Screw you !

Petite-Vigne - Correction

Chapitre 1 :

Castiel discutait avec enthousiasme avec l'un de ses nombreux frères, Gabriel, dans un bar. Ils se retrouvaient de temps en temps ici pour discuter et prendre du bon temps, ou pour se rejoindre avant de rentrer chez eux. De temps en temps, Balthazar était aussi de la partie, même si lui préférait de loin les boîtes de nuit. Castiel était moins boîtes, trop bruyant pour lui. Il voyait ses autres frères et sœurs plus rarement, ayant presque chacun leur vie bien instaurée. Michael, lui, était très sérieux, peut-être un peu trop, alors il ne le voyait pratiquement que lors des repas de famille. Lucifer, ou Luc, était le plus imprévisible, pouvant se ramener dans un restaurant très chic comme dans un boîte de nuit gay très débridée, ou encore au commissariat de police... Lorsqu'ils vivaient encore tous ensemble, suivant son humeur le matin, Castiel arrivait plus ou moins à deviner où il allait finir la journée. Anna, elle, était très scolaire, comme sa sœur aînée, Naomi, qui touchait la fin de sa scolarité et s'apprêtait à devenir médecin. Des bosseuses, comme ses parents les appelaient. Et enfin, le petit dernier après Castiel, Samandriel, qui se cherchait encore.

Gabriel riait d'une de ses blagues vaseuses lorsqu'il s'arrêta d'un coup, inquiétant Castiel, qui lui posa la question muette. Son frère lui fit un signe de menton pour lui montrer quelque chose derrière lui. Castiel suivit son indication et pivota sur son tabouret pour voir un homme appuyé sur le bar, tenant un verre à moitié vide et chancelant de plus en plus.

- Tu paries quoi, toi ? Entendit-il son frère dire. Qu'il va s'écrouler raide mort ou se réveiller juste à temps pour faire un scandale ?

- Pourquoi est-ce qu'il ferait un scandale ? Demanda Castiel en jetant un coup d'œil à l'homme par-dessus l'épaule de son frère.

- Cassie, Cassie, Cassie... se lamenta de façon dramatique Gabriel. Je viens ici assez souvent pour te dire que c'est un habitué des scandales.

- C'est un habitué ? Pourquoi la gérante le laisse entrer, alors ?

- Je ne sais pas, Ellen doit certainement bien le connaître... Enfin, s'il y a encore quelqu'un dans cette chair imbibée d'alcool à connaître, évidemment.

Castiel ne dit rien et se contenta de regarder l'homme qui empoigna avec plus de force que nécessaire son verre pour parvenir à l'amener à sa bouche. Il finit malgré tout son whisky et en commanda un autre à la petite blonde du bar. Cependant, cette dernière ne voulut pas agréer à sa demande et lui signifia clairement de stopper les frais. C'est sans réelle surprise que Castiel regarda l'homme commencer à s'agiter et à hurler des choses incompréhensibles, vu son taux d'alcool dans le sang.

- Tu vois ! Je te l'avais dit !

Castiel ne prêtait plus attention à son frère et observait, sans pouvoir s'en empêcher, cet homme ivre qui était maintenant levé et agitait furieusement son verre vide devant lui. Il n'avait jamais vu ce type auparavant, il se souvenait des belles gueules comme ça ! ... Bon, là, le type en question avait des cernes profondes sous les yeux, les joues émaciées et le teint terreux, mais il pouvait dire avec certitude que cet homme avait une beauté naturelle incontestable qui se percevait même à travers son état négligé, voire malade. Il continuait de contempler l'homme saoul, perdu dans ses pensées, lorsque deux gros bras passèrent derrière lui et fusèrent vers la belle gueule qui venait de fracasser violemment son verre contre le mur derrière la barmaid, qui regardait la scène avec désolation et crainte.

Sans qu'il ne sache réellement pourquoi, Castiel suivit la progression forcée de l'homme vers l'extérieur et fut surpris de la douceur avec laquelle les videurs le traitaient. L'un deux resta même avec lui dans la rue, tandis que son collègue retournait en salle.

- Et bah alors ? Tu t'es pris d'affection pour l'ivrogne ? Demanda Gabriel avec un grand sourire moqueur.

- Peut-être... souffla Castiel, ce qui fit perdre à Gabriel son sourire illico.

- Houlà ! Je te vois venir, Castiel ! Et j'aimerais que tu fasses demi-tour maintenant ! Tu sais, ce type n'est pas comme l'un des nombreux animaux que tu as recueilli à la maison.

- Qu'est-ce que tu veux dire ? Demanda Castiel, qui avisait la barmaid.

- Je veux dire que ce qu'il lui faut, ce ne sont pas des bandages. Ce type est brisé, en mille morceaux. Ça se voit dans ses yeux qu'il n'attend plus rien de la vie ! Tu ne peux pas...

Mais les paroles de Gabriel eurent le même impact que s'il les avait dites à un sourd. Son frère était déjà accoudé au bar, en train de héler la barmaid. Castiel avait toujours eu cette sale manie de vouloir s'occuper des personnes mal en point. Pas étonnant qu'il ait fini éducateur spécialisé ! Ouais, spécialisé, certes, mais dans les adolescents mal dans leur peau, principalement. Pas les types adultes, alcooliques, violents et furieux contre la terre entière ! Il voyait déjà cette histoire se terminer dans le sang.

- Non, bien sûr que non, il était quelqu'un de très agréable, drôle, et il était même très convoité...

La barmaid souffla de désespoir en baissant tristement les yeux sur le verre qu'elle nettoyait.

- J'ai l'impression de parler de quelqu'un qui est mort... confessa-t-elle dans un souffle.

- Que lui est-il arrivé ? Demanda Castiel sans tenir compte du commentaire de la jeune femme blonde.

- La mort. Beaucoup de personnes de sa famille sont mortes, pour ne pas dire toutes. Il y avait même une légende dans le quartier, « La malédiction des Winchester », qu'on l'appelait, expliqua-t-elle amèrement. Elle changea de nom pour « Les frères maudits » lorsqu'il ne resta plus que lui et son frère.

- Et maintenant ?

- Maintenant ? Répéta la barmaid en regardant longuement par les fenêtres donnant sur l'extérieur. Maintenant, ils sont tous morts, termina-t-elle en pinçant les lèvres avant de se retourner pour servir quelqu'un qui voulait une autre bière sans s'excuser auprès de Castiel, voulant clairement arrêter les souvenirs douloureux ici.

Gabriel observait son frère, qui était perdu dans ses pensées. Il connaissait cet air là. Castiel l'avait à chaque fois qu'il réfléchissait à la façon de ramener un chaton ou un chiot affamé chez eux lorsqu'ils étaient plus jeunes, sans que leurs parents ne le remarquent. Mais l'ampleur de la tâche était cette fois clairement au-dessus de ses capacités ! Ce type allait le détruire ! L'écraser avec sa rage et son désespoir !

- Depuis combien de temps il traîne dans ce bar, et dans cet état ? Lui demanda subitement Castiel.

- Castiel, je ne suis pas sûr que ce soit une bonne idée. Il est...

- Combien ? Redemanda fermement son frère sans faire cas de ses inquiétudes.

Gabriel souffla. S'il y avait quelqu'un de têtu dans la famille, c'était bien Castiel.

- D'aussi loin que je me souvienne, toujours.

- Donc au moins un an, murmura Castiel pour lui en jetant un coup d'œil dehors.

Ça faisait un an que Gabriel, Balthazar et lui avaient décidé de déménager dans cette ville. Un an qu'ils partageaient un appart pour faciliter leur départ dans la vie, et un an que Gabriel venait souvent ici. Soudain, il remarqua que le gars de la sécurité était de nouveau à l'intérieur. Sans même faire attention à son frère, Castiel se dirigea vers l'extérieur.

Il le trouva là, assis sur une chaise qui sortait d'il ne savait où. Il se posta devant l'homme, qui avait le profil bas et le dos courbé, sans savoir réellement quoi faire par la suite. Ce dernier sembla remarquer ses pieds et redressa une tête visiblement lourde. Pendant plusieurs secondes, leurs yeux s'accrochèrent pour ne plus se lâcher. Ils se regardaient l'un l'autre aussi intensément que possible, avant que l'homme ne montre un sourire méprisant.

- Qu'est-ce que tu veux, connard ? Fit-il d'un seul coup en se levant brutalement. Il dépassait Castiel d'une bonne tête, qui pourtant ne cilla pas. Tu veux une photo souvenir, enculé ? Continua-t-il de rager, excédé par le stoïcisme de son vis-à-vis, allant jusqu'à empoigner le col de ce dernier pour le ramener violemment vers lui. À moins que tu ne veuilles ma bite ! C'est ça, hein ? Ça peut s'arranger !

- Alors c'est ça que tu dis aux gens que tu rencontres ? Pas étonnant que tu sois seul.

La réplique de Castiel eut pour effet de surprendre l'homme, qui resta coi quelques instants, avant de grogner tel un animal enragé. Castiel fut durement plaqué contre le mur du bar mais ne se départit pas de son impassibilité. Il détaillait sans ciller l'homme devant lui, qui avait les traits fins et séduisants comme il l'avait estimé. Toutefois, ses yeux se plissèrent lorsque le type leva son poing dans les airs.

- Et qu'est-ce que ça t'apporterais ? Fit Castiel pour tenter de raisonner son opposant.

- Rien, mais c'est fou comme ça défoule !

Castiel s'apprêtait à parer le coup, mais celui-ci ne partit jamais. Derrière l'ivrogne se trouvait son frère, qui fit une clef de bras au type et le plaqua à son tour contre le mur, juste à côté de Castiel, qui le regarda coincé contre le mur en se débattant. Malgré sa fâcheuse position, ce type restait calme et ne paniquait pas. Il rageait, c'était clair, mais restait plutôt calme... C'était... fascinant. Comme s'il était habitué aux situations fâcheuses.

- Tu comprends enfin pourquoi il ne faut pas parler aux inconnus, hein Castiel ? Par pitié, dis-moi que tu comprends ! Fit Gabriel en relâchant le type pour agripper illico son petit frère par le bras et le traîner de force derrière lui.

- Il faut que je... commença Castiel, aussitôt coupé par son frère.

- Que tu rentres sain et sauf à la maison ! Gronda Gabriel en le jetant presque contre sa voiture. Voilà ce qu'il faut que tu fasses !

Castiel regarda son frère avec surprise. Il l'avait rarement vu aussi inquiet, alors il cessa de protester et entra dans la voiture que son frère venait de déverrouiller sans rechigner. Gabriel démarra et le trajet se fit dans le silence le plus total. Gabriel était sûr que Castiel ne lâcherait pas le morceau aussi facilement... Et c'était bien ça qui l'inquiétait le plus.

À suivre ...