Mes pas résonnent sur le sol en pierre du château. Je tiens mes livres serrés contre moi, et mes yeux sont vissés sur mes chaussures. Alice marche silencieusement à côté de moi. Elle ne sait plus comment se comporter avec moi depuis que mes parents sont morts. Ça fait pourtant plusieurs mois. Je ne m'en suis pas remise, mais j'ai accepté je crois. Enfin, autant qu'on le peut, j'imagine. Disons que le travail m'empêche d'y penser. Je me plonge dedans jusqu'à m'y noyer. Mon statut de préfète en chef m'aide bien. C'est d'ailleurs la seule raison pour laquelle les gens connaissent mon nom je crois. En dehors de ce rôle que l'on m'a donné, je suis plutôt du genre invisible. Je suis la fille ni belle, ni moche. Celle qui se fond parfaitement dans le décor. Tout va bien, ça ne me dérange pas. C'est parfait à vrai dire. Je n'aime pas attirer les regards. Ça me met mal à l'aise.

« Le nouveau prof est Ca-non ! Me dit Alice sur le chemin.
_ Non mais franchement Alice, t'as pas honte ? Je lui demande avec un petit sourire.
_ Attends de le voir et tu vas comprendre. Si tu n'avais pas été en pleine séance de pelotage avec Severus à ce moment là, tu n'aurais pas loupé cette bombe ! »

Je rougis violemment. Bon. Ok. C'est vrai. Dès que nous sommes arrivés au château, Severus et moi nous sommes isolés dans un coin. Nous ne nous étions que très peu vu pendant les vacances et je n'ai pas pu rester insensible aux lettres qu'il m'a envoyées. Nous ne sommes pas ensemble, mais disons que nous n'en sommes pas loin. Je ne sais pas trop ce qu'il voit chez moi qui lui plaît tant que ça, mais je l'apprécie beaucoup, et c'est notre dernière année à Poudlard. Je ne veux pas le laisser filer. Il m'apporte un peu de bonheur, et c'est tellement rare dans ma vie que je ne peux pas me permettre de passer à côté. Alice pousse la porte de la salle de Défense contre les forces du mal, et je m'assois à côté d'elle. Cinq minutes passent. Dix. Je m'impatiente. Je n'aime pas que mon emploi du temps soit perturbé. S'il y a bien un truc que je déteste par dessus tout, ce sont les gens en retard. C'est vrai quoi, je ne comprends pas le principe ! C'est vraiment un manque de respect total.

« Il est peut-être canon, mais il est en ret...
_ Bonjour ! James Potter, spécialiste des Défenses contre les Forces du mal à la renommée internationale et plus encore ! »

Je me retourne brusquement. Oh la vache ! Alice ne racontait pas de connerie. Sa beauté me frappe en même temps que son arrogance. Il écrit son nom au tableau, et je le détaille. Il semble à peine plus âgé que nous. Ça m'étonne.

« C'est quoi tous ces bouquins ? Demande t-il en se plantant devant Alice et moi. »

On se regarde, et on rougit comme deux greluches. Alice bafouille deux ou trois mots incompréhensibles. Moi, j'en suis incapable. En plus, le ton dédaigneux de sa voix m'a complètement déstabilisé.

« Ici, on fait de la pratique. Rangez-moi ça, nous ordonne t-il sans même poser les yeux sur nous. »

Je sais d'avance que je ne vais pas l'aimer. Je ne l'aime pas. Mes livres, c'est ma vie. Pourtant j'obéis. Je suis loin d'être docile et je ne me laisse pas souvent marcher dessus, mais là, le ton qu'il a employé a suffit à me dissuader de tout coup d'état. Alors je range les « bouquins », comme il dit, dans mon sac. J'ai un peu honte de m'être faite reprendre comme ça devant tout le monde. Ça ne m'arrive pas souvent en classe. Je suis contrariée. Je suis énervée. Je suis captivée. Sa façon de bouger, de parler. Ouah. Il est si sûr de lui. Je n'ai jamais vu quelqu'un d'aussi à l'aise dans son corps.

« Quel connard celui là, me glisse Alice à l'oreille.
_ Tu as vu comment il nous a parlé ? Putain il va m'entendre à la réunion de rentrée préfet-prof. Il ne s'est même pas excusé pour son retard.
_ Silence les commères du premier rang ! »

Les commères ? Les commères ?! Bon dieu j'ai envie de me cacher sous la table. Hé ? Où est passé le courage qui m'a envoyé à Gryffondor ? Où sont la bravoure, l'audace, la hardiesse et tout le tralala ?

« Les commères, elles t'emmerdent, je dis à Alice en rigolant.
_ Pardon ? »

Putain mais il a une ouïe supersonique ou quoi ? Il s'est arrêté d'écrire au tableau et son regard s'est posé sur moi pour la première fois. Il me considère. Il a l'air tout aussi choqué que moi, à vrai dire.

« Rien. Je... Je disais, cette matière, c'est super ! Je bafouille, confuse.
_ C'est quoi votre nom ? »

Son ton est autoritaire. Il me fait froid dans le dos.

« Evans. Lily.
_ 5 points de plus pour Gryffondor pour votre aplomb et 20 de moins parce que vous ne vous êtes pas assumé. Vous viendrez me voir à la fin du cours. »

Il a un petit sourire satisfait mais je me retiens de dire ce que j'en pense à Alice, cette fois. Je crois que je vais passer une sale année. Cependant, je dois admettre au fur et à mesure que l'heure passe que son cours est divertissant. C'est le seul dans lequel on peut utiliser notre baguette à tort et à travers, laisser parler notre créativité. Il nous explique qu'à la fin de chaque cours, il y aura une personne qui devra essayer de le désarmer. Cette fois, c'est Fitzgerald qui s'y colle. Il se prend la raclé de sa vie en deux temps, trois mouvements. On a mal pour lui, et quelques personnes le pointent du doigt en rigolant.

« Le prochain que je vois rire s'y colle demain, dit Potter. »

Ça suffit pour plonger la classe dans un silence complet. Il remonte sur l'estrade où se trouve son bureau avec une grâce incroyable pour écrire sur le tableau. Tout le monde recopie sans se poser de question. Je crois qu'on a tous compris qu'il ne fallait pas trop faire le malin avec lui. Ce n'est pas Slughorn. Fitzgerald et moi avons servi d'exemple. Je termine à peine d'écrire lorsque la cloche retentit. Je range ma plume dans mon sac que je jette par dessus mon épaule, et je m'avance vers l'estrade le plus lentement possible. Alice me jette un regard. Le genre de regard que l'on jette à ses amis quand ils sont en phase terminale. Du style « adieu, je t'aimais bien. ». Je lui fais signe de filer. Il est hors de question que qui que ce soit m'entende me faire engueuler une nouvelle fois. De toutes façons, je crois que Potter a oublié que j'étais censé venir le voir, parce qu'il efface le tableau en silence. Je tousse un coup pour signaler ma présence. Il se retourne.

« Ah oui, la commère. »

J'inspire profondément pour garder mon calme. Je crois que je vais en toucher un mot à McGonagall. Ce type n'a aucun respect pour ses élèves.

« Alors comme ça, vous m'emmerdez ? »

Bon d'accord, niveau respect, je n'ai aucune leçon à lui donner visiblement. Je déglutis. Il s'assoit sur sa chaise, bien au fond, et pose ses pieds sur son bureau. Il fait tourner sa baguette sur ses doigts pendant quelques minutes, et j'ai la sale impression qu'il est en train de réfléchir à quelle sauce il va me manger.

« Vous avez visiblement un sacré problème avec la discipline, me fait-il remarquer. »

Alors celle là on me l'avait jamais sortie ! Je suis sur le cul. Je ne dis rien mais je bouillonne à l'intérieur. Putain quand je vais raconter ça à Alice, elle va halluciner ! Moi j'ai un problème avec la discipline ? Moi ? Lily Evans ? La préfète en chef ? La fille avec les meilleures notes du château ? La petite chouchoute des trois quarts des professeurs ?

« Vous savez, si vous m'aviez juste répété « je vous emmerde », j'aurais été plus indulgent. Il faut s'assumer un peu dans la vie, Mademoiselle Evans. »

Je hoche la tête, mais j'ai envie de lui montrer mon majeur. Mon doigt me démange derrière mon dos. McGonagall ne serait sûrement pas très fière de moi si je le dégainais maintenant et je n'ai pas envie de perdre mon statut de préfète, alors il reste bien caché.

« Retenue demain après-midi, 13h. Ne soyez pas en retard, conclut-il en me faisant signe de partir. »

Ne soyez pas en retard ? Je retiens un rire. De qui se fout-il ? Sa beauté est visiblement proportionnelle à sa connerie. Je me dépêche de sortir de cette salle de classe qui est à mes yeux ni plus ni moins que la version 2.0 du camp de Guantánamo, puis je rejoins Severus entre deux cours. J'ai un quart d'heure devant moi avant d'aller en potion, et le seul truc que j'ai à la bouche, c'est le nom de ce nouveau prof.

« Quand est-ce que tu l'as ?
_ Dans deux heures. Je verrais bien ce qu'il vaut !
_ Il ne vaut rien ! Tu aurais vu la manière qu'il avait de s'adresser à nous comme si nous étions des moins que rien !
_ Tu devrais en parler au professeur Dumbledore Lily.
_ Tu parles ! Je ne peux rien dire ! Je lui ai manqué de respect et j'ai une heure de retenue, le professeur Dumbledore ne pourra pas faire grand chose pour moi.
_ Alors je sais pas... Dans ce cas tu devrais peut-être lui laisser une chance.
_ Hors de question. Assez parlé de lui, on se voit ce soir ? Je lui demande en le regardant avec insistance. »

Il vérifie qu'il n'y a personne aux alentours. Ma main trouve la sienne et il m'embrasse sans me donner sa réponse. Ce qui me permet de deviner ce qu'il en est. Quand il agit de cette manière, c'est qu'il a quelque chose à se faire pardonner. Alors je le repousse gentiment. Je ne veux pas le vexer, mais il me prend un peu trop pour acquise parfois.

« Je ne peux pas ce soir.
_ Pourquoi ?
_ Parce que. On en a déjà parlé Lily.
_ Non justement ! On en parle pas ! Il y a une autre fille c'est ça ?
_ Mais non ! Je te jure que non.
_ Severus tu ne peux pas attendre de moi que je te fasse confiance si toi même tu n'as pas confiance en moi, je conclus en le laissant planté là. »

Je rejoins Alice en cours de potion. C'est celui que je préfère. C'est sûrement parce que le professeur Slughorn m'adore et me félicite constamment. J'aime bien qu'on salue mon intelligence. Ça peut paraître un peu prétentieux, et ça l'est, mais qui n'aime pas que l'on flatte son ego ? Il m'a d'ailleurs convié à ses petites réunions, « Le club de Slug » comme on l'appelle. Je n'étais pourtant pas prédestinée à en faire partie. Je ne suis pas de sang noble et je viens d'une modeste famille moldue. Cependant, j'ai vite compris que bien qu'étant professeur référent des Serpentards, il n'accordait aucune importance à ce genre de détails. Enfin bref, moi, c'est Lily Evans, élève de 7ème année à Poudlard n'ayant absolument aucune idée de ce qui l'attend.