A/N Mais oui, mais oui ! Un deuxième chapitre en 2009 ! Même pas 6 mois entre les deux ! C'est presque incroyable… on est nous même passablement troublé.

On sait ce que le proverbe dit mais on ne va pas s'avancer pour ne pas se faire lancer des roches plus tard.

Sinon, ce chapitre là est plus court que le précédent. Ce qui, en soit, était assez facile à faire vu la longueur de l'autre…

À part de çaaaa… On n'a pas grand-chose à dire. Sauf, bien sur, un immense merci à notre adorable chien noir format géant ! ON T'AIME PUPPY !!

Et merci aussi à Steamy-le-rat !

Sur ce, bonne lecture !


22- Un petit détail à considérer

Le silence qui s'était installé commençait à peser sur le cœur de Kyana. Tous les yeux étaient rivés sur elle. Ils attendaient tous, passablement craintifs, de voir la réaction qui se préparait lentement en elle. Malgré leurs efforts visibles, ils n'arrivaient pas à comprendre. Ils étaient contraints à patienter et à espérer que le pire ne s'était pas produit.

À l'opinion de Kyana, c'était le cas.

Lorsque l'insistance de leur regard devint insupportable, elle se jeta en avant et s'accrocha, tel un koala terrorisé, à la taille du garçon qui lui faisait face.

- Jasper ! J'ai fait quelque chose de vraiment stupide ! lança-t-elle en étirant le dernier « i », au bord de l'hystérie.

Au moment où elle s'enroula brusquement autour de son ami et où les mots sortirent de sa bouche, Kyana fut stupéfaite d'avoir résisté aussi longtemps à le faire.

Dans un incroyable effort de courage « ou un bel exemple de pleutrerie », elle n'avait pas manqué à ses obligations et avait concentré tous ses efforts à « faire semblant de » suivre son cours de Sortilège. Ce ne fut qu'à la fin de la classe, lorsqu'elle fut attrapée par le bras par un Jasper aux yeux aussi ronds qu'inquiets, qu'elle réalisa qu'elle avait complètement raté sa prestation d'impassibilité.

Elle avait été conduite dans un local abandonné et, tandis que Faith et Edward jetaient des sorts à la pièce pour la rendre plus privée, Jasper la planta en milieu de la pièce et se plaça devant elle.

- Mais qu'est-ce qui s'est passé ? avait demandé Bridget.

Kyana n'avait même pas tourné la tête vers son amie. Elle s'était contentée de fixer Jasper, analysant sa physionomie. Certes, il était fermement campé sur ses pieds et ses yeux la regardaient sans ciller mais il avait les épaules affaissées et les bras ballants, choses qui de un, n'étaient pas habituelles et, de deux, n'étaient pas du tout encourageantes. « Tu as l'air de quelqu'un qui va avouer un meurtre. Évidemment qu'il va pas danser la quadrille ! »

C'est là que le moment de silence s'était installé. Les trois autres Serdaigle avaient rejoint Jasper. Kyana, respirant de plus en plus rapidement, s'était retrouvée dans un quatre contre une, réfléchissant sérieusement à comment, diable, elle allait bien apprendre à ses amis qu'elle était une imbécile de première classe.

Puis elle s'était lancée contre Jasper, qui, heureusement, était effectivement très bien campé sur ses pieds. Son assaut et son unique phrase avaient provoqué des sursauts de surprise angoissée autour d'elle. Elle s'accrocha plus fort à Jasper, consciente qu'elle lui faisait probablement un peu mal ou du moins, qu'il devait lui être un brin plus difficile de respirer. « Tu vas me dire que c'est pas le moment, mais il est quand même bien foutu, Jaspinou… » Effectivement… ce n'était pas le moment.

Il mit un moment à lui répondre mais, évidemment, il finit par enrouler ses bras autour de Kyana. Le commentaire d'Anyka l'obligea à remarquer qu'il était étonnement musclé pour un intellectuel et que son corps avait une fluidité très agréable. « héhéhé » Kyana poussa un grognement.

Que Jasper prit comme un signal lançant la conversation.

- Qu'est-ce qui s'est passé ?

Le visage enfoui contre Jasper autant que faire se pouvait, Kyana raconta, avec une voix suraiguë, ce qui s'était passé au Q.G. des Maraudeurs.

- Je ne sais pas ce qui m'a prit, plaida-t-elle lorsqu'elle eut lugubrement annoncé ce qu'elle avait écrit au tableau. Mais j'étais tellement certaine ! Et il faisait semblant de ne pas comprendre ! Je… Je…

Elle se tut et attendit les réactions. Qui n'arrivèrent pas. C'était si horrible que ça ? Elle avait gaffé si pathétiquement ? Elle serra Jasper encore plus fort. Trop fort, même, puisqu'il en tremblait. Est-ce qu'on tremblait quand on étouffait ?

- Jasper… tu étouffes ou tu ris ?

Et l'explosion se produisit.

Leur rires, sans doute retenus depuis un bon moment, éclatèrent brutalement. Et le plus bruyant fut celui de Jasper… et pas seulement parce qu'elle l'entendait directement de son torse.

- Ce n'est pas drôle du tout ! s'écria-t-elle en se détachant de Jasper.

Elle avait espéré les faire taire mais les seules réactions qu'elle obtint furent des rires encore plus forts et des hochements de tête, clairement destinés à la contredire.

Elle fit donc la seule chose à faire dans se genre de situation; elle se mit à frapper Jasper.

- Ce. N'est. Pas. Drôle. Du. Tout !

Elle scanda chaque mot avec un coup sur Jasper. Elle ne devait pas y mettre toute la conviction nécessaire puisque, les bras levés pour se protéger, il ne fit même pas l'effort d'essayer de reprendre son sérieux. Elle cessa donc ses attaques et, après avoir tapé futilement du pied, alla se planter devant la fenêtre, bras croisés, prête à bouder pendant des semaines sans bouger.

Il ne fallut pas beaucoup… trop… de temps pour qu'ils cessent de rire, cependant. Ils reprirent leur souffle un à un et lorsque le dernier sursaut de rire eut retenti, Kyana se retrouva enveloppée dans les bras de Jasper.

- Désolé. Je me doute bien que ce n'est pas drôle pour tout le monde.

- Grmf…

- Je sais que c'est embêtant quand les gens rient à nos dépens…

- Uh ! Non tu ne le sais pas ! ça ne t'est jamais arrivé ! grogna-t-elle.

Moment de silence. Kyana fut ravie d'avoir bouché Jasper, pour une fois.

- Là dessus, elle marque un point, lança Bridget.

Jasper fut subitement éloigné et d'autres bras masculins l'entourèrent.

- Désolé. Je me doute bien que ce n'est pas drôle pour tout le monde. Je sais que c'est embêtant quand les gens rient à nos dépens, dit doucement Edward avec les mêmes intonations que Jasper.

Kyana ne parvint pas à s'empêcher de rire.

- Connards…

Edward rigola et la serra fort pendant un moment avant de la relâcher.

- On va te l'accorder pour cette fois, dit-il joyeusement en l'entraînant vers les autres.

Une fois qu'ils furent tous au même endroit, au milieu de la pièce, un autre silence s'installa. Selon toute vraisemblance, ils ne savaient pas trop par où commencer sans froisser Kyana et/ou se remettre à rire. L'amoureuse éconduite se percha sur un pupitre et poussa un soupir.

- Je ne pense pas que ce soit plus mal, tu sais ? lança finalement Faith.

Kyana leva vers elle un regard incrédule. Jasper laissa échapper un ricanement. Kyana le fusilla du regard.

- Nah mais si tu avais vu ta tête, à la seconde… Mais n'empêche que Faith a raison.

Kyana hocha la tête d'une façon qui ne pouvait être qu'interprétée comme sarcastique.

- Bien sûr ! Péter un plomb et laisser une petite note sur un tableau ! C'est une méthodologie qui se retrouve dans tous les manuels de séduction !

Ils roulèrent les yeux.

- Je sais pas, j'en ai jamais lu, lança gentiment Jasper.

- Ben tu devrais ! Parce que t'y connais rien ! Et tu induis les gens en erreur et après, ils croient qu'ils ont des chances et finissent humiliés devant leur super mec aux yeux dorés, juste avant que leurs supposés amis se foutent de leur gueule !

Jasper acquiesça lentement, tandis que les autres tâchaient de ne pas rire.

- Vu comme ça… J'ai justement vu un livre qui portait sur les supers mecs aux yeux dorés.

- Va te faire f…

- Sérieusement, Kyana, coupa Jasper. Même si je lisais tous les manuels du monde, ce que, évidemment, je n'ai pas besoin de faire…

- Vantard, souffla Edward avec amusement.

- Je suis convaincu que rien, RIEN, ne s'appliquerait à Remus. Il est… dans une classe à part.

- Classe à part, certes… on n'est pas dans la même, souffla Kyana, dépitée.

Évidemment qu'elle n'était pas dans la même classe que Remus. Il lui fallait une fille beaucoup plus jolie et intelligente que Kyana.

- Bien sûr que tu n'es pas dans sa classe, répondit Jasper, provoquant chez Kyana l'équivalent d'un coup de poing à l'estomac. Tu n'es pas si basse dans le rayon de l'estime personnelle, rétorqua Jasper avec un mouvement nonchalant de la main.

Kyana cligna des yeux, perplexe.

- Voyons, Kyana ! Tu l'as vu toi-même. Il ne voulait pas comprendre ! Oui, l'explication la plus évidente est qu'il préfère se voiler la face pour ne pas avoir à gérer une pauvre malheureuse amoureuse de lui… c'est pas super ces deux mots-là ensemble, s'interrompit-il lui-même, songeur.

Ils attendirent tous la suite…

- Jasper ! râla Bridget au bout d'une bonne minute.

- Hein ? Oh ! Désolé… Mais il y a aussi à considérer le tempérament de Remus, poursuivit Jasper comme s'il ne s'était jamais arrêté. Pour une personne comme Remus, qui, certes, a une bonne vision de ses capacités et de ses qualités, il n'y a rien en lui qui mérite qu'on l'aime. Je serais même curieux d'en discuter avec ses amis pour voir s'ils n'ont pas eu de difficultés à ce qu'il admette qu'ils éprouvaient vraiment de l'amitié pour lui et non de la pitié.

Tous passablement surpris, ils fixaient Jasper avec de grands yeux. Oui, c'était assez évident que Remus avait une évaluation de lui-même assez basse mais il y avait quand même des limites.

- C'est pas un peu exagéré ? demanda Faith.

- Oui, j'imagine que ça peut paraître exagéré. Mais bien que ce soit, à mon avis, totalement injustifié, pour Remus, c'est simplement la réalité. Il ne croit pas qu'il est stupide. Il ne croit pas qu'il est ennuyeux. Il ne croit pas qu'il est laid. Il juge seulement qu'il est totalement vide d'intérêt. Le genre de truc qui est chouette mais auquel on ne s'attache pas.

Il plongea son regard loin dans celui de Kyana. Elle comprit que même si ce qu'il était en train de dire était l'exacte vérité, il cachait une partie du problème… aux autres. Et escomptait bien que Kyana le comprenne… éventuellement.

- Donc, en partant du principe de base que Remus ne peut concevoir qu'on puisse l'aimer, il lui est très, très difficile d'admettre que Kyana, fille parfaite selon ses « beaux yeux dorés », puisse lui trouver un attrait quelconque.

Kyana haussa les sourcils. Elle, la fille parfaite ? Certes, il y avait pire mais quand même…. Elle ouvrit la bouche pour protester.

- Tais-toi, ordonna Jasper en la pointant du doigt.

Elle obéit brusquement, claquant la mâchoire.

- Tout ce que tu as fait jusqu'ici a fonctionné, Kyana. Quelque part, il a compris ce que tu voulais, ce que tu ressentais. Mais… si tu crois que personne ne peut t'aimer, comment peux-tu croire que celle que tu aimes t'aime aussi… je suis vraiment nul dans mes phrases…

- NON ! Tu y penseras plus tard ! lança immédiatement Bridget avant que Jasper ne s'enfonce dans ses réflexions personnelles.

Jasper sourit.

- Kyana… Si tu peux considérer qu'il a ne serait-ce qu'un faible sentiment amoureux pour toi, est-ce que tu comprends ce qu'il ressent ? Chaque mouvement que tu fais vers lui, chaque geste éloquent de ta part, chaque signal que tu lui lances… Ils lui font autant de bien que de mal. Pour lui, ce n'est qu'un espoir vain. Et il essaie de le faire taire pour ne pas y croire vraiment. Pour ne pas souffrir… et je deviens tellement mélodramatique…

- JASPER !

- Désolé…

L'interruption tomba fort à propos pour Kyana. Ça lui permit de digérer les informations. Chose qui n'était pas facile puisque si elle comprenait ce qu'avait expliquer Jasper, si elle pouvait comprendre que quelqu'un puisse ressentir ce genre d'émotion, il lui fallait un énorme effort d'imagination pour arriver à l'appliquer à Remus. En même temps, elle trouvait absolument horrible que quiconque puisse en venir à de telles réflexions sur lui-même. Et le non dit de Jasper l'embêtait énormément… évidemment.

- C'est beaucoup plus facile pour Remus d'essayer de faire comme si rien n'était. Progressivement, il s'est mit à flancher et aujourd'hui, ça a été le point culminant. Logiquement, du moins, selon sa logique, la seule chose qui lui restait à faire, c'était d'essayer de rebrousser chemin et d'installer un comportement de camaraderie pure et simple… et faux, évidement, mais tellement plus facile pour lui.

- Il aurait pu réussir ça ? demanda Edward, perplexe.

- Mmmm… oui, j'imagine. Avec beaucoup de travail et d'énormes efforts pour éloigner Kyana.

- Oh… elle n'aurait pas aimé ça, commenta Faith.

- Non, du tout. Et ça aurait aidé à la réussite du projet parce que comme elle aurait été blessée par les revers, elle aurait facilement pu baisser les bras.

- Mais elle aurait pu l'en empêcher ? Je veux dire, tu lui aurais expliqué ! Elle n'est pas bête, répliqua Bridget.

- Non, bien sûr. Je ne pense pas que Kyana aurait abandonné comme ça, je ne l'aurais effectivement pas laissée faire non plus. Mais elle…

- …est ici, je vous ferais remarquer….

Ils tournèrent tous la tête vers elle, à la fois surpris, amusés et embarrassés.

- Je vous dérange pas trop ? Ça va ? demanda-t-elle non sans ironie.

Ils eurent au moins le crédit de lui offrir un large sourire d'excuse.

- Par pure curiosité, ça vous arrive souvent de parler de mon cas, comme ça ?

- Eh bien… « souvent » est un adverbe tout relatif, répondit Jasper avec malice.

Kyana le fusilla du regard. Les autres ricanèrent.

- Mais tout ça pour dire… Ton petit message, bien que je comprenne ta réserve sur la méthode, est la meilleure chose que tu pouvais faire. Comme ça, il ne peut pas faire marche arrière. Tu l'as poussé en plein dedans. Il ne lui reste qu'à gérer.

- Surtout qu'en lui criant après, tu as dû le traumatiser à mort. C'est certain qu'il ne va pas vouloir que ça recommence, enchaîna Edward. Si effectivement, il est certain que personne l'aime, il doit prendre très mal de se faire agresser de la sorte, surtout par quelqu'un qu'il aime, lui, peu importe la façon.

Une culpabilité sans nom envahit Kyana. Elle savait bien que s'être fâchée contre Remus l'avait probablement blessé mais à la lumière des nouvelles informations, ça avait effectivement dû frapper encore plus violemment qu'elle ne l'avait craint.

- Mmmmm… Tu deviens de plus en plus fort, murmura Jasper.

- Pourquoi tu lui dis toujours ça à lui ? On devient pas plus fortes, nous ? protesta Faith.

- Bien sûr, répondit Jasper en roulant les yeux. Mais c'est normal, les filles sont techniquement plus matures que les garçons, à l'adolescence.

- Étrangement, le compliment devient un peu moins apprécié, lança Edward, mi-figue, mi-raisin.

- On devrait peut-être revenir à Kyana avant qu'elle n'hyperventile ? suggéra Bridget.

Kyana sentit les regards revenir sur elle. Bridget avait exagéré avec l'hyperventilation mais tout de même, elle n'était pas très loin.

- Kyana… il avait besoin de se faire secouer les puces ! dit Jasper avant de s'amuser de sa propre formulation. Encore une fois, c'est exactement ce qu'il lui fallait. Maintenant, tu dois le laisser respirer un peu. Tu ne voudrais pas lui faire faire une crise cardiaque, n'est-ce pas ?

Kyana, avec un faible sourire, secoua la tête.

- Mais le laisser respirer ne veut évidemment pas dire faire comme si rien ne s'était passé, n'est-ce pas ? demanda Faith.

- Bien sûr que non. Juste… ne pas pousser… pour le moment.

- Et revenir à la charge s'il ne fait rien du tout, ajouta Bridget.

- Voilà ! approuva Jasper avant de pousser un profond soupir. Je me sens tellement moins essentiel qu'avant… ça me rend nostalgique…

- Oh… Jasper, tu sais bien que nous ne sommes que tes disciples. Nous suivons la voie que tu nous as tracée. Sans toi, nous ne sommes que de pauvres âmes égarées sur le chemin de la sagesse.

Ils fixèrent tous Edward avec de grands yeux.

- Bon, je crois qu'on va aller manger. Edward semble manquer de sucre, il est confus.

Ils éclatèrent tous de rire. Tous sauf Kyana, qui n'offrit qu'un sourire à peine convaincant. Oui, la conversation l'avait rassurée. Elle regrettait moins ce qu'elle avait fait… même si elle ne se pardonnerait sans doute jamais la note au tableau. Elle se rangeait aux arguments de ses amis. Sans exception. Incluant celui qui mettait Remus face à l'obligation de réagir.

Réaction qui, fatalement, scellerait le destin de Kyana.

« Sceller ton destin… Merlin que tu es dramatique… »


D'abord, il fallait évaluer toutes les facettes du problème. La première option pourrait mener à une confusion pire que celle déjà présente. Remus pourrait croire qu'elle était toujours en colère et qu'elle avait décidé de le bouder. Peut-être aussi que retarder l'inévitable approfondirait le malaise qui ne manquerait pas de se produire. Il ne fallait pas non plus négliger la réaction des Maraudeurs. Amusement, colère, pitié ?

L'autre option présentait d'autres hypothèses. Remus pourrait croire qu'elle était une espèce de fanatique hystérique ! Peut-être était-il préférable de laisser retomber la poussière avant la confrontation. Les Maraudeurs étaient aussi à considérer. Ils voudraient peut-être analyser la situation sans qu'elle ne soit là.

« On est toutes les deux conscientes que tu te casses la tête simplement pour savoir si tu vas au Q.G. ce soir, n'est-ce pas ? » Oui ! Mais c'était une décision très stratégique ! « Mmmm mmmm… »

Kyana soupira profondément, se récoltant des ricanements de ses amis, et tâcha de terminer son repas. Elle n'aurait pas d'autre choix que de demander l'avis à ses amis. Mais qu'est-ce qu'elle n'en avait pas envie ! Déjà, Jasper la fixait avec cet air qui disait qu'une seule syllabe le ferait se rouler par terre.

- Z'allez me foutre la paix, oui ?!

Ce fut avec une stupéfaction sans précédent que la Grande Salle au complet porta son attention sur Remus Lupin. Debout, les mains levées en guise d'avertissement, regardait alternativement chacun de ses amis. Kyana grimaça. Elle se doutait bien du sujet de conversation que devaient avoir les Maraudeurs. Et il n'était pas nécessaire d'avoir un diplôme en morphopsychologie pour comprendre que le charmant Gryffondor avait atteint la limite de sa patience.

Évidemment, Jasper éclata de rire, brisant le silence parfait qui régnait dans la salle.

Remus tourna vivement la tête vers Jasper, au moment même où Kyana lui balançait son petit pain en plein front « tu l'avais vu venir, hein ? ». Il serra les dents et les poings puis prit une profonde inspiration qui fit gonfler sa poitrine au maximum avant de se diriger vers la sortie à grandes enjambées, les épaules bien droites, menton bien haut, le teint rouge vif d'un homme prêt à tuer.

Évidemment, Thomas entra comme il sortait.

- Lupin !

Visiblement, Thomas aurait eu besoin d'un cours de morphopsychologie.

Remus stoppa net et tourna la tête vers lui.

- Je voulais te parler de Kyana.

Remus se tourna complètement vers lui et, tête allongée vers l'avant, se contenta de le fixer avec un air psychotique qui aurait fait pâlir Cathy de jalousie… si elle n'avait pas été en train de se battre contre son fou rire.

L'arrogance et la confiance de Thomas retombèrent sur le sol si brutalement qu'il fut presque possible de l'entendre.

- Hum… une autre fois peut-être… suggéra timidement le Serdaigle.

Remus redressa la tête et pinça les lèvres dans un presque sourire, avec toujours son même regard perturbant. La traduction libre de Kyana fut quelque chose comme : « Réessaie, juste pour voir combien de temps tu vas survivre. » Thomas prit la fuite et Remus quitta la Grande Salle encore plus en colère qu'il ne l'était déjà. Ce que Kyana n'aurait pas cru possible un instant plus tôt.

De façon étonnante, il se passa un bon moment après la disparition de Remus avant que les Maraudeurs n'éclatent de rire à leur tour. C'était tout ce qu'il fallait pour que les conversations reprennent dans la salle. Un bourdonnement intense de colportage. Kyana se serait bien mise en colère mais elle était à même de juger qu'elle aurait fait de même si elle n'avait pas été au cœur de la situation. « Au cœur ? Quel mot judicieusement choisi ! » Grmf…

- Alors, Kelsey, Lupin t'a fait peur ? demanda McGleaking en rigolant.

Thomas s'arrêta et leva le nez devant l'imposant batteur et capitaine de l'équipe de Serdaigle.

- Aucunement.

Beaucoup se moquèrent et un duel oral se déclencha. Mais Kyana n'avait pas le cœur à l'écouter. Il n'y avait pas beaucoup d'espoir que la colère de Remus ne résulte pas de son charmant petit mot sur le tableau du Quartier Général. Si Remus n'avait pas été agacé de ce qui s'était passé l'après-midi, il y avait fort à parier qu'il l'était par la tournure des évènements. « Tu parles d'une réflexion… Tu viens de le voir sortir ? Il n'est pas agacé, il est furieux ! » Anyka n'aidait pas beaucoup Kyana…

- Ce n'est pas contre toi qu'il en a, Kyana, chuchota Jasper en se penchant vers elle.

- Peut-être bien, mais c'est quand même ma faute. C'est moi qui ai provoqué les moqueries des Maraudeurs…

- S'il n'avait pas joué à l'imbécile depuis aussi longtemps, tu n'aurais pas eu à te rendre jusque là.

Ah ! Jasper, lui, il savait s'y prendre. « Et c'est sans doute le seul être vivant autorisé à traiter Remus d'imbécile… » Oui… Mais à côté de Jasper, la grande majorité des êtres vivants était imbécile. « … »

Elle lui sourit faiblement. Il n'avait évidemment pas tort. C'était entièrement la faute de Remus si Kyana avait fini par se mettre en colère. Ce n'était pas la faute de Remus si elle était atrocement ridicule dans ses réactions mais Remus l'avait quand même poussée à bout.

Maintenant que c'était réglé, Kyana devait revenir au problème principal. Elle croisa les mains sous son menton et prit une profonde inspiration.

- Et je fais quoi, maintenant ?

Et voilà, c'était fait. Elle avait enfin osé poser la question. Certes, Jasper allait sans nul doute se moquer d'elle mais au moins, elle aurait sa réponse.

Comme prévu, le visage de Jasper se fendit en un large sourire. Kyana plissa les yeux, et dans un soupir, elle plaqua ses mains contre ses joues et cala son menton sur ses paumes jointes. « Très réussi, l'air blasé… » Des mois de pratique.

L'air ennuyé de Kyana se changea lentement en de la méfiance lorsqu'elle réalisa que s'il souriait à belles dents, Jasper n'avait apparemment aucune intention de lui répondre. Il semblait surtout attendre quelque chose. Lorsque la méfiance fut toute installée, Kyana se prépara à demander ce qui se passait. Mais avant même que son cerveau n'eut formulé la question, quelqu'un se glissa en sandwich, entre elle et Bridget.

Méfiance s'envola et inquiétude prit possession des lieux. Les yeux bien ronds, le menton toujours dans ses mains, Kyana tourna le regard pour voir qui venait lui parler. Parce que Jasper n'aurait pas cette tête si amusée si l'étrange n'était pas venu pour la voir, elle ! Noooon…

Assis à l'envers sur le banc des Serdaigle, le coude appuyé nonchalamment sur la table, Sirius Black la regardait avec cet air coquin qui le rendait si populaire auprès de la gente féminine. Il ne produisit cependant pas l'effet habituel. Au lieu de le fixer avec un air béat comme l'auraient fait plusieurs jeunes filles, April en tête, Kyana enfouit son visage dans ses mains. Ce qui, bien sûr, en fit rire quelques uns. Les ricanements ne furent malheureusement pas tout ce qu'elle entendit. Les murmures de colportage eurent un second souffle. Certes, on la regardait déjà régulièrement depuis l'éclat extraordinaire de Remus, se doutant qu'elle avait un rapport plus ou moins étroit avec la colère de Remus. Mais avec Sirius installé à la table des Serdaigle, c'était comme l'annoncer avec un Sonorus. Comme si elle « et Remus » avaient besoin de ça en plus…

Il se passa près d'une minute pendant laquelle Kyana resta cachée dans ses mains. Elle finit par les ouvrir lentement par le milieu.

- Est-ce qu'il est encore là ? demanda-t-elle dans un chuchotement à Jasper.

Il serra les lèvres comme s'il était vraiment désolé et hocha la tête.

- Et y'a James juste derrière toi, dit Edward sur le même ton que Kyana, en pointant discrètement du doigt, l'air tout aussi faussement navré que Jasper.

Kyana ne put retenir un unique soubresaut de rire devant le côté pathétique qu'avait pris son existence.

Elle secoua la tête et, après un long et profond soupir, elle laissa tomber ses mains et se tourna vers Sirius, tout aussi souriante que lui.

- Bonjour Sirius ! Quel bon vent t'amène à la table des Serdaigle ? demanda-t-elle d'une voix enjouée.

Le beau sourire taquin de Sirius battit des records. Il fit un geste vague de la main avant de lui répondre.

- Bah rien de particulier. Je ne venais que te saluer, Ô Kyana, ma nouvelle idole.

Elle grimaça. C'était certain que les Maraudeurs allaient trouver sa note hilarante. Elle en voulut un peu à Remus. Pourquoi, Diable, est-ce qu'il leur avait montré ?! « Il n'a peut-être pas compris la question. » Ahah, très drôle.

- En fait, ma très chère Kyana, nous étions venu pour te faire une petite requête, enchaîna James.

Kyana plia le cou vers l'arrière, pour regarder le chef des Maraudeurs. James se pencha au dessus d'elle, affichant toutes ses dents. Même à l'envers, son sourire était éblouissant.

- Et c'est ?

James et Sirius se rapprochèrent encore plus près de Kyana, pour lui parler de la façon la plus discrète possible. Aimablement, les Serdaigle se serrèrent, question de former une sorte de protection… et d'écouter par la même occasion.

- Nous nous demandions, dans la mesure où ça ne t'embête pas trop, si tu pouvais t'abstenir de passer nous voir, ce soir. Nous aurions une petite discussion à avoir avec un lionceau enragé.

Kyana soupira de nouveau et pencha la tête vers l'avant. C'était vraiment de pire en pire.

- Pourquoi ? Il n'a pas compris la question ? demanda Edward avec amusement.

Tandis qu'Anyka se mettait à rire, Kyana leva la tête si vite vers lui qu'elle en fut un peu étourdie.

Après coup, elle fut soulagée de ne pas avoir mal visé parce que le TOC sonore et le cri de douleur d'Edward furent plus forts qu'elle ne l'avait escompté. Bien fait ! Elle espérait lui avoir fracturé le tibia ! Même pas grave si elle avait mal aux orteils.

- Oh non… Ça il a saisit. C'est le pourquoi qu'il cherche encore, expliqua James très calmement.

Les Serdaigle, Kyana incluse, haussèrent les sourcils, nettement surpris. James et Sirius levèrent les mains en signe de dépit.

- D'où la nécessité de la conversation, ajouta James en laissant retomber ses mains sur les épaules de Kyana.

- Il est vraiment étrange, votre copain, dit Bridget, bien penchée autour de Sirius pour ne rien manquer.

- On est tous un peu fous quelque part, non ? répondit Sirius avec un haussement d'épaules.

- C'est très vrai, approuva Jasper avec un hochement de tête approbateur.

C'était difficile pour Kyana de ne pas être d'accord, il y avait une voix qui lui parlait dans sa tête. « Ah bon ? »

- Donc, avec une chaise et un fouet, on va essayer de calmer Bébé lion et il sera tout docile demain, lorsque vous irez en cours d'études des Runes.

Kyana fit un faible sourire devant l'image de Sirius puis elle leva un peu la tête en sentant James bouger derrière elle. Pour la regarder, il avait appuyé sa tête sur le sommet de son crâne, juste au-dessus de son front, de façon à ce qu'elle ne puisse voir que ses yeux et son auréole de cheveux en bataille. Ça aurait été très cocasse en d'autres circonstances.

- Ça ne te dérange pas trop ? demanda le capitaine des Gryffondor d'une voix étouffée, tout contre le crâne de Kyana.

Elle haussa les épaules, dépitée.

- Je ne savais pas si j'allais y aller de toute façon, avoua-t-elle, embarrassée.

James se redressa vivement, surpris, et Kyana sentit Sirius faire de même juste à côté.

- Ne me dis pas que tu te sens coupable ! demanda un Sirius incrédule.

Kyana baissa les yeux, se sentant rougir. James se pencha autour d'elle, les mains toujours sur ses épaules.

- Hey, il l'aura bien cherché ! Même Lily dit qu'il aurait même mérité pire, faisant remarquer qu'il reste des masses.

- Et ce que dit Lily est forcément vrai aux oreilles de Jam…

La main gauche de James quitta l'épaule de Kyana et la tête de Sirius appuya un mouvement vif vers l'avant dans un claquement sec.

On ricana une nouvelle fois autour de Kyana.

- Sérieusement, faut pas t'en faire, continua Sirius en se massant l'arrière de la tête, muni de son sourire narquois et d'un regard en coin pour son meilleur ami. Nous, on va y aller parce que c'est bien beau de vouloir le dresser, faut encore le trouver !

- Ah ça… soupira James.

- Alors à demain, Kyana. Tout va très bien aller, on va te préparer le terrain, dit Sirius avant de se pencher pour poser un baiser sur la joue de Kyana.

Puis il se leva d'un bond et, après avoir salué tous les Serdaigle un à un « enfin, les Serdaigle qui sont tes amis parce que sinon, il aurait pas fini ! » - C'était vraiment nécessaire, comme précision ? – il alla rejoindre les autres Maraudeurs, sous le regard envieux de celles qui auraient bien aimé être à la place de Kyana.

- Sans blagues, petite fille, te casse pas la tête avec ça, okay ? Et écoute ce que Jasper te dit. Que je sache, il a toujours raison.

À son tour, James se pencha pour embrasser la joue de Kyana, salua les Serdaigle – oui oui, on sait lesquels – et rejoignit ses Gryffondor d'amis à la porte de la Grande Salle. À noter qu'il provoqua autant d'envieuses que Sirius l'avait fait.

Sourcils froncés, Kyana se tourna vers Jasper.

- Comment ça « que je sache, il a toujours raison » ? demanda-t-elle, suspicieuse.

- N'est-ce pas vrai ? demanda Jasper, lumineux de sa belle arrogance.

- Certes…

Jasper sourit de suffisance tandis que les autres levaient les yeux au ciel.

- … mais je ne me souviens pas leur avoir dit ce que tu me disais. Parlerais-tu à des Maraudeurs sans que je le sache, par hasard ?

Pour une rare fois, Cohen sembla pris au dépourvu. Il rosit « ben ça ! » et afficha un air trop innocent pour être vrai.

- Jasper Cohen ! Ne me dis pas que tu parles avec Remus dans mon dos !

- Oserais-je faire ça ? demanda-t-il en posant sa main sur son cœur, l'air choqué.

Les Serdaigle se mirent à rire.

- Absolument !

Jasper, qui ne restait jamais désarçonné bien longtemps, pour peu que ça lui arrivait, haussa les épaules avec un sourire tout aussi mystérieux que dangereux.

- J'ai bien le droit de jouer aux échecs avec qui je veux.

Kyana gonfla de colère.

- Tu l'as battu ? s'empressa de demander Faith avec moquerie.

La suffisance de Jasper dégonfla d'un coup.

- Nah…

- Ahah ! Bien fait pour toi aussi ! lança Kyana, franchement ravie.

Jasper la fusilla du regard.

- Il est où Thomas, au fait ? demanda soudainement Edward, qui se massait toujours le tibia.

Kyana, qui se demandait si elle n'allait pas s'excuser, réalisa que Thomas ne s'était pas installé près d'eux. Étrange.

Bridget, l'air ennuyé, agita son pouce, désignant un groupe un peu plus loin à la table des Serdaigle.

Thomas Kelsey était en train d'expliquer, avec beaucoup de condescendance, comment il aurait fait pour vaincre sans problème n'importe quel des Gryffondor qui s'en serait prit à lui à un McGleaking, qui le regardait, les bras croisés sur sa large poitrine, avec un air si peu convaincu, et à la limite de la pitié, qu'il était difficile de comprendre pourquoi Thomas continuait de parler.

- Est-ce qu'il est vraiment en train d'expliquer à Hercule McGleaking comment se battre ? demanda Faith, estomaquée.

- Ouaip, confirma Bridget.

- Un jour, il va manger un poing sur la gueule, dit Edward en secouant la tête.

- Ça, c'est certain, dit Jasper, un rire dans la voix.

- Merlin, qu'est-ce qu'on pourrait faire ? demanda Faith d'une voix angoissée.

Ils tournèrent la tête vers elle, surpris. Faith était une très gentille jeune fille mais quand même, c'était surprenant qu'elle se stresse autant pour Thomas.

- Je ne pense pas que tu pourrais empêcher que ça arrive, répondit lentement Jasper, tout en essayant de comprendre.

- Bien sûr que non ! Je veux juste être certaine qu'on sera là pour voir ça ! répondit-elle tout en inspectant les biceps de McGleaking.

Ils éclatèrent tous de rire. Faith les regarda sans comprendre pendant un moment, abandonnant ses spéculations sur la vélocité du coup de poing du capitaine de Serdaigle, avant de comprendre et se joindre à eux.

« Ça leur va bien, l'adolescence, à tes amis. » Ouaip…


Lorsqu'elle s'éveilla, Kyana réalisa qu'elle avait merveilleusement bien dormi. Étrange phénomène considérant que ses amis avaient passé la soirée saisir ses poignets au vol pour ne pas qu'elle se ronge les ongles jusqu'à la chair. Jamais elle n'aurait cru qu'elle se serait endormie aussi facilement.

- À croire qu'on m'a donné une potion somnifère, fit-elle remarquer en descendant manger.

- Cathy en fait de très bonne qualité.

Si à la base elle jugea l'observation de Jasper comme étant fort pertinente mais un tantinet hors propos, il ne lui fallut que quelques secondes pour réaliser ce que ça pouvait sous-entendre. Elle fut cependant un peu plus lente que les autres Serdaigle.

- Jasper ! Tu ne m'as quand même pas fait prendre une potion de sommeil de force ? s'exclama-t-elle après s'être arrêtée sur place.

Son ami roula les yeux et secoua la tête.

- Bien sûr que non, voyons…

Suspicieuse, Kyana resta là à le regarder. Parce qu'à bien y penser, elle s'était endormie à peine quelques minutes après avoir posé la tête sur son oreiller. C'était louche. Très louche.

- Je ne t'ai rien donné de force, insista Jasper avec un mouvement des bras exaspéré.

Elle se remit lentement à avancer sans quitter Cohen des yeux. Elle n'était pas la seule à ne pas être convaincue. La petite troupe marchait derrière Jasper dans un silence qui s'alourdissait de seconde en seconde.

D'abord imperturbable, Jasper finit par se lasser. Il poussa un long soupir et pivota vers eux dans un superbe exemple d'agacement profond.

- Oh ! Par Merlin et toutes les prêtresses d'Avalon ! Si on ne peut plus offrir des chocolats chauds empoisonnés à ses amis, où va le monde !

- Cohen ! En plus d'être traître, tu es menteur ! s'exclama Kyana lorsqu'elle fut suffisamment revenue du choc initial.

- Je ne suis ni l'un ni l'autre.

- Si ! Tu es menteur parce que tu as dis que tu ne m'avais rien donné de force !

- Je ne t'ai pas forcé à le boire. Tu m'as même dit « merci » quand je te l'ai donné. J'ai des témoins.

- Je ne savais pas ce qu'il y avait dedans !

- Tu ne me l'as pas demandé.

- Tu aurais dû m'avertir !

- En fait, il a dit « Tiens, ça va t'aider à dormir », intervint Bridget.

- Merci Bridget.

- Te mêles pas de ça, Voight !

Bridget pinça les lèvres avec amusement. Ce qui amena Kyana à constater que personne d'autre qu'elle ne semblait troublé outre mesure qu'elle se soit odieusement faite droguer à son insu.

- Parce que vous êtes d'accord avec ça, vous ?

Les yeux biens grands, ils jetèrent un coup d'œil vers Jasper. Ce qui, évidemment, fit grimper la l'indignation de Kyana. Parce qu'avec ce simple mouvement des yeux, ils répondaient à la question. De ce fait, elle savait très bien qu'inévitablement, Jasper prouverait qu'il avait eu raison. Et c'était quelque chose de très détestable.

- Avant d'aller porter plainte à la direction, écoute-moi, dit Jasper.

Instinctivement, Kyana avait envie de plaquer ses mains sur ses oreilles et de chanter à tue-tête pour ne pas entendre Jasper mais sa dignité l'empêcha de le faire en plein milieu des couloirs de l'école.

« Il va encore avoir raison. Il est vraiment embêtant, ce mec. J'espère que la fille qui lui mettra le grappin dessus arrivera à le boucher… une fois tous les cinq ans, environ. C'est pas trop demandé, si ? »

Kyana soupira et reprit sa route vers la Grande Salle.

- D'abord, comme tu as bien dormi, tu es tout aussi jolie que d'habitude.

- Pffff…

- Ensuite, comme ton corps et ton cerveau se sont bien reposés, tu as les esprits clairs, un jugement non altéré par la fatigue et une réserve d'énergie rechargée. Ce qui te donne un grand avantage sur un certain Monsieur L

Kyana s'arrêta de nouveau pour faire face à Jasper. Ses arguments n'étaient pas faux mais, pour une rare fois, ils étaient facilement réfutables. « Je suis certaine que ce n'est qu'une impression… » Probablement. Mais quand même !

- En quoi ça me donne un avantage ? Tu le sais, s'il a bien dormi ou non, toi ? Si ça ne l'a pas embêté tant que ça ? Ou si ses amis l'ont drogué…

- Drogué ?!

- …aussi ? Le fait d'avoir l'air d'un zombie me donnerait au moins l'argument de ne pas avoir les yeux en face des trous, lorsque je me ridiculiserai à nouveau !

Jasper eut un mouvement de la tête, concédant à Kyana que sa réplique n'était pas sans fondement, avant de se redresser et de revenir à la charge.

- D'abord, je ne t'ai pas droguée, je t'ai aidée à enclencher ton système parasympathique.

- Son quoi ?

- Ensuite, même endormie, tu ne te serais pas ridiculisée, continua Jasper sans se soucier d'Edward. D'ailleurs, tu ne l'as jamais fait.

- Pffff

- Tu te répètes. Finalement, le mystérieux M. L. n'a certainement pas bien dormi, considérant qu'il a dormi. Et il est hors de question qu'il ait ingéré un quelconque somnifère sans s'en rendre compte.

- Et pourquoi pas ? Il n'est pas aussi naïf que moi ? C'est ça ? s'indigna Kyana.

Jasper eut un étrange sourire. Le même étrange sourire qu'il avait régulièrement lorsqu'il parlait de Remus.

- Ce n'est pas la question. Je suis simplement convaincu que l'expérience lui aura appris à être plus prudent avec ce que lui offrent ses amis. D'ailleurs, que ça te serve de leçon. On ne sait jamais ce qui peut arriver.

La bouche ouverte de Kyana se claqua d'un seul coup. Que pouvait-elle bien répliquer à ça ?

- Tu es un monstre, Cohen.

L'énigmatique sourire de Jasper franchit alors une nouvelle frontière.

- Tu devrais faire attention aux insultes que tu lances, Wald. Ça pourrait te jouer de très vilains tours.

Comme ses autres théoriquement amis ne firent que se moquer, Kyana tourna les talons et fila vers la Grande Salle à grands pas.

Qu'est-ce que ce type pouvait être chiant ! Ce ne devrait pas être permis d'être aussi… aussi… Oh et puis zut, il était chiant.

Maudissant Jasper et essayant de ne pas admettre que le bougre avait raison, Kyana accélérait le pas, dans l'espoir que la distance l'aiderait à gagner du temps. La colère lui permettait de ne pas penser à Remus.

- Atten…

…tion. C'était sans doute ce que Faith avait voulu lui crier, conclut Kyana, allongée sur le dos en plein milieu du couloir. Le machin à la fois dur et mou qu'elle venait de frapper de plein fouet l'avait projetée sur le sol en une fraction de seconde. Et comme le machin était en train de gronder lors de la collision, soit c'était un animal très très grand soit une personne pas très heureuse. Kyana trancha pour une personne, considérant qu'elle n'avait pas envie de se retrouver face à face avec une bestiole de cette taille.

Elle releva la tête pour regarder qui c'était… avant de la laisser retomber lourdement sur le sol.

- Bien sûr… Il y a un millier d'étudiants dans cette école. Mais, non… c'était obligé.

Kyana aurait dû s'alarmer d'être en train de se parler toute seule étendue par terre mais elle n'y porta pas attention. Pas plus qu'elle ne s'arrêta sur le fait que Jasper allait, cette fois, fort probablement trépasser dû au fou rire qu'il était en train d'affronter. À noter qu'il n'était pas le seul mais sa mort à lui était celle qui satisfaisait le plus Kyana.

- Fonce jamais dans personne. Le jour que ça arrive ? Eh oui, forcément. Combien de chance que ça arrive ? une sur mille ! J'aurais lu ça dans un livre et j'aurais roulé les yeux devant le ridicule du cliché. Ma vie est un cliché. Super…

Tandis qu'elle déblatérait, Sirius et James se penchèrent au dessus d'elle, tout sourire. Ils n'étaient pas supposés crever de rire ? Damnation. Rien ne tournait donc comme prévu ?

- Tu… ne voudrais pas te relever, Kyana ? demanda James.

- Nope. Reste ici. Super confo. Au pire, poussez moi contre le mur. Vais attendre la mort.

Tout en ricanant, ils se penchèrent dans une parfaite synchro et, la tenant par les bras, remirent Kyana sur ses pieds. Elle se laissa faire sans aucun effort de fierté personnelle.

Une fois debout, elle se retrouva face à face avec un Remus profondément horrifié par les événements. La réaction d'embarras ne vint même pas. Désabusée, elle laissa échapper un petit rire sans humour.

- Ne fais pas cette tête, Remus. C'est pas ta faute. J'avais atteint le fond, fallait bien que je commence à creuser.

Elle lui donna deux petites tapes d'encouragement sur le torse et reprit le chemin de la Grande Salle.


Si sa vie avait dépendu de son degré d'attention au cours d'histoire de la magie, Kyana serait décédée en moins de cinq minutes. Mais bon, comme ça ne faisait pas trop changement de d'habitude, elle se dit qu'elle n'aurait qu'à copier les notes de Jasper Cohen, l'emmerdeur en chef, qui malheureusement avait survécu sans séquelles apparentes.

Une fois le cours terminé, ses amis Serdaigle, fidèles et loyaux, lui offrirent tous plein d'encouragements aimables et généreux. Les Runes. Elle qui était si heureuse, au début de l'année, d'avoir choisi cette option. Maintenant, elle aurait préféré se faire arracher les ongles. « eeeuh… » Ouais bon, peut-être pas. Arracher un ou deux cheveux, disons.

Elle s'écrasa lourdement sur sa chaise habituelle avec ce qu'elle savait être la tête de quelqu'un qui n'attend absolument plus rien de la vie.

C'était ridicule. Sincèrement ridicule. Tout était ridicule. De Remus qui ne voulait rien comprendre au fait qu'elle était obligée de lui laisser une note sur un tableau en passant par toutes les fois où elle s'était retrouvée humiliée publiquement. C'était RI DI CU LE. Et, pourtant, ses amis, autant Serdaigle que Gryffondor, semblaient croire que tout allait comme sur des roulettes et que Kyana allait bientôt nager dans le bonheur.

- Je vais couler à pic. C'est ça que je vais faire. Sait nager. Ça changera rien. J'ai des briques dans mes poches. Et j'ai pas de tuba.

« Tu réalises que tu es en train de grommeler toute seule dans ton coin ? » Kyana fronça les sourcils et croisa les bras sur sa poitrine.

- Ouais, et alors ? Je fais ce que je veux. Peut pas être pire.

- Kyana ? Est-ce que ça va ?

- Ah ben oui… Salut Remus. Ça va, Remus ?

- Euh… oui. Euh… toi ?

- Super… pourquoi ça n'irait pas ? Tout va pour le mieux. Je n'ai rien de cassé. Je n'ai même pas de commotion cérébrale, rien. Je vois bien mes doigts, répondit-elle en levant la main, montrant son majeur et son index. Y'en a deux. Un, deux. Y'en a bien deux, hein ?

Elle tourna la tête vers Remus pour avoir sa confirmation. Debout, à côté de la table, il la fixait avec effroi et inquiétude.

Pendant une fraction de seconde, Kyana se vit à travers les yeux de Remus. Et ce qu'elle vit la fit éclater de rire. Une pauvre fille frustrée qui se parle toute seule. Ça remettait les choses en perspective.

Pas de mort, pas de blessé, à part sa fierté.

Ce n'était pas comme si elle n'avait plus rien dans la vie ! Des supers amis, une super famille ! C'était juste triste qu'elle n'ait pas son super mec aux yeux dorés. Elle allait survivre ! Elle avait quinze ans, toutes ses dents et noël approchait !

En même temps, il ne lui avait pas dit « non ». Il était juste pathétiquement obtus. « Rien n'est terminé avant que ce soit terminé. » Curieuse phrase que disait souvent son père mais que Kyana comprit finalement ce jour là.

- Oui, ça va, Remus. J'ai simplement mal à mon orgueil. Faut toujours que je fasse des trucs ridicules.

Le visage du Gryffondor se crispa et Kyana se douta qu'il songeait plus au mot sur le tableau que de sa chute sur le dos. Quoi qu'en définitive le premier était effectivement plus… pathétique que le deuxième, ce n'était pas le sujet et elle n'avait pas envie de l'évoquer pour le moment.

- Il n'y a bien que moi pour m'étaler devant tout le monde deux fois avant même que la moitié de l'année soit passée. Faudrait que j'apprenne à regarder où je marche !

Remus se redressa brusquement, une expression indignée sur le visage.

- Ce matin je veux bien mais ce n'est quand même pas ta faute si une **** de **** a décidé d'emmêler tes lacets ! lança-t-il avec colère.

D'abord choquée au-delà des mots, Kyana fut à la limite de l'émerveillement. Il prenait sa défense avec tellement de véhémence ! C'était presque touchant…

- Remus !

- Quoi ? Tu ne vas quand même pas…

- Tu viens de jurer !

Il rougit et fit visiblement un effort pour ne pas baisser la tête.

- Ce… ce n'est pas la première fois, quand même, murmura-t-il.

- Peut-être mais la première fois, Sirius et Cathy t'avaient lancé un Jambencoton et la seconde fois, l'horloge a failli te faire faire une crise cardiaque. Alors ça ne comptait pas.

Il prit une couleur homard et baissa finalement la tête.

- N'empêche, dit-il doucement en s'essayant. C'est quand même ce qu'elle est.

Kyana éclata de rire et un sourire timide apparut sur les lèvres de Remus.

- Je suis désolé pour ce matin, dit-il aussitôt qu'elle eut cessé de rire.

- Oh mais ce n'était vraiment pas ta faute. Je filais droit devant sans faire attention.

Il fit une nouvelle grimace.

- Ouais, moi aussi…

Avec les grognements qu'il était en train de pousser quand elle lui était rentrée dedans, elle l'avait déjà deviné. Connaissant les Maraudeurs, Jasper-le-casse-pieds devait être de la petite bière à côté.

Un silence s'installa. Il fut cependant moins lourd que Kyana ne l'avait craint. « C'est peut-être une bonne chose que tu lui aies foncé dedans. Comme ça, vous avez eu quelque chose à vous dire. » Ouais, peut-être. Mais Kyana n'était pas convaincue que c'était quelque chose de suggéré par les conseillers matrimoniaux. « Tu devrais leur en parler ! » Gnagnagna…

L'arrivée du professeur Berry mit fin au côté embarrassant du silence. Parce que les étudiants ne parlaient pas, en classe. Du moins, en théorie…

À la fin du cours, comme toujours, il l'escorta jusqu'à la classe d'arithmancie. Une forme étrange de politesse s'était installée entre eux. Ils réfléchissaient soigneusement avant de dire quelque chose tout en semblant constamment sur le point d'en dire une autre. La distance entre eux, pas trop éloignée, était des plus étudiée.

Si Kyana avait eu à définir le sentiment qu'elle ressentait, elle aurait dit : Transition.

Elle n'était malheureusement pas certaine de vouloir vers quoi se dirigeait la mutation…


En rétrospective, s'il avait été délicat, le reste de la journée s'était quand même bien passé. Bon, Cathy et Lily jubilaient aussi de la belle initiative de Kyana et le lui firent savoir au cours d'arithmancie mais elle ne s'était pas attendue à moins de leur part.

Le soir venu, elle avait soigneusement pris son temps pour terminer ses devoirs avant de se diriger sans se presser vers le Q.G. À son arrivée, les Gryffondor, tout sourire, firent comme si de rien n'était. Chose admirable, puisqu'elle avait craint qu'ils ne se carapatent et l'enferment avec Remus. Détail auquel il avait apparemment pensé aussi car il avait semblé tout aussi soulagé qu'elle.

Kyana avait remarqué que le tableau affichait le plan Machiavélique des Gryffondor. Elle s'était demandée si son message avait été effacé mais avait chassé la pensée avant de rougir, ce dont Anyka l'avait félicitée.

Elle s'était installée à sa place habituelle, avec son compagnon habituel. Comme elle s'y était attendue, Remus n'avait pas une fois approché de la limite du territoire de Kyana. Ceci dit, il n'était pas trop tendu et ne s'était pas replié au fond.

De toute la soirée, il n'y eut aucun malaise puisque dans un élan de charité peu commune, les Maraudeurs animèrent la conversation avec tant de vitalité et de subtilité que Kyana ne remarqua pas avant de se mettre au lit que ni elle, ni Remus, n'avaient prononcé une parole de toute la soirée.


Comme elle commençait à connaître l'individu, Kyana sut en se levant que si Remus ne semblait pas prêt à discuter la veille, il le ferait aujourd'hui. On était vendredi et le lendemain, c'était la sortie à Pré-au-Lard. La droiture de Remus ne lui permettrait pas de passer la journée seul avec elle en laissant planer une telle… ambiguïté. « Wow, tu utilises des nouveaux mots pour l'occasion ? » Et pourquoi pas ? C'était une autre journée décisive. Elle méritait bien un nouveau mot ! « Une journée décisive, vraiment ? » Ouaip ! Et Kyana allait l'affronter avec aplomb et bravoure !

- Tu ne devais pas gagner souvent, toi, quand tu jouais à la cachette…

Merlin ! Elle qui croyait être bien camouflée.

- Laisse-moi tranquille !

Sa couverture s'envola et on lui retira l'oreiller qu'elle avait sur la tête.

- Allez, debout ! dit Bridget en l'attrapant par le bras.

En gémissant, Kyana se laissa mollement arracher à son lit, la tête renversée vers l'arrière.

- Je devrais prendre une photo. Comme ça, Remus serait plus à même de voir ta vraie personnalité.

La remarque de Faith suffit à ressaisir Kyana. Elle bondit sur ses pieds et la fusilla du regard.

- Ne t'avise jamais de faire un truc comme ça !

- Arrête de faire la gamine, alors !

- Déjà que les petits mots sur les tab… Aïe !

- Bien fait pour toi ! Rends-moi mon oreiller !

Ce que Bridget fit immédiatement. Kyana eut tout juste le temps de se pencher pour ne pas le recevoir en pleine figure.

Tout en continuant de se chamailler, elles se préparèrent pour aller en cours. Kyana savait bien que Faith et Bridget faisaient un effort pour lui changer les idées. Elles aussi devaient bien savoir que Remus choisirait son petit carré à cocher avant le lendemain. Ou qu'il annulerait simplement leur… rendez-vous… Ce qui revenait au même, quand on y pensait bien.

Le premier cours de la journée chassa définitivement Remus de son esprit. Défense contre les forces du mal. Visiblement remis de son altercation avec McGonagall, Spite revint à la charge avec son sujet favori. Cette fois, la fourberie, la malveillance et l'absence de compassion des loups-garous furent à l'honneur. Toute la noirceur du cœur et de l'âme de la cruelle créature fut mise en lumière par le magnanime Professeur, qui ne s'inquiétait que du bien-être de ses élèves.

Jasper semblait sur le point d'imploser de colère.

Mais Spite ne lui accordait que peu d'attention. Il avait peut-être peur de provoquer un second duel. Il le gardait cependant à l'œil, ce qui donna à Kyana, assise juste à côté de Cohen, l'impression que Spite s'adressait précisément à elle durant toute la leçon.

La première classe du matin eut au moins le crédit de lui rappeler qu'elle n'avait pas encore pris la peine d'arrêter son opinion sur les loups-garous. Chose à laquelle elle devrait remédier rapidement si elle ne voulait pas finir décapitée par Maître Cohen.

La vue du professeur Flitwick remonta le moral de Kyana. Après tout, elle aimait toujours autant les sortilèges. Puis vint la métamorphose. James et Sirius se surpassèrent, récoltant au passage deux détentions chacun. Ils réussirent, Merlin seul savait comment, à négocier pour les avoir la semaine suivante, question d'être en forme pour la sortie à Pré-au-Lard.

- Voulez-vous bien me dire comment vous avez fait pour la convaincre ? demanda Cathy, estomaquée, une fois qu'ils furent tous certain de ne plus être à portée de voix du local de métamorphose.

- Ah ma belle, c'est l'expérience ! répondit Sirius avec un geste théâtrale de la main.

- Tout est dans l'art de manipuler les esprits, renchérit James avec un gracieux hochement de tête.

- Elle a doublé la peine, hein ?

- La ferme, Remus…

Il fut difficile de savoir si ce fut la mine déconfite de James et Sirius ou le sourire horriblement satisfait de Remus qui provoqua le plus de rire.

Après le repas, le cours de soins aux créatures magiques. De façon générale, Kyana aimait les animaux mais la bestiole étrange que leur présenta le professeur l'agaça au plus haut niveau. « Eh puis d'abord, c'était quoi ? » Kyana n'en n'avait absolument aucune idée, mais c'était terriblement laid. Elle allait demander à Jasper plus tard… Pour l'instant, l'étude des Moldus.

James et Sirius, maintenant plus calmes, encadraient un Remus des plus sérieux. Ce qui n'empêcha aucun des garçons de saluer Kyana avec toute l'amabilité dont ils étaient capables.

La dernière leçon de la journée fut ce qui sonna le glas de la relative tranquillité d'esprit de Kyana. Elle savait bien qu'elle n'allait pas pouvoir éviter l'inévitable. « Ben, si c'est inévitable, c'est certain que tu ne peux pa… ! » Ouais ouais ouais… « Susceptible… » Grmf…

À la fin du cours, les trois garçons l'attendaient en discutant. Ce qu'ils continuèrent à faire sur le chemin du retour. Kyana se mêla à la conversation avec peu de conviction. Il fallait dire que Remus, une ride soucieuse creusée en plein milieu du front, semblait prêt à foncer droit dans un mur. Excessivement mauvais signe.

Puis, subitement, tandis que Kyana observait curieusement des oreilles de lapin pousser sur la tête d'un Serpentard de septième année, le silence s'installa au sein du groupe.

- C'est vous qui av… Oh !

James et Sirius avaient disparu. Il ne restait que Remus toujours aussi soucieux mais maintenant franchement agacé. Il grommela quelque chose qui ressemblait fort à : « bravo pour la subtilité… » avant de prendre une profonde inspiration et de se tourner vers Kyana dans un long soupir.

- Qu'est-ce que tu fais, ce soir ? demanda-t-il dans un superbe effort de légèreté.

- Eh bien, je n'en sais rien, répondit Kyana sur le même ton.

- Tu voudrais qu'on regarde nos runes ?

Gna… Ils passaient leur vie à regarder leurs runes. Il se dégonflait ?

- Bah ouais…

- Tu voudrais qu'on se retrouve dans le local du troisième ?

Ah… Mmmm… Un tête à tête.

- Bien sûr !

- Sept heures ?

- Super !

- Parfait.

Ce qui mit fin à la conversation. Ils se séparèrent avec une brève salutation, excessivement polie.

Le rideau allait bientôt se lever sur le dernier acte.


Lorsqu'elle arriva à ce qu'elle n'osait plus vraiment appeler « leur » local, Remus y était déjà. Debout devant la fenêtre, il contemplait le paysage dans une immobilité complète. Enfin, presque complète. Même s'il ne bougeait pas et ne montrait aucun signe de songer à se retourner vers elle, Kyana savait qu'il était conscient de sa présence. Il lui avait laissé la porte ouverte et au moment où elle l'avait refermée derrière elle dans ce qu'elle croyait être l'ultime moment de subtilité de sa vie, il avait tressailli. Kyana ne manqua pas de noter que le sac d'école de Remus n'était nulle part en vue.

« C'est super bon signe, quand même ! Je suis d'un enthousiasme débordant pour la suite ! »

- La ferme…

« Oh ! Ça faisait un moment ! Ça commençait à me manquer… » Il laissa échapper un bref ricanement. Kyana se dit qu'au moins, s'humilier – encore ! – avait du bon. Elle l'amusait.

- Bonjour Remus !

« Excellent ! Parfaite entrée en matière ! » Nah mais, Anyka n'allait quand même pas faire ça toute la soirée, si ? Personne ne lui avait demandé de faire la critique d'art pendant leur conversation ! « Toujours brimée, moi… » Eh puis quand même, Kyana aurait dû dire quoi ? Lui demander c'était quoi son foutu problème ? « Ça aurait été marrant, quand même… »

- Bonjour Kyana…

« Oh Merlin… » Les yeux bien grands, Kyana passa de l'inquiétude à la panique. Bien qu'un effort visible avait été fait, la salutation de Remus semblait avoir été faite par quelqu'un qui venait de perdre tous les membres de sa famille d'un seul coup dans un accident de pédalo. « Un… ?! » Ça arrivait plus souvent qu'on pourrait le penser ! « … » Et déjà, perdre les membres de sa famille était horrible, si en plus c'était dans quelque chose d'aussi pathétique qu'un accident de pédalo… « Tu marques un point… »

- Est-ce que ça va, Remus ?

« Quelle question ! Sûr que ça va ! Tu ne vois pas ses pompons de majorette ? Il va te faire un spec… » Sérieusement ! C'était amplement suffisant !

Remus poussa un lent et profond soupir et se retourna pour faire face à Kyana.

« Il était mieux de dos, finalement… » Ouais…

Il affichait un sourire mais il semblait tellement travailler pour y arriver qu'il en était presque effrayant.

- Ça va…

« Ouuu, mais qu'est-ce que je suis convaincue ! » Le stress… il ne pouvait qu'y avoir le stress pour pousser son cerveau à lui sortir des inepties aussi agaçantes.

- … mais je crois qu'on devrait discuter.

« Demande-lui ce qu'il pense de la peine capitale ! Le baiser du Détraqueur versus la mort ! »

- Oui, si tu veux. Ceci dit, ce sera plus un monologue de ta part parce que je crois que de mon côté, j'ai été assez claire. Qui plus est, je crois qu'une discussion est superflue, considérant que les arguments ne sont pas vraiment nécessaires. Tout ce que tu as à faire, c'est répondre. Bien que j'aie une préférence pour le choix de la réponse, je ne vais pas insister si tu ne prends pas l'option que je voudrais. Ça ne changera ni mon opinion sur toi ni notre amitié.

« Wow, je suis impressionnée ! Discours improvisé, en plus ! Jasper a une bonne influence sur toi. » Kyana savait. C'était pour ça qu'elle le gardait même s'il était aussi emmerdant.

Elle prit une pause pour le laisser digérer. Pause qui fut assez longue parce qu'il avait blanchi à mesure qu'elle parlait et qu'il était sur le point de devenir transparent. Peut-être avait-il espéré le malentendu ou une rétractation. Mais Kyana n'allait pas rebrousser chemin. Elle avait fait tout ce qu'elle pouvait faire et exigeait une réponse. C'était quand même stupide d'abandonner lorsqu'on voyait le sommet ! On montait en haut et plantait son drapeau ou on retombait en bas d'un seul coup. Et à la lumière de l'humeur générale de Remus, Kyana allait devoir essayer d'amortir la descente en se faisant un parachute artisanal avec son drapeau Remussien qui ne serait jamais planté.

- En ce qui me concerne, je crois que je n'ai vraiment plus rien à ajouter. C'est donc à ton tour, conclut-elle lorsque les lèvres de Remus redevinrent roses et qu'elle ne puisse plus voir les muscles de ses joues au travers de sa peau.

Kyana se glissa sur un pupitre pour s'y asseoir et attendre patiemment que Remus se décide à parler. Pour une fois, elle fut d'accord avec Anyka lorsqu'elle lui dit qu'elle aurait dû s'apporter un roman parce que l'attente risquait d'être longue.

Selon toute vraisemblance, Kyana avait contré tous les scénarios que Remus s'était fait avant cet ultime rencontre. Il était totalement désarçonné. Elle lui donna donc le temps de se restructurer, se disant que ce n'était qu'un sursis. Elle fit un effort démesuré pour ne pas tomber tant dans les idées morbides que dans l'espoir vain.

- Kyana…

Après un bon cinq minutes, ça y'était. Si le premier réflexe de la pauvre Serdaigle fut de prendre la fuite, elle le refoula rapidement. Avec le meilleur visage impassible qu'elle pouvait fournir, elle attendit que Remus se prononce.

- Écoute… Je… ne… dis pasquetu aies… to..rd. Mais… À… à propos de… de… du tableau. Je… je ne… je ne comprends pas.

Si son départ fut des plus laborieux, Remus sembla déduire, à juste titre, que la nouvelle expression faciale de Kyana venait de ses tergiversions à savoir s'il serait plus efficace de lui lancer un sort ou une chaise.

- Non non ! lança-t-il précipitamment en levant les mains. J'ai compris… compris la question ! C'est juste… je ne comprends pas pourquoi tu me demandes ça… à moi…

La fin de la phrase avait été dite dans un murmure et le visage misérable de Remus suffit à faire fondre toute la colère de Kyana. Après tout, elle savait déjà, avant même que Jasper ne le lui explique de long en large, que Remus avait une très médiocre estime personnelle. Comment pouvait-il réagir autrement ?

« Et James n'avait-il pas déjà dit que c'était sur le « pourquoi » qu'il se questionnait ? »

- Et pourquoi pas à toi ?

Tout aussi misérable, il pencha la tête de côté.

- Sérieusement, Remus, tu ne l'as pas vu venir ? Ça ne t'a jamais traversé l'esprit ? J'admets que tu n'aies pas capté pour la fille dans ta cabine de douche et que j'ai quand même été moins… directe mais… Tu n'as vraiment pas vu mes pathétiques tentatives de flirt ?

Kyana ne l'aurait jamais cru possible mais il trouva le moyen d'être encore plus misérable qu'avant. Assez pour que Kyana n'ait qu'une seule envie, soit de le serrer dans ses bras pour le réconforter.

Elle se laissa glisser en bas de la table et fit un pas vers lui. Il baissa la tête et recula d'un pas.

- Il n'y a rien de pathétique chez toi, Kyana, souffla-t-il en relevant la tête.

Le regard qu'il lui lança fit un serrement au cœur de Kyana.

- Je… j'ai vu, je crois… mais je n'ai jamais cru que… ça puisse être possible.

Il eut un mouvement de tête désespéré. « C'est étrange… On dirait qu'à mesure que tu lui confirmes que tu lui cours après, il se fait découper en morceaux… »

- Remus, éc…

- Et… et l'autre… l'autre type ? coupa-t-il vivement, en faisant une grimace sur le dernier mot.

Kyana cligna des yeux. Quel autre type ? Et pourquoi elle avait l'impression qu'il était jaloux ? On n'était pas jaloux quand on s'apprêtait à dire à une fille qu'on n'en avait rien à carrer.

- Quel autre type ?

Remus souffla et fit une autre grimace.

- Celui dont tu parlais dans le train… Celui avec qui Anyka n'arrête pas de t'embêter ! Celui dont tu ne voulais pas admettre que… que…

Même avec son froncement de sourcils et son air farouche, il ne parvint pas à terminer sa phrase.

Kyana sourit. Au point où elle en était, autant jouer cartes sur table.

- Ah… Oui… Tu parles du type qui n'avait jamais dit mon nom ?

Il détourna le regard et hocha la tête.

- Du type dont je n'avais jamais dit le nom… Remus ? Le type qui ne m'avait jamais regardé dans les yeux… ?

Étonné, il planta son regard dans le sien.

- …et qui maintenant, le fais ?

La surprise de Remus se transforma en quelque chose qui ressemblait fort à de la douleur.

- Tu… tu parlais… de moi ?

Kyana lui sourit avec tendresse, bien que son pauvre petit cœur menaçait de tomber en poussière.

- Évidemment que je parlais de toi. Et puis, sois logique, Remus. Depuis un mois et demi, je suis pratiquement toujours avec toi. Comment voudrais-tu que je sois tombée amoureuse de quelqu'un d'autre ?

Kyana elle-même n'avait pas mesuré l'impact du terme « amoureuse » avant de le dire, mais la profonde inspiration de Remus et ses yeux nouvellement grands comme des souaffles lui firent savoir qu'il serait plus… sage de se garder une petite gêne quant à la profondeur de ses sentiments.

Elle poussa un triste soupir et se décida à revenir sur le sujet de départ, pour mettre fin à leur calvaire à tous deux.

- Remus, je te l'ai dit, ce n'est pas grave. Tout ce que tu as à faire, c'est répondre à la question. On va laisser tomber le « peut-être »… Oui ou non ?

Non. Non. Non. Non. Non. Non. Non. Non. Non. Non.

- Ce n'est pas… si simple, Kyana.

Il allait la laisser se tourmenter encore longtemps ?!

- Bien sûr que ça l'est ! Tu veux ou tu ne veux pas.

- Ça n'a rien à voir avec ce que je veux et ce que je ne veux pas ! Tu ne peux pas me demander ça… à moi.

- Ah ? Et pourquoi ?

Incrédule, il lui répondit par deux gestes de la main. Un très appréciateur en direction de Kyana et un autre très douteux en sa direction.

Kyana, qui aurait volontiers échangé la direction des gestes, se contenta de hausser le sourcil. Ce n'était pas une raison. Remus, obligé de s'expliquer, soupira.

- Kyana, n'as-tu pas conscience de qui tu es ? Tu… es…

Il chercha les mots pour la décrire mais n'y arriva pas. Mais son regard fut plus éloquent qu'aucun mot qu'il aurait pu trouver. Le nombril et le cœur de Kyana se serrèrent simultanément.

- Ne perds pas ton temps avec moi. Tu peux avoir le type que tu veux, Kyana.

- Visiblement non, parce que moi, c'est toi que je veux. Et tu ne sembles pas d'acc…

- Je te l'ai dit, ce que moi je veux n'a aucune importance ! La question c'est…

- …de savoir si toi tu me veux !

Elle avait simplement voulu retourner la formulation de Remus contre lui mais après coup, et à la lumière du visage blême et les yeux étranges de son ami, elle réalisa que le sens de sa question pouvait être interprétée tout autrement. « Ce qui n'est pas faux non plus… » Certes, mais Remus était une petite chose si sensible.

- Ce que je veux dire, c'est que pour moi, tout ce qui a de l'importance, justement, c'est de savoir ce que toi tu penses.

Il secoua la tête après une minute. Kyana n'était pas certaine de savoir à laquelle de ses interventions il avait eu besoin d'un moment pour digérer.

- Un type comme McGill ou… je sais pas, moi ! Il y en a plein ! Et tu n'as qu'à battre des cils pour les attirer. Il faudr…

- Arrête d'essayer de me vendre à quelqu'un d'autre !

- Vendre ?! répéta-t-il, choqué plus que jamais.

Mais Kyana n'allait pas lui donner le temps d'être troublé. Elle voulait une réponse à sa question et il allait lui donner MAINTENANT !

- Tu pourras bien dire ce que tu voudras, moi je veux savoir ce que TOI tu veux !

- Ça n'a aucune importance ! Je…

- Est-ce que tu es gay ?

- … crois que… Quoi ?! Non !

« Merlin… fallait que tu lui demandes, hein ? » Ben, on n'était jamais trop prudent.

- Eunuque ?

- Eun… ?! Non !

- Castrat ? Je ne t'ai jamais entendu chanter…

- Kyana !

- Albinos ? Quoi que ça n'a aucun rapport… et ça se verrait…

- Écoute, ça n'a rien…

- Tu es impotent ?

- Arrête, s'il te plait, Kyana, arrête ! implora-t-il en levant les mains.

- Alors réponds-moi !

- Ça n'a rien à voir avec ce que moi je veux ! J'essaie de te faire comprendre que tu ne peux pas être avec moi !

- Et pourquoi pas ? T'as des verrues mal placées ? T'as un truc en trop ou en moins ?

- Non ! Ça n'a rien à voir avec… ça !

- Hémorroïdes ?

- Merlin !

Il ferma les yeux et renversa la tête en arrière. Kyana savait bien qu'elle ne le laissait pas s'expliquer mais ça ne servait à rien de toute façon.

- Tu pourras bien me dire tout ce que tu veux, Remus, mais on en reviendra toujours à la question initiale.

Il baissa la tête et lui tourna le dos, au plus profond des profondeurs profondes du désespoir.

- Remus, je veux savoir si tu veux être mon petit…

- Je suis un loup-garou…

- …-ami. C'est tout ce que j'ai bes… Ah ? Je n'y aurais jamais pensé…

Un loup-garou. C'était un loup-garou… Remus était un loup-Garou.

Tout se mit en place dans la tête de Kyana, dans une lucidité sans précédent juste avant que son cerveau ne surchauffe et qu'elle ne tombe dans une léthargie totale.

Un loup-garou…