses lèvres. Un flot de sang jaillissait de sa poitrine. Peter la lâcha.

-Tu es une fille courageuse, sourit-il comme pour prouver sa sincérité, je crois bien que je mangerais ton foie pour demain.

Mathilda tenta de limiter la perte de son hémoglobine en pressant sa main contre sa blessure. Mais c'était peine perdu.

-Je n'ai pas touché ton cœur, mais tu as quand même une artère sectionnée. Tu vas lentement te vider de ton sang.

Il se tourna vers Seth.

-A lui maintenant.

-Non...

Mathilda tenta de le retenir en attrapant sa cheville, mais il se dégagea sans aucune difficulté.

Le cannibale s'approcha du panneau de contrôle qui était situé à la base du bocal, et déconnecta l'arrivée d'air.

« -Pas ça ! »

Le jeune homme recula de quelques pas, et admira une dernière fois le corps de Seth. Puis, il lâcha un profond soupir. Il regrettait déjà.

Mathilda tenta de se relever, sa blessure irradiait l'intégralité de son corps, jamais elle n'avait autant souffert.

-Seth..., murmura-t-elle dans un souffle. SETH !

Exaspéré par tout ce boucan, Peter flanqua un violent coup de talon dans le nez de la jeune fille. Elle poussa un cri.

-Cesse de te débattre, grinça le cannibale, ce sera bientôt term...

Il s'arrêtât net, une désagréable sensation était venu le piquer dans le milieu du dos. Il se sentait soudain très mal à l'aise, et il comprit très vite pourquoi.

Il était observé.

L'américain fit volte-face, et eu du mal à en croire ses yeux. Seth quand à lui, venait d'ouvrir les siens.

Le mutant examinait attentivement l'endroit dans lequel il se trouvait, avant de laisser courir son regard sur son corps. Il promena ses mains un peu partout sur son torse et ses bras, les sensations que lui offrait son sens du touché semblait le rendre aussi heureux qu'un enfant. Il ne prêtait aucune attention à la personne qui se tenait face à lui.

Peter ne pouvait s'empêcher de regarder avec un émerveillement non-dissimulé ce nouvel être vivant découvrir la vie. Il en était si émerveillé qu'il avait complètement oubliée Mathilda.

La jeune fille souffrait atrocement, mais elle était parvenue à rouvrir les yeux. Et bien que le fait de voir son frère en vie l'emplit d'un soulagement profond, sa propre situation était toujours critique.

-Seth... Murmura-t-elle encore une fois dans l'espoir de se faire entendre.

Mais Peter ne l'entendait pas de cette oreille, il renvoya la jeune fille au sol d'un autre coup de pied, et écrasa son talon sur son épaule pour la tenir tranquille. L'américain leva sa rapière, bien décidé à lui transpercer la tête.

-Mère ?

Il se figea, non, ce n'était pas possible. Mais de violents bruits sourds vinrent lui confirmer que si.

Seth s'était débarrassé de tous ses électrodes, ainsi que de son respirateur. Ses bras semblaient s'être recouvert d'écailles étranges, ils étaient devenus noir d'ébène. Mais alors qu'il tentait de détruire sa prison de glace à coup de poings, Peter se sentit paralysé par l'effrayant regards que lui lançait la créature à travers ses beaux yeux rouges. Il resta sans bouger durant deux secondes, exactement le temps que Seth mit pour démolir son bocal. Le verre renforcé se brisa dans un grand fracas, et une vague de liquide partiellement verdâtre vint heurter le cannibale qui tint bon malgré tout. Mais il ne mit pas longtemps pour réagir.

Il attendit que Seth descende de sa prison pour lui foncer dessus avec une rapidité peu commune. Sa rapière trouva toute seul son chemin vers le cœur de la créature, et cette dernière connaissait encore trop mal son environnement pour pouvoir réagir rapidement. Mais alors que la pointe de l'arme s'apprêtait à transpercer la poitrine du cobaye, Peter sentit une force invisible le propulser à l'exact opposé avec une violence impressionnante. Le cannibale alla s'écraser contre un autre bocal, et retomba sur le sol, inconscient.

Le mutant ne lui avait accordé aucune attention, il se dirigea maladroitement vers Mathilda. Cette dernière sentait que ses yeux commençaient à se voiler, il ne lui restait plus beaucoup de temps. Seth s'accroupit près d'elle, et la fixa étrangement. La jeune fille se sentit soudain extrêmement mal à l'aise.

-Ça va ? Demanda-t-il innocemment en examinant la plaie.

Mathilda faillit s'esclaffer, c'était bien du Seth tout craché.

-Non...

-Qu'est-ce qui t'arrive ?

-Je perds... mon sang.

-Oh ? D'accord.

Brillante conversation, ça ne lui avait pas manqué bizarrement.

Seth se détourna d'elle, pendant un instant abominable, elle crut qu'il allait l'abandonner. Mais le mutant avait une tout autre idée en tête, lentement, elle vit l'énorme flaque de sang qu'elle avait laissée se rétracter peu à peu, pour retourner par où elle était sortit. Mathilda sentait le sang couler dans ses veines, c'était une sensation désagréable, voir répugnante. Cependant, la douleur s'atténuait de secondes en secondes, elle jeta à Seth un regards gratifiant, avant de s'évanouir de fatigue. Le cobaye prit un peu de temps pour examiner sa sœur, il n'avait jamais vu quelqu'un dormir. De là où il était, ça semblait bizarre, voir ridicule. Il se pencha, prit la jeune fille dans ses bras, et marcha tranquillement vers la sortie. Non sans avoir observé avec étonnement les dizaines d'expériences étranges qui reposaient dans ce niveau.

-Qu'est-ce que je fais maintenant ? Demanda-t-il sincèrement perdu.

-Commençons par sortir d'ici, nous aviserons plus tard.

29 mars 2001, 22h 18

-Vous voyez Docteur, ce n'était pas si difficile.

-Qu'allez vous faire de moi ? Bredouilla Norman Belpois, incapable de dissimuler la terreur qui le possédait.

-Cela dépends de vous, répondit son interlocuteur d'une voix maléfique, donnez-moi une seule bonne raison de ne pas vous tuer. Je vous laisse dix secondes.

29 mars 2001, 22h 23

Adam Warren commençait à s'impatienter, son fils aurait dut faire son rapport depuis déjà trois minutes. Et il avait toujours été ponctuel.

Quelque chose clochait, et il ignorait quoi. Ça ne lui plaisait pas du tout.

-On a l'air soucieux à ce que je vois, lança le Docteur de sa voix éraillée.

L'américain fit volte-face. Le sexagénaire, ainsi que tous les membres de l'organisation qui étaient de son côté avaient été traînés hors du « Musée » de Silver Wings et mit à genoux par les hommes de Warren dans l'allée qui y conduisait. Les autres scientifiques, ainsi que quelques soldats d'escortes avaient été évacués par camion depuis longtemps. Seul le Docteur avait été autorisé à conserver sa chaise roulante électrique ne se trouvait pas au sol. Warren lui jetait un regard assassin.

-Vous n'aviez tout de même pas cru que je ne vous avais pas vu venir Adam ? Continua le vieux scientifique. Vous ne pensiez tout de même pas que je n'avais pas pris mes dispositions dès que j'ai su ce que vous trafiquiez ?

L'américain s'approcha de l'homme en chaise roulante, et le secoua comme un vieux pruneau.

-Qu'est-ce que vous avez fait ? Gronda-t-il furieux.

Mais il eut beau y mettre toute sa force, le sexagénaire gardait ses lèvres closes. En rage, il dégaina un pistolet.

-Dites moi, murmura-t-il, dites moi ou je vous fais sauter la cervelle.

Le Docteur releva la tête, et afficha un sourire devenu grossier à cause de ses joues creuses.

-Si vous me tuez, vous ne serez pas en mesure de l'arrêter.

-Qui ?! Répondez !

Mais à nouveau, il se mura dans le silence. L'américain était tellement énervé qu'il failli appuyer sur la détente, mais il se ravisa. Il devait d'abord connaître la situation.

-Père ?! Vous me recevez ?

Il se figea sur place, la voix venait de sa ceinture. D'un geste, il se saisie de son talkie-walkie.

-Peter ? Qu'est-ce qui s'est passé ?

-C'est Seth, il est... vivant.

L'américain écarquilla les yeux, dans son dos, le Docteur laissa échapper un rire digne du vieux gâteux qu'il était.

-Où est-il ?

-Je l'ignore.

-Rattrape-le ! Je préviens nos hommes encore présent dans le complexe. Abattez cette chose quoi qu'il en coûte.

Il interrompit la conversation, et se retourna pour fixer le vieil homme sénile qui se tordait de rire à en faire chavirer sa chaise.

-Et maintenant dites moi Monsieur Warren, lâcha-t-il entre deux éclats de rire, quelle est la suite de votre plan génial ?

29 mars 2001, 22h 27

Seth grimpait tranquillement les escaliers sans se rendre compte du sang que perdait la jeune fille dans ses bras. Mais il était bien trop occupé à admirer la rampe ainsi que les marches pour s'en rendre compte.

-Tu ne veux pas te presser un peu ? Il y a sûrement des humains à notre recherche.

-C'est vrai ? S'exclama Seth émerveillé. J'espère qu'ils seront aussi gentil que mère.

-J'en doute, ils vont très certainement tenter de t'arrêter.

-Ah ? J'ai fais une bêtise ?

-On peut dire ça comme ça.

Le mutant entendit soudain des pas descendre les escaliers à toute allure, et trois hommes armés de fusils d'assaut se tinrent en haut des marches qu'il montait.

-Bonjour. Eut-il le temps de lâcher avant qu'une grêle de plombs ne vienne s'abattre sur lui dans un vacarme épouvantable. Mais comme pour Peter, les projectiles vinrent s'écraser contre le mystérieux champs de force qui le protégeait.

-Débarrasse-t-en.

-Pourquoi ?

-Parce que ces gens sont méchants, ils t'attaquent. Ouvre la bouche, et laisse-moi faire le reste.

Le mutant s'exécuta, et un éclair vint franchir ses lèvres pour aller frapper de plein fouet les gardes. En moins d'une seconde, il ne restait plus qu'un tas d'os fumant.

-Ils sont partis, remarqua le cobaye en atteignant la dernière marche.

-Il semblerait, tu es vraiment une belle source d'énergie.

-Merci.

Il se dirigea vers la porte à double-battant qu'il poussa, pour se retrouver dans le couloir du premier étage.

-Où allons-nous maintenant ?

Xana n'eut pas le temps de lui répondre, un objet qu'il n'avait encore jamais vu vint rouler jusqu'à ses pieds. Il se pencha pour l'examiner, et l'engin lui sauta au visage.

Une grenade paralysante.

Seth sentit alors une sensation extrêmement désagréable dans ses oreilles, et de l'eau dans ses yeux. Désorienté, il lâcha Mathilda, et franchi à nouveau la porte à double-battant en reculant, jusqu'à ce cogner contre la rampe de l'escalier.

-Reprends-toi ! Il vont venir te faire du mal.

-Ma tête, se plaignit le mutant, quelle est cette sensation ?

-De la douleur. Maintenant, debout !

Malheureusement, Seth semblait bien trop abasourdit pour pouvoir se relever. Il ne voyait plus rien, n'entendait plus rien. Mais il lui sembla quand même distinguer une ombre passer juste devant lui à très grande vitesse, cependant, il lui était impossible de deviner de quoi il s'agissait.

-Seth ?! Laisse moi t'aider. Tu n'y parviendra pas tout seul. Laisse-moi la main.

-D'accords, bredouilla-t-il encore dans les vapes, vas-y.

A peine eut-il prononcé ces mots que son corps se mit à réagir de lui-même sans qu'il en ait donné l'ordre. Il se mit debout, et retourna dans le couloir sans efforts. Cinq hommes et deux femmes lui faisaient désormais face, tous munis de mitraillettes.

-Abattez-le ! Ordonna le plus âgé en ouvrant le feu, rapidement suivit par les autres.

Mais ils eurent beau s'acharner, aucune de leurs balles ne perça le champs de force du mutant. Celui-ci leva la main, et un nouvel éclair vint s'abattre sur les soldats. Sauf que cette fois-ci, il ne laissa rien derrière lui.

-Je reprends le contrôle, prévint Seth qui sentait ses sens revenir.

-Comme tu veux, mais ne t'attardes pas ici. Il y en a probablement d'autres en chemin.

C'est alors que le mutant poussa un hurlement, l'un des pires jamais imaginé.

Mathilda avait disparue, elle n'était plus à l'endroit où il l'avait laissée tomber.

-Mère ?! Appela-t-il désespérément. Mère ?! Où es-tu ?

-Ne te fatigues pas, elle est probablement déjà entre leurs mains.

-Qu'est-ce que tu veux dire ?

-Elle est sûrement morte, tu ne peux plus la revoir.

-Morte ?...

Seth tomba à genoux, Morte ?! Qui ? Quoi ? Pourquoi ? Pourquoi était-elle morte ? Pourquoi n'est-elle pas là ? Auprès de lui ? Comment... ?

-Ils l'ont tuée.

Le mutant sentit son corps trembler, et il n'avait pas besoin de poser la question pour savoir que c'était de la colère. ILS ONT FAIT QUOI ?! ILS AVAIENT OSÉS FAIRE ÇA ! Peu à peu, ses écailles noirs recouvrir à nouveaux ses bras, sans pour autant s'arrêter à l'épaule. Lentement, elles descendirent jusqu'à ses jambes, et montèrent jusqu'à sa tête. Ses yeux rouges étaient devenus brillants de fureur, ses dents se faisaient plus pointues. Un éclair jailli soudain d'une prise électrique située à un mètre de lui, il fut rapidement suivit par de nombreux autres, qui convergèrent jusqu'à son corps.

-Calme-toi ! Tu vas tout faire sauter !

Mais il ne se calma pas, au contraire, plus les secondes passaient, et plus il était furieux. Tout d'un coup, il relâcha toute l'électricité qu'il contenait. Le courant retourna par où il était arrivé, mais son retour fut si brutal que le réseau électrique du complexe ne le supporta pas. Partout autour de lui, les ampoules explosèrent. Et une explosion encore plus énorme se fit entendre, et celle-ci était étonnamment proche. Seth n'eut pas à attendre plus de cinq secondes qu'une véritable avalanche de neige déferla dans le couloir, et le submergea.

Quelques minutes auparavant

Un vent de panique commençait à se répandre parmi les hommes de Warren. Aucune des équipes présentes dans le complexe n'avait donné signe de vie, et déjà, des rumeurs circulaient à travers les rangs. Warren fulminait de rage, son plan était aussi simple que sans risque, comment cette chose avait-elle pu se réveiller ? Il n'était même pas achevé.

L'américain se tourna à nouveau vers le Docteur, celui-ci ne semblait pas vraiment se soucier de ses tourments. Qu'à cela ne tienne, il le saisi par le col de son peignoir, et le souleva de sa chaise roulante.

-Qu'est-ce que c'est que ce merdier ? Cracha-t-il à la face du sexagénaire.

Ce dernier essuya d'un revers de main les postillons de son ancien associé, et afficha un sourire moqueur.

-Le corps de Seth aurait pu être achevé il y a des mois de cela grâce à nos nouvelles technologies, expliqua-t-il lentement malgré la position inconfortable dans laquelle on l'avait mit. Mais en attendant de pouvoir l'éduquer, j'ai préféré arrêter pour qu'il fasse rien de stupide avant d'être sous mon contrôle. Lorsque j'ai compris ce que vous complotiez, je n'ai pas eu grand chose à faire à part enclencher de ma propre main la dernière phase de création de son corps. Maintenant, plus personnes ne peut plus l'arrêter à part moi.

A ces mots, les soldats commencèrent réellement à paniquer. On entendait même certains songer à changer de camps. Warren n'aimait pas du tout cela.

-Vieil imbécile, répliqua-t-il en lâchant le scientifique, vos expériences ne seront jamais à la hauteur face à mes hommes. Nous sommes bien trop nombreux.

-Nous verrons, sourit le Docteur en se rasseyant, nous verrons.

A peine eut-il prononcé ses mots qu'une explosion retentit. Affolés, les soldats virent le sol éclater juste à côté du musée, et une colonne de neige s'éleva dans le ciel, avant de retomber assez brutalement sur presque tous les hommes présents. Heureusement, seules leurs chevilles furent ensevelies par l'avalanche soudaine.

-Il a fait sauter le réservoir de neige artificiel, s'exclama une voix.

C'était Tanner, l'écossais se trouvait à genoux dix mètres derrière son employeur.

C'est alors qu'un grand fracas de pierre, de métal et de bois se fit entendre. Une ombre surgit des ténèbres en perforant le toit du musée, et vint s'écraser sur ses deux jambes juste en face de la porte d'entrée.

Un silence de cathédrale régnait au sein des troupes de Warren, personne n'était capable de décrocher un mot face à l'abomination qui leur faisait face. Seth prit une profonde inspiration, sa première bouffée d'air frais, avant d'expirer lourdement, laissant un petit nuage de buée s'échapper de ses lèvres. Puis, il en prit une deuxième, plus profonde encore, et lâcha un rugissement semblable à celui d'une bête enragée. Son hurlement était si puissant, que les hommes durent se plaquer les mains sur leurs oreilles pour éviter de faire souffrir leur tympans. Le Docteur ouvrit des yeux exorbités, qu'elle était cette chose ? Elle ne pouvait pas être Seth. Seth était la nouvelle race humaine, il était magnifique, il était son enfant parfait tant désiré. Il n'était pas... ce monstre.

-Abattez cette créature ! Ordonna Warren en se saisissant d'une mitraillette.

Il n'eut pas à le répéter deux fois, totalement déboussolés, les soldats se saisir de leurs armes respectives, et vidèrent la totalité de leurs chargeurs sur le mutant. Malheureusement, leurs balles n'avaient pas plus d'effet que celles tirées par leurs collègues dans le complexe. En apercevant le champs de force se dresser devant les tirs de plombs, le Docteur ne mit pas longtemps à comprendre que cette créature était bien Seth. Le sexagénaire serra du plus fort qu'il put le dossier de son siège. Des années de travail acharnés et d'espoir pour voir une telle horreur à la place de son fils tant rêvé. Était-ce vraiment ce qu'il avait mérité ?

La créature ne le laissa pas penser d'avantage, et un nouvel éclair -plus énorme cette fois- surgit de sa main gauche, et s'abattit sur un bon tiers de la cohorte d'hommes armés. Les malheureux explosèrent purement et simplement, laissant leur sang s'abattre telle une macabre pluie diluvienne sur leurs camarades. Visiblement, les nouvelles attaques de Seth étaient plus impressionnantes, mais elles avaient perdues en propreté. Des hurlements de paniques s'élevèrent dans les rangs des soldats restants, et déjà un grand nombre d'entre eux se dirigeaient vers les véhicules garés plus loin dans l'espoir d'échapper à ce démon. Bien mal leur en pris, car Seth se focalisa immédiatement sur eux à cause du boucan qu'ils faisaient. Le mutant s'éleva lentement dans les airs pour se dégager la vue, et la foudre vint à nouveau surgir de son corps pour aller s'abattre sur les fuyards.

Le Docteur restait bouche bée face à une telle atrocité, et malgré le danger imminent, il était incapable d'esquisser le moindre mouvement de fuite.

-Vieux cinglé ! Rugit Warren pour couvrir les cris de ses hommes. Dites moi comment on arrête cette chose !

Mais aucune parole ne fut capable de franchir les lèvres du sexagénaire, il restait là, les yeux écarquillés, à contempler impuissant l'œuvre de sa création.

L'américain ressortit son arme, et la pointa sur la tête du vieil homme. Mais Tanner s'interposa.

-Arrêtez, il y a un moyen de couper sa protection, mais lui seul la possède.

Warren ne semblait pas d'humeur à discuter, un nouvel éclair le convainquit cependant d'écouter le rouquin.

-Vous avez dix secondes, prévint-il en abaissant son arme.

Ni une, ni deux, Tanner se précipita vers son mentor, et farfouilla dans la poche intérieure de son peignoir. Celui-ci n'émit aucune protestation, il ne semblait même pas se rendre compte qu'on lui faisait les poches. L'écossais exhiba alors une petite télécommande noire.

-Qu'est-ce que c'est ? Demanda Warren en criant toujours.

-Le champs de force de Seth n'est pas dût à ses pouvoirs, expliqua Tanner en effectuant quelques manipulations. Tous les êtres vivants possèdent une plus ou moins grande force électromagnétique. Le Docteur se sert d'un émetteur à haute fréquence pour amplifier l'énergie potentielle cellulaire de Seth, lui conférant ainsi une sorte de cuirasse électromagnétique. Mais en désactivant l'émetteur, il devrait être à nouveau sensible aux balles.

Warren n'avait pas comprit grands choses aux explications du rouquin, mais il le laissa tout de même faire, tout en conservant son canon pointé sur sa poitrine au cas où. Un détail le laissait cependant perplexe.

-Pourquoi cet émetteur fonctionne-t-il toujours ?! L'alimentation a l'air H.S..

-Il est directement alimenté par le supercalculateur, et celui-ci ne surchauffe pas aussi facilement.

L'écossais releva la tête, juste avant qu'un autre éclair ne vienne détruire de nombreux véhicules, qui explosèrent dans une immense colonne de fumée et de flammes.

-C'est fait !

L'américain se retourna, et pointa à présent son arme contre le mutant. Cependant, ce dernier dégageait une telle énergie qu'un vent violent s'était mis à souffler. Il tira, mais la balle rata la poitrine de la créature, pour finalement aller se loger dans son épaule.

Seth poussa un hurlement déchirant, et découvrit avec horreur, son propre sang couler le long de sa plaie. Il se tourna vers Warren qui tira à nouveau, mais cette fois, le mutant capta le projectile entre son pouce et son index. A nouveau, il leva son bras droit, bien décidé à carboniser son agresseur.

C'est alors qu'il sentit un bras puissant s'enrouler autour de son cou, et une douleur fulgurante vint lui perforer la poitrine.

-J'espère que tu ne m'a pas oublié, susurra la voix de Peter à son oreille.

Seth se tordait de douleur, mais il ne s'avouait toujours pas vaincu. Cependant, Warren ne l'entendait pas de cette oreille, et une nouvelle balle vint se loger dans sa cuisse.

Vaincu par la souffrance, le mutant alla s'écraser sur le sol. Le cannibale le lâcha quelques instants avant l'impact, et retomba parfaitement sur ses pieds juste derrière lui.

Ils l'avaient vaincus, Seth était vaincu.

Peter contempla sa victime au sol, et se mit à crier sa victoire. Les soldats qui avaient assistés à la scène, le rejoignit dans sa jubilation.

Warren poussa un soupir de soulagement, il savait que s'emparer de l'empire du Docteur ne serait pas une partie de plaisir, mais jamais il n'aurait pu prévoir un tel carnage. Enfin, ils avaient tout de même gagné, et c'était ce qui importait le plus.

Cependant, son soulagement fut de courte durée, car il aperçut le mutant émettre un tremblement discret. Il leva aussitôt son arme, mais son fils le devança, et planta une nouvelle fois sa rapière dans la poitrine du cobaye. Sans résultats.

-Vise la nuque, lança Tanner sans se préoccuper de son mentor.

-Non ! Cria ce dernier. Pas ça !

Peter répondit par un simple sourire de gratitude, il écrasa le visage de la créature sous sa botte, et leva sa rapière au-dessus de sa tête. Affaiblie, Seth tenta vainement de se débattre, mais ses blessures l'avait vidé de son incroyable force. Il émit un gémissement si ridicule que Peter failli en vomir.

-Je suis sincèrement désolé, souffla le cannibale d'une voix triste.

-Pas moi.

Il s'arrêta net. Mais d'où venait cette petite voix à la fois sournoise et sadique qu'il n'osait reconnaître ?

Peter se retourna, juste à temps pour voir l'immense boule de feu le frapper de plein fouet. Par chance, il avait eu le temps de se jeter sur le côté. Mais l'effet de surprise, ainsi que le mauvais appuie octroyé par le visage de Seth l'empêchèrent de bien calculer son coup. Et la totalité du côté droit de son corps fut saisie par les flammes. Le cannibale hurla à son tour sa douleur avant même d'avoir heurté la neige, il se mit à se rouler dans celle-ci pour calmer les vives brûlures qui agressaient sa peau.

Tout les regards se tournèrent vers l'entrée du musée, pour y découvrir un adolescent d'environ treize ans avec des bras en métal argenté, et une petite boule de feu dans chaque main.

Serpent.

Ils l'avaient oublié, tout le monde l'avait oublié. Mais le psychopathe, lui, n'avait certainement pas oublié le traitement que les Warrens lui avait fait subir. Un sourire maléfique s'étirait jusqu'à ses oreilles.

Adam Warren n'en croyait pas ses yeux, c'était impossible, irréel ! Et pourtant c'était bien vrai. Le monstre qui avait mutilé son fils unique était bien vivant, et en prime, il avait de nouveaux bras. L'américain remarqua alors l'espèce de sac à dos en métal que l'allemand portait. Il aperçut deux tuyaux branchés dans ses épaules directement reliés à ce caisson. Mais il n'en avait cure, il était temps d'en finir avec ce sale gamin prétentieux.

-A vos flingues, ordonna-t-il à l'adresse de ses hommes. FEU !

Une fusillade assourdissante résonna dans les environs, et une pluie de balles fendis l'air en direction de Serpent. C'est alors que la chose se produisit, et tous les hommes qui y assistèrent se demandèrent s'ils n'étaient pas en train de cauchemarder.

L'allemand se tordait dans tout les sens telle une image de télévision difforme, les projectiles eurent beau pleuvoir par centaines, rien n'y fit, il n'avait pas la moindre égratignure.

Il sourit de plus belle, et ouvrit sa main gauche, une petite boule de flamme s'était formée grâce à un trou dans sa paume de métal.

-Quelqu'un a dit... Feu ?

Là-dessus, une gigantesque vague enflammée alla s'abattre sur le peu de soldats restants. Ceux-ci hurlèrent à nouveau, et on vit des dizaines d'hommes surgir de cette marée rouge en s'embrasant comme des torches. Les survivants ne tardèrent pas à imiter Peter afin d'éteindre le brasier qu'était devenu leur corps.

Serpent éclata d'un rire abominable, le plus diabolique jamais entendu par chacun des hommes présents dans cet enfer.

-Ne partez pas tout de suite, ricana le psychopathe en formant une nouvelle boule de feu au creux de sa main. Je viens à peine de me mettre à table.

A nouveau, il leva son bras, et la cinquantaine d'homme restante se retrouva submergée par une nouvel vague de flammes. Le psychopathe prenait un plaisir immense à contempler les pauvres soldats se vautrer grossièrement dans la neige afin d'échapper à la mort qui les enveloppait. Il prenait littéralement son pied.

Adam Warren était la proie d'émotions violentes. Fureur. Désespoir. Il était incapable de croire en sa défaite, comment les choses en étaient-elles arrivées là ? Comment ce sale morveux avait-il réussi à revenir ?

La seule réponse qui lui fut donnée, fut le sourire maléfique de Serpent.

-Vous. Lança celui-ci en s'approchant de l'américain. Votre vie m'appartient, je l'ai gagné, et je réclames mon paiement.

Soudain, il sentit quelque chose lui transpercer la poitrine. Surpris, il baissa les yeux, et découvrit une fine lame en argent.

Peter se tenait debout derrière lui, la moitié de son visage avait été brûlée au troisième degré, tout comme la partie droite de son corps. Et pourtant, il était toujours là, savourant avec un plaisir non dissimulé sa vengeance. Bien qu'il était un peu déçu d'avoir fait passer la lame dans le flanc de sa cible afin d'atteindre son cœur. Le réservoir lui ayant empêché de viser le dos.

Serpent ne bougea pas d'un millimètre, il restait là, à contempler avec étonnement sa poitrine perforée. Puis, sans crier gare, sa tête tourna à 180°, si bien que le cannibale et le psychopathe était à présent face à face.

Peter ne put dissimuler la surprise et la rage de découvrir le rictus de son rival, il sentait peu à peu le goût amère de la défaite s'immiscer dans sa bouche.

-Prêt pour un tour de manège ? Ricana l'allemand en saisissant sa victime par le poignet.

Le fils d'Adam Warren sentit ses pieds décoller du sol, Serpent fit trois tours sur lui-même, et le lâcha brutalement. Le cannibale effectua un vol plané sur trente mètres, et alla s'écraser contre le toit d'un 4X4. Il ne bougeait plus.

Le psychopathe n'avait même pas prit le temps d'observer l'atterrissage du fils Warren, son attention était revenu sur le père.

Ce-dernier leva son pistolet contre sa propre tempe. Il se savait perdu, mais il ne laisserait certainement pas ce blanc-bec s'offrir le plaisir de le tuer, il pressa la détente... il y eut un déclic métallique, mais pas de coups de feu. Il observa son arme d'un air consterné.

-Toujours compter ses balles, sourit Serpent en arrivant à sa hauteur.

L'américain tenta d'administrer un coup de coude au visage de l'adolescent, mais ce dernier attrapa son bras, et brisa ses os sans le moindre effort. Il tomba à genoux.

-Maintenant, ça va devenir amusant.

L'allemand planta alors ses griffes de métal entre les muscles pectoraux de sa victime, lui arrachant au passage un petit cri pitoyable. Mais Serpent n'en avait cure, lentement il se mit à déchirer la chair de sa proie, et bientôt, le reste du corps se mit à suivre.

Le psychopathe dégusta avec un plaisir infini l'horreur dans les yeux de Warren, avant de déchirer en deux l'intégralité de son corps. Le sang gicla sur la neige et sur l'agresseur, ce dernier s'en léchait les babines, en particulier lorsqu'il vit les organes de l'américain s'éparpiller sur le sol.

Il envoya valser les deux morceaux du cadavre quelques mètres plus loin, et se retourna pour contempler son œuvre. Tout autour de lui n'était que mort et désolation, une véritable œuvre d'art, son plus beau chef-d'œuvre. Les éventuels survivants étaient soit agonisants, soit en fuite. Il aurait put rester là pendant des heures à contempler les cadavres qui gisaient inertes dans la neige. Si un bruit écœurant de vomissement ne l'avait pas ramené à la réalité.

Norman Belpois avait du mal à tenir debout sur ses pieds, ce qui s'étendait sous ses yeux était tellement horrible. L'odeur des tripes et des cadavres carbonisés avait finit par l'achever, et il avait rendu son dîner sur le sol. Il aurait même pu s'évanouir, si Serpent n'avait pas été aussi proche.

-Alors ? Lança ce dernier en s'approchant du scientifique. L'avez-vous ?

Son interlocuteur lui tendit un sac à dos beige, et le psychopathe s'empressa de vérifier son contenu. Une fois ceci fait, il releva la tête, et fixa le blondinet droit dans les yeux.

-Vous savez ce qui vous attends si vous me jouez un sale tour ?

-Ou...oui. Hoqueta Belpois en détournant ses yeux du champs de bataille.

-Bien, filez maintenant.

Le scientifique ne se fit pas prier, il traversa ce qui restait de l'allée en un temps record, et grimpa dans une Mercedez grise. Il ne s'était même pas arrêté pour regarder derrière lui, il ne voulait plus que quitter à jamais cette endroit infernal.

Serpent regarda pendant quelques instants la voiture s'éloigner. Puis, il se dirigea vers Seth. Le mutant s'était recroquevillé en position fœtale sur le sol, sa peau écailleuse était redevenue normale, et la colère avait également quitté son corps. Il était effrayé, il pleurait.

Serpent s'approcha doucement de lui, s'accroupit, passa sa main dans le peu de neige qui restait afin de la rafraîchir, et la posa sur l'épaule du cobaye. Ce dernier ne bougea pas, il était agité de tremblement.

-Seth ? Dit le psychopathe d'une voix douce. Est-ce que ça va ?

Le mutant écarquilla ses yeux, et se retourna sans pour autant se relever. Il découvrit alors un jeune garçon aux cheveux noirs, dont le visage était zébrés de petits traits étranges. Son regard se posa sur la main de métal qui le touchait. Il ne l'attaquait pas, il voulait juste savoir comment il allait.

-Bien merci, bredouilla-t-il maladroitement, et vous ?

Serpent ne put s'empêcher de sourire, aussi ignorant qu'un enfant.

-Très bien merci.

-Qui êtes-vous ?

-Ton frère.

Les yeux du mutant s'écarquillèrent encore plus, et un profond sentiment de soulagement et de joie se lisait dans son regard.

-C'est vrai ?

-Oui, assura Serpent en souriant de plus belle, regarde mes yeux.

Seth releva un peu la tête pour mieux l'observer, et découvrit deux ailes d'argent croisées dans chaque pupille. Le même emblème que sur la combinaison de Mathilda. Une larme de joie coula le long de l'œil du mutant, enfin, il avait trouvé un allié dans ce monde abominable.

Lentement, il saisit la main que lui tendait son nouveau frère, et se releva. Ses blessures avaient entièrement disparues, il n'en restait même pas des cicatrices.

-Il est temps de partir, es-tu prêt ?

-Oui.

-Seth...

Serpent se figea, et fit volte-face. Le Docteur, toujours en vie, rampait vers eux en tendant sa main vers le mutant. Il était tombé de sa chaise durant l'affrontement, et ses jambes étaient en bien trop piteux état pour supporter le poids de son corps.

-Seth... Répéta-t-il d'une voix roque, je suis ton père.

Serpent haussa un sourcil devant cette scène pitoyable, mais il jeta tout de même un regard vers le mutant. Celui-ci semblait croire les paroles de ce vieux dément, il valait mieux remettre immédiatement les pendules à l'heure.

-Il te ment, c'est lui qui a ordonné à ces hommes de te tuer.

Le cobaye laissa échapper un hoquet de surprise, et son « frère » découvrit avec fierté une lueur de haine dans ses yeux.

-Qu'est ce qu'on en fait ?

Serpent sembla réfléchir un instant, puis il se tourna vers le mutant :

-Tue-le.

-Hein ?

-Tu m'as très bien entendu, il a tenté de te tuer, tu dois le tuer.

-Mais... Mais c'est mal.

Le psychopathe se faisait très las tout à coup, du bout de son doigt, il montra au mutant le carnage auquel il avait participé.

-Tu vois tous ces gens ? Ils sont morts, oui, morts. Certains à cause de moi, d'autre à cause de toi.

Seth écarquilla à nouveau les yeux, il ne savait pas qu'il les avait tué.

-Écoute, reprit Serpent d'une voix douce, cet homme m'a fais souffrir, il t'a fait souffrir, il est responsable de la mort de ta mère. Tu as oublié ?

Le mutant baissa les yeux, son regards trahissait sa colère. Non, il n'avait pas oublié.

-Que dois-je faire ? Demanda-t-il sur un ton résolu qui plut à son frère.

-Sers tes mains autour de son cou, ça fera l'affaire.

Ni une, ni deux, Seth s'approcha de son géniteur, et s'accroupit près de lui. Ce dernier voulut parler, mais le mutant avait déjà commencé à l'étrangler. Son cou émie un bruit ignoble, et lentement, il se froissa comme du papier. Du sang coula par tous les orifices de son visages, et ses yeux se révulsèrent. Seth aurait continué à serrer longtemps si Serpent n'avait pas posé sa main sur son épaule.

-C'est fait, lui souffla-t-il, bravo, je suis fier de toi.

Là dessus, il enlaça le mutant. Ce dernier en fut si surpris qu'il ne protesta pas, il trouvait même cela étonnamment agréable. Serpent venait de lui donner son premier geste de tendresse de toute sa vie, Seth était tellement content de plaire à son aîné qu'il en lâcha une larme.

-Viens petit frère, lâcha le psychopathe en lui tendant à nouveau la main pour le relever, nous devons partir à présent.

-Où ça ?

Il esquissa un sourire.

-Tu verras.

Sur ses mots, l'allemand partit en courant à une vitesse impressionnante. Son nouveau frère mit quelques secondes à comprendre comment le suivre, mais il partit lui aussi à vive allure à travers la forêt.

Les deux frères disparurent dans les ténèbres, ne laissant derrière eux qu'un champs de ruines et de désolation, où la mort, la souffrance et le chaos régnaient en maître absolu.

Et parmi tout le sang répandu sur la neige artificiel, il y en avait un en particulier qui n'était pas comme les autres. Non, il était noir celui-ci.

Épilogue

5 avril 2001, 13h 53

La chaleur ambiante de la pièce dans laquelle il se trouvait lui était difficilement supportable, pourtant, il n'avait pas songé une seule seconde à ce que l'on demande de mettre en marche la climatisation.

Alex Tanner se trouvait dans une pièce semblable à une banale salle de réunion, quoiqu'un peu trop petite pour le coup. Il était debout devant une table rectangulaire autour de laquelle était assis les trois derniers membres du conseil de l'organisation, il les connaissait tous.

Jet Yu.

Adama Viero.

Penelope Nemia.

Il se sentait assez mal à l'aise en présence de ses plus hauts supérieurs, cependant, il ne put deviner pourquoi. Sans doute le fait de se retrouver enfermer dans un si petit espace avec trois meurtriers de classe mondiale y était pour quelque chose. Il s'écoula une minute qui lui parut interminable, minute durant laquelle il se sentit examiner au millimètre près par les membres du conseil. Comme s'ils cherchaient à savoir ce qu'il avait dans le ventre.

Penelope Nemia brisa finalement le silence en prenant la parole :

-Pouvez-vous nous expliquer encore une fois comment Adam Warren et Herman Schaeffer sont morts Professeur Tanner ?

L'écossais se retint de toutes ses forces de ne pas soupirer d'agacement, il en avait assez de tourner en rond.

-Comme je l'ai déjà dis, j'étais inconscient quand cela s'est produit et je...

-Pourquoi étiez-vous inconscient ?

Jet Yu avait la fâcheuse manie de se permettre de tout couper sans se gêner, y comprit la parole des autres.

-J'ai pris un mauvais coup, expliqua le rouquin les mains jointes derrière le dos, probablement un débris.

-Continuez votre récit Professeur.

Il marqua une pause pour faciliter sa respiration, avant de reprendre :

-Je n'ai absolument rien vu concernant la mort du Docteur et de Monsieur Warren. Apparemment, les responsables de leurs morts sont une recrue de l'unité de Dragunov, ainsi que l'une de nos expériences.

Les regards se posèrent sur le russe, celui-ci se tenait à exactement un mètre de l'écossais. Comme lui, ses mains étaient jointes dans son dos.

-Major ? Demanda Adama Viero. Vos explications ?

-Adam Warren est le seul responsable de cette catastrophe, répondit l'homme à la queue de cheval, c'est lui qui a poussé ma recrue à se retourner contre nous. Il a récolté ce qu'il avait semé.

-Devons nous comprendre qu'aucun de vous n'a quelque chose à se reprocher concernant cette histoire ?

-Non Mademoiselle Nemia, répondirent-ils en cœur.

S'en suivit alors dix secondes de silence, Tanner sentait que sa chemise lui collait au torse.

-Qu'elle est la situation à Silver Wings ? Demanda Jet Yu en jouant avec un petit stylo entre les doigts.

-Nous avons évacué tout ce qui était précieux et intacte du complexe, répondit Tanner. Malheureusement, nous n'avons pas pu démonter le supercalculateur, cela aurait été bien trop dangereux. Nous l'avons donc laissé à l'intérieur, puis nous avons fais sauté les lieux. Il n'existe plus.

-Les pertes sont un peu élevées économiquement parlant, ironisa Adama Viero. N'y avait-il pas d'autre solution ?

-Croyez-moi, je suis aussi navré que vous d'avoir perdu notre supercalculateur. Mais je ne pouvais pas non plus risquer le fait qu'il soit découvert et que notre technologie nous soit volée. Une hypothèse qui s'est révélée exacte, puisque la police est venue fouiner dans les débris du musée.

Nouveau silence, Tanner détestait de plus en plus cette réunion.

-Quelles sont vos projets d'avenir Professeur ? Demanda Penelope Nemia.

-Je préconise que nous nous mettions à reconstruire un nouveau complexe dès maintenant, cela demandera du temps et de l'argent. Mais nous ne pouvons nous permettre de faire une croix sur une telle avancée technologique, ou nous perdrons de notre influence. Je demande également la possibilité de récupérer Thanos et Crystal, je suis conscient que ce qu'il s'est passé avec Seth ait pu vous refroidir concernant ces projets. Mais en lui-même, il était tout sauf un échec. Et de tels êtres ne peuvent que nous servir. Enfin, je demande à prendre la tête de tous les complexes scientifiques que le Docteur possédait. Il m'avait prit sous son aile dans le but de devenir son successeur, personne ne connaît son empire mieux que moi. Cela nous permettra de repartir d'autant plus vite sur de bonnes bases.

Les trois membres du conseil échangèrent quelques regards entre eux.

-Nous allons y réfléchir, répondit Jet Yu. Autre chose ?

Dragunov fit un pas en avant.

-Avec votre permission, je demande à pouvoir à nouveau recruter des soldats mineurs. Comme vous avez pu le constater par vous-même, ce sont de formidables combattants.

Le russe sentit le regard froid d'Adama Viero se poser sur lui, une goutte de sueur se forma sur son front.

-J'aimerais que vous fassiez une chose en plus Professeur Tanner, dit le noir en posant ses immenses mains sur la table. Si jamais nous venions à vous donner ce que vous demander -et je ne garantis pas que vous l'aurez- pourriez-vous reprendre les tests que vous faisiez sur les enfants palestiniens que je vous avais envoyé il y a quelques mois ?

L'écossais ne réfléchit même pas, Adama Viero n'avait pas apprécié que le Docteur rejette son projet de création de cyborgs. C'était une occasion en or.

-Ce sera avec plaisir, bien que j'ai déjà sous la main quelques cobayes. Je mettrais le Professeur Belpois sur le coup, après tout, c'était son idée.

-Je vous remercie de votre coopération volontaire Professeur, sourit Penelope Nemia, grâce à cela, nous pouvons envisager les années à venir sous des jours meilleurs.

-Dieu que je les déteste.

Les deux hommes étaient installés dans un petit bistro sur la place du Trocadéro, dans le seizième arrondissement de Paris. Dragunov ne s'était pas fait prier pour commander quelque chose de fort. Tanner s'était contenté d'un sirop de grenadine.

-N'exagère pas, lança l'écossais en sirotant sa boisson, tu as eu ce que tu voulais non ?

-Je sais, mais je ne supporte pas leur comportement. Ils sont tellement arrogants.

Le rouquin hocha la tête, il était assez d'accords.

-C'est dommage que le Docteur soit devenu sénile avant de récupérer un nouveau corps. Les choses seraient bien différentes aujourd'hui.

-Tu sais très bien qu'il avait fait son temps, lâcha Dragunov, on doit savoir passer le flambeau, sinon la jeune pousse nous dévorera pour l'avoir.

-Comme l'ont fait Seth et ton soldat.

Dragunov se trémoussa sur sa chaise.

-Que fait-on par rapport à eux ?

Tanner but calmement une gorgé de sa boisson avant de répondre :

-Laissons-les tranquille pour l'instant, quelque chose me dit qu'on les reverra au moment opportun. Mais si jamais on leur court après, on subira de nouvelles pertes, et on en a déjà trop.

Le russe acquiesça, mais un détail le tracassait.

-D'après toi, que vont-ils faire maintenant ?

Tanner ne répondit pas, il laissa son regards se perdre dans la foule. Il réfléchissait, il n'avait aucun doute sur le fait qu'il obtiendrait l'empire du Docteur. Cette véritable mine de possibilité qui s'offrait à lui se devait d'être exploitée avec le plus grand soin, il ne voulait pas se laisser gagner par la cupidité.

-Tu rêves encore ? Lança le major en claquant des doigts sous ses yeux. Je t'ennuies à ce point ?

Le rouquin lui lança un sourire moqueur.

-Excuse-moi, de quoi veux-tu qu'on parle ?

-D'Anthéa par exemple.

Tanner se figea, il avait oublié ce détail.

-Tu sais dans quel état elle est, surtout après ce qu'il s'est passé à Silver Wings.

-Je sais, et pour être honnête avec toi, je ne suis pas mécontent de savoir que Lloyd Tupin soit mort dans de telles circonstances. Cet homme était un parfait connard.

-Et tu crois qu'Anthéa avait besoin de voir ça ? Qu'elle avait besoin de perdre ses deux filles en si peu de temps ?

Tanner haussa les épaules.

-J'ai déjà décidé quoi faire la concernant, ce ne sera pas très agréable pour elle, mais nous avons besoin d'Anthéa Schaeffer, et pas d'un zombie.

-Pourquoi j'ai le sentiment que ça ne va pas me plaire ?

-Parce que tout ce que je fais ne te plais pas Sergueï.

Le russe se renfrogna, et se concentra sur son cocktail. Tanner sortit un billet de sa poche, et le laissa sous son verre après l'avoir fini. Il se leva.

-Mais tu finira par comprendre que le métier de scientifique peut-être bien plus répugnant que n'importe quel autre.

Là-dessus, il se leva, et se mélangea à la foule, sans que Dragunov ne lui accorde le moindre regards.

Cependant, au fur et à mesure qu'il marchait, les paroles d'Anthéa lui revinrent en mémoire. Il se rappela du moment où elle avait été retrouvée au 2ème sous-sol du complexe, juste à côté d'un cadavre à la tête écrasée. Elle répétait ces mots étranges, ces mots qui n'avaient ni queue ni tête. Tanner voulut les chasser de son esprit, mais ils se mirent à résonner dans son crâne.

Savez-vous ce qui différencie un homme d'un monstre ? Une putain de mauvaise journée.