Posté le : 30 Mars 2016. Non, ceci n'est pas une farce ni une réincarnation.
Mot de l'auteur (en guise de défense) : Il s'est passé tellement de trucs depuis ma dernière update que je ne sais plus où me situer. Avant de sortir les bazookas, les fourches et les crochets, je tenais à vous dire ceci : l'inspiration n'était pas au rendez-vous. C'est bête mais, comme je l'ai brièvement expliqué sur mon groupe facebook, je suis en dernière année d'étude. Ça me demande beaucoup de temps. En tout cas, plus que je ne l'avais imaginé. Je finis les cours dans quelques jours donc, peut-être, si Merlin est de mon côté, je pourrai reprendre un rythme correct d'ici cet été ! Pour cette dernière année, j'avais vraiment envie de faire les choses « bien », de me consacrer à fond dans mes études... Du coup, j'ai loupé plein de trucs et ça me rend triste. Mes fics sont toutes passées à la trappe malgré de nombreuses tentatives infructueuses. Quand je rentrai chez moi, j'avais juste pas envie d'écrire tellement ça me saoulait de devoir me replonger dans un texte, donc bah... tant pis. En clair, je suis humaine. J'ai besoin de mes breaks moi aussi, snif.
Au moins, aucune de mes histoires n'est abandonnée. J'ai les idées, me reste plus qu'à les concrétiser. Je sais que ça peut-être archi frustrant de ne pas avoir la suite quand on l'attend. Mais je préfère cent fois faire une pause plutôt que de continuer de poster et que le niveau soit en dessous de tout. Le zabnott reste ma passion numéro 1 (no kidding, kiddo). J'ai un million d'idées de scénar' à venir mais d'abord, je veux essayer de finir quelques fics (toujours le même refrain).
Je vous souhaite tout de même une agréable lecture ! (rolfmao, vous avez sans doute oublié le fil de l'intrigue depuis le temps, je vous en veux pas)
(*) Break My Fall est aussi le titre d'un des chapitres de « Don't be Blue », mon premier vrai zabnott. Petit clin d'oeil aux vrais accros de ce pairing.
Playlist : Bad Habits – The Last Puppet
Chapitre 9 : « Break My Fall » (*)
Les bouts de verre crissèrent sous leurs semelles de chaussures. Théodore se sentit aussitôt minuscule en entrant dans cette vaste maison de maître à la décoration tapageuse. Le corridor entièrement peint en vert kaki était longé par des bustes dorés de monarques égyptiens. Une large arche en moulures finement ciselées menait aux escaliers. Ces derniers, d'un acajou très ancien, formaient un angle bien net avec l'étage supérieur. Au-dessus d'eux, une balustrade ouvrait sur une bibliothèque colossale. Blaise s'apprêtait à grimper les premières marches lorsqu'il s'arrêta net :
– Tu veux manger quelque chose ?
– Quoi ? Encore ?!
Le jeune architecte haussa des épaules comme si une personne normalement constituée pouvait mourir de faim toutes les cent vingt-trois minutes, montre en main. Tandis que l'eau de pluie aspergeait par rafale le parquet parfaitement entretenu, Théodore jeta un rapide regard par-dessus son épaule, hésitant à s'aventurer plus loin. Pourquoi avait-il suivi Blaise jusqu'ici ? Ah oui, sa chère et tendre curiosité mal placée. Interceptant sa brève phase de doute, Blaise dispersa son trouble :
– Je t'appellerai un taxi quand il arrêtera de pleuvoir autant. Ça peut être dangereux de prendre la route par un temps pareil...
Même s'il était évident que Blaise se réjouissait à l'idée de passer davantage de temps en sa compagnie, le mensonge fut toutefois bien accueilli. Théodore préférait se voiler la face plutôt que d'affronter la cruelle vérité : il aimait être avec lui. Le plus terrible dans tout ça, c'est qu'il y a vingt-quatre heures à peine, Théo s'était promis de conserver un peu de distance même si cette dernière n'était qu'illusoire.
– Tu es sûr de ne pas avoir faim ? insista Blaise en le regardant cette fois droit dans les yeux.
– Non, ça va... On vient de s'empiffrer au ciné, alors...
– Oh. (Blaise arqua un sourcil) Parce que moi j'ai encore de la place pour un quatre heures...
C'est alors alors que son visage s'approcha dangereusement du sien. Lentement. Très, très lentement. Ses lèvres n'étaient désormais plus qu'à quelques centimètres des siennes...
Mais le tortueux instinct de Théodore réagit : sa main atterrit au milieu de la figure de Blaise. Un craquement désagréable retentit et Blaise se plaqua les mains sur son nez. Du sang giclait entre ses phalanges tandis qu'il s'accroupissait en tremblant. Choqué, Théodore contempla la scène en se mordillant la lèvre.
– Avant toute chose, je tiens à préciser que je suis désolé, dit-il d'une toute petite voix qui ne lui ressemblait pas. Je... Je suis certain que ce n'est pas si terrible.
Blaise leva les yeux vers lui et son regard ne lui augura rien de bon : entre colère et douleur, Théodore préféra faire un pas en arrière.
– Je vais arranger ça, tenta Théo en tendant le bras.
– Ne me frappe pas ! beugla Blaise en bondissant sur une marche supérieure de l'escalier.
Et alors qu'il parlait, il ôta ses mains de devant son visage, laissant alors le sang s'écouler sur son tee-shirt. Ce fut comme si quelqu'un venait d'appuyer sur un interrupteur, faisant lumière sur l'horreur de la situation. Le nez de Blaise était vraiment dans un état pitoyable. Et si cela ne pouvait être pire, ce dernier ne semblait jusqu'alors ne pas l'avoir réalisé :
– Je... Je saigne ? C'est moi qui pisse tout ça ?
Théodore hocha lentement de la tête, se mordillant toujours les lèvres d'un air coupable. Contre toute attente, les yeux de Blaise s'écarquillèrent de terreur et il hurla à pleins poumons :
– MAMAAAN ! Je saigne ! Je saigne !
Théodore fit un nouveau pas en arrière. Perchée sur des petits talons à plumes, la mère de Blaise débarqua en nuisette en satin. Elle regarda alternativement la porte en verre brisé, Théodore, puis son fils au visage ensanglanté qui braillait comme un chevreau aux portes de l'abattoir. Pris d'un élan maternel inédit, Daéline Zabini caracola dans les escaliers – manquant alors de se tordre les chevilles douze fois chacune. Une fois arrivée au bas de l'escalier, elle épongea le nez de son fils unique avec sa nuisette, dévoilant alors ses longues jambes fuselées.
– Comment s'est arrivé ?! cria-t-elle. Blaise chéri ! Réponds-moi ! Qui t'a fait du mal ? Montre à Maman.
Les yeux noisette de Blaise glissèrent jusqu'à la silhouette de Théodore et il n'en fallut pas plus.
– Je... Je peux tout expliquer. C'était un geste maladroit de ma part.
– Maladroit ? MALADROIT ?! s'emporta Daéline en marchant droit vers lui. Vous avez poussé mon fils à travers cette porte ! Et maintenant, regardez-le !
Soit Blaise jouait la comédie, soit il ne supportait vraiment pas la vue du sang. Il semblait en proie à une crise d'angoisse, s'étouffant dans sa propre hémoglobine.
– Vous savez combien vaut son nez ? Mon fils est mannequin nasale pour les industries pharmaceutiques !
Théodore aurait ri en temps normal, mais la situation était bien trop dramatique pour se permettre la moindre touche d'humour. Affolé et sans même comprendre pourquoi, il prit ses jambes à sou cou. La fuite ? Un grand classique.
Ooooooo
– Alors comme ça il a voulu t'embrasser et toi, tout ce que tu as trouvé à faire, c'est de lui péter le nez ? résuma Pansy en s'essuyant une larme aux coins des yeux. Oh, j'aurai donné cher pour assister à ça. Très cher.
La tête entre les mains, Théodore fixait sa tasse d'expresso depuis trois bonnes minutes. Son reflet déformé par le liquide noir faisait vraiment peine à voir. Il avait deux jolis cernes qui faisaient leur apparition et sa mine semblait plus blafarde que d'ordinaire.
– Ce premier rencard a été un fiasco, coassa Théo sans lever le nez de sa tasse. Pourquoi tous mes rendez-vous sont ratés ? Est-ce que je suis maudit ou quelque chose comme ça ?
Finalement, Théodore consulta Pansy du regard. Cette dernière admirait le dernier flacon de vernis – blue velvet n°11 – qu'elle venait de s'acquérir après avoir tordu le bras d'une cliente gênante.
– Mmh ?
– Pansy, c'est sérieux, s'impatienta Théo en s'ébouriffant les cheveux. À chaque fois que j'ai un truc de prévu avec Blaise, j'ai la poisse. Il y a toujours quelque chose pour aller mal. Je... Je ne voulais pas vraiment le frapper. Je voulais simplement qu'il recule. Je lui avais bien dit que ça ne serait pas facile de me conquérir, qu'il faudrait du temps... (Pansy hocha vigoureusement de la tête, en signe de solidarité) Tout ce que j'ai fait, avec beaucoup de maladresse, c'était lui signifier que ce n'était clairement pas le moment. Après tout, au premier rendez-vous ce n'est pas obligatoire qu'il se passe quelque chose. Je ne voulais pas qu'on s'embrasse pour la première fois à...
– Hein ? Je te demande pardon ? (Apparement, Théodore avait désormais son attention tout entière) Vous... Vous ne vous êtes jamais embrassés ?
– Non.
– Et pourquoi ça ?
– Eh bien... Je...
– Tu n'as pas d'excuses. Ce mec te plaît. Tu lui plais, alors quoi ? Vous attendez qu'il neige au beau milieu du Sahara ?!
Théodore s'apprêtait à répondre qu'il avait déjà neigé au Sahara, mais à la place il se contenta de croiser les bras et s'enfonça dans son siège. Il avait toujours la même posture lorsqu'il était sur la défensive.
– Par tous les saints, Théodore ! Tu ne peux pas t'étonner d'être encore célibataire si tu t'amuses à offrir de nouveaux patients préposés à la rhinoplastie chaque bon matin ! Un petit bisou de rien du tout et on n'en serait pas là !
– Je ne pense pas que Blaise se serait contenté d'un petit bisou de rien du tout. Et puis, j'ai encore le droit de dire non à ce que je sache.
– A force de lui dire non, il va finir par se lasser.
Théo n'avait jamais pensé à ça. Parce que c'était une théorie plutôt logique. Beaucoup de gens se lassaient de tourner en rond dans une relation. Même si ce qu'il entretenait avec Blaise sortait des sentiers battus...
– Tu crois ? demanda-t-il, inquiet.
– Votre relation ne commence pas sous les meilleurs auspices... Donc autant briser la glace et reprendre tout à zéro. (Pansy déposa une main réconfortante sur son bras) Je sais qu'il te plaît vraiment. C'est pas ton genre d'essayer de te mettre avec quelqu'un en dépit de tout ce tas de conneries qui vous est arrivé. Mais... Blaise est différent. Il a besoin que tu le rassures sur tes, hum, sentiments. Et toi, tu serais incapable de comprendre qu'il tient à toi même s'il se baladait sur le campus avec une pancarte « Mon cœur appartient à Théodore Nott ». (Pansy soupira de plus belle) Vous êtes vraiment..., grrr ! Je vais finir par te faire payer mes séances de psychanalyse et ouvrir mon bureau à toutes les âmes perdues de la capitale.
Théodore fixa son téléphone portable mis en silencieux depuis le début de leur conversation. Il avait désinstallé l'application Voxeo il ya de ça des semaines. D'un côté, il était heureux d'avoir rencontrer Blaise « pour de vrai ». Mais d'un autre, il restait nostalgique de la période où ils étaient chacun couverts du confortable anonymat. Au moins, là, Théodore pouvait encore rester maître de la situation... et ne pas briser des nez par erreur.
– Je vais lui envoyer un message, dit Théo d'un ton résolu. On va bien voir ce que ça va donner.
Il commença à pianoter sur son clavier et trouva aussitôt son texte désolant de banalité : « Salut. J'espère que tu vas bien. Je me demandais quand on pourrait se revoir pour discuter ». Désolant et complètement inapproprié. Évidemment qu'il n'allait pas bien. Et peut-être même qu'il ne voudrait pas le voir...
– Qu'est-ce qu'il y a ? demanda Pansy en reniflant d'un air béa son flacon de vernis.
– Je ne trouve pas les mots, répondit-il mécaniquement en effaçant chaque caractère de son SMS. Je ne suis pas doué pour ça.
– Commence par lui dire que tu es désolé pour son nez et finit par une connerie du style : « Je pense à toi ». Le reste, ce n'est que du remplissage. (Théo lui jeta un regard implorant) Il faut en plus que je l'écrive à ta place ?!
Pansy attrapa son smartphone du bout des doigts tout en commençant à pianoter avec rapidité. Elle appuya sur le bouton « envoyer » sans même obtenir l'aval de son meilleur ami.
– C'est fait.
– Q-Quoi ? Déjà ?! Mais je ne l'ai même pas lu !
Pansy haussa des épaules.
– Le message est dans ton fil de conversation. Tu peux le lire maintenant, non ?
Tremblant d'anticipation, Théodore se plongea à sa découverte :
« Avant toute chose, désolé. Je ne sais pas ce qui m'a pris et je ne pensais pas avoir autant de force. Qui l'eût cru, hein ? Lol. J'ai passé la soirée à m'inquiéter et en même temps... j'osais pas t'appeler. Tu m'en veux pas trop ? On pourrait se voir pour mettre les choses à plat. Tu me manques, Théo »
Le visage décomposé, l'étudiant braqua son regard sur Pansy.
– Lol ? Tu as mis la barre haut, répliqua-t-il cyniquement.
– Je sais, dit-elle.
– J'ai l'air légèrement débile.
– J'en conviens, pourtant ce message est très proche de ton véritable phrasé...
– Qu'est-ce que tu insinues par là... ?
Le téléphone portable de Théodore vibra sur la table, ondoyant alors le contenu de sa tasse remplie de café. Le prénom de Blaise s'afficha en grand.
– Ne me dis surtout pas merci, déclara la jeune femme d'un air satisfait.
Pourtant, en ouvrant le message, le sourire de Théodore s'effaça bien vite :
« Blaise : Mettre les choses à plat ? Comme tu l'as fait avec mon nez tu veux dire ? »
Sans rien dire, Théo plaça l'écran à la portée de Pansy et dès que celle-ci eut finit de lire, elle explosa d'un rire tonitruant. Leur voisine de table renversa quelques centilitres de chocolat chaud sur sa mini-jupe aux motifs écossais.
– Je suis censé répondre quoi maintenant ? répliqua Théo avec une pointe de colère.
– Alors là, tu te débrouilles, rigola Pansy. C'est ton futur mari après tout.
– Ha, ha, ha, articula-t-il lentement.
Après avoir réfléchi quelques secondes, il écrivit :
« C'est grave ? Qu'est-ce qu'a dit le médecin ? »
« Blaise : Si tu veux contempler les dégâts, je serai devant l'entrée principale de la fac d'ici quinze petites minutes. »
Sans même réfléchir, Théodore bondit sur ses jambes et attrapa son sac.
– Qu'est-ce qu'il se passe ? demanda Pansy qui se peinturlurait maintenant les doigts de bleu.
– Je vais le voir.
– Tu m'abandonnes tu veux dire ?
– En clair, euh, oui. Désolé.
Et Théodore courut vers la sortie. Il était seulement à une station de métro de l'université, mais le campus était tellement gigantesque qu'il lui faudrait piquer un sprint pour arriver à temps. Il slaloma entre les étudiants aux pas lents, enjamba une barrière et se faufila entre un groupe de retraités en visite touristique.
Une fois sorti du métro, Théo consulta le cadran de sa montre. Plus que deux minutes. Théodore se maudit de ne pas avoir de skateboard, de rollers ou quoi... Et finalement – quoiqu'essoufflé – arriva à destination à temps. Il ne lui fallut que quelques secondes pour repérer Blaise. Ce dernier était installé sur un muret... le visage paralysé dans un plâtre nasal. Le ridicule ne tuait pas mais... voir Blaise dans une telle situation lui arracha un sourire. L'énorme plâtre blanc contrastait avec sa couleur de peau, lui donnant des allures de vengeurs masqués... ou de raton laveur.
– Ah, zeu vois que ççça t'amusssse, prononça Blaise d'une voix sifflante.
Il n'en fallut pas plus pour que Théo s'effondre de rire.
– Qu'essst-qui a de drôleuh ? s'énerva Blaise en plissant son front occupé de deux tiers par son plâtre ? CCCC'esst ma gueule qui t'fait rire ? Parccce que c'pas drôle !
Théodore s'agrippait désormais à sa chemise, les yeux humides de larmes.
– Tu m'as brisssé le cœur et le nez !
Même en essayant de reprendre son sérieux, Théodore n'y parvint que difficilement. Il imita la respiration du petit chien asthmatique comme le lui avait conseillé de faire Astoria avant un examen. Un immense sourire sur les lèvres, Théodore observa de plus près le pansement disgracieux de Blaise. Ce dernier eut une mimique connue de lui seul puis leva les yeux au ciel.
– Quoâ ?
– Tu es très expressif avec tes yeux, dis donc, rigola Théodore en lui pinçant affectueusement les joues.
– Te fous pas d'ma goule !
– Arrête de vouloir me faire rire, prévint Théo.
– Mais zeu fais pas exprès !
Impossible de se contenir davantage : c'était beaucoup trop drôle.
– Tu m'en dois oune Théodaure. Ma mère est fourieuse ! Elle voudrait porter plaing-.
– Ah bon ? Pourquoi ? C'était un accident !
– Ma mère penssse que t'as détruit une z'oeuvre d'argh.
– Oh, rien que ça.
Théodore décida de suivre les conseils de Pansy et de prendre ainsi les devants. Il encercla la taille de Blaise de ses bras et rapprocha leur corps à quelques centimètres l'un de l'autre.
Interdit, le jeune architecte se laissa totalement faire. Les étudiants pressés marchaient autour d'eux sans leur accorder le moindre soupçon d'intérêt. C'était ça qu'appréciait Théodore à la fac : faire partie d'une foule tout en étant parfaitement anonyme. Blaise avait l'air de lui en vouloir, mais Théo ne se dégonfla pas. Même si au plus profond de lui, il ressentait une lueur de crainte et de doute, Théodore s'approcha de son visage et déposa un léger baiser sur son nez blessé. Blaise frissonna de douleur et articula :
– Pou'quoi t'as fait ça ? T'aime que ze sssouffre ? T'es sssadique ?
Théo rigola.
– On croirait entendre un serpent à sonnette, plaisanta-t-il en lui attrapant la main.
– T'es sssadique, conclut Blaise, comme si prononcer cette phrase en faisait dès lors parole d'Évangile.
– Tu vas pouvoir le sauver ton nez ?
– Ze crois. Oh, poutain, ze détessste parler coumme ça. C'est insssupportab-.
Théodore ricana.
– On appelle ça le karma.
– Non, on appelle ççça avoir un peutit ami violent.
Les yeux de Blaise s'agrandirent aussitôt puis il marmonna un juron, se maudissant en un dialecte inconnu au bataillon.
– Petit ami ? répéta lentement Théo.
– T'as mal entendeuh. Zai des proublèmes de prononccciatttion.
– Ah, d'accord, répondit-il en se tapant le front. Suis-je bête.
Le jeune architecte esquissa un sourire en coin puis plaça son bras autour de ses épaules. C'était très étrange comme sensation, d'autant plus que Théo n'en avait pas du tout l'habitude. Pourtant, il se laissa faire, se prenant vite au goût d'être contre quelqu'un. Blaise essaya de lui embrasser le cou, mais uniquement son plâtre entra au contact de sa peau. Théodore gloussa de rire face au ridicule de la situation.
– Bon, auké, ze laisssse tomber, soupira Blaise après de multiples tentatives infructueuses.
Ils restèrent ainsi un moment, regardant le flux d'étudiants se déplaçant sur le campus sans même les voir.
– Est-ce que... Est-ce que tu crois que c'est le début de quelque chose ? Entre nous, je veux dire ?
Blaise se contenta de sourire.
– Donc je prends ça pour un oui.
Oooooooo
Blaise était allongé à même la moquette de son appartement étriqué. Il grattait le bout de son nez emplâtré avec de son majeur en signe de provocation. Autour de lui, Théodore essayait tant bien que mal de passer l'aspirateur. Son immeuble subirait une coupure de courant de quatre heures consécutives et il avait chargé tous ses appareils à bloc.
Irrité, Théo arrêta brutalement l'aspirateur.
– Je peux savoir pourquoi tu ne peux pas rester assis dans un coin le temps que je nettoie ?
Blaise leva paresseusement les yeux vers lui :
– Ze peut sssavoir pouquoa t'as b'zoin de fair' ççça mainteunant ?
– Parce qu'il y aura une coupure de courant, que je suis maniaque, et que si je ne passe pas l'aspirateur dans l'immédiat, je ne pourrai pas dormir chez moi.
– T'as qu'à dourmir ccchez moi.
– Mais oui, bien sûr. Pour que ta mère m'égorge dans mon sommeil ? Je n'y tiens pas particulièrement. Au fait, c'est quand que tu enlèves ton fichu plâtre ? C'était drôle au début, mais là, ça fait juste de la peine.
Blaise leva son majeur vers Théo qui n'eut d'autre comme réflexe de le lui aspirer avec son appareil ménager. Blaise eut alors la mauvaise idée de vouloir retirer son doigt qui se disloqua légèrement.
– Merde, merde, merde, répéta Théo en s'agenouillant à ses côtés. Tu as mal ?
– Bien sssûr que non, ze sssimule ! grimaça l'autre en serrant sa main gauche contre lui.
Pour arrêter de l'entendre geindre, Théo eut alors le réflexe stupide de déposer un baiser sur son doigt. C'est ce que sa propre mère faisait quand il était enfant.
– Quoi ? s'étonna faussement Théodore. On ne t'a encore jamais fait de bisou magique ? Ça va mieux ?
Blaise hocha de la tête après avoir dégluti. Un « bisou magique » de rien du tout lui faisait déjà tourner la tête ? Alors qu'est-ce que ça serait quand...
– Oh, merde.
Toutes les lumières de l'appartement s'éteignirent. Le micro-onde, le frigo, la télévision, la cafetière – absolument tout s'était éteint. Si Blaise était venu, c'était davantage pour l'aider à ranger. Mais bon, Théodore s'était rapidement fait à l'idée qu'il n'y arriverait que tout seul.
– Réinitialisation du compte Voxeo. Nouvelle borne WiFi publique détectée.
Les deux jeunes hommes sursautèrent en entendant cette voix d'outre-tombe. Le téléphone portable de Théodore, posé sur la table basse, s'illuminait d'une vive lumière orangée.
– Tu as encore l'appli ? s'étonna Blaise, cette fois sans zozoter.
– Je pensais l'avoir supprimée... Mais elle a dû être conservée dans mon Cloud.
En effet, l'application d'e-dating avait mis le turbo pour sa dernière mise à jour. Dans l'expectative et toujours dans le noir, ils attendirent une poignée de secondes avant d'entendre le fameux :
– Bonjour, bienvenue sur la plateforme de rencontres intuitives Voxeo. Un système qui vous connaît et vous reconnaît. Il ne s'agit pas seulement d'un système opérateur classique qui relaie les contacts en fonction d'une base de données. C'est une conscience. Bien plus qu'une page internet, une vie. Voxeo...
– Je me demande si mon profil a été sauvegardée, s'interrogea Théo.
Il eut sa réponse bien vite quand l'intelligence artificielle lui demanda s'il préférait ouvrir un nouveau compte ou reprendre celui déjà créé.
– Ancccien compte ! s'écria Blaise en un rire étranglé.
– Je vois que vous n'êtes pas seul, intervint la voix robotique. Dois-je revenir plus tard ou souhaitez-vous poursuivre l'expérience ?
– Poursuivre.
– Très bien. Je vous mets en attente pendant que je recharge vos données personnelles depuis votre Cloud.
Une petite mélodie vrombissante se mit en route et en un rien de temps, ces mots se répercutèrent en échos :
– Roku, nous ne vous avons plus entendu depuis longtemps. Êtes-vous satisfait de nos services ? Avez-vous trouvé l'amour sur notre site ?
Théodore pensa très fort : « Ne pas regarder Blaise. Ne pas regarder Blaise. Ne pas regarder Blaise. Ne pas regarder Blaise... ». Et ce dernier, apparemment très fier de l'effet qu'il lui faisait, ne le lâcha pas du regard un seul instant.
– Bah alors ? Pouquoa tou réponds pas ?
– Je... Euh, oui..., concéda Théo d'une voix anormalement chevrotante. Je suis avec quelqu'un, un homme.
– Parfait, Voxeo prend en compte cette nouvelle information et l'ajoute à votre profil. Nous allons désormais activer notre fonctionnalité « En couple ». Préparez-vous à un questionnaire collaboratif afin de déterminer votre taux d'alchimie.
Des questions ? Oh, non, non, non... Il n'était pas du tout préparé à ça ! Et Blaise non plus au vu de son regard alarmé.
– Roku, comment imaginiez-vous votre petit-ami avant de le rencontrer ?
Tout à coup, un souvenir lui apparut sous les yeux, vivace comme s'il datait seulement d'hier. Astoria, Pansy et lui papotaient dans un café bruyant entre deux cours et l'une d'elle lui demanda : « Théodore, dis-moi, comment tu l'imagines ce Blueprint ? » et il avait répondu, des étoiles plein les yeux : « Grand, blond de préférence. Tu sais avec ses yeux un peu bleus magnifiques, qui envoie du lourd. Légèrement bronzé, juste ce qu'il faut. Un mec des magazines quoi. » Ok, Blaise était bien un mec des magazines mais il n'avait rien de blond. Le prendrait-il mal s'il disait la vérité à ce stupide robot ?
– Je, hum, je l'imaginais blond, et pas très beau non plus.
– QUOOOA ?
– En fait, au début, oui je t'imaginais comme un mannequin blond, svelte et musclé. Puis les jours sont passés et je t'imaginais plutôt blond banal, avec... avec le nez légèrement tordu, pouffa-t-il.
Blaise le fusilla du regard, provoquant alors son hilarité. Blaise était définitivement très expressif avec ses yeux...
– Comment s'appelle votre partenaire ?
– B-AISE ! s'écria le concerné d'une voix nasillarde.
– Enregistré. Votre partenaire s'appelle Baise. (Théodore se massa les tempes, excédé) Question suivante, à quelle fréquence avez-vous des rapports intimes ?
Dès lors, le rire de Théo se retrouva aussitôt coincé dans sa gorge. Voxeo venait-il vraiment de poser cette question ? Du genre, vraiment ?