Quatre saisons
Base : FMA (manga)
Disclaimer : Les personnages ne m'appartiennent malheureusement pas u.u' Ils sont à Hiromu Arakawa. Par contre, l'histoire est de mon cru ;3
Genre : Romance – Hurt/Comfort – OS – Shônen-Ai (Edvy)
Résumé : Loup, y es-tu ?
Musiques : « Voyage another world », « Stranger Aeons », « Hell Lucifer », « Into the arena ! », « Fissure eruption », « Dark rider », « New World Orde » (Ragnarok Online, BGM)
Note: Bonjour à tous et à toutes :3 Je vous présente ici un petit recueil de quatre OS, avec pour chacun d'eux le thème d'une saison différente. Ils seront publiés à raison d'un OS par semaine, aux thèmes très différents : tantôt doux, humoristiques ou plus angoissants, chacun d'eux vous apportera une atmosphère très différente. J'espère que tous vous plairont, et vous offrirons un agréable moment de lecture ^o^
Voilà donc la fanfic inspirée de l'automne ! Comme je prévois d'y mettre un petit peu d'action, elle sera probablement plus longue que les autres :3 Peut-être une version un peu revisitée d'un conte que l'on connaît tous bien (je dis « peut-être » car, de base, je n'avais nullement l'intention de faire ça. C'est après coup que je me suis dit que ça y ressemblait pas mal, en fait o.o), mais j'espère que rien ne vous gâchera la chute ! ;p Allez, bonne lecture !
OS 1 : Chaperon
« Ed ! »
L'interpellé tourna la tête, pour tomber nez à nez avec une blonde... Remontée.
« Tu les épluches, ces carottes, au lieu de rester le nez en l'air, comme ça ? Elle ne vont pas se préparer toutes seules ! » Elle lui envoya un coup de torchon sur les fesses, arrachant un cri de protestation et d'indignation de la part du petit alchimiste fainéant. « Allez, du nerf ! » lança-t-elle avant de repartir essuyer la vaisselle.
« Mais t'es vachement violente, pour une fille, on te l'a jamais dit ?! » s'insurgea l'adolescent avant de reprendre l'économe en main pour retirer, plutôt grossièrement -il n'avait pas pour vocation de devenir l'incontournable cuisinier du siècle-, la peau rude des légumes. Non mais merde, quoi ! On ne pouvait même plus rêvasser deux secondes ?
« Pardon ?
- Rien, rien, j'ai rien dit ! » fit l'adolescent en levant les mains en signe de reddition, soupirant discrètement d'agacement. Tu parles d'une tortionnaire !
« Winry a raison, Ed », le sermonna Pinako, occupée à soigneusement découper les morceaux de bœuf -en quelle quantité!- posés sur une planche de bois devant elle, sur la table de la cuisine. Avec une dextérité impressionnante que seules les années avaient pu lui donner, la vieille femme débarrassait chacun d'eux de son gras, et ne détourna pas son regard de sa tâche tout en poursuivant : « Tu as choisi de rester roupiller dans ton lit ce matin au lieu de venir nous aider à faire le ménage, alors maintenant, soit un peu efficace, veux-tu ! Sinon, nous n'aurons jamais fini avant que les invités n'arrivent !
- Oui ! Prends un peu exemple sur Al ! Lui, au moins, il aide ! »
Edward leva les yeux au ciel mais ne dit rien, préférant faire profil bas. Oui, il avait effectivement fait la grasse matinée, mais bon... Après la nuit qu'il avait passée, aussi (White : Oui, on se demande ce que tu as bien pu faire ~ Ed : M-M-Mais ça ne te regarde pas ! J'ai juste mal dormi. White : C'est ce qu'on dit ~)... Mais certes, il aurait dû se rappeler qu'aujourd'hui, ils recevaient du monde. Apparemment, des habitués de l'atelier, qui en profiteraient pour demander quelques menues réparations à leurs deux mécaniciennes favorites. Cela dit, Edward gageait que ce repas tenait plus de la corruption que de la simple invitation. Il jeta un coup d'œil méfiant à Winry, un peu trop emballée à l'idée de cuisiner. Mouais. C'était sûr : elle allait en profiter pour leur proposer des améliorations un peu trop farfelues. Brr... Des fois, elle lui faisait froid dans le dos.
« Al est parti où, déjà ? » demanda le petit blond dans l'espoir de détendre l'atmosphère un peu tendue, et de faire oublier qu'il s'était levé comme une fleur à dix heures passées.
« Faire quelques courses au village, pour préparer la tarte aux pommes. Il manquait de la far-... » Winry s'interrompit brusquement dans sa phrase, figée. Elle vira au blanc pâle, et se tourna lentement vers Edward, qui la dévisagea d'un œil inquiet. Qu'est-ce qu'il lui prenait, d'un coup ?
« Mais j'y pense, Ed ! Puisque tu rechignes tant à éplucher ses carottes, si tu allais plutôt passer un coup de balais dans l'atelier ? » demanda l'adolescente avec un sourire crispé, trop peu naturel. Edward, méfiant, demanda à son tour :
« L'atelier, mais tu l'as pas déj-... ? » Il se tut en voyant les signes précipités que lui adressait Winry. Visiblement, elle ne voulait pas qu'il poursuive sa phrase. Elle lui indiqua d'un geste vif de sortir, et le rejoignit dans le salon, prenant soin de refermer la porte de la cuisine derrière elle. Edward, intrigué, demanda tout bas :
« Je peux savoir c'est quoi, le problème ? Qu'est-ce qui te prend, tout à coup ?
- Sssh ! Plus bas ! » lui intima la blonde en parlant si bas que l'alchimiste peinait à la comprendre. « Écoute. J'ai un problème, là. Je viens de me rappeler que mamie m'avait demandé d'aller chercher des champignons dans la forêt pour rajouter dans le plat, mais j'ai complètement oublié d'y aller ! » expliqua-t-elle, embarrassée. « Hier, je venais juste de trouver une nouvelle fonction à rajouter sur-...
- Oui, bon, épargne-moi les détails, tu veux. Je n'y comprends rien, à ton charabia, moi », la coupa Edward, qui sentait déjà arriver gros comme un camion ce que Winry allait lui dire, quand elle en viendrait à l'essentiel.
« Bref. Mamie a besoin de moi en cuisine, donc je ne PEUX PAS me libérer. Parce que, avouons-le... » elle lui adressa un regard quelque peu condescendant. « C'est pas toi qui va l'aider -tu ferais plutôt tout sauter-, et Al est absent. En plus, ça n'a pas l'air de t'enchanter, alors je vais t'épargner ça ! » lança-t-elle d'un ton plutôt joyeux.
« C'est sympa, merci. Ta sollicitude me touche.
- Donc si tu...
- … Si je pouvais y aller en prétendant aller faire le ménage là-haut, ça t'arrangerait bien, c'est ça ?
- Voilà. T'as tout compris », conclut la jeune fille, en jetant un coup d'œil inquiet vers la porte. Des fois que Pinako ait l'idée de venir les rejoindre.
« J'aurais bien accepté », commença Edward, « … Mais je n'aurai jamais le temps !
- Si, si ! Ne t'inquiète pas pour ça ! On ne va pas mettre la viande à cuire tout de suite, on va sûrement faire la tarte entre temps. Je dirais que tu as... Allez, presque une heure devant toi ?
- « presque » ? C'est un peu approximatif...
- Ça le sera d'autant plus si on continue à parler ! Allez, file ! Tu as au moins une bonne vingtaine de minutes de marche aller-retour, alors moins tu perds de temps, mieux ce sera ! Prends le panier qui est dans l'entrée et...
- Attends. Vingt minutes ? Tu veux que j'aille où, exactement ?
- Ben, en forêt, pardi ! Où ça ?
- QUOI ? Mais pourquoi pas au village ?! T'es pas bien ? T'as vu, en plus, comment il pleut, là ?! » s'exclama l'adolescent en pointant du doigt la fenêtre, contre laquelle claquait de vigoureuses gouttes de pluie.
« Allez, s'il-te-plaît ! Il y en a plein, en cette saison ! Il suffit de soulever n'importe quel caillou et tu en trouveras des dizaines ! » insista Winry. « Ceux de la forêt sont bien meilleurs ! Ils seront frais, tout juste cueillis, on ne peut pas rêver mieux !
- Alors je veux une ristourne.
- Pardon ?
- Je veux une ristourne la prochaine fois que je fais réparer ça », répéta l'alchimiste en montrant son bras métallique, les sourcils froncés. Non, il n'était pas la bonne poire de service. Échange équivalant ou rien. Non mais oh.
« Sûrement pas !
- Je ne crois pas que tu aies trop le choix », fit remarquer le blond en haussant un sourcil, l'air moqueur.
Winry hésita un moment, trépigna quelque peu sur place, puis, de mauvaise grâce, accepta :
« Ok, ok, ça marche. Mais je te préviens : ils ont intérêt à être beaux, dodus et mangeables, sinon, je double le prix de la prochaine réparation !
- Quoi ?! » s'indigna Edward... Mais devant une porte close, puisque Winry était déjà retournée en cuisine. L'adolescent grommela un moment, puis soupira. Bon. Il n'avait plus trop le choix.
Il partit se préparer en vitesse : il passa un pull marron assez fin par-dessus son débardeur, enfila d'épaisses chaussettes noires et ses habituelles chaussures, enroula autour de son cou une écharpe en grosse laine dans un marron plus clair, puis mit son irremplaçable manteau rouge. Il attrapa le panier, en osier, dont lui avait parlé Winry et qui se trouvait non loin de la porte, puis sortit de la maison aussi discrètement que possible. Il allait passer par la droite, histoire d'éviter de se faire voir. Si Winry voulait éviter d'être grondée... Ah ! Qu'est-ce qu'il ne ferait pas pour elle... !
Edward grimaça en sentant la pluie tomber sur la capuche de son manteau, qu'il avait déjà rabattue sur sa tête. Pas question de prendre un parapluie : c'était certes pratique, mais d'un encombrant ! Il pleuvait pas mal, mais pas au moins d'avoir besoin d'autre chose que sa capuche qui, mine de rien, faisait quand même très bien son boulot. En plus, son manteau était plutôt imperméable. Et enfin, de toute façon, le vent, bien que doux, rendrait compliquée l'utilisation d'un parapluie. Alors zut. Il partirait comme ça !
Il se mit en route sans plus tarder, descendant avec précaution les escaliers en bois vieilli qui menaient à la maison. Il contourna celle-ci par la droite comme il l'avait prévu, empruntant un petit chemin de terre quelque peu boueuse qui se perdait dans les herbes hautes. Ce chemin qu'il connaissait par cœur continuait sur quelques centaines de mètres, puis disparaissait au pied de la colline. Ensuite, l'adolescent n'aurait qu'à traverser un ou deux petits champs pour parvenir jusqu'à l'orée du bois, plus loin, en contrebas. Là-bas, il trouverait assurément des champignons à foison : en cette période de l'année, ils poussaient un peu partout au pied des arbres aux feuilles rougies par l'automne, souvent cachés par ces dernières. Toutefois, Edward avait l'habitude : petit, avec Al, ils avaient souvent participé à la cueillette des champignons avec leur mère. Alors il savait très bien où en trouver, et rapidement.
Ce souvenir nostalgique lui arracha un sourire triste, tandis qu'il avançait prudemment sur le flanc de la colline pour ne pas déraper dans la boue ou heurter une pierre traître. Il leva cependant un instant les yeux pour regarder le paysage brouillé par la pluie, qui parcourait en longs filaments la campagne verdoyante. Par endroits, au loin, on voyait un peu de soleil percer un trou infime dans les nuages et illuminer une parcelle de terre ou un village perdu. C'était dans ce genre de moments que, malgré les années et malgré l'habitude, Edward se rappelait combien il était bon d'habiter en campagne et surtout, en hauteur. On avait une belle vue, et dégagée, s'il-vous-plaît. Si dégagée, d'ailleurs, qu'il vit au loin, sur une petite route, une armure qu'il ne connaissait que trop bien. Al, les mains probablement chargées de cageots de pommes et d'autres provisions d'après ce qu'il parvenait à distinguer de là où il était. Hm. Il aurait bien joué au fainéant en allant voir son frère pour lui demander de faire sa corvée, comme quand ils étaient gosses... Mais au vu de leur situation actuelle, il ne pouvait plus se permettre ce genre de caprices. Alphonse avait déjà été très sympa de se déplacer sous la pluie malgré les risques de rouille -contre lesquels il n'arrêtait pas de le mettre en garde- de son armure, et ce pour rendre service... Il n'allait pas lui en demander davantage.
Il se résolut à affronter la pluie tout seul, comme un grand (Ed : Ça suffit, ces piques, là ! White : Hey mais cette fois, j'avais pas d'arrière pensée en disant ça ! Ed : CETTE FOIS ?!), et marcha une bonne dizaine de minutes jusqu'à arriver à l'orée de la forêt. Il pénétra dans celle-ci avec joie, se disant que même si le feuillage des arbres était à présent clairsemé, ça serait toujours ça pour éviter de se prendre des litres d'eau sur la tête. Il s'enfonça ainsi dans le tapis de feuilles aux couleurs chaudes qui recouvraient le sol humide de la forêt dépareillée. Malgré la fraîcheur ambiante, à cause de la pluie et du fait que les arbres fussent si serrés les uns aux autres, l'air avait quelque chose d'étrangement moite. Edward ne s'en formalisa pas, et commença à chercher des champignons... Sans grand succès, à son grand étonnement. D'ordinaire, ceux qu'il cherchait aimaient bien profiter des rayons fugaces du soleil aux abords de la forêt, et se raréfiaient au fur et à mesure qu'on s'enfonçait dans les bois. Néanmoins, cette année, ils semblaient avoir changé d'habitude. A son grand désarroi, car cela signifiait qu'il allait devoir marcher plus, chercher plus... Et qu'il prendrait plus de temps, en plus de se salir. Merveilleux.
Il râla un peu en se penchant pour attraper les premiers champignons, qu'il déposa avec soin dans son panier dont l'anse lui râpait un peu les mains à cause de la pluie. Il réitéra l'opération par cinq fois, ne trouvant à chaque fois que de petits plants. Une récolte trop maigre à son goût, surtout qu'une bonne dizaine de minutes s'était déjà écoulée.
« Winry va me tuer si je ne rapporte que ça. Et adieu la réduction bonjour la multiplication ! » pensa Edward, désespéré. Pourquoi rien n'allait JAMAIS comme il le souhaitait ?
Bon, pas le choix. Il n'avait plus qu'à s'enfoncer encore plus dans les profondeurs de la forêt, même si cela ne l'enchantait guère. Oh, non, il n'avait pas peur de se perdre ou, simplement, d'être seul, abandonné dans la nature ! Il connaissait bien trop cette forêt pour s'y perdre, même en s'y promenant longuement. Il aurait fallu y errer pendant des heures avec un bandeau sur les yeux pour qu'il en vienne à ne plus du tout retrouver son chemin. Quant à être seul... Ça non plus, ça ne l'effrayait pas plus que cela, car il faisait encore jour. Certes, le bruissement spectral du vent au travers des feuilles partiellement décomposées pouvait être angoissant, mais ce qui l'était davantage... C'était autre chose : la période automnale. Pourquoi ? Car avec elle venaient, comme tous les ans, les bottes et les fusils, les cris et les coups de feu. Les chasseurs. Edward était rentré dans la forêt en connaissance de cause, mais il n'en demeurait pas moins sur ses gardes, car, à cette période de l'année, la chasse était ouverte. Faisans et perdrix, biches et cerfs devenaient alors les proies de chasseurs expérimentés, qui arpentaient avec une excitation exponentielle les étendues boisées et roussies par l'automne.
Certes, la zone dans laquelle il se trouvait était protégée et interdite à la chasse pour que les animaux puissent avoir une retraite possible, mais on n'était jamais à l'abri d'une balle perdue. Pire encore, certaines bêtes, affolées par les pétarades de multiples fusils pouvaient très bien, à la vue d'un homme, qui plus était désarmé, tenter le tout pour le tout en chargeant tête baissée. Alors s'il tombait sur une biche, ça irait... Mais face à un cerf déchaîné, même avec son alchimie, Edward se retrouverait certainement en difficulté. Et il ne faisait pas preuve d'une inquiétude exagérée, loin de là : la semaine dernière, déjà, la nouvelle avait couru au village qu'un homme d'âge mûr, et pourtant expérimenté, s'était fait empalé par une bête prise de panique. Alors bon... Rassuré, il l'était moyennement.
Tendant l'oreille dans l'espoir de discerner tout craquement suspect, Edward continua méticuleusement sa recherche, déblayant systématiquement de quelques gestes les feuilles humides aux pieds des arbres pleurant les rayons chauds de l'été. Au fur et à mesure qu'il s'enfonçait dans ce labyrinthe sylvestre, son panier se garnissait petit à petit de champignons plus rebondis. Souriant, il reprit espoir en constatant qu'il avait bientôt fini. Peut-être reviendrait-il à temps à la maison ? Si c'était le cas, il allait devoir trouver une bonne excuse pour expliquer sa tenue, ou ses cheveux déjà ruisselants d'eau, qui étaient collés sur son front un peu refroidi par l'air ambiant. En rentrant, il se prendrait une bonne douche et...
TCHAK !
Brusquement, une vive douleur étreignit son mollet, lui envoyant une terrible secousse tout le long du corps. La violence de l'information fut telle que le cerveau d'Edward fut comme court-circuité. Ses jambes ne le soutinrent plus, et l'adolescent s'effondra dans un hurlement terrible, lâchant son panier qui partit rouler à deux mètres de là, déversant tout son contenu sur le sol. Quelques oiseaux farouches prirent leur envol d'une façon désordonnée, effrayés par ce cri d'agonie.
Car c'était, ni plus, ni moins, ce que le blond ressentait alors que, tremblant et gisant dans la boue et les feuilles, il tentait de trouver la force de se mouvoir.
Sa jambe droite toute entière était traversée de spasmes qui ne lui rappelèrent que trop bien ce qu'il avait ressenti, quelques années plus tôt, lorsqu'on lui avait arraché sa comparse. Tétanisé et choqué par cette souffrance si puissante qu'il ne sentait presque plus son membre, Edward tenta malgré tout de faire appel à la force de ses bras pour soulever son corps si lourd, et rouler sur le dos. Cette simple tâche lui demanda un effort considérable, en rien arrangé par la boue dans laquelle ses mains s'empêtraient et dérapaient. Une fois face au ciel, hoquetant de douleur et d'angoisse, il dut prendre sur lui pour trouver le courage de se redresser. C'était comme ci tout son corps avait été anesthésié d'un seul coup. Chaque mouvement était une torture, et un geste trop brusque lui arracha un glapissement de douleur alors que celle-ci se faisait, dans sa jambe glacée, plus aiguë encore.
Le visage ruisselant de larmes qu'il ne contrôlait pas, la respiration erratique, le corps tremblant, Edward écarta d'un geste fébrile son manteau pour découvrir avec horreur la raison de sa chute.
Là, planté dans son mollet, luisant d'une hargne féroce et d'un appétit vorace...
… Un piège à loups.
Ses crocs s'étaient refermés sur sa jambe sans la moindre hésitation, traversant le tissu comme s'il ne s'agissait que de papier et perçant la chair aussi facilement que du beurre. Rien qu'à la douleur, Edward devina que son os, également, avait été broyé par l'effroyable mécanisme.
Le sang s'épanchait à foison sur le métal brillant, giclant de la blessure avec une incroyable facilité. Blême, l'adolescent manqua de tourner de l'œil à cette vision. Il détourna en hâte le regard pour essayer de se reprendre, et surtout pour refouler la bile qui remontait le long de sa gorge. Un piège à loups ? Pourtant, il n'était pas censé être dans une zone autorisée à la chasse !
« Bordel... » gémit-il d'une voix étranglée et suraiguë alors que, courageusement, il portait ses mains au piège pour essayer d'en écarter les dents acérées. Il posa ses mains tremblantes sur le métal poisseux et froid, mais ne trouva malheureusement pas de prise suffisante pour s'assurer de ne pas empirer les choses. L'armature, badigeonnée de sang, était impossible à saisir : ses mains glissaient. Il lui fallut bien se couper accidentellement trois doigts pour convenir qu'il était impuissant.
« Putain... » couina l'adolescent en essuyant ses joues, brûlantes du sel qui s'y déversait, d'un revers de main. Puis, il essuya frénétiquement le sang qui couvrait ses mains sur son manteau pour s'en débarrasser. Ses doigts étaient gelés, et plus ça allait, moins il sentait sa jambe. En plus... Qui savait combien de saloperies étaient allées se nicher au bout de ces crocs ? Bactéries, microbes... Tout un florilège d'horreurs qui devaient déjà se répandre dans son organisme. Merveilleux... ! Remarque, avant que ça s'infecte, il mourrait peut-être d'une hémorragie, puisque le piège lui avait lacéré tout le pourtour du mollet. S'il avait été plus puissant, peut-être lui aurait-il fait sauter la jambe, pensa l'alchimiste avec horreur, qui, à vrai dire, n'y connaissait pas grand chose à ce type de pièges. Ceux qu'il avait posés étant enfant étaient bien plus sommaires et...
« …. ! »
Soudainement animé d'un nouvel espoir, Edward claqua ses mains l'une contre l'autre. Quel abruti ! Complètement retourné par cette vision cauchemardesque et par la violence de l'action, il en avait oublié l'essentiel. Ni une, ni deux, dans une foultitude d'éclairs lumineux, il désintégra une bonne partie du piège pour libérer sa jambe prise au piège. Néanmoins, il ne fit pas l'erreur de retirer les crocs qui s'y étaient plantés. Déjà, car l'idée lui soulevait le cœur : il imaginait déjà l'écœurante sensation des crocs qui s'extirpaient lentement de sa chair en en gardant un petit souvenir avec eux... Et ensuite, car vu la distance à laquelle il se trouvait de toute forme de civilisation, s'il voulait arriver jusqu'à elle... Il devrait boitiller avec résignation -il en perdait tout courage rien qu'à y penser-. Or, un tel effort mobiliserait certainement beaucoup son membre... Et s'il dégageait la seule chose qui prévenait une aggravation de l'hémorragie, il se viderait de son sang avant même d'avoir atteint le premier villageois.
Le souffle court, il ramena avec beaucoup de difficulté et de gémissements sa jambe vers lui. Il évita de regarder l'intérieur de sa jambe, essayant juste d'évaluer un peu mieux les dégâts maintenant qu'il l'avait sous les yeux. Ouh... Oui, la blessure était vilaine. Si, avec ça, il ne se choppait pas une cicatrice de plus... ! Finalement, il aurait peut-être dû se la faire couper net, sa jambe. Ça lui aurait éviter bien des désagréments, comme de se faire enguirlander par Winry : elle y aurait trouvé son compte, en pouvant lui vendre un nouvel automail. Parce que là, cette histoire de champignons... Il ne fallait plus compter sur lui ! Il n'avait déjà plus la force de se porter, alors ramener le panier d'osier...
Il réfléchit rapidement. Même en empruntant le chemin le plus court pour arriver chez la première personne venue... Il en avait pour dix, voire quinze minutes. Et, en marchant. Là, il allait se traîner.
Ses yeux s'agrandirent d'horreur alors qu'il les fixait sur le tapis de feuilles gorgées d'eau, au sol, sur lequel la pluie crépitait inlassablement. Pourrait-il tenir jusque là ? Et s'il n'y arrivait pas ?
C'était infaisable.
Voilà la première pensée qui lui traversa l'esprit. Il déglutit, puis, serrant les poings, en abattit un violemment au sol. NON ! Hors de question d'être si pessimiste. Chaque seconde était précieuse, et toutes celles qu'il perdait à faire des suppositions plus improbables les unes que les autres était une chance de moins de s'en sortir !
Résolu, il serra les dents, et essaya de prendre appui sur sa jambe gauche pour se relever. Il avança sa main droite pour s'appuyer sur une racine apparente quand, brusquement, son genoux droit dérapa dans la boue. Il retomba au sol la tête la première, heureusement dans les feuilles mortes quand...
TCHAK !
Il resta figé. A quelques centimètres de son visage, un second piège à loups, probablement déclenché par un coup asséné par maladresse avec le dos de sa main droite, avait claqué ses dents perfides. Le souffle court, la bouche entrouverte dans une grimace de stupeur et d'horreur, Edward comprit enfin la situation dans laquelle il se trouvait. Lentement, mais sûrement, il se releva, quelques feuilles collées à son visage détrempé, et observa d'un œil angoissé les alentours.
Tout, tout, TOUT, autour de lui... N'était que feuilles froissées et trompeuses.
Donc tout, tout, TOUT, absolument TOUT, autour de lui... Était capable de dissimuler d'autres pièges, qu'il n'avait sûrement pu éviter jusque là que par un heureux coup du sort.
Son regard glissa jusqu'au deuxième qu'il avait découvert, non sans une peur sourde. La vitesse de déclenchement était abominable et, pire encore... La sensibilité de la machine était simplement machiavélique. Il ne l'avait pourtant pas heurté fort, mais suffisamment, vraisemblablement, pour actionner le dangereux mécanisme.
Comment allait-il se frayer un chemin à l'aveuglette dans cette mer rougie de feuilles... Et truffée de pièges ?
Il inspira un grand coup pour calmer les battements effrénés de son cœur et la douleur qui y montait par de puissants pics réguliers. Réfléchis, réfléchis, réfléchis...
Un appât ! Il lui fallait un truc qui serve d'appât. Genre... Un bâton, où n'importe quoi, qu'il pourrait taper au sol pour vérifier la sûreté de l'emplacement et savoir où mettre les pieds !
En premier lieu, son regard bifurqua vers le panier, laissé à l'abandon à à peine deux mètres de lui. Problème : qui lui garantissait que, sur ces deux mètres, ne se trouvait pas un énième piège ? C'aurait été bizarre qu'ils soient aussi concentrés que cela autour de lui -car deux, c'était quand même, déjà, bien étonnant-, mais il ne voulait pas tenter le diable. Et puis... De l'osier, face à du métal, sérieusement ? Son panier ne ferait pas bien long feu. Pire encore : s'il le laissait là, il avait encore une chance de le retrouver SI -et il disait bien « si »- il parvenait en un seul morceau jusque chez Pinako, en revenant après... Mais s'il le laissait être dévoré par ces pinces avides de sang, Winry, pour le coup, lui passerait un savon encore plus gros.
Alors on oublie.
Son regard vola ensuite vers le premier piège. Peut-être que, finalement, après l'avoir si grièvement blessé, il allait pouvoir s'avérer utile.
Il claqua ses mains l'une contre l'autre à nouveau, et extirpa du métal une longue barre de fer. Idéale pour s'appuyer dessus. Puis, il fit de même avec le second piège. Il se servirait ainsi de la première pour supporter le poids de son corps et alléger celui exercé sur sa jambe... Et de la seconde barre comme d'un bâton pour éloigner les serpents. A la différence près que, là, il faisait face à des ennemis invisibles et hautement plus dangereux. Franchement, quel malade avait posé, dans une zone interdite à la chasse qui plus était, des pièges aussi dangereux ? S'il le retrouvait, il lui foutrait sans la moindre hésitation ces barres de fer dans le... !
Bref.
Avant de se redresser, Edward s'aida de son alchimie une dernière fois pour déchirer le bas de son pantalon. Il le découpa soigneusement en quelques éclairs juste au-dessus de la plaie, puis se servit du bout de tissu ainsi obtenu pour faire un garrot au niveau de la cuisse. Il s'assura de sa pose correcte afin de ne pas avoir à y toucher de nouveau jusqu'à son arrivée, puis attrapa les deux barres de fer et se hissa sur la première.
Ce simple mouvement lui arracha des gémissements mal contenus de douleur. Putain ce que ça faisait mal, merde !
Refoulant au fond de sa gorge nouée des sanglots, il avança lentement, par étapes, en traînant sa patte folle derrière lui avec le plus grand mal. Au moindre pas, il agitait frénétiquement la barre qu'il tenait dans la main gauche devant lui, en tapotant le sol. L'opération fut longue et laborieuse il ne pouvait avancer que centimètre par centimètre, mais prudence était mère de sûreté. Se dépêcher et se précipiter dans la gueule du (piège à) loup aurait été stupide.
Ainsi, pendant une bonne dizaine de minutes, l'adolescent avança sans flancher au travers de ce fourbe tapis automnal, en ne rencontrant, heureusement, « que » quatre autres pièges au cours de sa dangereuse traversée. Le premier, il put le repérer de loin et le contourner aisément... Mais le deuxième fut plus vicieux, planqué tout près d'une racine au-dessus de laquelle il avait espéré passer, croyant justement naïvement ne rien trouver près de celle-ci. Quant aux autres, ils étaient, à l'image de celui qui lui avait coûté sa jambe, dissimulés ça et là, mais la barre de fer se chargea de les déclencher avant qu'ils ne puissent goûter à l'un ou à l'autre de ses mollets.
Il avait dut parcourir quelques trois cents mètres quand il décida de prendre une courte pause pour souffler un peu. Il avait certes de bons muscles, entraînés régulièrement au cours des dernières années... Mais même avec deux automails, il n'était pas évident de supporter tout le poids de son corps sur la partie gauche de celui-ci.
Il resta ainsi quelques secondes les yeux rivés au sol, à laisser la pluie dégouliner sur sa capuche qu'il avait rabattue de nouveau sans grande conviction. Couverte de boue par endroits et détrempée, il ne savait même plus si elle lui servait encore à grand chose. Il était gelé jusqu'aux os, et comble du bonheur, ses chaussures, même, avait pris un peu l'eau. Il aurait tout donné pour se trouver, là, maintenant, tout de suite, au coin d'un feu de cheminée bien CHAUD, ou dans sa couette, comme ce matin...
Il poussa un long soupir, et leva ses yeux fatigués droit devant lui, les laissant se perdre parmi les arbres innombrables qui obscurcissaient sa vue. Merde... Il ne voyait même pas l'orée de la forêt... Combien de temps avait-il marché, au juste ? Il savait où aller mais... Combien de temps, encore, cela lui prendrait-il pour parvenir à sortir de ce fichu bois ? Les pièges à loups s'étaient faits certes moins fréquents, mais... Mais... Une grande lassitude étreignait son corps meurtri.
Allez, courage.
Il fit de nouveau quelques pas, plus lents... Quand, soudain, il entendit un grondement sourd, un peu plus loin, derrière lui.
Il se figea instantanément, comme si le bruit s'était répercuté en écho jusqu'au creux de son ventre et le paralysait. Sa respiration devint presque inexistante alors que, doucement mais sûrement, une terrible idée envahissait son esprit.
Piège. À. Loups.
Pourquoi en mettre, si ce n'était pour piéger des loups ?
Il savait qu'à Resembool, on élevait beaucoup de moutons, et que l'économie de la ville était essentiellement basée sur le commerce de leur viande et de leur laine, mais... Cela justifiait-il pour autant la présence de loups dans la forêt, quand bien même il n'avait pas le souvenir d'en avoir jamais croisé étant petit ?
Un grondement sourd, de nouveau, derrière lui, mais plus proche, lui donna sa réponse.
Peut-être que oui, après tout.
Lentement, très lentement, l'adolescent pivota sur lui-même, les muscles tendus. Il devait faire doucement pour ne pas provoquer l'animal. Être calme. Respirer doucement. Ne pas faire de geste brusque.
Il tourna la tête, et là...
… Son regard se posa sur une forme bien plus imposante que celle d'un simple loup.
Un ours.
L'animal au corps puissant et à la patte lourde était là, non loin, à humer longuement l'air de son museau luisant. Son pelage épais, déjà fourni pour l'hiver, était détrempé de pluie il devait errer dans la forêt depuis un moment, peut-être à la recherche de nourriture. Ou peut-être, comme bien d'autres animaux, cherchait-il à fuir quelques coups de fusils trop menaçants.
Enfin bon. Peu importait les raisons de sa présence dans cette partie de la forêt : le vrai problème, c'était qu'ils partageaient actuellement le même espace. Or, Edward n'avait pas souvenir d'avoir entendu de très bonnes anecdotes à propos de ceux qui avaient eu la chance de partager celui d'un ours. L'ours, en général, partageait plutôt autre chose, comme des coups de dents ou de griffes.
Une tornade de pensées assaillit l'esprit de l'adolescent, dont une, plus récurrente que les autres :
Danger.
Ok. Donc là, il n'avait pas trop d'autres options que la fuite. Il avait certes l'alchimie, mais l'animal semblait alerte et plutôt vif. Si jamais il lui fonçait dessus... Il n'aurait qu'une chance, et pas deux, de le neutraliser. En pleine forme, il en aurait tout à fait été capable. Mais là, avec une jambe en bouillie... C'était une autre paire de manches. De plus, il ne tenait pas plus que ça à blesser inutilement l'animal en portant une attaque fatale. Cela dit, s'il n'avait pas le choix...
Il expira très doucement, pour que sa respiration ne parvienne pas à l'ours. Néanmoins, fort était à parier que malgré toutes ses précautions, son odeur, et à plus forte raison celle du sang qui coulait le long de sa jambe, le trahirait tôt ou tard. Du coup, même la fuite serait compliquée. A moins que l'animal ne le remarque pas, ce qui semblait, pour l'instant, être le cas. Alors, doucement, l'alchimiste esquissa un mouvement, aussi lent que possible pour éviter tout froissement, que ce soit des feuilles ou de son pantalon. Il ne se servit, de même, que de la barre de fer qu'il tenait dans sa main droite puisque les pièges semblaient se situer plus loin à présent, nul besoin de vérifier outre mesure leur présence devant lui. Minimiser le bruit. Minimiser le...
« HNP ! » couina le blond en dérapant maladroitement sur une motte d'herbe, et s'appuyant par réflexe sur sa jambe blessée.
Aussitôt, des sueurs froides glissèrent sur la peau tremblante de son dos, tandis que des spasmes de douleur remontaient le long de sa colonne vertébrale. De nouveau, il se retourna...
… Et croisa, cette fois-ci, le regard intense et sauvage de l'ours, figé.
Néanmoins, le plus rapide à le détourner d'eux deux fut l'animal, qui laissa dériver ses yeux bruns jusque sur l'une des barres de fer qu'Edward avait en mains. L'alchimiste suivit le regard de l'animal, et comprit de suite l'horrible quiproquo. Ou peut-être le comprit-il quand l'animal se redressa sur ses pattes arrières, se grandissant, et poussant un grondement profond.
Bordel que ça peut être grand, un ours.
Edward écarquilla les yeux. S'il lançait les barres plus loin, il pouvait tout aussi bien faire fuir l'animal que se retrouver désarmé, incapable de bouger, et surtout... Peut-être susceptible de l'énerver davantage. Mais s'ils les gardaient... Visiblement, ça lui déplaisait tout autant.
Bref, qu'elles soient là, ou pas, dans un cas comme dans l'autre, l'animal avait clairement signifié ce qu'il allait faire : passer à l'attaque.
Alors autant les garder, non ?
Il se saisit fermement de celle de droite tandis qu'il s'appuyait avec la force des désespérés sur la gauche. Logiquement, il aurait préféré faire l'inverse, mais tant pis. C'était avec sa main droite qu'il était le plus à même de se défendre.
Seulement, alors qu'il se préparait à recevoir l'assaut de la bête... Celle-ci retomba mollement sur ses pattes, poussa un grondement de dédain, et se détourna de lui. Peut-être avait-elle compris qu'il n'était en rien une menace ?
Sauf qu'Edward n'eut pas le temps d'apprécier ce temps mort : l'ours eut à peine fait un pas qu'un piège à loups claqua brutalement près de sa patte avant, faisant sursauter l'animal. Celui-ci s'écarta avec précipitation dans un grondement terrible qui figea de terreur l'alchimiste tant il était puissant... Pour mieux faire claquer un second piège dans sa fuite, sans pour autant être pris dedans. L'ours gronda de nouveau avec toute la force de sa voix, et se retourna vers Edward avec des yeux que celui-ci n'avait jamais vu chez un animal. Des yeux presque humains, emprunts de peur, écarquillés comme deux grosses soucoupes noires. Des yeux accusateurs, que la colère et, probablement, la volonté de survivre, animèrent rapidement. D'un coup, l'animal pivota sur lui-même et chargea l'adolescent, les babines saillantes tandis qu'il poussait des cris terrifiants.
Le petit blond, qui avait compté sur sa réactivité, fut pris de court, et tétanisé par le spectacle de cette bête puissante lui fonçant dessus toutes griffes dehors. Et, visiblement, ce n'était pas une simple charge d'intimidation. La bête comptait bien lui porter au moins un coup.
« … AH ! »
Le petit blond hurla de terreur alors qu'une patte à la force titanesque s'abattait sur l'arbre derrière lui, fracassant l'écorce en de petits copeaux. Tombé au sol en voulant esquiver l'attaque qu'il n'avait pu prévoir, et incapable de se relever, Edward suivit la chute inexorable de ces morceaux de bois, imaginant ce que ça aurait donné s'il avait s'agit, en lieu et place du bois, de son crâne. Il trembla de tous ses membres face à l'animal qui se trouvait devant lui et dont émanait une forte odeur pestilentielle à cause de la pluie qui mouillait son poil, incapable de réagir. Ce n'était pas comme d'affronter un autre être humain : là, il s'agissait d'une bête qui faisait facilement trois fois son poids et deux fois sa taille, et dont la force devait être bien supérieure à la sienne. Néanmoins, en voyant la patte de l'animal se lever une seconde fois, il eut comme un déclic. Il lâcha la barre de fer qu'il tenait, claqua ses paumes l'une contre l'autre et apposa ses mains au sol. La terre fut comme mue d'une étincelle de vie et gonfla à la manière d'une vague, propulsant l'animal deux mètres plus loin. Edward se releva en catastrophe, profitant d'avoir étourdi l'animal pour se remettre debout... Mais il s'était à peine hissé sur sa jambe valide que, déjà, l'animal le chargeait, avec plus de volonté encore.
Au vu de la courte distance qui les séparait, l'ours lui tomberait dessus en moins d'une seconde. Il n'avait pas le temps de réagir. Son cœur s'arrêta net alors que, par réflexe, il ferma les yeux et reculait la tête, la main crispée sur la barre de fer, se préparant à l'impact imminent.
Quand, soudain, un grognement sinistre retentit.
Un gémissement plaintif et surpris lui répondit.
Edward rouvrit les yeux, haletant de peur, pour découvrir, face à lui... La bataille inédite de l'ours, et d'un énorme loup, qui lui avait visiblement sauté au cou. Babines retroussées, crocs et poil luisants, l'animal faisait preuve d'un acharnement qu'on pouvait saluer en s'accrochant férocement à la peau glissante de son adversaire, qui le ballottait en tous sens. Edward, stupéfait, regardait médusé ce spectacle d'une violence inouïe. Deux bêtes sauvages aux muscles saillants s'affrontaient sous ses yeux, roulant dans les feuilles mortes dans un vacarme des plus impressionnants.
Par réflexe, il se recula, toujours au sol, cherchant à trouver la logique de cette situation. D'où sortait ce loup ? Pourquoi attaquait-il cet ours avec tant de ferveur ? Pourquoi était-il si gros et..
« PUTAIN, MAIS T'ES CON, OU QUOI ? RESTE PAS LA, BARRE-TOI ! » hurla soudainement le canidé en dardant sur l'alchimiste un regard glacial qu'il ne connaissait que trop bien.
Edward mit quelques secondes à réaliser que c'était bien un loup qui venait de lui parler... Puis quelques autres à savoir qui lui parlait.
« Envy ?!
- ALLEZ ! FILE ! » hurla de nouveau le loup avant de pousser un jappement plaintif en se prenant un coup de patte de la part de l'ours, qui l'envoya rouler à bien trois mètres.
Edward ne se fit pas prier. Il prit les deux barres de fer pour s'en servir comme béquille et clopiner de son mieux plus loin... Avant de se stopper net. Il avait déjà parcouru une vingtaine de mètres et entendait toujours, là-bas, derrière les buissons qui lui bouchaient la vue, des grondements et des couinements.
Il fit encore quelques pas, le cœur serré, puis se tourna de nouveau vers l'endroit d'où lui parvenaient les cris.
« … ! »
Non. Il ne pouvait pas rester là, sans rien faire.
Prenant son courage à deux mains, il revint sur ses pas à toute vitesse, et découvrit l'horrible tableau : les deux animaux étaient l'un sur l'autre, à se mordre et à se griffer. Sur chacun d'eux, des lambeaux de peau sanguinolents papillonnaient au rythme des coups, mais l'une des bêtes avait clairement l'avantage sur l'autre : l'ours, assurément, prenait l'ascendant sur le loup, même si les blessures de celui-ci guérissaient progressivement. Sur la durée, ce serait effectivement le loup qui gagnerait... Mais pour et dans combien de souffrances pour les deux camps ?
Envy n'avait pas l'habitude de se battre ainsi.
Il devait l'aider.
« RAAAAAAAAAH ! »
Edward, faisant fi de la douleur, se précipita sur l'ours, priant pour ne rencontrer aucun piège chemin faisant, et brandit la barre de fer qu'il envoya de toutes ses forces dans la tête de l'animal avec regret. Enfin. « De toutes ses forces »... C'était bien beau, mais il en avait peu, en ce moment. Néanmoins, au moment où la barre heurta sa tête... L'ours s'effondra dans un grondement étranglé, écrasant de tout son poids le loup qui se trouvait au sol.
Visiblement, il avait quand même réussi à assommer la bête.
Un calme plat envahi alors la forêt qu'avaient fui pas mal d'oiseaux face à ce spectacle hors du commun. Seuls la respiration saccadée d'Edward, dont le corps tremblait encore sous le coup de l'adrénaline, et bientôt sous celui de la douleur, ainsi que les grondements sourds d'Envy qui tentait de s'extirper de sous l'ours, se faisaient entendre au milieu des arbres. On eut dit que ces derniers, courbés sous l'effet d'un vent gémissant, cherchaient à se pencher pour observer la scène irréaliste à laquelle ils assistaient.
L'alchimiste, à bout de souffle, fini par s'écrouler à son tour, tenant sa jambe en tremblant. L'information de la vive douleur provoquée par sa course ne lui parvenait qu'à présent, et franchement, ça faisait un mal de chien.
Et en parlant de chien -ou de loup, plutôt-...
… Envy, enfin sauvé, haleta un moment près d'Edward -le temps que ses blessures se referment-, puis reprit son apparence normale, non sans adresser un regard courroucé et réprobateur à l'alchimiste.
« Heureusement que je t'avais dit de fuir ! T'es sourd ou idiot ? » lança-t-il, avant de se répondre tout seul : « Je vais opter pour la seconde option, parce que pour chercher la merde à un OURS, il faut pas trop tenir à la vie ! »
Le petit blond avala difficilement sa salive, avant de lui adresser un regard noir, sans cesser de se tenir la jambe.
« C... Ca va... Hein... J'ai... J'ai pas... J'ai pas besoin -putain!- de... Tes reproches... » haleta-t-il. Il se tut quelques secondes, le temps d'encaisser les derniers pics de douleur que sa jambe lui envoyait, puis continua : « Et franchement... Recevoir une leçon de morale... D'un gars qui a combattu un ours... En LOUP... Alors qu'il aurait très bien... pu... Lui envoyer une torgnole sous une autre forme... FRANCHEMENT... Je m'en passerai -HSSS-... Bien ! »
Envy jeta un coup d'œil méfiant à l'ours inconscient -des fois que-, et s'accroupit près de l'adolescent emmêlé dans son manteau rouge.
« Je te signale que sans ce loup, tu te serais fait boulotté par cet ours. Contrairement à Gluttony, pour te retrouver à la trace, j'ai qu'un moyen d'avoir un bon flair, moi. Me transformer », indiqua l'androgyne en posant son index long et fin sur le bout de son nez pour illustrer son propos. « D'ailleurs, heureusement que tu pissais le sang, sinon, j'aurais eu du mal à te retrouver. T'as idée de combien de bêtes arpentent cette forêt, sérieusement ? Mais sinon... » fit-il, un peu dubitatif. « C'est l'ours qui t'a fait ça ? Putain, il t'a bien amoché.
- N... Non... C'est pas l'ours », expliqua le plus petit, avant de s'étonner, bien qu'à moitié, trop engourdi par la douleur : « Tu n'as pas vu... de pièges... en arrivant ici ?
- De pièges ? Quel genre ?
- Piège à loups », répondit le plus petit, essoufflé.
« Le seul piège à loups ici, c'est toi, chibi. Quelles conneries tu me ferais pas faire, quand même », soupira l'androgyne. Se battre avec un ours. Non mais franchement. Il avait été tellement pris de court en voyant le petit blond chargé par ce mastodonte qu'il n'avait même pas eu l'idée de reprendre sa forme humaine pour plus de mobilité, ou simplement celle d'origine pour botter le derrière de l'animal. Non. Dans sa tête, à ce moment-là, tout avait été en un éclair. C'était soit une attaque fulgurante toutes dents dehors, soit Edward qui volait contre un arbre, et s'y fracassait comme une brindille.
Il eut une petite grimace de dégoût en se souvenant du goût de la chair et des poils rudes de l'ours. Berk.
« Blague à part... C'est pas franchement beau à voir... » observa-t-il en examinant la blessure. « Je suppose que tu ne peux pas te lever, si ?
- Pas vraiment, non. Enfin si, mais pour marcher, c'est autre chose...
- Bon. Ben j'ai pas trop le choix, alors. Viens là. Agrippe-toi à mon cou, je vais t'aider », proposa l'androgyne tout en se mettant à hauteur de l'alchimiste pour qu'il puisse nouer ses bras tremblants autour de son cou. Il passa avec précaution son bras sous les aisselles du jeune garçon, puis le second sous ses genoux, et le prit dans ses bras. La manœuvre délicate arracha un gémissement plaintif au plus jeune, qui ferma les yeux avec force quelques secondes, serrant les dents, essayant de dissiper la douleur lancinante qui lui vrillait tout le corps.
« Désolé », fit Envy, avant de préciser : « Je t'aurais bien porté sur mon dos pour soulager ton ego, mais étrangement, je me dis qu'il vaut mieux soulager ta jambe. Si tu n'y vois pas d'inconvénient. »
Edward se renfrogna. Effectivement, il n'aimait pas trop être porté comme ça. Mais bon. Ca valait mieux que d'être transporté comme un sac à patates, comme cette fois-là au laboratoire numéro cinq.
Tandis qu'il se faisait cette amère réflexion, Envy commença à avancer dans les feuilles mortes, prudemment. Il n'avait pas vu de pièges à loups, lui, mais comme Edward l'avait mis en garde...
« Et sinon... » commença l'adolescent, profitant largement du confort inespéré des bras de l'homonculus. Enfin, il n'était plus obligé de souffrir pour avancer. « On peut savoir... Ce qui t'amène ici ?
- Toi, quelle question. »
Surpris par cette réponse si prompte, Edward écarquilla les yeux, restant muet. Envy compléta :
« Tu n'es pas sans savoir qu'on a des réseaux de souterrains un peu partout dans le pays. C'est bien pratique pour les déplacements, mais surtout pour Père pour savoir ce qui se passe ça et là. C'est Pride qui le renseigne, en général. Il est toujours en vadrouille, ce lécheur de bottes. Du coup... J'ai eu l'info assez vite. On m'a dit que t'avais un problème, donc je suis venu. Ni plus, ni moins.
- Tu as fait drôlement... vite » observa d'un œil méfiant l'alchimiste.
« J'étais de passage dans le coin », se défendit l'androgyne en haussant les épaules d'un air indifférent.
« Comme de par hasard. C'est... fou... Dis donc -aïe ! Me secoue pas!-... », s'exclama le plus jeune. Il se tut un moment, puis demanda : « En fait, tu me surveilles, c'est ça ?
- …
- J'y crois... pas. On me fous même... un chaperon quand je sors ? C'est... pas un peu... abusé ? »
Envy, tout en contournant précautionneusement une racine, haussa un sourcil et répondit :
« Vu ton état, ça me paraît tout à fait légitime, si tu veux mon avis. En plus, le chaperon... Ce serait plutôt toi », fit-il dans un sourire en rabattant sur la tête de l'adolescent sa capuche, pour le protéger un peu de la pluie, même s'il était déjà bien détrempé. Au moins, il n'aurait pas la désagréable sensation de l'eau qui lui coulait dans les yeux dès qu'il les levait vers lui.
« C'est malin », râla le plus jeune, avant de rétorquer avec un sourire moqueur -mais fatigué- : « Dans l'histoire... Tu sais que... Le loup se fait... Tuer par un chas... Chasseur ? Je serais toi... Je ferais... Gaffe à mes... fesses...
- Et qui te dit que cette fois-ci, ce n'est pas le chasseur qui a pris la peau du loup pour se dissimuler dessous, hein ?
- Oh. Et... Tu chasses quoi, toi... ? »
Envy eut un sourire à la fois sadique et goguenard, et répondit :
« Les crevettes. Il paraît qu'on peut en pêcher de bonnes, en cette saison. »
Edward poussa un soupir court d'agacement et détourna la tête, vexé. Envy parut surpris.
« Drôle de réaction. Je te fais un compliment, là.
- Pardon ? »
Envy eut un sourire qui ne laissait pas planer le doute, tandis qu'il se penchait pour embrasser Edward sur le front, d'une façon suffisamment douce pour laisser l'adolescent figé. Il lui sembla que ses joues s'embrasèrent au moment même où les lèvres de l'homonculus entrèrent en contact avec son front trempé. Cela faisait peu de temps que sa relation avec Envy avait pris un tournant nouveau mais... Chaque fois, dès que ce dernier esquissait un geste envers lui... Il se sentait comme incapable du moindre mot ou du moindre geste, comme si ça le dépassait. Ça ne le dérangeait pas, mais... N'empêche que, gêné et intimidé, il se recroquevilla -s'arrachant un petit gémissement de douleur au passage-. Puis, comme s'il jugeait son comportement trop réservé, il se blottit doucement contre le torse de l'homonculus.
L'homonculus l'avait sauvé malgré les risques encourus et, il en était sûr... Pas simplement pour éviter que le plan de son père ne capote. Tout du moins... Il se plaisait à le croire.
« Merci... » souffla l'adolescent en s'accordant un moment de répit en laissant ses paupière se clore quelques secondes. Il se laissa aller contre Envy, et demanda à tout hasard : « Tu sais où aller ?
- Évidemment.
- ... »
L'alchimiste rouvrit les yeux, et plongea un regard accusateur dans ceux d'Envy :
« A tout hasard... Puisque tu sais où... je loge... Tu n'aurais pas eu... Le culot de...
- … Ne pose pas la question si tu connais la réponse. »
Edward ne répondit rien, mais n'en pensa pas moins : « Je rentre, je me soigne, et je fais acheter à Al des rideaux biiieeeen épais pour la salle de bain. Et un fusil. Il va l'avoir, son plomb dans les fesses, ce loup. »
FIN
Voilà ! xP J'espère que ça vous a plu ! Y'a peut-être un peu de surenchère quant aux épreuves que ce pauvre Edo doit traverser maaaaaiiis bon u.u' J'avais envie d'action, alors voilà x) J'espère avoir bien pu retranscrire sa peur et sa douleur, la tension d'être acculé et pris au piège... Bien que je ne sois pas totalement satisfaite de moi :/ J'aurais bien aimé trouver des vidéos d'ours qui attaque, mais... J'avoue ne pas avoir eu le courage de visionner toutes celles que j'ai pu trouver, car je suis tombée sur pas mal d'horreurs (comprendre : de VRAIS gens qui se font charcuter par de VRAIS ours. Miam!), du coup... J'ai peut-être pas suffisamment bien décrit toute la puissance que peut avoir une telle attaque. Je ne sais pas, à vous de me le dire !
Quant à ceux ou celles qui s'inquiète pour Edo... Rassurez-vous, Vyvy aura su le ramener en un seul morceau, et à temps, chez Pinako (le bœuf bourguignon, par contre, devra se passer de ses champignons!). Comme ça, le petit chaperon rouge aura tout le loisir de prendre sa revanche sur son loup favori ! xp
Allez ! Je vous dis à une prochaine fois, et n'oubliez pas de poster un petit quelque chose pour me faire part de votre avis ! ^o^
White Assassin