Bon, c'est mon dernier accès Internet pour un temps indéterminé. Voilà. C'est cadeau.

Sinon, j'ai participé au recueil d'OS proposé par Titipo, sur Halloween. Qui aime InThePanda ?

J'ai cherché une musique, pour aller avec.

EDIT : finalement, j'ai trouvé une musique collant, à mon sens, avec ce chapitre, car selon moi chargée de désespoir. Restons dans le Three Days Grace, avec Let You Down.


Je m'en veux tellement…

Le regret, le remord, me déchirent l'estomac, broient mon cœur, bloquent ma gorge. Si c'était possible, je serais déjà mort, étouffé par ma culpabilité.

Mais je suis là, devant vous.

Devant vos tombes.

Vos six tombes, alignées sur une herbe sèche, jaunâtre, rare, sur une terre aride et poussiéreuse. Le marbre gris cendre est fendillé sur celle du Panda, suite à un vandalisme. Celle du Patron est envahie d'un lierre épais et sombre. Celle du Hippie, d'une mousse à l'aspect peu engageant. Les deux autres attendant, simplement.

Je suis tellement désolé.

Est-ce seulement ma faute ? La folie coulant dans mes veines, ce n'est pas moi qui l'ai créée. C'est vous. Et pourtant, je reste tellement désolé.

Une poignée de roses blanches dans la main, debout devant vos tombes. Vêtu d'un jean bleu, d'une chemise blanche, d'une veste de costard noire et d'un bob. Le vent me jette au visage des feuilles mortes, arrachent les doux pétales de mes fleurs, fait onduler l'écharpe noire et blanche autour de mon cou.

Je renifle, seul devant vos tombes. Larmes aux yeux.

Le souvenir de vos morts flottant dans mon esprit.


J'ai longtemps regardé le Patron, mort, ensanglanté. Je voyais encore l'incompréhension dans ses yeux. Presque la peur. Peur de se voir si faible, démuni, et une arme pointée sur lui.

Ce monde est tellement triste, pour que même les plus grands se retrouvent à genoux.

Doucement, mon regard a quitté ton visage pâle, crayeux, et j'ai approché la main de ta joue, la caressant. Ta peau était froide, si froide… Elle me brûlait les doigts. Mon cœur battait douloureusement, à grand coups, dans ma poitrine trop frêle.

Ma main est retombée, ballant dans le vide.

Tes yeux vides !

Est-ce cela, tuer ? Ressentir cette jouissance malsaine ? Est-ce cela, mourir ? Un simple corps glacé au regard fixe ?


Patron.

Celui qui me tuait, celui qui me torturait, qui me faisait me sentir entouré.

Fait de ténèbres, aux yeux de glace, au sourire démoniaque, au rire infernal.

Je te hais, j'ai peur de toi. Je t'admire, tu m'écœure.

Je t'ai tué.

Pardonne-moi.


Je me suis détourné. Suis sorti de la pièce. J'ai tourné, suis entré dans une autre chambre.

Allongé sur le sol, vêtu de son tee-shirt des illuminati, yeux grands ouverts, bouche entrouverte. Le fantôme d'un air surpris, effrayé, sur le visage. Mains crispées. Un bras de travers sur sa poitrine, l'autre étendu à son côté.

Mon Créateur.

Mathieu.

Baignant dans une mare de sang d'un rouge violent.

Doucement, j'ai levé ma main devant mes yeux. Ses traits étaient imprécis, un peu flous. Un bref instant, je me suis demandé si j'allais disparaître. Puis, j'ai repris de ma netteté.

J'ai compris que rien ne pouvait me détruire. Que, création, j'avais survécu à mon créateur.


Mathieu.

Un père, un frère, un ami, ou un ennemi. Ne me voyant pas, se détournant, me méprisant.

Le responsable de tout cela, contre son gré. Rieur, sentant le tabac et le café.

Je t'aime, je t'idolâtre. Je veux que tu me protège, que tu me vois.

Je t'ai tué.

Pardonne-moi.


J'ai descendu les escaliers. J'ai poussé la porte de la cuisine. A celui du café, du thé au bambou, se mêlait l'insidieux et lourd parfum du sang et de la mort.

Il avait un air doux, dans son éternel repos. Apaisé. Heureux. Son doux pelage blanc et noir étincelant de vermeille, gorge béante, ayant fini depuis longtemps de déverser ses flots rouges, qui maintenant séchaient sur le tissu de son habit.

Je me suis agenouillé, ai passé la main sur son kigurumi. Si doux, puis rendu rêche par l'hémoglobine. Une odeur putride me prit à la gorge. Un fragment de bol en porcelaine dépassait de sous son crâne.

Plus jamais il ne chanterait. La vie humaine est fragile, aussi fragile qu'un chant inachevé résonnant dans un temple désert.


Panda.

Un presque inconnu, distant, peu intéressé. Plongé dans son obsession du chant et de la musique.

A la voix magnifique. A la moue toute mignonne. Rêvant de sauver son espèce.

J'aimais t'écouter, j'aimais te toucher. Je voulais que tu me souris, que tu me rassure.

Je t'ai tué.

Pardonne-moi.


Je suis ensuite passé dans le laboratoire. L'habituelle lourde odeur de produits chimiques me prit à la gorge. Elle surpassait celle de la mort, du sang, des chairs éventrées.

Il était étendu sur le sol, tombé de sa chaise sous la puissance du coup de feu. Lunettes cassées, tordues, nœud papillon défait.

Je me suis assis à ses côtés. Mains posées sur mes jambes. Sans rien faire. Me contentant de l'observer. Un tube à essai avait accompagné sa chute, et un liquide incolore irisé s'était étalé sur le sol dallé.

Que pourraient révéler tes feuilles, tes calculs, tes expériences ? A côté de quoi est passée l'Humanité, juste parce que je t'ai tué ?

Il en faut peu… Peu pour être heureux… Et peu pour briser des vies…


Prof.

Sérieux, sévère, à la voix criarde. Incroyablement intelligent. Un air un peu pincé.

Blouse blanche impeccable. Doigts joints dans sa réflexion. Mépris affecté.

J'aimais entendre ce que tu avais à me dire, même sans comprendre. J'aimais que tu résolves mes menus problèmes. Même si c'était simplement par amour de la science.

Je t'ai tué.

Pardonne-moi.


Et enfin, je l'ai regardé dormir, l'innocent au monde merveilleux, l'insouciant vivant loin des fous du monde réel. Croyant en un futur meilleur, alors que la nature même de l'être humain le lui interdit.

Etalé dans son lit, tout près de son chien bien-aimé, une ombre de son sourire enfantin sur ses lèvres. Son bob par terre, ses lunettes de travers, dévoilant un regard fixe et vide.

Finalement aussi réactif dans la vie que dans la mort. Cette dernière est-elle une délivrance pour toi, camé ? Toi qui te voilais la face avec application, es-tu maintenant plus heureux ? Ce serait une bonne chose.

Si seulement il y avait quelque chose après.


Hippie.

Shooté. Camé. Drogué. Et tous les autres adjectifs existant. Béat. Passionné, endormi.

Pacifiste, engagé, aux idées bien déterminées, et tellement gentil.

Je t'ignorais, tu m'ignorais. C'est aussi simple que cela.

Je t'ai tué.

Pardonne-moi.


Et j'ai pris la fuite, courant, courant, arme dans la main, taché de sang et de cendres, fantôme terrifiant dans les rues de Paris. Sans rien voir autour de moi, sans que nul, finalement, ne me voie. Vraiment. N'étais-je qu'une ombre, sur le chemin des passants, pour que leurs yeux glissent sur moi sans s'accrocher ?

Ta mort, Mathieu, avait-elle fait de moi un simple esprit, une simple idée, quelque chose qui n'est pas, et qui est pourtant là ?

Et je courrais, encore, comme si cela m'apportait quelque chose, comme si la course, mes poumons brûlants, mes jambes malmenées, allaient nettoyer ma tête de l'insidieux poison qui me rendait fou, comme si cela allait me faire remonter le temps, avant votre mort, avant tout cela, avant nous, en définitive.

Et je courrais, sans fin, pour oublier le sang sur mes mains.


J'ai vu s'écouler une semaine la plus longue semaine de ma vie, et à la fois la plus courte. Je suis resté blotti dans un coin. Je crois. A vrai dire, je ne me souviens pas de ce que j'ai fait, durant ces sept jours.

Je me souviens, par contre, du journal télévisé de TF1.

Je suis passé devant par hasard. Je traînais dans une grande avenue, pleine de divers magasins. L'un d'entre eux était spécialisé dans les télévisions, et en avaient en vitrine, allumés.

J'ai vu ton corps, à la télé, Mathieu. Je pense que cela t'aurais fait rire. Que ta mort passe aux écrans que tu méprisais tant.

Ils parlaient d'un meurtre horrible. Un seul corps. Au front troué par une balle, neuf millimètre. Assassiné dans sa chambre. Un geek qui fait des vidéos chelous sur internet, disent-ils.

Les imbéciles.

Un type ? Tu étais un génie à la plume cynique et magnifique, un maître en ton domaine. Mais on n'allait certainement pas t'honorer, toi et ton million de fans, ne serait-ce parce que tu étais libre, indépendant, et surtout critique envers leur précieux média.

Cela ferait tache, vois-tu.

Cependant, un détail avait retenu mon attention. Un meurtre, disent-ils. Ainsi, mes frères, tes autres personnalités, avaient disparues ?


Ne restait-il que moi ?

Sur Internet, c'était le deuil général. Mille et un sujets de forum ouverts à ta gloire. Des centaines de vidéos te pleurant. Des dizaines de youtubers te rendant hommage, voire arrêtant momentanément leur activité, par manque de motivation, d'envie.

Tu es mort, cela a semé le désespoir. Toi. Être humain parmi tant d'autres.

Et un million de fans, promettant de retrouver ton meurtrier pour lui infliger une punition à la hauteur de son crime. C'est un rêve vain. Je ne suis pas : comment pourrait-on m'attraper ?

Oh, ces larmes, ces fanarts par centaines, ces fanfictions, tous poignants, désespérés ! Tu as marqué plus durablement les esprits que Lincoln, Mathieu. Je ne sais pas si c'est une bonne chose.

Lorsque j'ai compris que j'étais seul, plus seul que je ne l'avais jamais été, je suis parti.

Où ?

Je l'ignore toujours.


Un an est passé. Un an de ténèbres. Un an qui m'est inconnu. Comme si j'avais cessé de vivre pendant ces 358 jours.

Un peu moins d'un an, en vérité. Moins sept jours, pour être plus précis.

Et c'est donc 365 jours après ta mort, 358 jours après mon départ dans les limbes de mon esprit, que je me retrouve là.

Devant vos tombes.

J'ignore comme cela est possible, mais ce sont six tombes que je vois. Alors qu'il n'y a que toi d'enterré, Mathieu. Est-ce le fruit de mon imagination ? Au final, je m'en moque.

Je suis devant vos tombes.

Et c'est l'essentiel.

Six pierres gravées. La même date de mort. Pas de date de naissance pour nous. Juste nos froids surnoms dans le marbre, tandis que ton nom s'étale en harmonieuses lettres. Pourquoi ne nous avoir jamais nommés ? Avais-tu peur de nous donner une réalité aussi basique ?

Qui t'a payé ton enterrement, Mathieu ?

Tes parents ?

Tes amis ?

Tes fans ?

Parlons-en, de tes fans.

Ils t'ont tous oublié, tu sais. Cela va bien quelque jours de pleurer sur son idole, après il faut passer à autre chose. Tes vidéos n'ont pas été vues depuis des mois, Antoine Daniel a repris son activité, les seuls fanarts d'ursidé sont fait en l'honneur d'In The Panda. Les fanfictions ont mis le Boss Final des Internets en couple avec Fred du Grenier et les sites de revente regorgent des tee-shirts et babioles à ton effigie, sans jamais être écoulés.

C'est ainsi. Triste mais vrai.

C'est comme ça pour tout le monde, stars ou pas. On finit par être oubliés, même des nôtres, sous la pression du temps et du désintérêt humain. Ceux qui voulaient mettre la tête de ton meurtrier sur une pique sont sans doute en train de regarder une quelconque téléréalité.

C'est drôle, quand on y pense. Non ?


Cela fait un an que je vous ai tués.

Et les images dansent dans ma tête. Le sang, rouge. Son odeur âcre, aussi, celle de la mort, douce-amère, la vision de vos crânes explosés, de vos yeux vides, de vos traits figés et de vos peaux livides.

La brûlure du métal glacial blottit dans ma paume, qui me brûle en ce moment même. La même arme qu'il y a un an, au bout de mon bras, aujourd'hui. Chargée à bloc. Ne me demande pas comment.

Tu dois te demander pourquoi je suis là.

Pour te demander pardon.

Pour vous demander pardon.

Pour apaiser la peine qui me dévore, le manque, l'impression que quelque chose de vital m'a été arraché. Je ne sais pas quoi faire d'autre que de venir sur vos tombes, déposer ces roses blanches souillées par mon contact. Par mes mains tachées de vos sangs.

Six roses pour six tombes. Six tombes pour une âme fragmentée en sept. Et de nous sept, il ne reste que moi. Ce qui ne devait pas être possible.

Doucement, je fais rentrer une balle dans le canon. Je baisse la sécurité, dans un petit clic réconfortant. Réaliste.

Par vagues, alors que je suis assailli par la dure et cruelle vérité, la détresse me frappe. Ma main amène l'arme à feu tout contre ma tempe. Le froid métal sur ma peau.

Oh, mon dieu, non, je suis face à vos tombes !

Je vous ai tués.

Je vous ai tués.

Pardonnez-moi ! Pardonnez-moi !

Une douleur infinie, brutale, brûlante, me percute, me tord le cœur, me lacère la poitrine, monstre sans âme. Vous me manquez, le remord, le regret me détruisent. Vous. Ma famille, une partie de moi, effacée et purgée dans la folie, que vous avez créée par vos actes et vos silences.

Je souffre, j'ai mal.

Je hurle, à m'en déchirer la gorge, à en devenir sourd.

Et, en hurlant, je tire.

Mon crâne explose et je m'effondre, mort, devant vos tombes.

Pardonnez-moi.

Je suis mort en hurlant.


Bien sûr, nous sommes toutes d'accord, jamais nous n'oublierions notre Sommet préféré s'il venait à crever (waouh, tant de joie dans cet OS, c'est dingue). Je précise, au cas où vous décideriez de m'en informer en me lapidant (surtout toi, Deponia, repose cette pierre tout de suite ! Et cette corde aussi. Et ce flingue. Et… etc.).

Mais c'est ma fic donc je fais ce que je veux.

Na.

Maintenant, je m'en vais construire un bunker et m'approvisionner en armes. On ne sait jamais.