Harry Potter - J.K. Rowling

La Liste - Rose

Cette fanfiction se déroula sous forme de vignettes, plus ou moins longues. D'un point de vue chronologique, il se peut que certaines soient séparées par plusieurs mois. Par conséquent, ne vous attendez pas à une histoire détaillée mais plutôt à des "morceaux" qui se regroupent pour former un tout.


Aller à un concert - POV Harry Potter, 11 août 2001

Une idée de Seamus : "Parce que tu comprends Harry, depuis Poudlard, on ne s'est pas beaucoup croisé !"

Reformer le groupe que nous avions jadis été grâce à l'AD s'était révélé impossible. Certains ne seraient pas là à cause de leur emploi du temps et d'autres ne seraient jamais là, ni ce soir ni aucun autre.

On patientait depuis deux bonnes heures déjà, avançant de quelques pas pour mieux reculer ensuite. L'entrée du chapiteau n'était plus qu'à quelques mètres et les mouvements de la foule étaient de plus en plus violents. La frêle Luna attrapait régulièrement la manche de Neville. Étant donné que nous l'avions déjà perdu trois fois ces deux dernières heures, j'estimais que c'était une sage décision.

Un mouvement de foule fût un peu plus féroce que les précédents et m'entraîna sur quelques mètres. Je ne distinguais plus la tête blonde de Luna ou celle rousse de Ron. Me hissant sur la pointe des pieds, j'essayais désespérément de les apercevoir dans cette marée de chapeaux pointus. L'homme devant moi fit brusquement un pas en arrière, me bousculant au passage. En équilibre précaire, je me rattrapais à la première chose à porter de main.

Je me retournais vers mon voisin, hésitant entre m'excuser ou me plaindre. Les deux me sont restés en travers de la gorge. Je ne sais pas qui fût le plus surpris, lui ou moi ?

_ Potter ?, interroga-t-il.

_ Chut !

J'inspectais les alentours. Personne ne me pointait du doigt, ne me dévisageait ouvertement ou ne se précipitait vers moi. Péniblement, la foule se dirigeait toujours vers l'entrée du concert.

_ Toujours la grosse tête alors, Harry ?

Je me suis retrouvé incapable de lui répondre. Harry ? Je crispais mes mâchoires et le foudroyais du regard.

_ Ma patience est déjà à bout, Malefoy, alors évites ce genre de familiarité avec moi.

Je me détournais et cherchais de nouveau un visage familier. À quelques mètres de là, devant l'entrée de chapiteau, Ron se dévissait la tête dans tous les sens. Je levais la main, le hélais mais le vigile agitait vivement sa baguette sous les yeux de mon rouquin de meilleur ami. Balayant une dernière fois la foule du regard, Ron grimaça puis disparut à l'intérieur de la salle de concert. Je jurais :

_ Merde !

_ Si tu ne les retrouves pas une fois à l'intérieur, tu peux t'installer avec nous.

Pardon ? Je me retournais d'un seul mouvement vers Malefoy mais ce dernier dévisageait son camarade avec une expression de dégout qui devait grandement ressembler à la mienne.

Blaise Zabini se contenta de hausser les épaules, comme s'il ne venait pas de faire une proposition des plus absurdes, mais son sourire amusé le trahissait clairement. En trois ans, ce dernier avait beaucoup changé : les épaules plus larges, les cheveux plus longs, les yeux rieurs. Il ne ressemblait plus à l'adolescent nonchalant dont j'avais le souvenir. Je jetais un coup d'oeil à Malefoy. Avait-il changer lui-aussi ? Il avait pris quelques centimètres et ses cheveux blonds étaient plus courts. Hormis ça, c'était toujours le même, avec sa peau trop blanche, ses yeux trop froids et ses lèvres trop pâles.

_ Pourquoi pas, ai-je simplement répondu. Les mots m'avaient échappé. Devant l'air surpris des deux autres, il était hors de question de faire marche arrière. Un sourire ravi s'était dessiné sur le visage du métis.

Effectivement, il me fut impossible de retrouver Seamus, Neville, Luna ou Ron dans l'immense salle bondée et mal-éclairée. Je me retrouvais donc debout aux côtés de Malefoy et Zabini, me maudissant d'avoir accepter la proposition de ce dernier.

_ Alors comme ça, tu écoutes The Singing Wands ?

Je m'étais retenu à la toute dernière seconde de lui répondre un cinglant "de toute évidence" à la manière de Severus Snape. En plus, ce n'était pas tout à fait la vérité.

_ Non. Seamus a gagné une demi-douzaine de places à un jeu-concours. Et toi ?, ai-je demandé davantage par politesse que par intérêt.

_ Non plus. Blaise les idolâtre et il n'avait personne pour l'accompagner.

Le spectacle commença alors et le groupe de musiciens fût accueilli par des applaudissements et des cris hystériques.

Une dizaine de chansons plus tard, mes oreilles bourdonnaient et mes pieds ne cessaient de se faire écraser, j'avais les jambes en coton et mes vêtements me collaient à la peau. Quelqu'un me bouscula - encore - , j'étais à deux doigts de devenir violent. Mais ce n'était que Malefoy qui essayait de me faire comprendre quelque chose. Il pointait successivement Zabini, la sortie de secours et moi. Sauf que le métis ne semblait avoir aucune envie de quitter les lieux. Devant le peu d'enthousiasme de Malefoy, Blaise Zabini dansait, hurlait, applaudissait, chantait avec un groupe de jeunes tout aussi excités que lui. Je secouais la tête en signe d'incompréhension. Malefoy grimaça quand le chanteur du groupe poussa un hurlement qui n'avait rien de mélodieux puis posa son doigt sur ma poitrine, puis sur la sienne et doigta ensuite la sortie, quelque part à ma droite. Je désignais Zabini d'un signe de tête, Malefoy haussa les épaules de dépit.

Accéder à la sortie de secours ne fut pas aisé, mais lorsque cette dernière se referma sur Malefoy et moi, un soupir de soulagement m'échappa.

_ On va boire un verre ?, me demanda l'ancien Serpentard en désignant un stand à l'écart.

La petite buvette était déserte, plusieurs petites tables en bois n'attendaient que nous. J'avais chaud, j'avais soif, j'avais envie de m'assoir. J'acquiesçais donc silencieusement.

Quelques minutes plus tard, je me retrouvais à fixer mon verre de jus de citrouille, incapable de lever les yeux vers mon voisin de table. Ça avait été une mauvaise idée que d'accepter sa proposition. Je n'avais rien à dire à Malefoy. Depuis la Bataille de Poudlard - comme elle était désormais nommée - , je ne l'avais que très peu croisé. En guise de salutations, on se contentait d'un petit signe de tête. Nous n'étions plus des ennemis, nous n'étions pas non plus des amis. Nous étions dans un no man's land, coincés entre une entente cordiale et un passé hostile. Et ce soir, nous avions franchi la frontière invisible qui nous avait maintenu dans ce drôle d'équilibre.

_ À quoi penses-tu ?, m'interrogea-t-il.

Ses doigts jouaient avec la paille fluorescente qui accompagnait son cocktail vert et rouge (dont je n'avais même pas compris le nom) mais son regard était fixé sur moi et témoignait d'un véritable intérêt. Étais-je le seul de nous deux à ne pas me sentir à ma place ici ?

J'optais pour la sincérité.

_ À l'étrangeté de la situation. Toi, moi. En train de boire un verre comme si c'était la chose la plus ordinaire qui soit.

_ Je connais de nombreux anciens élèves qui font la même chose. Se donner rendez-vous, s'assoir à une terrasse et se remémorer le passé …

_ Tu veux te remémorer le passé Malefoy ? Notre passé ? Personnellement je n'en ai pas besoin. Je me rappelle de chacune de nos disputes, tu peux me croire.

Il eut l'audace d'esquisser un sourire.

_ Des disputes hein ? Oui, tu as sans doute raison. Sauf la première fois, me répondit-il.

_ Chez Madame Guipure. Tu étais là, debout sur ton tabouret, le nez en l'air. Et tu t'es mis à parler, je ne comprenais absolument rien : les balais de course, le Quidditch, les Maisons, Serpentard … Quand Hagrid est arrivé avec ses deux énormes glaces, j'étais tellement fier de savoir quelque chose que tu semblais ignorer.

Je m'arrêtais là, surpris de me souvenir aussi bien de cette conversation.

_ Oui. Et comme le petit garçon prétentieux que j'étais, j'ai critiqué la première personne qui te montrait le monde sorcier.

_ Juste avant de déclarer que les personnes qui n'avaient jamais entendu parler de Poudlard avant de recevoir leur lettre n'avaient rien à y faire. Cette première rencontre n'a peut-être pas été une dispute mais elle a donné le ton.

_ Exact. Où comment ont commencé sept longues années de haine et de mépris …

Il ne me regardait plus. Ses doigts ne jouaient plus avec la paille fluorescente mais s'acharnaient à vouloir arracher une petite écharde de bois qui dépassait de notre table.

À ce moment-là, je m'étais senti obligé de corriger sa dernière phrase.

_ Je ne pense pas t'avoir haïr Malefoy. On n'était que des gamins. Ça n'excuse pas tout mais avec un peu de recul … Je pense que tu n'étais pas le seul fautif. Tu commençais la plupart de nos disputes mais je n'étais pas le dernier pour ajouter de la salive de crapaud dans le chaudron.

Il avait relevé la tête, les yeux écarquillés comme si je m'étais soudainement mis à parler Fourchelangue - ce dont je n'étais plus capable d'ailleurs. Mais j'avais suffisamment mûri pour reconnaître ma part de responsabilité dans chacune de nos querelles.

_ Et je haïssais déjà Snape et Voldemort. Alors te haïr également, ça m'aurait demandé trop d'effort, ajoutais-je pour détendre l'atmosphère.

_ Moi, je te haïssais. J'entendais parler de toi depuis que j'étais enfant. Par mes parents, par les amis de mes parents, par mes propres amis ou par des inconnus. Le Garçon-qui-a-survécu. J'avais l'impression de te connaitre depuis toujours, alors quand tu as refusé ma poignée de main, j'ai cru à une plaisanterie. J'étais Draco Malefoy. Tu étais Harry Potter et tu préférais t'acoquiner à un Weasley. Tout t'était possible, tu avais le monde à portée de main et tu ne t'en rendais même pas compte.

_ Que crois-tu qu'il se serait passé ? Si j'avais serré ta main.

_ Je ne sais pas. J'imagine qu'on aurait pu devenir amis.

Il y eut un moment de silence.

_ J'aurai pu devenir un Serpentard, m'exclamais-je soudainement.

_ Comment ça ?

_ Le Choixpeau a hésité. Et comme le grand 'Malefoy, Draco Malefoy' venait d'être réparti chez les Serpents, j'ai supplié le chapeau magique : tout sauf Serpentard !

_ Par tous les grands mages ! J'ai failli détourné le Garçon-qui-a-survécu du droit chemin !, se moqua-t-il plus amusé que réellement surpris.

D'un réflexe idiot, un de ceux que j'aurai eu en compagnie de n'importe quel ami, je lui décrochais un coup de pied - pas si gentil que ça - sous la table de la buvette. Et à voir son visage choqué, lui non plus ne s'attendait pas à cet élan de familiarité. J'explosais d'un rire teinté d'amusement et de nervosité. Le sien était bien plus discret, presque hésitant.

J'avais fait rire Draco Malefoy ! Certes, ce n'était pas un éclat de rire à se tenir les côtes mais ce n'était pas non plus cet espèce de ricanementmoqueur et méchant que je lui avais toujours associé.

_ Excusez-moi, nous interrompit le serveur. Je n'osais pas trop venir mais vous êtes Harry Potter n'est-ce-pas ?

_ Oh. Désolé mais non. Vous n'êtes pas le premier à faire l'erreur si ça peut vous rassurer.

C'était une phrase que j'avais utilisé une centaine de fois depuis la fin de la guerre. Je portais toujours mes lunettes rondes mais une stupide mode s'était lancée quelque temps après la guerre et en avait fait un accessoire incontournable. Ma cicatrice était désormais cachée sous les mèches sombres de mes cheveux mais mon visage avait tellement fait les gros titres qu'il était difficile de tromper qui que ce soit. Et vu l'air dubitatif du sorcier me faisant face, ça allait être compliqué de le convaincre du contraire.

_ Par Salazar Serpentard ! Le Survivant buvant tranquillement un verre avec moi pour seule compagnie ? Dans quel monde vis-tu gamin ?, se moqua mon voisin de table, un sourire méprisant scotché sur son visage.

_ Monsieur Malefoy ! Je … je ne vous avais pas reconnu, bégaya notre serveur en décrochant son regard de mon front. Dé …. désolé de vous avoir interrompu, votre ami ressemble beaucoup à Har … Enfin je me suis trompé. Encore désolé, bafouilla-t-il de nouveau.

Le jeune homme fit rapidement demi-tour et alla se planter derrière son comptoir où il nous tourna le dos ostensiblement. J'en restais sans voix quelques instants, avant de faire face à mon sauveur.

_ Bon sang Malefoy ! Je serai prêt à te payer pour que tu refasses ce petit numéro à chaque fois que quelqu'un me reconnait !

_ Attention Potter, je serais capable de te prendre au mot. Comment arriverais-tu à me supporter alors ?

_ Prêt à te payer et à te supporter. C'est pour dire !

On échangeait un regard complice - du moins j'estimais que s'en était un - et cette fois-ci, il fut le premier à rire doucement, tout en secouant la tête d'un air faussement dépité. Je me surpris à lui sourire en retour.

Des éclats de voix nous parvinrent alors. De nombreuses personnes, débraillées, les joues rougies et les cheveux trempés de sueur, s'échappaient du chapiteau. Il était temps de se séparer pour partir à la recherche de nos amis respectifs. Cette étonnante soirée prenait fin.

Étrangement, aucun de nous deux ne fit mine de se lever. Plusieurs petits groupes commençaient à occuper les tables jusqu'alors désertes et le serveur ne semblait plus savoir où donnait de la tête.

_ Tu serais partant, Potter ? Pour tenter d'avoir une seconde conversation intelligente avec moi ?, me demanda-t-il soudainement.

J'ai sans doute été plus long que le politiquement correct ne le permet pour répondre à sa proposition, mais il ne releva pas et patienta simplement en me fixant de ses yeux gris.

_ J'ai acheté un petit appartement dans la banlieue londonienne. Il est un peu défraichi et a besoin d'un bon coup de peinture. Étrangement, personne n'est disponible pour me donner un coup de main. Tu te sens de relever le défi Malefoy ?

_ Je suis l'homme de la situation Potter. Où et quand ?

Il s'était redressé, son nez pointé légèrement vers le haut. Ainsi, il ressemblait beaucoup au gamin que j'avais rencontré dans un magasin de prêt-à-porter sorcier il y a de cela dix ans.

_ Dimanche prochain, treize heures. Rendez-vous au Chaudron Baveur, Malefoy.

Je me levais sans attendre de réponse et disparaissais dans la foule. Je n'allais jamais retrouver Ron et les autres dans cette marée humaine !