Certains n'y ont pas cru (dont moi ...) mais je suis de retour avec beaucoup de motivation. On se rapproche doucement de la fin mais pour le moment on va en savoir un peu plus sur Ace !

Je vous souhaite une excellente lecture et je vous remercie de vos encouragements, critiques et commentaires! o

On se retrouve en bas pour les RAR.


Chapitre 5 – Ombrage

« Aujourd'hui que des recherches plus subtiles et un gout plus fin ont réduit l'art de plaire en principes, il règne dans mœurs une vile et trompeuse uniformité, et tous les esprits semblent avoir été jetés dans un même moule : sans cesse la politesse exige, la bienséance ordonne sans cesse on suit des usages, jamais son propre génie. On n'ose plus paraitre ce qu'on est et dans cette contrainte perpétuelle, les hommes qui forment ce troupeau qu'on appelle société, placés dans les mêmes circonstances, feront tous les mêmes choses si des motifs plus puissants ne les en détournent. On ne saura donc jamais bien à qui l'on a affaire : il faudra donc, pour connaitre son ami, attendre les grandes occasions, c'est-à-dire attendre qu'il n'en soit plus temps, puisque c'est pour ces occasions mêmes qu'il eût été essentiel de le co-. »

Grand bruit de fracas.

" _ T'es complétement malade ! M'écriai-je après avoir pu esquiver le lancé d'une de ses Doc Martens sur moi.

_ C'est la 4ème fois que je te dis de te la fermer, rétorqua-t-il. "

Je relevais la tête et lui lançais un regard furieux. Il était en position à moitié assise, le dos adossé contre son coussin calé contre le mur.

" _ C'est par ta faute si je dois lire de la sorte, si je le fais silencieusement, je doute pouvoir me rappeler de toutes ces informations tant elles sont nombreuses, dis-je rapidement, sans reprendre mon souffle.

_ Détrompe-toi, c'est par la faute de ta satanée ignorance, écris sur les murs, sur ta peau, mais ferme la, répondît-il en reprenant la lecture d'une édition de Life provenant du mois de Mars 1964, exhibant Mohamed Ali arborant son sourire caractéristique."

Je soupirais bruyamment. Cette situation pittoresque durait depuis bientôt 3 journées. Le lendemain de notre escapade nocturne, après nous être réveillés, Law avait commencé à déblatérer ses propos bassinants, sur la société, son incompréhension vis-à-vis d'elle, ses interrogations sur l'histoire, en bref, Law faisait son Law. Moi, j'écoutais dévotement, je n'ai jamais eu à réellement réfléchir. Réfléchir signifie s'engager. Je n'avais jamais eu l'envie de m'associer à quoique ce soit, je restais neutre à tout, d'où son effort à toujours essayer de me brusquer, de me faire rager. Il avait commencé à exposer la pensée de plusieurs philosophes dont je n'avais jamais lu les livres, je ne connaissais que leur courant de pensée. La scène qui suivit pouvait sembler hilarante de l'extérieur, mais de l'intérieur …

Il s'était levé en souriant puis sans que je puisse m'en rendre compte, un livre me frappait sur la tête. J'allais protester, verbalement et physiquement, mais il ne cessait de me lancer des livres en disant des phrases dont je ne comprenais que quelques mots. Un mélange subtile de « Imbécile heureux », « ignorant », « ça c'est bien pour toi ». Puis il a caché les clés de l'appartement en me disant que je n'aurai le droit de poser les pieds dehors qu'à la fin de lecture de ces manuscrits. Depuis, j'étais assis dans un recoin de la pièce, en tailleur, tentant ingurgiter un maximum d'information. Je n'avais dormi que quelques minutes, j'avais déjà lu 3 livres et depuis quelques heures je tentais, malgré mon esprit s'étant transformé en patate amorphe, de comprendre tant bien que mal les lignes sous mes yeux. La fatigue se faisait ressentir, tellement que, honteux, je regardais la couverture du livre, ayant oublié son titre. J'actualisais l'écran de mon téléphone tout en baillant. 06:34. Un mouvement venant de Law me fit tourner la tête. Il s'était relevé en arrangeant son short qui lui retombait sur les hanches puis il reposa ses lunettes, qui étaient rondes et dont le cadre était marron, sur la pile de livres se trouvant à proximité de son lit. Je le regardais, méfiant. Il sembla remarquer mon regard suspicieux et me sourit en retour.

"_ Je vais préparer le petit déjeuner, avoua-t-il en s'approchant du réfrigérateur.

_ Espérant que ce soit buvable."

A mon tour, je quittais ma place inconfortable pour me diriger vers la porte fenêtre qui était grande ouverte, donnant vue sur la petite rue qui commençait à s'animer. Je m'assieds à même le sol et pris le paquet de Lucky Strike, que se trimballait habituellement Law pour en tirer une cigarette. Je la plaçais rapidement entre mes lèvres et cherchais du regard un briquet ou une quelconque source de feu, tout en grognant. Une boite d'allumettes trainait à coté de mes jambes étendues, me narguant. J'étais exténué et le peu d'énergie me restant était trop précieux et allait me sauver les heures à venir. La question ne se posait même pas, je fis des courbettes dignes de fétichistes virtuoses et je pus la placer, par je ne sais quel miracle entre deux orteils.

Clope allumée, premier soupir, léger froncement de sourcil du au désagréable arrière gout que me provoquait les Luckies, mon regard se perdit parmi les quelques silhouettes arpentant les trottoirs, se dirigeant vers la station la plus proche de métro ou de bus. Cela pourrait paraître prétentieux de le dire, mais je ne me sentais en aucun cas concerné par leur réalité, ou du moins, je ne me sentais plus concerné. Me réveiller le matin, aller travailler machinalement, bien évidemment en prétendant vénérer mon job, tenter de m'adonner à la tâche, sans y arriver, rentrer rejoindre une femme que je trouverais époustouflante, de moins en moins avec le temps, des enfants qui représenteraient ma seule source de fierté, voilà un schéma de vie qui m'effrayait et que je tentais de fuir par tous les moyens.

"_ Tiens ton café."

Je décrochais la cigarette entre mes lèvres et pris la tasse que m'offrait Law. Il s'éloigna de moi pour mettre en marche le lecteur disque, en le gratifiant d'un coup de pied suivi d'une injure. Alors que résonnait entre les murs la mélodie de Feist, I feel it all, je bus une première gorgée. Je vis Law du coin de l'oeil essayer de déchiffrer l'expression de mon visage, d'une manière qui se voulait discrète.

"_ La prochaine fois, essaye d'avoir la main légère sur le lait concentré, je finis par dire, mettant fin à son interrogation silencieuse.

_ Pourrais-tu arrêter de faire ton apprêté? C'est excellent, je sais que cette fois tu as adoré."

Je claquais ma langue contre mon palais, comme pour dire non à un enfant. J'avais vite compris, accidentellement, que ce geste l'agaçait au plus haut point. Mais il disait juste, cette fois, c'était presque une vraie kawówka que je tenais entre mes mains. C'était devenu un rituel, pour le petit déjeuner, on buvait cette incontournable recette polonaise : Café, lait concentré, vodka. Je finis ma cigarette entre deux gorgées et jetai un regard par dessus mon épaule pour voir Law exhiber son visage le plus sérieux derrière son laptop. Curieux, je m'approchais de lui et m'accroupis à coté de son lit. Il regardait une vidéo, le son coupé. Au fur et à mesure que cette dernière avançait, mon regard s'agrandissait, je ne saurai dire d'effroi, d'indignation ou de dégout.

"_ C'est ..."

Ma voix s'était éteinte.

"_ C'est dégueulasse ce truc, pourquoi, bordel, regardes tu ça le matin? Voire même pourquoi regardes-tu tout court? T'imagines leur douleur?

_ Ce n'est pas pour rien qu'ils appellent ça "Pain Olympics", si c'est trop cru pour tes yeux de fillette, tu peux aller jouer à la poupée dans ton coin, dit il en me chassant de la main.

_ Je peux comprendre beaucoup de choses, me mettre dans la peau de pleins de gens, mais ce type est littéralement en train de se couper la queue, pourquoi d'ailleurs?"

Je n'arrivais pas à détourner mon regard de l'abominable vision de l'homme nu, la tête penchée en arrière, le pénis posé sur une table en bois lui faisant face maintenant par sa main gauche tandis que la droite enfonçait doucement un couteau de jambon dans la chair de son appareil génital, comme pour découper du salami. Il semblait gémir (ou crier), j'étais à la fois tenté de mettre le son tandis que la partie rationnelle de mon cerveau m'implorait de m'éloigner de cette source d'exécration.

_ Le plaisir, répondit Law d'un air solennelle.

_ Le plaisir? Le plaisir?! Mais quel plaisir peut-il ressentir?"

Avant même que Law commence sa tirade sur la complexité des sentiments de l'homme, je m'étais rapidement penché sur Law et avait enfoncé les ongles de mon index et pouce droit sur son biceps tout en le pinçant, tellement fort que je finis par sentir un liquide chaud contre ma peau. Son regard s'accrocha au mien, de l'incompréhension se lisait alors qu'un imperceptible gémissement lui échappait et avant même que je ne comprenne, son pied me frappait au ventre me faisant tomber en arrière. Me relevant de ma chute, je ne vis pas arriver la deuxième Doc Martens qui, cette fois, ne me rata pas et me sonna en m'atteignant sur le crâne.

Après que cette scène ridicule ait pris fin, je vis que j'avais infligé une légère, mais non moins visible, blessure à Law, deux lignes qu'avaient laissé mes ongles de 5 cm. C'était tellement absurde que je n'avais pu refouler mon fou rire grandissant. Law me regarda curieusement puis se joigna à mon rire.

"_ Tu devrais dormir, tu n'as plus aucun contrôle sur tes œstrogènes."

J'avais l'impression que n'importe quel remarque venant de lui nous pousserait à en venir aux poings. Il avait ce pouvoir à me faire sortir de mes gonds. Mais il avait éludé une vérité, je tenais à peine debout. Je fis les quelques pas séparant mon matelas de son lit et me jetai dessus sans ménagement. Pour sa part, il avait du abandonner la vision horripilante de l'homme obèse s'amusant à se couper le pénis vu qu'il portait ses lunettes et semblait lire tout en sifflotant au dessus de Feist.

Je me mis à le détailler. Depuis que j'avais "emménagé" avec lui, j'avais eu l'occasion de le connaitre beaucoup plus, ou du moins, je commençais à apprendre ses habitudes. La première chose qu'il avait faite était de contacter celui qu'il appelait Barbe Blanche pour lui dire qu'il n'irait pas travailler. Il lisait énormément, chantait énormément, buvait énormément et dormait énormément. Il avait aussi cet étrange rituel de s'asseoir tous les jours à coté de la fenêtre pendant très exactement une heure, se plongeant dans un mutisme imposant le respect, même des adeptes des Trois Joies, tout en ayant le regard perdu dans le vide. En sortant de sa torpeur, il disait toujours "C'est la vie". Je l'avais interpellé plusieurs fois pendant ces introspections, mais aucune réaction, ni même un regard, ce n'était qu'à la fin de ce rituel que son regard s'illuminait et qu'il dirigeait vers moi ces yeux emplis d'une insouciance mêlée à quelque chose, une nuance, que je n'arrivais pas encore à définir.

Je fermais les yeux quelques instants puis les ouvris. Je fus pris d'un soudain tournis, tout cet environnement, ce brouhaha de couleurs, d'informations en tout genre me donna la sensation de couler sur du sable mouvant. J'avais l'impression d'être encerclé par quelque chose qui me poussait subrepticement à imploser. Ce qui m'amena à réfléchir, pour la première fois, à l'épisode de la fellation que j'avais considéré comme étant tabou pendant 3 jours. Ma première pensée fut "Ce n'est qu'une pipe, pas de quoi en faire toute une histoire", mais je ne pouvais pas me mentir, parce que j'avais réellement aimé ça, mon orgasme en témoignait. Mon malaise ne fit que grandir, je me mis sur le dos et écartai les bras pour me donner l'illusion de mieux respirer. Je ne m'étais jamais posé de questions sur ma sexualité, en dehors de l'attirance platonique, j'aimais les filles, leurs corps, leurs courbes, leurs seins, leurs rondeurs si caractéristiques, elles me faisaient bander. Je me masturbais sur du porno lesbien, parce que la simple vue d'un attribut masculin zoomé me coupait tout appétit sexuel pour au minimum les 10 minutes suivant cette altercation. J'aimais les femmes, ça ne faisait aucun doute, mais d'un autre coté, Law avait réveillé en moi une curiosité, une interrogation, une question: Est ce que l'embrasser serait aussi bon que d'embrasser une femme? Me faire toucher par lui serait-il aussi bon que d'être caresser par une femme? (je n'étais pas encore capable de formuler "Le toucher").

Est ce que coucher avec lui serait aussi bon que de le faire avec une femme?

"_ Un problème?"

Sa voix me fit sursauter. J'étais en train de le dévisager depuis plusieurs minutes, mon regard passant de ses yeux, dont la couleur me perturbait toujours, à son nez droit, puis ses lèvres minces, sa barbe de 3 jours, le creux de ses clavicules saillant, son torse noirci par ses tatouages qui donnaient l'impression de conférer du volume à son corps mince, son ventre plat et les poils dépassant de son short. Je ne ressentais aucune attirance physique pour lui, du désir ou du moins pas à cet instant. Mais le regarder intimement ne me gênait pas particulièrement.

Je répondis par la négation tout en me retournant de l'autre coté de mon matelas pour ne pas l'étudier plus longtemps et me retrouvais face, à une trentaine de centimètre, de la porte d'entrée au dessus de laquelle était écrit la fameuse maxime "Connais-toi toi-même". Appréhendant le fait de me poser trop de question vis-à-vis de ma sexualité et de ce qui pourrait en découler, mon subconscient m'imposa une idée se voulant neutre qui m'aida à dormir plus facilement. Et c'est avec une satisfaction extériorisée par un soupir de soulagement que je m'endormis.

J'étais bi-curious.

Un doux parfum de pèche emplit mes narines. J'ouvris doucement les yeux, pour faire perdurer ce moment de douceur, me retrouvant au dessous du visage d'une femme magnifique, ses yeux d'un marron mielleux, tendre, ses lèvres m'offrant un sourire aimant, réconfortant. Ses longs cheveux blonds, ondulés, lui retombaient de part et d'autre de ses épaules, certaines mèches s'échappaient et me caressaient la joue, étant donné que ma tête était sur ses cuisses. Je relevai ma main droite et effleurai sa joue, tout en caressant doucement ses tâches de rousseur. Je me sentais apaisé, une quiétude sans nom semblait m'enlacer. Maman, tu es sublime. Son sourire s'élargit. Je me surpris à espérer que ce moment dure éternellement. Maman, je t'aime. Elle posa sa main à l'arrière de ma tête, et avec la délicatesse dont elle seule avait le secret, elle démêla mes mèches. Tu m'as déçu Ace. Ma main retomba, je ne comprenais pas, pourquoi? Le mot ne sortit pas de ma bouche. Je ne peux pas avoir déçu ma mère. Je suis morte par ta faute. Non, c'était invraisemblable, non, je ne peux pas avoir tué ma mère, ma merveilleuse maman. Un sentiment d'horreur me submergea alors que je voyais son visage s'effriter par endroit pour laisser place à des entailles, quelques unes plus profondes que d'autres. Je voulais m'éloigner, je voulais partir loin, mais une force m'en empêchait. des parties de ses mèches commençait à se teindre de sang, je laissais échapper un son inhumain témoignant de ma détresse. Rappelle-toi de mon visage Ace, ne l'oublie jamais, parce que tu m'as tué.

Je me réveillais en sursaut, j'étais en sueur, mes cheveux poisseux étaient plaqués contre mon front. J'avais du mal à respirer et n'arrivais pas à savoir où je me trouvais, c'était sombre autour de moi, je regardais vers la seule source de lumière pour me calmer. Je posais mes mains sur mon visage et me surpris à pleurer. Ce cauchemar avait le même effet sur moi, à chaque fois. Son visage, ses paroles que mon subconscient me renvoyait resteraient à jamais ancrées dans ma peau. Je savais déjà que cette image, cette scène me hanterait toute la nuit, et je ne me voyais ni le courage, ni l'énergie de combattre cela, ou plutôt de me combattre moi-même.

Il était 17h, l'appartement était vide, la porte fenêtre refermée, Law avait du sortir faire des courses ou je ne sais quelles de ses magouilles. En réalité, à cet instant, je me contrefichais de ce qu'il pouvait faire. Mes pas me menèrent vers le réfrigérateur d'où je sortis la bouteille de vodka qu'il avait du ouvrir la matinée même et pris un verre dans le placard. Je devais me saouler, rapidement, sinon je risquais de perdre la tête. Je voyais son visage, ses traits partout. Si je m'étais retrouvé devant un miroir, j'aurai pu m'arracher les yeux.

Premier shot. Je la vois dans sa superbe robe en satin bleu ciel qu'elle porte pour un bal de charité organisé par son mari pour je ne sais quelle cause, en laquelle il ne croyait pas.

Deuxième shot. Elle tient entre ses mains une caméra pour mon premier récital de piano à l'âge de huit ans, je jouais devant mon école le nocturne n.20 de Chopin. A la fin de la représentation, je ne cherchais que son regard qui était empli de fierté.

Troisième shot. Elle travaille dans son bureau, la mine sérieuse, happée par les dossiers posés et organisés d'une manière impeccable. Je suis assis face à elle et la regarde silencieusement, je n'ai rien à lui dire, mais je veux rester avec elle.

Quatrième shot. Je rentre rapidement à la maison, mes amis m'attendent pour ressortir, elle est assise au bar de la cuisine, se faisant une tartine. Elle se tourne vers moi et me dit que je suis en train de courir, je lui explique qu'il y a un anniversaire chez un ami, que je suis passé récupérer son cadeau. Elle me quémande de me rapprocher d'elle, chose faite, je vois à peine le couteau se rapprochant de mon visage, mais ai le réflexe de me protéger, la lame s'enfonçant dans mon avant bras. J'ai la tête dirigée vers le bas, là où mon sang s'écoule alors qu'elle crie que je ne suis pas son fils.

Sans m'en rendre compte je m'étais retrouvé dans la salle de répétition. Lumière allumée, je posais la table de son, maladroitement, sur le sol à coté de la bouteille de vodka pour libérer la table et y mettre dessus le synthétiseur qui était calé contre un des murs. Un casio? Je sifflotais théâtralement tout en le bronchant. Mes idées étaient confuses, j'étais mu d'un automatisme dépassant mes capacités de réflexion. Je posais ma doigt contre une note. Depuis combien de temps n'avais-je pas jouer? La réponse ne se fit pas tarder : 4 ans. Je grimaçais face à la douleur que je m'infligeais. Est ce qu'après autant d'années sans pratique, je saurai plaquer un accord? Mon auriculaire gauche se posa sur le sol. Les notes suivantes ne se firent pas prier. Pourquoi ce putain de morceau et pas un autre? Je ne pouvais plus m'arrêter, je sentais mon cœur saigner, j'avais l'impression de mourir alors que les notes apparaissaient et disparaissaient sous mes doigts. A peine avais-je terminé de jouer, avec toute la tristesse que pouvaient produire les cellules de mon corps, les Gymnopédies d'Erik Satie, des applaudissements se firent entendre. Law se trouvait à l'encadrement de la porte. Sa simple vision me rebuta et fit gronder une colère lentement contenue en moi. J'étais jaloux, envieux de l'insouciance, du contrôle, de la maitrise et du contentement se dégageant de lui à cet instant là. Il ne semblait avoir aucun regret de ce qu'il avait pu faire, même les pires abominations.

"_ Alors c'est bien tes vidéos que j'ai trouvé sur youtube, dit-il en s'écartant pour me laisser passer dans le salon, pourquoi t'es-tu fait appeler Portgas60?"

Je m'étais arrêté en pleine marche et baissais la tête.

"_ C'était le compte de ma mère.

_ Oh je vois."

Cette simple phrase m'avait couté plus que je ne le pensais. Law ne se soucia pas particulièrement de moi jusqu'à ce qu'il ait remarqué que je n'avais pas bougé depuis plusieurs minutes. Il s'était rapproché prudemment, tout en laissant un mètre de sécurité entre nous.

"_ Ace? Tu te sens bien?

_ J'ai tué ma mère."

Law me regarda gravement, je lisais dans ces yeux cette affirmation qui se transforma en doute "Ace ne peut pas avoir tué sa mère". Il se rapprocha un peu de moi et plongea son regard dans le mien, me demandant silencieusement de lui en dire plus.

"_ Je l'ai abandonné, elle avait besoin de moi, je l'ai laissé, ils l'ont emmené, elle est morte à cause de moi."

Je me mis à marcher en rond, puis me pris la tête entre les mains.

"_ Elle a développé une paranoïa, elle était seule et personne ne s'en est rendu compte. Quand elle a fini ses études de droit, elle s'est marié, ce n'était qu'un contrat rien de plus, un jeu d'image, je pense même que les voisins sont venus chez nous plus que lui l'a fait. Ce n'est pas mon père. Ma mère fréquentait quelqu'un d'autre, je crois qu'elle l'aimait beaucoup, mais qu'il ne faisait pas parti de notre cercle. Si tu veux tout savoir, je pense que c'est mon grand père qui lui a interdit de le voir et je soupçonne le début de sa maladie après la dépression qui a suivi sa rupture, j'avais deux ans. Elle s'est adonnée à son travail, elle était brillante, mais d'une certaine manière, elle ne s'en est jamais remise. Elle a divorcé quelques années plus tard mais a gardé le nom de Portgas, faut dire qu'elle l'avait fait connaitre, elle était brillante."

Je m'assis en tailleur à même le sol et regardai mes mains.

"_ J'avais dix ans quand les premiers symptômes sont apparus, c'était léger, j'arrivais toujours à la rationaliser, néanmoins, au fur et à mesure que le temps passait, ses délires empiraient, c'était des scénarios de plus en plus compliqués. Mon grand père a emménagé avec nous et ne cessait de me dire qu'il fallait l'interner le temps qu'elle se remette un peu, cette idée était inconcevable pour moi. On a fini par engager quelqu'un pour la surveiller sans s'immiscer dans sa vie. Tu sais, le morceau que je jouais tout à l'heure, les Gymnopédies de Satie, c'était un tranquillisant pour elle, il suffisait que je commence à l'interpréter, elle venait s'asseoir à coté de moi et posait sa tête sur mon épaule."

Law n'avait toujours pas bougé et me regardait presque en retenant son souffle.

"_ Tout est parti en couille quand elle a commencé à avoir des comportements dangereux, je voulais arrêter le lycée pendant un certain temps et m'occuper d'elle, parce que j'en étais capable, elle m'a blessé une fois, elle a cru que je n'étais pas son fils, que j'essayais de cambrioler la maison. Mon grand père m'a dit qu'au prochain incident il l'emmènerait à la clinique, une clinique? Mon cul, une prison oui. La semaine d'après, elle a voulu faire exploser la maison avec moi, en pleine nuit, elle avait ouvert tous les robinets de gaz, j'ai cru que j'allais mourir tant il étai impossible de respirer. La conclusion tu la devines, il l'a fait interner, j'ai eu beau crier, me débattre, la fatalité était tombée. Le mois d'après, elle a fait une crise cardiaque."

Le regard de Law sembla s'illuminer. Je sentais déjà que le cheminement de ses pensées ne me plairaient absolument pas.

"_ J'aurai pu éviter tout ça, j'aurai pu être beaucoup plus présent pour elle."

Il se rapprocha de moi et sembla se donner de la contenance.

"_ Elle n'est pas morte à cause de sa paranoïa, tu n'aurai rien pu changer, ce n'est pas de ta faute."

Je le regardais comme s'il venait de blasphémer.

"_ Si elle avait été avec moi, peut être que les choses auraient pu être différentes !

_ Ce n'est pas de ta faute.

_ Mais putain t'es bouché ! Elle est morte de solitude, elle est morte seule !

_ Ce n'est pas de ta faute."

Sans même me redresser, je me jetai sur ses jambes, le fit tomber et me hissai sur lui tout en l'empoignant fermement par le col de son t-shirt.

"_ Tu ne sais rien d'elle, ni de moi, qui te prétends-tu être pour pouvoir juger cette situation, lui crachai-je au visage.

_ Ce n'est pas de ta faute.

_ TA GUEULE ! La ferme !

_ Ce n'est pas de ta faute, sa voix ne perdait pas de son assurance, le ton n'avait pas changé, calme, convaincu."

Ma colère avait atteint son paroxysme et à cet instant je pensais que c'était Law qui la nourrissait pour tout ce qu'il était, un jeune homme libre, vivant sa vie au jour le jour, sans remord, aucune contrition. Je le haïssais d'être ce que je ne serai jamais. Je lâchais son t-shirt et commençais à me redresser, alors que lui semblait mieux respirer, puis comme animé par une force extérieure, je le frappai au visage, je ne saurai dire au nez ou la joue. Il sembla déconcerté pendant quelques secondes mais sans réaction ne tarda pas, il nous fit rouler et se retrouva au dessus de moi, et avait posé ses jambes sur mes bras, m'empêchant de bouger, il empoigna sans ménagement les cheveux et me fit le regarder.

"_ Ce n'est pas de ta faute."

Une rage que je ne me connaissais pas se déversa sur moi, mes jambes commencèrent à se débattre tentant de me libérer de son emprise. Dans un mouvement brusque, sans faire attention, nos têtes se cognèrent et par la même occasion la patience de Law s'épuisa. Il me décrocha une droite qui me sonna pendant plusieurs secondes, tandis qu'il se mettait debout en jurant entre ses dents. Alors que je reprenais mes esprits, il se pencha sur moi, et repris mes cheveux entre ses doigts et redressa légèrement ma tête tandis qu'il rapprochait la sienne. Il susurra entre ses lèvre :

"_ Je te conseille très sérieusement de te calmer et d'écouter attentivement ce que je vais te dire."

Je détournais les yeux, tandis qu'il raffermit sa mainmise sur moi, me forçant à lui faire face.

"_ Toi et moi savons que tu es loin d'être con, que tu ais été là ou non, ça n'aurait rien changé, quant à sa paranoïa, si vous étiez restés ensemble, vous auriez simplement fini dans la case fait divers du journal local..."

Je ne l'avais pas laissé finir cette phrase, mes lèvres s'étaient durement plaquées contre les siennes, me semblant être la seule façon de le faire taire. Mais quelle fut ma surprise lorsque je sentis sa langue caresser ma bouche. Mes yeux s'écarquillèrent tandis que les siens me regardaient avec une profondeur nouvelle. La tension qui me dévorait s'atténuait un peu, mais ne disparut moins. Reprenant mes esprits, je posais une de mes mains derrière sa tête tandis que l'autre s'accrochait à son dos et nous fit renverser de positions tant bien que mal. Alors que je me trouvais au dessus de lui, j'approfondis le baiser, nos langues s'engageant dans un combat où tous les deux nous voulions être vainqueurs. Il posa sans ménagement ses mains sur mes fesses, qui étaient séparées par le mince tissu de mon caleçon et me mordit fortement la lèvre inférieure. Nos lèvres s'étaient liées à nouveau, comme soudées, alors que je passais ma main sous son t-shirt tout en le remontant, il acheva mon geste dans un mouvement transcrivant son impatience tout en le jetant au loin. Nos bouches se retrouvèrent comme elles s'étaient quittées avec brusquerie. Je fis glisser mon genou droit entre ses jambes et les écartai lascivement sans abandonner mon exploration minutieuse de sa bouche. J'ouvris le bouton de son bermuda et fis glisser la fermeture éclaire et rentrais ma main à l'intérieure de son sous-vêtement pour empoigner son sexe à moitié dur. Confirmant l'idée que je m'étais faite que Law devait surement se raser, je commençais à le branler en faisant des gestes plus ou moins rapides de haut en bas alors que lui me malaxait sans ménagement mon derrière.

Un besoin animal, une impulsion emprisonna ma conscience et ma lucidité dans un recoin de ma tête, me dominant. Je ne pensais plus à rien, je n'avais qu'une seule envie baiser Law et cette idée, se transformant bien vite en obsession, prônait sur tout le reste. La pensée même de me faire enculer par lui ne m'avait pas traversé l'esprit. Ma colère, ma jalousie presque maladive que je ressentais, me faisait vouloir le posséder, sans délicatesse, comme il me chamboulait à cet instant. Et ce qui était terrifiant c'est qu'il lisait en moi comme dans un livre ouvert, à l'instant même ou je l'avais embrassé, il avait tout compris (alors que moi-même je ne saisissais pas encore le sens à tout cela) et s'était laissé faire par curiosité, pour voir jusqu'à quel point mes instincts primitifs pouvaient me salir.

Alors qu'on se roulait la pelle du siècle, j'ai articulé, à travers nos bouches scellées, un mot se rapprochant de lubrifiant. Il s'était alors écarté de moi et s'était levé tout en se dévêtant, je l'imitais tout en le suivant, pour chercher derrière son matelas l'objet en question. Pendant sa quête, il me jeta un préservatif par dessus son épaule qui atterrit à mes pieds. Je le pris tout en me masturbant, tandis que Law avait enfin mis la main sur le tube et qu'il s'était à moitié étendu sur le lit et commençait à se lubrifier l'anus. Me savoir debout, me faisant du plaisir, devant un homme qui se doigtait comme Law le faisait, les jambes écartées exhibant sa nudité avec tellement de sensualité était une image jouissive et je m'étonnais de trouver ça comme étant une des visions les plus érotiques de ma vie.

Mon pénis me semblant assez en érection, je mis la protection et finis par rejoindre Law. Je lui mordis le lobe de l'oreille tout en explorant sa peau avec mes mains, dont la droite se posant sur hanche tandis que l'autre saisissais mon sexe pour le diriger vers son entrée. Pas de préliminaires, pas de mots doux, juste des souffles erratiques, à peine audibles, je m'enfonçais en lui, doucement, l'habituant à cette situation (pour ne pas dire m'habituant moi-même à cela). C'était serré, c'était agréable, une sensation indescriptible de plaisir me submergea et me fit me cambrer. Je fermais les yeux mais sentis une main agripper mon menton alors que ses yeux semblaient me sonder. C'était ça ... J'étais destiné à le regarder me voir m'adonner à mes pires penchants, à ma nature, j'allais me voir à travers ses yeux, me sentir à travers ses gestes et me vivre à travers lui. Il savait que plus tard je me haïrai pour ça et il voulait que je m'en rappelle, que ce que je lui imposais, lui confessais faisait partie intégrante de ma personne. Je débutais mes mouvements de va et vient alors qu'il s'animait contre moi et se mit à se déhancher en liant ses mains derrière ma nuque tout en me perçant de ses prunelles. Leur gris ne m'avait jamais semblé aussi profond et ses yeux ne m'avaient jamais apparu si intenses. Je lui imposais un coup de rein plus fort que les autres qui lui arracha un gémissement. J'avais accéléré ma cadence tout en laissant libre cours à mes geignements jusque là contenus. Je pris son sexe entre mes mains pour le masturber mais il me retira ma main, ses yeux me défiant, comme pour dire, pas de charité inutile. Il entreprit de se caresser lui même et finit par accorder son rythme au mien. Le sentiment de jouissance commença à m'envahir, une chaleur inégalée s'empara de moi. Law me précéda d'une vingtaine de secondes atteignant son acmé et se déversa sur mon ventre, alors que j'entamais mes derniers coups de reins qui se soldèrent par un dernier plus profond que les autres suivi par un long râle s'échappant de mes lèvres.

Je m'étais presque complétement avachi sur Law qui n'avait pas bougé d'un iota. Le sentiment grisant de volupté commença à s'estomper tout autant que l'effet de l'alcool qui laissa place à un vide étrange. Mais ce vide ne perdura pas longtemps, rapidement remplacé par une vision d'horreur de moi cherchant à baiser Law par jalousie et envie et cela m'abâtardit. Mon premier rapport sexuel avec un homme s'était limité à une vulgaire baise, une déchéance sans respect de l'autre. Mais la nuance était que Law n'était pas n'importe quel homme.

J'avais égoïstement baisé Law de manière ingrate.

Cette pensée me donna l'envie de vomir et j'eus à peine le temps de m'éloigner du lit tout en trébuchant sur quelques livres, que je déversais le peu de contenu de mon estomac sur le sol du petit balcon. Je régurgitais mes trips, ma douleur, mon dégout dans un effort qui me sembla inhumain tant que je m'effondrai presque sur ma bile.

Alors que je sentais toute mon énergie et mes tensions me quitter, j'entendis le cliquetis d'un briquet qu'on allume derrière moi, me signalant que Law fumait une cigarette.


Je ne vous le cache pas, écrire ce chapitre m'était d'une certaine manière pénible mais je suis contente de l'avoir terminé. Je voulais aussi vous annoncer que je vais poster une nouvelle fanfiction, complétement différente de celle ci avec Ace (pas étonnant), Law (encore moins) mais dont le personnage principal est Luffy (même si j'ai tendance à ne pas trop l'apprécier en fanfiction) je vous en dis pas plus et je vous dis à très bientôt.

Hit me as hard as you can. Comme toujours n'hésitez pas à critiquer, critiquer et encore critiquer.

Réponses aux reviews anonymes :

Katym : Merci beaucoup pour ton message ! Moi aussi j'ai la même vision de ce monde, il n'est pas forcément bon ni juste mais c'est un monde libre ou du moins autant qu'on puisse l'être de nos jours et c'est le désir d'atteindre cette utopie que cette histoire est née. J'espère te retrouver très bientôt !

Petite Vague : Reprends ton histoire, n'hésite surtout pas ! Ne serait-ce que pour en rire dans dix ans XD Merci beaucoup pour tes encouragements, j'espère que cette suite te paraitra fidèle aux chapitres précédents et j'espère te retrouver dans les prochains chapitres !