« Jarvis, où est Tony ?
— Bonjour capitaine. Monsieur Stark se trouve actuellement dans ses appartements. Tout comme le sergent Barnes.
— Quoi ?! s'affole Steve. Est-ce que - Il n'ose pas finir sa phrase.
— Les constantes vitales de monsieur Stark sont bonnes, capitaine.
— Mais que font-ils ? Dis-moi qu'ils ne sont pas en train de se battre !
— Non, capitaine. Ils dorment. À poings fermés, pour reprendre l'expression consacrée. »
Steve ne comprend plus rien. Il ignorait jusqu'à la présence de Bucky à la Tour et Jarvis lui apprend que les deux hommes sont dans la même pièce, en train de dormir.
« Jarvis, puis-je accéder au penthouse ?
— Monsieur Stark n'a pas révoqué vos accès à l'étage, capitaine. Je ne vois donc aucune objection à ce que vous montiez. »
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En sortant de l'ascenseur, Steve se demande si son récent manque de sommeil ne lui joue pas des tours. Tony et Bucky sont en effet endormis, tous les deux, sur le canapé. Le milliardaire est affalé, presque pelotonné contre le soldat, sa tête reposant contre l'épaule de Bucky. Barnes s'est laissé allé en arrière, la tête sur le côté.
Il s'approche et les observe de plus près. Ils ont l'air si paisibles, se dit-il, presque attendri. Puis son regard sur pose sur les bouteilles vides au pied du canapé et il fronce les sourcils avec désapprobation. Ils ne sont pas paisibles, ils sont juste pleins comme des huîtres. Il n'empêche qu'il aimerait bien savoir dans quelles circonstances ces deux-là se sont retrouvés à lever le coude ensemble.
Le bruit qu'a fait l'ascenseur en s'ouvrant a, semble-t-il, dérangé Bucky qui commence à remuer légèrement avant d'ouvrir les yeux.
« Salut Steve, fait-il avec décontraction.
— Tu peux m'expliquer ce que tu fais là ? Je croyais que tu te rendais chez le médecin pour un début de grippe ? Je t'ai déposé devant le bâtiment, fait-il, soupçonneux.
— Il y a une sortie de l'autre côté, répond Bucky, nullement impressionné. Et Stark, pardon, Tony, m'a administré un traitement radical contre la grippe. Tu en veux ? Ah, non, il n'y en a plus, fait-il en regardant la bouteille d'un air désolé.
— Tu es venu ici pour t'alcooliser avec Tony ? Putain, c'est quoi ce bordel ?!
— Et toi, Steve, pourquoi es-tu là ? demande Barnes, l'air de ne pas y toucher.
— Je... Je suis venu pour parler à Tony, répond le capitaine, légèrement décontenancé.
— Ah. De quoi voulais-tu lui parler, exactement ? Steve commence à trouver agaçant le petit sourire en coin de Bucky.
— Je voulais tirer certaines choses au clair avec lui », fait-il diplomatiquement. Le capitaine pense qu'annoncer à Bucky qu'il est là pour avoir enfin des réponses à ses questions et parce qu'il ne supporte plus d'imaginer toutes ces filles dans le lit de Tony, n'est pas franchement la meilleure des idées qui soit.
« Bon, et si tu me disais enfin pourquoi je te retrouve ici, avec Tony, tous les deux fins saouls ? Qu'est-ce que tu me caches, bordel ?! », s'écrie-t-il, plus fort qu'il ne l'aurait voulu.
Tony gémit et se blottit davantage contre Bucky, sous le regard effaré de Steve et sous celui, clairement amusé, de Bucky.
« Il me prend pour son doudou ou il est toujours comme ça quand il a bu ? rigole-t-il.
— Je ne sais pas, cela faisait longtemps qu'il n'avait rien bu, répond Steve, les yeux lançant des éclairs.
— Ah ? Ceci doit expliquer cela, alors. Tu devrais lui lâcher un peu la bride, quand même, ce n'est plus un-
— Putain, Bucky ! Tu vas me dire ce qui se passe ici, oui ou merde ?! »
Barnes semble subitement dégrisé et son regard se fait froid.
« Pas la peine de crier. Tout ce merdier, c'est aussi en partie ta faute.
— De quoi tu parles ? Qu'est-ce qui est de ma faute ? »
Bucky hausse les épaules comme si la question de Steve révélait un esprit particulièrement lent.
« À ton avis ? Déjà, si tu nous avais dit la vérité, à tous les deux, l'ambiance aurait pu être sensiblement moins tendue. »
Steve baisse la tête, l'air gêné.
« Et si tu fermais correctement les portes, on en serait sûrement pas là », lâche Bucky, glacial.
Steve le regarde, l'air complètement perdu. Il s'apprête à poser une question quand la lumière se fait enfin. Il rougit violemment et soupire.
« Tu veux dire qu'il...
— Oui.
— Merde.
— Oui.
— Alors... tout ce qu'il m'a dit... que je l'étouffais, qu'il n'était pas fait pour la vie de couple... Et cette fille... tout ça, c'était des mensonges », dit-il en secouant la tête. « Je me doutais bien qu'il me cachait quelque chose mais il avait l'air tellement sûr de lui... J'ai cru qu'il s'agissait d'une crise passagère mais qu'il avait vraiment besoin que je m'éloigne, même provisoirement. Je me suis dit que s'il se sentait, comme il me le disait, terrifié à l'idée de s'engager, alors ma présence lui ferait plus de mal que de bien. Alors, j'ai préféré ne pas insister et partir, pour lui donner le temps de... reprendre ses esprits. Cela ne m'a pas empêché de garder un œil sur lui, je craignais par-dessus tout de le retrouver comme après l'épisode du portail, qu'il se remette à boire plus que de raison, ou qu'il ne mette bêtement sa vie en danger. Alors, le voir avec ces filles, même si cela me faisait mal, je pouvais l'encaisser, tant que Nat et Rhodey m'assuraient qu'il n'était pas en train de se détruire. Qu'est-ce que je peux être con ! Je sais qu'il est doué pour monter des mensonges gros comme lui mais je me suis quand même laissé avoir. J'aurais dû le savoir, j'aurais dû rester et l'obliger à me dire ce que je sentais qu'il me cachait, mais je me sentais blessé dans mon amour-propre. Il soupire. Mon amour-propre... Quelle ironie ! Alors que lui avait vu... Il ne peut pas finir, trop honteux. Mais pourquoi ? Pourquoi me faire croire... tout ça ? Pourquoi ne m'a-t-il pas carrément dit ce qu'il avait vu ? » Steve s'est laissé tomber sur le canapé, à côté de Bucky.
« Parce que ce connard à sa fierté », soupire Bucky.
Steve regarde Tony qui dort désormais comme un bienheureux.
« Comment as-tu deviné ? »
Bucky a un petit rire sans joie.
« Il a beau être un crétin, son comportement n'avait rien de logique. Je vous ai bien observés et si je suis sûr d'une chose, c'est qu'il t'aime. Alors, j'ai essayé de comprendre ce qu'il pouvait y avoir derrière tout ça. Je trouvais qu'il jouait les playboys médiatiques avec un peu trop d'application, comme s'il voulait convaincre quelqu'un. Et Mademoiselle Harewell est charmante mais mauvaise comédienne. Elle a fini par m'avouer que Tony Stark l'avait payée pour jouer un rôle, avant de me faire jurer de ne rien répéter, termine-t-il en souriant. Dès que j'ai eu cette confirmation, je suis venu voir ton petit copain.
— Pourquoi ?
— Parce que c'était intenable, Steve ! explose Bucky. Tu n'es pas heureux avec moi, la ferme, Steve, laisse-moi parler, dit-il quand Steve s'apprête à répliquer. Ces derniers jours, j'avais l'impression de tenir un fantôme dans mes bras. Tu l'aimes, tu as besoin de lui. Je t'ai dit de la fermer, répète-t-il. Tu l'aimes et il t'aime, ça fait un. Je t'aime et tu m'aimes, ça fait deux. Maintenant, il faudrait que tout ça fasse trois.
— Je ne comprends pas, souffle Steve en secouant la tête.
— Ce n'est pourtant pas compliqué, nous allons revenir nous installer à la Tour et reprendre une vie commune. »
Steve le regarde comme s'il était frappé de démence.
« Qu'est-ce que tu proposes ? Un ménage à trois ?
— Décidément... rigole Bucky. A priori, il n'est pas mon genre, mais qui sait ? À force de le voir baver sur mon épaule, je vais peut-être finir par le trouver sexy ? Il braque le regard sur le blond et reprend, d'une voix plus basse. Ça te plairait, Steve ? Lui et moi dans ton lit ? »
Steve ne répond pas. Tony et Bucky ? La bouche de Tony sur la sienne pendant que les mains de Bucky... L'image lui procure une étonnante mais agréable chaleur. Non. Cela ne marchera jamais.
« Cela ne marchera jamais, dit-il à haute voix. Vous ne vous entendrez jamais, il y a trop de-
— On s'entend déjà assez pour se cuiter ensemble. Et pour que je lui serve de polochon, l'interrompt-il, narquois. Je dirais que c'est déjà un bon début. »
Le capitaine se relève et s'accroupit devant Tony. Il lui caresse doucement la joue. Sourit quand Tony soupire avant d'entrouvrir les yeux.
« Steve. Tu as vu Pep ? Non ? Tant pis. Ou tant mieux... fait-il d'une voix pâteuse. On a discuté et on a bu quelques verres avec Bucky. Il a une sacrée descente, tu sais ?
— Hélas, oui, répond le capitaine en lançant un regard noir à l'intéressé qui brandit le majeur en réponse. Comment te sens-tu, Tony ?
— Bien. Non. Fatigué. Ma tête... gémit-il.
— Ça va aller, je vais t'emmener dans ta chambre, Tony.
— Dans notre chambre.
— Oui, dans notre chambre, confirme doucement Steve.
— Je dois... j'ai quelque chose à... te dire. C'est... important, bredouille Tony.
— Je sais. Moi aussi, je dois te parler. Mais ça peut peut-être attendre demain ? Quand tu te seras reposé ? dit gentiment le capitaine.
— Oui, je vais... aller me coucher », acquiesce Tony en tentant de se mettre debout. Il titube avant d'être rattrapé par un Bucky hilare et un Steve inquiet.
« Steve, tout ce que je t'ai dit... c'était des conneries... Je n'ai pas envie... Je veux que tu... bredouille-t-il. Je ne veux pas que tu me laisses, articule-t-il péniblement. Je suis prêt à faire... n'importe quoi. À peu près n'importe quoi. Même à supporter l'autre cinglé, finit-il en désignant Barnes de la tête.
— Dit le mec qui monte des plans invraisemblables pour éviter d'affronter la réalité », rétorque Bucky en levant les yeux ciel, mais son ton est plus amusé que froissé. Il descend même une main contre la hanche de Tony et l'amène contre lui pour lui offrir un meilleur soutien.
Le geste n'échappe pas à Steve. Tony a beau être bourré comme un coing, il a l'air sincère. In vino veritas. Et Bucky... Comme si le soldat avait suivi le fil de ses pensées, il saisit délicatement le menton du brun, tourne sa tête vers lui et dépose un chaste baiser sur les lèvres du milliardaire, sans quitter Steve du regard. Tony écarquille les yeux mais ne proteste pas.
Cela pourrait peut-être marcher, finalement.
OoO
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Point final, cette fois. J'ai hésité à terminer cette histoire au chapitre précédent mais j'ai eu peur de me faire lyncher. ;)
Maintenant, libre à vous d'imaginer leur vie commune, peut-être finiront-ils « en trouple », peut-être Steve sera-t-il heureux avec Tony et Bucky si ces deux-là réussissent à mettre leur jalousie de côté... ou peut-être se sépareront-ils et Tony tombera-t-il dans les bras de Loki. Sérieusement, je voulais les laisser sur une fin la plus ouverte possible et que chacune s'imagine ce qui lui convient le mieux. Ce qui ne veut pas dire que je n'écrirais pas une suite...
J'ai voulu écrire cette histoire pour plusieurs raisons. D'abord, le personnage de Bucky m'intrigue. Avant le Winter Soldier, c'est un garçon charmant et charmeur, un ami fidèle et un équipier sur lequel on pouvait compter. Le Winter Soldier est un soldat sans émotions. Quand on a subi un tel traitement, peut-on redevenir soi-même ? Dans les comics, c'est à Bucky que Tony demande de reprendre le flambeau de Captain America, après la mort de Steve. Pour moi, cela signifie que personne n'est irrécupérable.
Ensuite, je relisais les mémoires de Cavanna et un passage m'a interpellée. François Cavanna, lorsqu'il partit accomplir son STO en Allemagne, tomba amoureux d'une jeune Ukrainienne, Maria, dont il fut séparé à la fin de la guerre. Il la chercha longtemps, mais en vain. De retour à Paris, quelques années plus tard, il rencontra une jeune rescapée du camp de Ravensbrück et l'aima assez pour vivre avec elle et lui parler de Maria. Quand Liliane lui demanda ce qu'ils feraient s'il retrouvait Maria, Cavanna ne sut quoi lui répondre mais la jeune femme déclara simplement : « C'est très simple, si tu la retrouves, on vivra tous les trois ensemble. » La situation ne s'est pas présentée mais, à partir de là, je me suis demandé ce qui se passerait si Steve retrouvait l'ancien amour qu'il croyait mort, alors qu'il était en couple avec Tony. Pour moi, la situation de Steve était intenable, il ne pouvait pas choisir entre les deux et j'ai eu envie d'écrire sur cette situation hors norme. Et selon moi, la seule solution envisageable était celle proposée par Liliane.
Merci beaucoup à toutes celles qui m'ont lue, merci pour vos remarques et vos encouragements, merci de m'avoir fait part de vos réactions, à chaud ou à froid, ce fut une expérience intéressante et enrichissante. Un énorme merci à vous toutes !