Une fois n'est pas coutume, les notes sont à la fin du chapitre :)

Bonne lecture !


Chapitre 12 - Décembre

Sam se réveilla de bonne heure en ce matin du vingt-quatre décembre. Il faisait encore nuit dehors et la maison était silencieuse. Il n'entendait que quelques cliquetis lointain provenant de la cuisine et une odeur de café qui se glissait jusque dans sa chambre. Il tourna la tête vers son vieux réveil-matin dont les lettres rouges indiquaient sept heures et quart. Sam s'étira comme un chat et se retourna vers le côté gauche. Gabriel était parti mais Sam ne s'en faisait pas beaucoup, persuadé que l'archange ne devait pas être bien loin dans la maison. Probablement dans la cuisine d'ailleurs.

Sam s'enveloppa dans la couette bien chaude et referma les yeux. Il pourrait peut-être se rendormir une heure ou deux… C'est ce qu'il fit et, cinq minutes plus tard, il ronflait déjà.
Il se réveilla de nouveau quand quelqu'un toqua à la porte. Il grogna, ôta les mèches de cheveux qui lui tombaient devant les yeux et regarda le réveil qui affichait à présent neuf heures.

– Sammy ? Tu es réveillé ? demanda Dean en entrant.

Si ce n'était pas le cas, c'était maintenant chose faite.

– Hum, grogna son frère, la tête toujours enfouie dans son oreiller.

– Allé debout !

Dean alluma la radio et improvisa une danse en chantant par dessus.

– Pitié, Dean !

Dean se jeta alors sur le lit, et par conséquent Sam qui émit un grognement quelque peu étouffé par le poids de son aîné, et ébouriffa les cheveux de son petit frère. Sam répliqua en attrapant les bras de Dean qui perdit l'équilibre et tomba sur le parquet avec un bruit sourd, en entraînant son petit frère dans sa chute, et ils s'aplatirent de tout leur long sur le sol. Sam ne put s'empêcher de rire et Dean le rejoignit bien vite. Depuis combien de temps est-ce qu'ils n'avaient pas ris comme ça ? Sam ne se souvenait même pas. Ils entendirent alors Bobby monter les marches de la maison à la hâte et débouler dans l'encadrement de la porte.

– Mais qu'est-ce que vous fabriquez tous les deux ? demanda t-il en les regardant avachis par terre.

Apparemment, le bruit l'avait inquiété.

– Euh…

– C'est lui qui a commencé, clama Dean en se relevant et en pointant du doigt son cadet.

– Alors là, c'est faux ! rétorqua Sam.

Bobby eut un petit rire et leva les yeux au ciel.

– Bon, si vous voulez faire un repas de réveillon et de Noël, il va falloir faire des courses, enchaîna t-il. Dean, tu vas m'aider à cuisiner pour tout ce beau monde et Sam, tu vas faire les courses. Des questions ? Non ? Parfait alors, au boulot !

Il repartit comme il était venu. Sam et Dean échangèrent un regard.

– Il est de bonne humeur, commenta Dean en se relevant.

Sam attrapa ses affaires et fila prendre une rapide douche bien chaude. Il s'habilla ensuite et descendit l'escalier… et resta figé sur le pas de la porte de la cuisine.

– Euh… Bobby ?

Bobby lui tendit une tasse de café comme si tout était normal, comme si la maison n'était pas décorée comme dans un magazine dédié à Noël, avec goût même. En tournant la tête, il constata également qu'un sapin de près de deux mètres trônait dans le salon, son sommet légèrement écrasé par le plafond.

– Bobby ? répéta t-il. C'est toi qui a…

– C'est Gabriel. On a quand même dû raboter un peu le sapin, il était trop grand, expliqua t-il.

– Et ben…

Bobby eut un sourire et Sam comprit que Bobby, tout comme lui, était heureux de pouvoir fêter un Noël normal, entouré de ceux qu'ils aimaient. Il régnait dans l'air une atmosphère un peu magique, excitante, comme quand Dean allait lui chercher en douce un cadeau pendant la nuit pour lui offrir au petit matin en faisant croire que le Père Noël était passé dans la nuit.

– Bon, tu vas faire des courses oui ou non ?

Sam avala son café trop chaud, se brûla à moitié la gorge en passant, puis attrapa sa veste, son écharpe en laine, les clés de la camionnette de Bobby et ouvrit la porte. L'air glacial le figea sur place et enroula son écharpe un peu plus serrée autour de son cou. Dehors, il constata que la neige commençait à tomber.

La neige ?

S'il neigeait fréquemment l'hiver, c'était plus rare que ça arrive le jour du Réveillon de Noël. Il traversa les carcasses de voiture en frissonnant, ouvrit la camionnette et s'installa. Bobby lui avait donné une liste de courses qu'il glissa dans sa poche avant d'allumer le contact. La camionnette grogna et finit par démarrer et Sam alluma le chauffage au maximum. La neige tombait de plus en plus fort et la route commençait à se recouvrir d'une fine pellicule blanche. Sam conduisit prudemment mais poussa la voiture jusqu'à la ville voisine où il trouva un grand supermarché. Il se gara, coupa le contact et attrapa son porte-feuille qu'il glissa dans sa poche.

Il sortit de la voiture et trembla de froid plusieurs minutes avant d'atteindre l'entrée du magasin. Cependant, Sam n'avait pas vu la belle plaque de verglas qui scintillait sur le sol, marcha dessus, dérapa et retomba lourdement sur le sol glacé avec un cri de surprise mêlé de douleur. Il jura et massa son épaule douloureuse avant de se remettre debout tant bien que mal. Quelques gouttes de sang par terre lui indiquèrent que sa main était blessée. Il soupira et appliqua un mouchoir sur sa main tout en ignorant ses élancements à l'épaule droite.

– Ça va, Sammy ?

Sam regarda autour de lui mais il ne vit personne.

– C'est Sam, corrigea t-il machinalement.

– Sinon Dean va être jaloux ?

– Montre-toi, Gabriel, soupira Sam.

A la plus grande surprise du chasseur, un pigeon blanc et gris voleta jusqu'à lui et se posa sur son épaule qui guérie instantanément. Sam le regarda et retint un ricanement.

– Un pigeon ?

– Qu'est-ce que tu as contre les pigeons ? râla Gabriel. Ce sont des animaux très loyaux et amicaux. En plus, ils sont le symboles de la fidélité, quand ils s'accouplent c'est pour la vie.

– Pas comme toi manifestement, ironisa Sam.

En représailles, Gabriel lui pinça la main de son bec. Sam grimaça de douleur et retira sa main, hésitant à faire un parallèle entre les anges et les pigeons…

– N'y penses même pas ! le coupa Gabriel en pleine pensée.

– Je croyais que tu avais arrêté de lire mes pensées ? répliqua Sam.

Gabriel se répondit rien et voleta jusqu'à la poche du manteau de Sam dans laquelle il rentra tant bien que mal.

– Mais qu'est-ce que tu fabriques ?

– Je reste avec toi, répondit Gabriel d'un ton insolent. Qu'est-ce que tu fais ?

– Des courses pour Noël, répondit Sam en sortant sa liste de son autre poche. A propos, merci pour la décoration.

– A ton service, Bobby est très heureux de fêter un vrai Noël avec vous, tu sais.

– C'est vrai qu'on n'a pas eu beaucoup d'occasion de fêter quelque chose ensemble ces derniers temps… approuva Sam.

En fait, à la réflexion, jamais était le mot le plus approprié.
Sam entra dans le magasin, la tête d'oiseau de Gabriel dépassant de sa poche. Il attrapa un caddie et acheta une grosse dinde, des pommes de terre, plusieurs bouteilles de vin, des épices, une pâte feuilletée, une boite de marron en conserve, des champignons et une bûche au chocolat glacée.

– Tu vas faire le repas ? demanda Gabriel.

– Dean va le faire. Il aime cuisiner, marmonna Sam tout en vérifiant qu'il n'avait rien oublié sur sa liste.

– Rajoute du saumon fumé pour l'entrée, suggéra Gabriel.

Sam baissa sa main pour caresser doucement ses plumes soyeuses avec un sourire et se dirigea vers le rayon frais. Il prit deux sachets de saumon fumé et un paquet de toast. Il tenta de tout caler dans son caddie quand il reçut un appel de Bobby.

– Alors, Bobby ? Oui ça va, je viens de terminer… Quoi ? Pourquoi ? Non mais, Bobby ! Sérieusement ?

Gabriel releva sa tête et mordilla de son bec la main libre de Sam. Sam lui caressa distraitement les plumes et continua de maugréer au téléphone.

– Oui, oui… D'accord, comme tu veux.

Et il raccrocha.

– Un problème, Sam ? demanda Gabriel.

– Crowley vient manger et…, s'insurgea Sam.

– Doucement, Sam, tu donnes l'impression de parler seul là…

Effectivement, à l'autre bout du rayon, une vieille dame le regardait sévèrement par dessus ses lunettes en demi-lune.

– Crowley s'invite ce soir, maugréa Sam en repartant vers les dindes. Je ne comprends vraiment pas pourquoi Bobby le laisse rester !

– Ah…

Sam tourna son regard vers Gabriel. Sa totale absence de réaction voulait dire qu'il était impliqué, forcément.

– Gabriel ?

– Mon trésor ?

– C'est à cause de toi qu'il est là ?

– A cause de moi, à cause de moi… Tout dépend de ce que tu entends par là, répliqua Gabriel.

– Pourquoi tu as invité Crowley ? questionna Sam en chuchotant.

– Parce qu'il était là quand j'ai invité Balthazar.

– Et pourquoi tu as invité Balthazar ?

– Parce que c'est mon frère, Sam. Ça t'échappe peut-être mais entre fêter Noël au Paradis avec Raphaël et fêter Noël avec toi, Castiel et Balthazar, je choisis la deuxième option, expliqua t-il. Je n'ai jamais passé autant de temps avec mes petits frères et franchement, ça fait du bien.

Sam se tut, cette explication ne lui convenait pas du tout et c'était peu dire.

– Tu me caches quelque chose ? Parce que j'ai du mal à croire que tu fasses une grande considération des sentiments de Crowley à ton égard.

Gabriel se tortilla dans sa poche.

– Tu as quelque chose à me dire ? grommela Sam qui fourrait une deuxième dinde dans son caddie.

Dans le magasin, la chanson We wish you a merry Christmas résonna en grésillant quelque peu dans les hauts-parleurs.

– Disons que ton ami Bobby aime beaucoup Crowley et qu'il aurait été heureux de l'avoir à sa table pour Noël mais qu'il ne l'aurait jamais demandé parce que c'est un démon et vous n'auriez rien compris, donc, j'ai arrangé le coup, expliqua Gabriel.

Sam resta un instant figé alors qu'il attrapait deux autres boites de marron.

– Quoi ? C'est… C'est complètement dingue ça, Gabriel. Pourquoi Bobby voudrait de Crowley ?

– Disons qu'entre deux insultes, ils s'apprécient.

– Tu veux dire qu'ils sont amis ?

Gabriel soupira, du moins autant qu'un pigeon pouvait le faire.

– On va dire ça comme ça oui.

Sam s'arrêta une seconde fois et se tourna vers son petit ami.

– Gabriel, qu'est-ce que tu racontes ? demanda t-il précipitamment.

– Tu veux vraiment savoir ? répliqua Gabriel.

Sam ne répondit rien, termina ses courses, les paya et traîna ses lourds sacs remplis à ras bord dehors, vers la voiture de Bobby.

– Tu m'aides ? maugréa t-il à l'intention de Gabriel.

Gabriel, toujours transformé en pigeon et confortablement installé dans sa poche, lui lança un regard sévère. Cependant, quelques secondes plus tard, les sacs disparurent, tous alignés dans le coffre de la voiture. Sam sourit.

– Merci !

– Enfin un peu de reconnaissance…, maugréa Gabriel.

Sam monta dans la voiture tout en évitant une plaque de verglas qui s'était formée devant la portière, s'installa au volant, alluma le moteur et monta le chauffage. Puis, précautionneusement, il sortit Gabriel de sa poche et serra l'oiseau contre lui en lui caressant les plumes du dos.

– Sammy, tu fais ça comme un dieu !

Comme pour appuyer ses dires, Gabriel étendit ses ailes pour que Sam puisse le grattouiller bien là où il le fallait, au bord des ailes.

– Bon, ce n'est pas que je n'aime pas ça mais, est-ce que tu vas te retransformer un jour ? Et m'expliquer ce qu'il se passe entre Bobby et Crowley ? demanda le chasseur.

Sam se refusait à imaginer le pire.

– Ça n'est pas bien difficile à comprendre, répliqua Gabriel. Et non, je suis bien comme ça.

– Mais Bobby nous en aurait forcément parlé, protesta Sam. Je veux dire… enfin c'est Crowley ! Et non, je te préfère sous ta véritable forme.

– Sammy, vu ta réaction, et je n'ose pas imaginer celle de Dean s'il savait, je comprends que Bobby n'ait pas eu envie de s'embarquer là-dedans. Et si j'étais sous ma vraie forme, tu serais mort.

Sam dût bien admettre qu'il avait raison sur les deux points.

–Mais quand même… Crowley !

– Sam, ton ami Bobby a bien le droit à être un peu heureux après toute la merde qui lui ai tombé dessus alors tu digères cette information, tu la garde pour toi et tu nous ramènes.

– Tu veux dire que Dean ne le sait pas ?

– Non, Dean croit que Crowley se cache chez vous pour se protéger d'une tentative d'assassinat par un groupe de démon.

– Alors pourquoi moi je suis au courant ?

– Parce que tu es raisonnable.

Sam soupira et posa Gabriel sur le siège passager. Puis, il boucla sa ceinture et recula dans l'allée.

– Autre chose, poursuivit Sam, pourquoi est-ce que j'achète plus de nourriture alors que, techniquement, Castiel, Balthazar et toi n'avaient pas besoin de manger ?

– Parce que c'est Noël, Sammy.

Du coin de l'œil, Sam vit que Gabriel avait reprit son apparence normale et mangeait une barre de chocolat. Puis, l'archange se pencha et fouilla distraitement dans le vide-poche devant lui. Le chasseur eut un sourire en imaginant un enfant incapable de rester en place sans rien faire plus de deux minutes. Gabriel trouva finalement quelques vieilles photos qu'il regarda sans un mot pendant tout le trajet du retour.

– Qu'est-ce que c'est ? demanda finalement Sam alors qu'il tirait le frein à main après s'être garé dans l'allée.

Gabriel eut un sourire doux et se rapprocha de lui.

– Toi, dit-il simplement. Ou Dean et toi, ça dépend. Il y a sa femme aussi.

Sam prit les photos et les regarda intensément. Il y avait lui, quand il avait neuf ans, peut-être dix, et qu'il avait réussit à faire son premier point au base-ball. Dean, plus âgé, assit sur l'Impala l'air très fier, Dean encore qui serrait Sam contre lui, riant aux éclats. Bobby et eux deux, devant un maigre sapin de Noël, mais heureux. Une autre photo, plus récente, les montrait tous les quatre avec Castiel.

– Celle-ci, dit Sam en tapotant la photo, c'était avant l'Apocalypse.

Gabriel se pencha et l'embrassa dans le cou.

– Vous êtes sa famille, Sam, chuchota t-il. Tout autant que si vous étiez ses véritables enfants.

– Bobby est mon père, dit Sam d'un ton catégorique. Je n'en ai eu aucun autre.

Gabriel l'enlaça et ils restèrent un moment l'un contre l'autre. Jusqu'à ce qu'un juron se fit entendre dehors. Sam sursauta et ouvrit la porte de la voiture et le vent glacial le gela de la tête aux pieds. A côté de lui, Gabriel ricana.

– C'est rien, Sam. Dean vient de se couper avec l'épluche-légume.

Sam eut un petit rire et commença à décharger la voiture.


Il était dix-neuf heures et, dehors, la neige tombait plus drue que jamais. Bobby avait allumé un feu dans la cheminée et préparait du vin chaud aux épices tandis que Dean s'affairait en cuisine pour cuire le repas de Noël. Sam l'aidait en préparant les toast de saumon fumé – une idée que Dean avait trouvé excellente – tandis que Balthazar et Castiel dressaient la table. Crowley, quant à lui, lisait le journal dans un coin de la pièce, un verre de lait de poule à la main. Sam ne pouvait s'empêcher de lui lancer régulièrement des coups d'œil, encore abasourdie par la révélation de Gabriel. Il secoua la tête pour chasser sa surprise. Bobby avait besoin de soutient et de rien d'autre, Gabriel avait raison.

Il termina de dresser ses toasts et l'apporta sur la table. Bobby distribua du vin chaud à tout le monde tandis que Dean sortait les dindes du four à grand renfort de jurons.

– Dean ? l'appela Sam. Tu as besoin d'aide.

– Non, ça va aller. Elle croit qu'elle peut m'avoir mais elle ne l'emportera pas au Paradis, râla t-il.

– Et tu parles de ? demanda son frère.

– La dinde, Sammy, la dinde.

Dix minutes plus tard, la dinde ayant finalement décidé de coopérer, ils étaient tous installés autour de la table, attendant le repas promis par Dean. Celui-ci arriva enfin, un tablier portant l'inscription « Kiss the cook » noué autour de la taille et qui appartenait normalement à Bobby, et déposa deux dindes farcis aux marrons, un pâté en croûte et des champignons grillés. Puis, il s'assit sur sa chaise, l'air très fier de lui.

– Bon… commença Bobby. Bon appétit et joyeux Réveillon !

Sam dû admettre qu'il n'avait pas passé une soirée comme celle-ci depuis… jamais. La nourriture était délicieuse, tout le monde plaisantait et personne n'avait commencé à se taper dessus avec la baguette de pain. Dehors, la neige tombait toujours et recouvrait les voitures de Bobby, ainsi que l'Impala, c'était d'autant plus réconfortant de se retrouver à l'intérieur et bien au chaud. Sam tentait de graver chacun de ces instants dans son esprit pour toujours. En tant que chasseur, ces instants de bonheur étaient précieux et rares. Après le repas, ils dégustèrent la bûche glacée avec quelques verres de vin chaud supplémentaires.

Puis, ils amenèrent les boissons sur la table basse du salon et s'installèrent sur le canapé, observant le sapin qui scintillait doucement et la neige qui tombait drue dehors.

– Bon, dit Balthazar, on fait quoi ?

– On regarde un film ? Suggéra Dean.

– Il y a l'Exorciste, dit Sam en regardant le programme télé.

– Tout à fait dans l'esprit de Noël, Sam, commenta Dean.

– Et puis qui n'a pas envie de voir une gamine hurler des obscénités et vomir pendant deux heures ? rajouta Balthazar.

– Tu décris n'importe quel gamin, là, lança Gabriel.

– C'est pas faux, marmonna Dean qui lisait le programme télé par dessus l'épaule de Sam.

– On ne va pas regarder la télé le soir du Réveillon de Noël, bougonna Bobby.

– Alors quoi ? demanda Crowley.

– On n'a qu'à se raconter des histoire trépidantes autour du feu, suggéra Balthazar.

– Quel feu ? demanda Castiel.

Balthazar lui tapota la tête.

– Pourquoi pas, dit Dean.

– Des histoires heureuses alors, c'est Noël, intervint Crowley.

– Depuis quand la période de Noël te plaît d'ailleurs ? intervint Dean.

– Depuis que c'était les seuls moments où ma mère me détestait moins que d'habitude.

Dean n'insista pas et Sam se rendit compte que c'était la première fois qu'ils entendaient Crowley parler de sa famille.

– Bon, je commence, lança Dean qui avait un verre à la main et commençait à être très joyeux. Quand on était petit, je devais attendre trois heures du matin que Sam dorme enfin comme un bébé pour que je réussisse à mettre les cadeaux au pied du lit et à manger les cookies qu'on laissait au Père Noël.

– Et la carotte pour Rudolph le renne, ajouta Sam.

– Exact, je mangeais la carotte aussi, ajouta Dean avec une grimace.

Tout le monde se mit à rire et Sam se remémora cette période où il tentait de rester éveillé le plus longtemps possible pour apercevoir le Père Noël.

– C'est toi qui faisait ça ? s'étonna Balthazar.

– Ouai, papa était généralement ivre mort sur le canapé ou absent alors…

Dean conclu sa phrase en buvant une rasade de vin comme pour oublier ces souvenirs, pourtant, Sam, lui, gardait d'excellents souvenirs de ces moments avec son frère. Bobby décida de changer très vite de sujet. Les frères comme lui-même n'avait pas forcément de bons souvenirs de leur enfance – lui-même ayant été battus par son père – mais tout n'avait pas été noir dans leur vie merdique.

– La première fois que j'ai eu ces deux andouilles pour Noël, Dean a grimpé sur le sapin, qui est tombé, évidemment, et il s'est ouvert l'arcade. On a passé Noël aux urgences.

– Je m'en souviens! s'exclama Sam. Tu voulais un pansement Superman et l'infirmier a dû courir dans tout l'hôpital pour en trouver !

– Non, ça ne s'est pas du tout passé comme ça, le contredit Dean en souriant. Déjà ça n'était pas Superman mais Batman et Bobby m'avait dit qu'il avait caché les cadeaux au sommet du sapin...

Sam éclata de rire tandis que Bobby distribuait une nouvelle rasade de vin chaud.

– Ce n'est pas pire que quand Castiel a apprit à voler, glissa Balthazar en se récoltant un regard noir de Castiel.

– Pourquoi ? demanda Dean.

– Gabriel l'a poussé dans le vide, lâcha t-il avec un sourire en coin.

– Non ! s'exclama Gabriel. C'était un peu accidentel…

– Encore mieux, répliqua Bobby qui souriait.

– Mon pauvre Castiel, dit Crowley.

– Je ne m'en souviens pas, répliqua l'intéressé en haussant les épaules.

– Il a réussi à voler ? demanda Dean.

– Oui, dit Gabriel.

– Non dit Balthazar simultanément.

Ils échangèrent un regard.

– Partiellement, oui, rectifia Gabriel.

– Tu as dû plonger le rattraper, contredit Balthazar.

– Le pauvre, je n'allais pas le laisser tomber à pic !

Castiel leva les yeux au ciel.

– Si on va par là, tu m'as fait faire beaucoup de bêtise, Gabriel, dit-il en fixant son grand frère qui leva les yeux au ciel.

– Tout de suite les grands mots.

– C'était amusant, poursuivit néanmoins Castiel.

– Et après tu es parti, dit Balthazar en attrapant la bouteille de Bourbon que Crowley avait apporté.

– Tu m'as manqué aussi, trésor, répliqua Gabriel avec un clin d'œil.


Il était près de quatre heures et demi du matin quand ils – du moins les humains – montèrent se coucher, en titubant un peu de fatigue et des nombreux verres de vin chaud aux épices qu'ils avaient bu. Sam trouva la force d'enfiler un pyjama et se glissa sous les draps froids en frissonnant. Malgré sa fatigue, il n'arrivait pas à se réchauffer alors il trouva une solution plus économique que d'augmenter le chauffage.

– Gabriel ? chuchota t-il à moitié endormi. J'ai froid.

– Tu me prends pour une bouillotte ?

Sam sourit, se retourna et l'attira contre lui en l'embrassant.

– Pas seulement, murmura t-il.

– Le Père Noël n'aura pas le temps de passer alors, susurra t-il à son oreille.

– J'ai juste envie de t'avoir un peu pour moi, dit Sam que l'alcool rendait enclin à la confidence.

– Je ne peux pas te résister, Sam. Tu as aimé le Réveillon ?

– Beaucoup, chuchota Sam. Je ne me souviens pas avoir passé un si bon Réveillon un jour.

– Tant mieux. Il va falloir t'y habituer parce que je vais faire en sorte de remonter votre niveau de vie à ton andouille de frère et toi.

– Tu vas nous rendre la vie facile ?

– Non, n'exagérons rien, Sammy. Vous allez vous ennuyer sinon, mais disons que j'éviterais que vous ayez à faire trop de conneries pour rester en vie, expliqua t-il. Ah, et je vais veiller sur mon petit frère aussi.

– Castiel est très heureux que tu sois là, approuva Sam.

Le lendemain matin, pour la deuxième fois en deux jours, Sam fut réveillé par Dean qui lui lança cette fois un oreiller à la figure.

– Debout, Sammy ! lança t-il en ouvrant les rideaux d'un coup. Le Père Noël est passé !

Sam enfouit sa tête dans l'oreiller et laissa échapper deux ou trois mots incompréhensibles.

– Debout ! répéta t-il en s'allongeant à ses côtés.

– 'ai sommeil, marmonna Sam.

– Il fallait dormir cette nuit, répliqua Dean. Pas faire des… trucs avec Gabriel.

Dean se rendit soudain compte qu'il était allongé là où son petit frère et Gabriel avaient fait des potentiels… trucs et se releva précipitamment.

– On n'a pas fait de trucs comme tu dis, rétorqua Sam.

Pas trop.

– Tu m'en vois ravie !

Dean semblait excité comme un enfant le jour de Noël, ce qui était plutôt logique étant donné qu'on était effectivement le jour de Noël.

– Tout le monde est levé ? demanda Sam avant de bailler.

– Étant donné que seules trois personnes dans cette maison dorment réellement, alors oui, Sammy, répondit Dean. Balthazar est reparti faire Dieu sait quoi et Gabriel est en train de raconter la véritable histoire de Mary, de Joseph et de Jésus. Pour préserver tes chastes oreilles pleines de foi, je lui ai fait promettre de ne jamais te le dire.

Sam se mit à rire et assomma son frère à coup d'oreiller bien placés.

– Hey ! protesta t-il. Je suis venu te réveiller pour qu'on ouvre nos cadeaux !

Sam posa son oreiller et s'étira. Quand il eut terminé, il remarqua que Dean le fixait.

– Quoi ?

– Tu sais… commença son grand frère. On devrait faire ça plus souvent.

– Faire quoi ?

– Tous ces trucs là, fêter Noël avec Bobby, tout ça…

Dean s'était rallongé sur le lit et fixait à présent le plafond où une très fine araignée avait élue domicile. Sam lui sourit, depuis le temps qu'il avait envie que Dean lui dise quelque chose comme ça.

– Ouai, je suis d'accord, approuva t-il.

– Tant mieux parce que j'ai déjà dit à Bobby que l'année prochaine on fêterait Thanksgiving et Noël avec lui, répondit Dean en souriant.

Sam songea que même si leur vie était souvent merdique, elle valait le coup rien que pour des petits moments de bonheur comme celui-ci.

– Bon, on va ouvrir les cadeaux !

Dean sauta hors du lit et sortit de la chambre en chantant à plein poumon « The fiiiiirst Noël, the aaaangel did saaay... », puis sa voix s'évanouit à mesure qu'il descendait l'escalier.

Sam se leva, ouvrit les fenêtres pour rafraîchir la chambre et en profita pour filer prendre une douche bien chaude. Il enfila ensuite des vêtements propres, démêla et sécha ses cheveux puis referma la fenêtre de sa chambre et descendit les marches quatre à quatre. Crowley était assit sur le canapé avec Bobby et Sam ne put s'empêcher de leur jeter un regard en coin. Bobby et Crowley… Non il ne s'y faisait pas mais par respect pour Bobby, il n'avait rien dit et ne dirait rien. Après tout, Bobby avait bien le droit de choisir qui il voulait, même un démon. Même le roi de l'Enfer.

– Joyeux Noël ! lança Sam à la cantonade.

– Joyeux Noël le Moose, répondit Crowley en levant son verre – du chocolat chaud ? – dans sa direction.

– Joyeux Noël, Sam, répondit Castiel en lui souriant.

Pour une raison inexplicable, il avait une guirlande dorée nouée autour du cou.

– C'est… quoi ça ? demanda t-il en attrapant la guirlande.

– Dean a dit qu'il avait oublié de mettre un ange en haut du sapin alors Gabriel a trouvé amusant d'essayer de m'y attacher.

– C'était amusant, se défendit Gabriel qui passait derrière Sam avec une tasse de chocolat surchargée de marshmallow.

Ils ouvrirent leurs paquets pendant que Gabriel mangeait tout le chocolat et que Castiel tentait de dénouer la guirlande dorée autour de son cou. Sam eut droit à une nouvelle veste neuve de Bobby, une liseuse électronique de la part de Dean – qui avait compris que c'était compliqué de se trimballer plusieurs livres à la fois quand on chassait.

– C'est génial, merci ! s'exclama Sam.

Bobby grommela que ce n'était rien et enfila immédiatement la nouvelle casquette reçue par Sam. Dean, quant à lui, avait eu droit à un lot de nouvelles cassettes de musique pour les longs trajets en Impala et de nouveaux vêtements, Bobby jugeant sans doute qu'ils s'habillaient mal quand il n'était pas dans les parages.

Ils s'étaient également tous cotisé pour offrir à Castiel un ordinateur et Sam passa la matinée à lui configurer.

– Sam, dit Castiel d'un air très concentré. J'aimerais mettre une photo de nous en fond d'écran.

– Dean, toi et moi ?

– Non, je veux dire… Dean, toi, moi mais aussi Bobby et Gabriel. Et Crowley, si on est obligé.

Castiel lança un tel regard à Crowley que Sam dû se mordre la langue pour ne pas rire.

– Désolé Sam, dit Castiel après un moment de silence. Je ne savais pas du tout quoi te donner pour Noël.

– Tu es là avec nous, répondit Sam. C'est ce qui compte.

Il posa une main sur l'épaule de Castiel pile au moment où Dean arrivait. Il avait enfilé un pull tricoté assez grossièrement et pourvu d'un « D » sur la poitrine offert par Gabriel.

– Vous êtes ma famille, dit alors Castiel, tous les deux. J'aime chacun d'entre vous.

Sam passa un bras autour des épaules de Castiel et l'enlaça. Dean, moins à l'aise, lui donna une petite tape sur l'épaule en disant « nous aussi, Cas' ».

– C'est trop mignon, je suis à deux doigts de me mettre à pleurer en invoquant un miracle de Noël, ironisa Gabriel qui passait par là. Et puis ce n'est pas comme si Castiel avait des frères, des vrais je veux dire.

Castiel poussa un soupir et leva les yeux au ciel.

– Et je t'aime aussi Gabriel mais toi tu le sais déjà.

– Évidemment, rétorqua Gabriel qui semblait quand même content.

Sam se demanda un instant si c'était normal que Gabriel ne lui ait rien offert. Non pas qu'il était matérialiste, mais il trouvait un peu étrange que son… petit-ami – une formulation ridicule vu leurs âges respectifs mais passons – l'ait oublié au contraire de Dean. Il chassa ses pensées de son esprit et partit aider Dean en cuisiner pour le repas de Noël.


L'après-midi, Sam s'installa avec son ordinateur dans le salon et configura sa liseuse et y mit une bonne dose de livres dedans pour toutes les fois où ils allaient chasser et qu'il s'ennuyait ferme.

– Tu fais quoi ? susurra une voix à son oreille.

Concentré sur sa tâche, Sam n'avait pas entendu Gabriel arriver et sursauta.

– Je mets l'intégrale de Game of Throne sur ma liseuse, répondit Sam. Et Harry Potter

– Dis moi, Sammy, coupa Gabriel. Est-ce que ça t'ennuie si je m'absente quelques heures ?

Sam releva la tête de son ordinateur, un peu surprit.

– Aucun soucis, lâcha t-il en se concentrant de nouveau sur ses livres numériques.

Gabriel lui fit un clin d'œil et s'envola en un bruissement d'ailes.

Sam releva la tête de nouveau, se sentant agacé et contrarié. Bon d'accord, Noël n'était pas aussi important pour Gabriel que pour lui, mais il se sentait étrangement délaissé. Il soupira et se reconcentra sur sa tâche jusqu'à la moitié de l'après-midi où Dean revint après avoir bricolé l'Impala. Il fit entrer un courant d'air glacé avec lui et se laissa tomber sur le sofa.

– Alors, Sammy, ça te plaît ?

Bien que contrarié par le comportement de Gabriel, Sam se força à sourire.

– C'était une super idée, merci, Dean ! J'ai déjà mis plus d'une vingtaine de livres, ça sera parfait pour quand on sera en chasse.

– Ravie que tu aimes, répondit Dean en décapsulant sa bière. Avec Bobby et Cas' on a décider d'aller au cinéma ce soir, voir un bon vieux film avec beaucoup de dinosaures et un peu de pop-corn. Tu viens ?

Sam fut tout d'abord sur le point de refuser mais songea qu'il n'allait pas rester ici tout seul un soir de Noël.

– Okay.


– C'est quand la dernière fois que vous avez amené Castiel au cinéma ? demanda Bobby.

Ils patientaient dans la file qui menait au distributeur de tickets. Heureusement, il y avait peu de monde.

– Jamais, répondit Sam en souriant face à Castiel qui observait les affiches des films avec beaucoup d'intensité.

– C'est bien ce qu'il me semblait.

Ils prirent leurs billets, de gros sceaux de pop-corn avec du soda et prirent place dans la salle numéro quatre où ils étaient…

– Seul ! clama Dean en s'installant tout en haut, au milieu de la rangée, pile en face de l'écran.

Sam s'installa à côté de lui, Castiel de l'autre côté et Bobby s'assit à côté de Sam. Après une quinzaine de minutes de publicité et de bandes-annonces, les lumières s'éteignirent et il le film commença.

– Mais… commença Castiel après vingt minutes de film. Les dinosaures ne peuvent pas être dans un parc puisqu'ils sont morts.

– C'est un film, Castiel, expliqua Dean. Comme Star Wars, rien de tout ça n'est vrai.

– Évidemment, répliqua Castiel. Jamais les vélociraptors ne réagiraient comme ça, ils ont un instinct de groupe et…

– Hey, les interrompit Bobby. Plus tard le cours de paléontologie.

Le héros venait juste de se faire coincer par le dinosaure gigantesque fruit de manipulations génétiques pour le rendre encore plus affreux, avec des dents encore plus grandes, dans une forêt sombre et lugubre.

– Il va se faire bouffer, dit Dean.

– C'est le héros, rétorqua Sam, il ne peut pas mourir.

Sam se sentit complètement investi dans le film. Les bruits de pas de l'immense créature retentissaient, les vélociraptors s'étaient arrêtés et poussaient des petits cris puis… Sam se retrouva brusquement téléporté dans le salon de Bobby et atterrit dans le sofa en se renversant son pop-corn dessus.

– Bonsoir, mon amour, dit Gabriel assit à côté de lui.

Sam le regarda un instant, la bouche ouverte. Non seulement Gabriel avait le culot de le délaisser le jour de Noël mais en plus il l'enlevait dans un moment du film critique.

– Tu te fiches de moi ? lâcha Sam avec mauvaise humeur. J'étais au cinéma !

– Je ne savais pas que tu avais un penchant pour les dinosaures, rétorqua Gabriel.

Il ne semblait pas plus surpris que ça et Sam comprit que Gabriel avait comprit qu'il était un peu en colère.

– c'était un moment crucial, se justifia Sam. Je voulais savoir ce qu'il se passe ensuite.

– Pitié, Sam ! Les vélociraptors se retournent contre leur créateur, bouffent le méchant, le héros survit, évidemment, embrasse sa copine, super combat entre deux gros dinosaures, l'humanité apprend qu'on ne joue pas à être Dieu pour la énième fois, et tout est bien qui finit bien, expliqua t-il. Mais si tu veux voir de véritables dinosaures bien vivant, je peux arranger ça…

Sam leva les yeux au ciel et sortit son téléphone de sa poche pour envoyer un message à Dean afin qu'il ne s'inquiète pas. Il eut à peine le temps de cliquer sur « envoyer » que Gabriel l'enlaça et posa sa tête dans son cou.

– Sammy… Tu croyais que je t'avais oublié ?

– Hum. Non.

– Mais si. J'avais besoin de temps pour tout préparer, expliqua Gabriel.

Sam le regarda, un peu intrigué.

– Préparer quoi ?

– Tout, faire en sorte que le cinéma passe ce film, vider la salle pour que vous soyez tranquille, te téléporter pile au bon moment…

– Hum.

– … pour qu'on ait du temps pour nous. Tout était prévu, Sammy !

Sam ne put s'empêcher de sourire.

– Tu sais que tu aurais simplement pu me demander de rester ici ce soir parce que tu préparais quelque chose ?

– Beaucoup moins attrayant, dit comme ça, rétorqua Gabriel.

– Moins mélodramatique, oui, ricana Sam.

Gabriel leva les yeux au ciel mais Sam s'adoucit et passa un bras autour de ses épaules.

– Alors, quel est le programme ? demanda t-il.

Gabriel le regarda un instant puis se dérida un peu.

– J'ai quelque chose pour toi, annonça t-il.

– Vraiment ?

– Vraiment, confirma Gabriel. C'est assez particulier mais extrêmement… important. Ce que je veux dire par là c'est que je ne ferais pas ça pour n'importe qui et encore moins avec quelqu'un qui ne le mérite pas.

Sam ne voyait pas du tout où il voulait en venir mais connaissant Gabriel ça pouvait être à peu près n'importe quoi. L'ange leva la main, claqua des doigts et ils se retrouvèrent tous les deux sur le lit de Sam, face à face.

– Bon, Sammy, ce que je vais faire n'est pas très courant alors je vais y aller très doucement pour ne pas te blesser…

– Ta phrase est affreuse dite comme ça, dit Sam avec un sourire.

Gabriel leva les yeux au ciel mais ne put s'empêcher de sourire.

– Je ne parle de rien de sexuel, cru t-il bon de préciser.

– Étonnant, commenta Sam.

Gabriel leva un index menaçant vers lui.

– Tais-toi donc, Sam, où je t'envoie à l'ère du Crétacé et tu constateras la rapidité des raptors par toi-même.

Sam leva les deux mains en l'air en souriant.

– Bien, reprit Gabriel. Alors, tu vas me dire jusqu'à quel point ça ira.

– De quoi tu parles ?

Gabriel ne répondit rien et ferma les yeux pour se concentrer. Rapidement, il se mit à briller d'une lumière douce, chaleureuse, qui emplit la pièce comme si quelqu'un avait subitement allumé la lumière.

Sam commença à cligner des yeux, la bouche ouverte alors que, dans le dos de Gabriel, de gigantesques ailes semblèrent de déplier doucement. Elles battirent l'air un instant, envoyant valser quelques objets dans la pièce. Sam ne savait pas si c'était sa perception ou la réalité mais les plumes semblaient faites d'énergie pure et d'une couleur d'or étincelant.

– Oh merde, murmura Sam quand il retrouva enfin l'usage de la parole.

– Sam, tu me vexes.

– Arrêtes c'est magnifique ! s'exclama Sam en riant. C'est dingue, tu as vu ça ?

Sam se sentit un peu stupide mais qu'importe.

– C'est à dire que je vis avec alors oui, je m'en suis rendu compte.

Sam continua à les observer, la bouche toujours ouverte. Il se sentait envahit d'une sorte de plénitude qui venait probablement de la grâce de Gabriel mais il s'en fichait et voulait en profiter pour le reste de sa vie.

– Fermes la bouche, conseilla Gabriel en souriant. Tu veux les toucher ?

– Je peux ?

– Seulement parce que c'est toi, je n'ai jamais laissé aucun humain le faire sinon.

– Et… Enfin, je ne risque rien ? questionna t-il.

– Normalement non, mais si ça te brûle, tu n'insistes pas. Et fais doucement, je tiens à mes plumes.

Sam s'approcha un peu plus près de lui et leva la main. Il hésita brièvement puis la posa sur une des ailes qui frémit à son contact. Sam devait probablement avoir un air béat et complètement idiot sur le visage mais il s'en fichait, c'était une des choses les plus douces qu'il avait jamais eu l'occasion de toucher. Ça n'était pas tout à fait comme de vraies plumes, c'était une texture que Sam ne pouvait tout simplement pas décrire avec des mots, il n'existait rien dans son vocabulaire qui ressemblait à ça. C'était à la fois tangible et éthéré et d'une douceur incomparable.

– Incroyable, murmura Sam.

Sam poursuivit son exploration et glissa sa main un peu plus loin dans les plumes et dû toucher un endroit particulièrement sensible puisque l'aile frémit et Gabriel passa son bras autour de la taille de Sam.

– Sammy… Tu fais ça comme un dieu !

Sam eut un petit rire.

– C'est extraordinaire, souffla Sam. Je n'arrive même pas à décrire ce que c'est…

– C'est normal, répondit Gabriel. Il n'existe pas de mot pour ça, dans aucune langue humaine.

Peu à peu, la lumière s'évanouit et les ailes également. Elles se replièrent et disparurent, comme une flamme qui s'éteint en laissant un peu de fumée s'évaporer dans les airs.

Sam se rendit alors compte qu'il avait encore la bouche ouverte et la referma d'un coup. Gabriel l'observait avec un air étrangement indéfinissable sur le visage, comme s'il appréhendait la réaction de Sam.

– Je n'avais jamais fait ça avec un humain, dit-il soudainement. Montrer mes ailes comme ça, précisa t-il.

– C'est vraiment incroyable, souffla Sam. Je n'avais jamais rien vu de tel.

– C'est gentil, murmura Gabriel.

Sam supposa à son comportement étrangement retenu que ce n'était pas une chose anodine de faire ça. Cela dit, il s'en doutait vu la beauté de la chose, et si Gabriel n'avait pas cessé, il aurait pu rester assit là à regarder ses ailes pendant des heures et des heures.

Il ne savait pas très bien comment le remercier et il n'était pas forcément plus à l'aise avec les mots que Dean dans ces cas-là alors il opta pour la seule chose qui traversa son esprit :

– On regarde un film ?

Ils s'installèrent devant un bon vieux film d'horreur, calé l'un contre l'autre, sans vraiment parler. Sam ne savait pas tellement si le silence étrange qui s'était instauré entre eux était une bonne chose ou non mais il ne voulait pas s'inquiéter outre mesure et se plongea tant bien que mal dans le film qui racontait l'histoire d'une famille habitant un manoir hanté.

– Ce tableau est vraiment dégueulasse, commenta Gabriel alors qu'un plan du film montrait un affreux tableau d'une nonne avec un air psychopathe. À leur place, je le balancerais au feu.

– Avec du sel, renchérit Sam.

Il était soulagé de voir Gabriel redevenir lui-même mais il n'en dit rien.

Dean, Bobby et Castiel rentrèrent vers minuit et demi en débattant activement – et bruyamment – sur le fait qu'un tyrannosaure, et deux vélociraptors pouvaient ou pas battre le gros monstre du film, le tout accompagné de bruyants soupirs de Castiel qui essayaient de donner son avis d'expert sans grand succès.

– Pauvre Castiel, soupira Gabriel. Un de ces quatre je vais prendre ton frère entre quatre yeux pour qu'il arrête d'écouter Cas' uniquement quand ça l'arrange.

– Quand tu veux, répondit Sam. Quand je lui dis, c'est moi qu'il n'écoute pas alors…

– Moi, il m'écoutera.

– Ne le tue pas pour autant, merci. Je n'ai qu'un frère et j'y tiens, rétorqua Sam.

– En fait, non, répliqua Gabriel.

Aïe.

– Disons que Adam est mon demi-frère et…

– Hum hum, coupa Gabriel. Bien sûr.

Sam soupira. La culpabilité venait de l'envahir et son estomac se tordit très douloureusement.

– On s'en occupera, répondit Sam d'une voix ferme. Cela dit, tu ne pourrais pas faire comme la Mort ou Castiel et aller le chercher comme avec moi ?

– Castiel t'a remonté sans ton âme et je n'ai pas autant de pouvoir que la Mort, répondit Gabriel. J'aimerais autant remonter la totalité de ton frère et pas seulement une moitié. Et si j'essaie, mes frères vont me haïr de les laisser là…

Sam déglutit difficilement et tenta de se reconcentrer sur le film.

– Mais on va trouver une solution, ajouta t-il. C'est promis, Sammy. Et si on ne trouve rien j'irais le chercher.

– Tu me le promets ?

– Oui, répondit Gabriel en l'embrassant, je n'ai qu'une parole. Ou peut-être deux ou trois, mais pas plus.

Sam se mit à rire et l'attira contre lui.

Sur l'ordinateur de Sam, le film en était à une scène d'exorcisme qui avait amené la pauvre femme possédée au plafond.

– Un démon équilibriste, commenta Gabriel. C'est original.

– Je suis sûr qu'elle va y survivre en plus.

– Évidemment, c'est Hollywood, rétorqua Gabriel avec un haussement d'épaule. Tu peux te faire exorciser à midi et aller au cinéma à quatorze heures.

Ils laissèrent le film se terminer ce qui n'était pas du luxe puisque Sam se sentait lentement sombrer dans le sommeil. Il était confortablement installé dans les bras de Gabriel et même le fait de voir un film d'horreur ne parviendrait pas à l'empêcher de faire de beaux rêves. De toute façon, pour lui, c'était Halloween tous les jours.

Sam se réveilla en sursaut quelques minutes plus tard – du moins c'était l'impression qu'il l'avait – quand Dean, qui montait l'escalier, rata une marche, se cogna puis tomba (ou l'inverse) en criant de douleur puis en râlant et jurant. Le tout fut suivit d'un « ça va, Dean ? » de Castiel et d'un « vous allez vous taire oui ?! » de Bobby qui aurait suffit à réveiller Sam si ça n'était pas déjà fait. Gabriel soupira profondément et claqua des doigts. Sam ne comprit pas tout de suite ce qu'il se passa jusqu'à ce que Dean jure dans sa chambre avec un bruit sourd.

– Et tu les as…

– Téléporté dans leur chambre sinon on y sera encore demain, dit Gabriel.

Puis, il posa une main sur son front et la glissa dans ses cheveux. Sam se rendit alors compte qu'il était dans son lit et déshabillé ce qui n'était pas le cas, il en était sûr, il y a cinq minutes de ça.

– Rendors-toi, murmura Gabriel. Tu es fatigué.

Sam referma ses yeux, rabattit la couverture sur sa tête et chercha pendant plusieurs minutes de trouver le sommeil mais il n'y parvint pas.

Il se tourna sur le dos et regarda Gabriel qui avait les paupières closes mais dont Sam était sûr qu'il ne dormait pas.

– Tu ne dors pas vraiment ? chuchota Sam.

– Toi non plus, rétorqua Gabriel avec un sourire que Sam devina dans la pénombre de la chambre.

Ils restèrent quelques instants silencieux, puis :

– Tu peux réellement dormir ou pas ? Demanda Sam.

– Non, je n'en ai pas l'utilité, répondit Gabriel. Parfois je me plonge dans mes souvenirs, parfois je sonde la Terre pour voir son état, j'observe les humains, j'écoute leurs prières de temps en temps. Là j'écoutais une petite fille qui me priait pour savoir si elle pouvait avoir un poney pour son anniversaire.

– Elle t'a confondu avec le père Noël, suggéra Sam.

– Peut-être mais elle a précisé qu'elle avait laissé des cookies…

– Tu vas vraiment lui offrir un poney ? questionna Sam un peu éberlué.

– Et pourquoi pas ? J'aime bien les enfants, ils ont quelque chose de spécial.

– C'est très altruiste de ta part, remarqua Sam.

– Bien sûr, je suis extraordinaire, Sammy, rétorqua Gabriel avec une pointe de vexation.

– Et modeste.

Sam se tourna sur le côté, posa sa tête sur son épaule et l'enlaça.

– Au fait, à propos de cette histoire de pari… commença Sam.

– Hum. Oh oui ça, je propose de laisser… les choses se faire d'elles-mêmes entre Dean et Castiel.

– Vraiment ?

– Vraiment, confirma Gabriel.

– Parce que tu as peur de perdre, ajouta Sam.

– Pas du tout ! En fait, je suis presque sûr qu'il y a eu un petit bisou au cinéma entre deux attaques de T-rex, ajouta Gabriel avec un air outré un peu trop théâtral.

– Bien sûr, oui.

Sam n'y croyait pas une seconde et en plus de ça, il n'avait pas du tout envie de savoir.

– Je vais interroger Castiel demain, dit Gabriel. Et en profiter pour expliquer à Dean quelques notions essentielles de respect envers mon petit frère.

Sam ne doutait pas que Gabriel allait s'en donner à cœur joie avec quelques phrases dénuées de subtilité dont il avait le secret, mais il se demandait si, du coup, l'archange resterait près d'eux. Enfin, près de lui surtout. Cette stupide histoire de pari à la gomme avait eu le mérite de les rapprocher au-delà de ce que Sam aurait pu imaginer et il ne voulait pas croire que Gabriel le quitterait comme ça.

– Bon sang, Sam ! s'exclama soudainement Gabriel en le faisant sursauter. Je ne vais pas te laisser tomber comme ça, je dois te dire quoi pour te persuader que je vais rester avec toi et jusqu'à ta mort s'il le faut.

– Ça ne doit pas représenter beaucoup pour toi, fit remarquer Sam. En temps, je veux dire.

– Ce n'est pas grave, répliqua Gabriel. Pour l'instant, je vis certains des moments préférés de ma vie et grâce à toi.

Sam eut un sourire et enlaça Gabriel dans la pénombre.

– C'est réciproque. Et… merci de m'avoir montré tes ailes, c'était incroyable.

– Normalement on ne le fait pas avec les humains, expliqua Gabriel. C'est très… intime de faire ça, encore plus de les toucher.

– Tu regrettes ? Questionna Sam.

– Pas du tout, je voulais juste t'expliquer ça parce que ce n'est pas forcément évident quand on n'est pas un ange.

Ils restèrent quelques instants silencieux et les bribes d'une conversation lointaine dans la chambre de Dean leur parvinrent.

– Donc tu restes jusqu'à mort… murmura Sam.

– Je vais même te dire et au-delà parce que, excuses moi, mais tu meurs souvent quand même, répondit Gabriel.

Sam laissa un sourire naître sur ses lèvres. Tout à coup l'avenir lui paraissait plus radieux, moins lourd, moins dangereux aussi.

– Tout se passera bien, murmura Gabriel. Ne t'inquiète pas pour ça.

FIN.


Et voilà la fin de cette histoire... Elle a prit un peu temps à venir déjà parce qu'en novembre j'écris le NaNoWriMo et qu'ensuite, ce chapitre fait 26 pages Word (j'ai un peu craqué oui) donc c'était long à écrire :)

Ça me fait toujours un petit quelque chose de terminer une histoire parce que mine de rien je m'y suis investie et cette fic est probablement celle que j'ai préféré écrire parce qu'elle était assez légère, drôle et qu'il y avait beaucoup de Sabriel ;)

Concernant mes futurs projets d'écriture : je termine l'écriture de ma Sastiel dans quelques jours et ensuite j'écrirais sans doute une autre Sabriel donc... Stay tuned comme disent nos ami.e.s les British !

Oh et bien sûr, n'hésitez pas à me laisser une review pour me donner votre avis :)