Bonjour bonjour !
Me revoilou, en retard sur ma fic à chapitres, pour vous proposer une histoire à 2 chapitres (un two-shots si vous voulez), avec nos deux frangins.
Comme je n'ai pas grand chose à dire d'autre, je vous souhaite juste bonne lecture !
Tickle you
Partie I
Dans la nuit noire midgardienne brillait un éclat incandescent, en mouvement, seul signe de vie au sein de l'épaisse forêt montagneuse où s'élevait un petit chalet, perché sur un plateau. L'étincelle vive qui perçait l'obscurité se trouvait être une cigarette, paresseusement portée aux lèvres du dieu de la Foudre qui ne saisissait toujours pas l'intérêt de la chose. Il y avait bien quelques équivalents asgardiens à l'acte de fumer, mais il s'avérait que Thor n'était aucunement sensible aux doses moins concentrées des Midgardiens. Aspirer cette fumée plutôt désagréable avait fini par relever d'un passe-temps rare mais qui lui changeait les idées.
Ce soir-là, Jane était plus en altitude, pour des relevés météorologiques. Thor l'avait accompagnée plusieurs fois, puis lassé par cette monotonie, avec l'insistance de Jane qui avait bien constaté son ennui, avait décidé de demeurer dorénavant dans leur chalet fraîchement acquis pendant que la scientifique s'occupait de tout.
Mais il y avait cette nervosité qui passait comme un courant électrique dans les muscles du blond chaque fois qu'il se retrouvait seul. Ce stress, cette attente désagréable d'une chimère qui bien trop souvent hantait ses pensées.
– C'est une belle soirée, murmura une voix dans son dos, suave, si suave qu'elle en devenait mielleuse, puis menaçante.
Thor ferma les yeux douloureusement, se pencha un peu plus contre la rambarde du balcon sur lequel il était allé prendre l'air, et garda son regard obstinément braqué sur le paysage. Il sentit distinctement deux mains se poser sur ses omoplates, un torse frôler son dos, et un menton reposer sur son épaule avec un léger soupir.
– N'ai-je donc pas même le droit à une parole ?
Thor ouvrit la bouche mais la referma aussitôt, certain que toute tentative de parler serait vaine.
– Mécontent de voir son frère ?
– Tu n'es pas lui. Loki est mort.
Un grondement sourd et cruel retentit à ses oreilles.
– Mort à cause de qui ? Pour qui ? Chuchota-t-il. Tu le sais très bien, alors sois plus aimable que cela, fils d'Odin.
Thor grimaça et la prise sur ses épaules se resserra sur lui, plus pesante et agressive.
– Tellement, tellement d'erreurs, mon frère. Ai-je réellement à te lister celles du passé ? Non, tu les connais. Tu sais déjà que celles-ci ont été ma déchéance. Mais en me ramenant muselé à Asgard, en me laissant seul dans les cachots sans me faire l'honneur de ta royale visite, en refusant de me nommer ton frère alors que je m'y efforçais, ne penses-tu pas que tu as, consciemment et sciemment, aggravé la situation ? Que cherchais-tu, Thor, en m'ignorant ? A nier tes erreurs ? A prouver que tu étais capable de m'en vouloir ? Capable de me rejeter ? Capable de me faire subir ton impassibilité qu'importe l'issue ?
Sa voix rauque, sombre, délivra un ricanement sarcastique et mauvais, empli de rancœur, alors qu'il continuait, comme on enfonce le couteau dans une plaie :
– Sais-tu pourquoi je me suis sacrifié pour toi ? Pourquoi je suis mort en m'excusant ?
Il se pencha et posa des lèvres glacées contre la joue de son aîné, susurrant :
– Parce que c'était le seul moyen de vivifier le regard indifférent voire méprisant que tu me donnais, chaque fois que je te regardais, chaque fois que je te parlais, chaque fois que je te provoquais, chaque fois que je cherchais ton attention. Il me fallait mourir pour l'avoir enfin. Il me fallait mourir pour que mon cœur guérisse du sentiment de rejet que tu lui insufflais. Il me fallait mourir pour avoir ton pardon, et peut-être, une fois, revoir ta peine et ton affection pour ton pauvre petit frère perdu et fou.
Thor ferma les yeux et serra les dents, impuissant contre le fantôme vicieux et impitoyable du dieu de la Malice qui le hantait depuis des nuits. Il aurait voulu le balayer, l'insulter, le frapper jusqu'à sa totale disparition, pour qu'il cesse d'empoisonner son esprit avec des paroles si fourbes et douloureuses, qui parfois, mensongères, lui retournaient le cerveau pour alimenter sa culpabilité et le faire haïr le vrai Loki, celui auquel sa reconnaissance toute entière allait, et qu'il aimait du plus profond de son être. Loki n'était pas ce serpent incisif et froid, glacial, qui prenait plaisir à le torturer. Mais la seule peur de Thor était d'oublier cela, et de se mettre à détester son propre frère à travers l'acide de son spectre.
– Va-t'en, monstre. Mon frère n'est pas cet homme barbare et venimeux que tu te complais à être. Il n'est pas de cette brutalité et de ce sadisme. Loki ne m'aurait pas dit cela, et je ne voudrais jamais avoir à croire qu'il l'aurait fait, car je ne souhaite aucunement trouver de quoi lui en vouloir. Avec ce qu'il a choisi en tant que fin, en tant que sacrifice, je le pleure mais je suis en paix, et j'ose espérer qu'il l'est aussi.
Le regard azur demeura sur la forêt, n'ayant en aucun moment croisé celui émeraude à présent assombri et colérique… mais aussi incertain, comme frappé par la foudre.
~oOOoooOOo~
Loki fut sorti de sa transe magique plus vite qu'il n'en fallait pour le dire. Son illusion se volatilisa, et bientôt, sur Midgard, Thor fut laissé seul.
Le brun haletait, ses pupilles dilatées et sa vision floue, de légères perles de sueur coulant le long de ses tempes douloureuses. Il prit son front dans sa paume et passa dessus en le massant, pensif, reposant son coude sur l'accoudoir du trône avec fatigue et trouble. Il poussa un long soupir épuisé, puis resta ainsi, en pleine réflexion, tentant de se relaxer sous sa réelle forme et non celle d'Odin, les portes du hall principal verrouillées afin d'assurer son anonymat.
Cela faisait presque une semaine qu'une de ses illusions tenait compagnie à Thor chaque fois qu'il se retrouvait seul. Au début, cela avait été par pure distraction, car il était certain que Thor ne se douterait de rien et qu'il pourrait le visiter sans risque. Loki avait librement profité de sa culpabilité par rapport à sa mort pour qu'il croie fermement que son esprit le tourmentait, plutôt que de songer à l'éventualité que Loki puisse être en vie, quelque part, jouant avec ses nerfs – ça n'avait pas été le but de départ mais ça l'était devenu au fur et à mesure, car le dieu du Chaos, à force de paroles, s'était ennuyé. Il s'était entretenu longuement avec son frère jusqu'à comprendre, jusqu'à pointer, jusqu'à haïr ce point noir qu'il s'était efforcé d'ignorer : c'était fini. Il n'y aurait plus de combat, plus de piques, plus de rivalité, plus de complicité, plus de stratégie, plus d'exaltation avant longtemps. Car Loki avait gagné, car Loki était devenu roi, car Loki avait écarté son frère.
Et c'était insupportable. Se retrouver maintenant, seul, unique être à pouvoir contempler sa victoire et la vanter, incapable de rire des autres et de leur actuelle ignorance, le rendait fou d'ennui, de regrets et de désirs de retrouver le dieu du Tonnerre pour le confronter à nouveau.
Mais dans sa grandeur, dans son plaisir à être roi, dans sa fierté à être celui au pouvoir, celui qui était puissant, celui qui avait le contrôle, celui qui agissait dans l'ombre, il ne se résolvait pas à mettre fin à ceci pour aller chercher distractions et nouveautés auprès du blond qui lui était maintenant inaccessible sans signer une nouvelle défaite, et essuyer probablement un nouveau rejet.
Alors Loki avait craqué, commencé à titiller son jouet favori, commencé à engager le conflit, commencé à espérer que Thor reviendrait à Asgard pour le combattre et lui faire payer son arrogance de s'être ainsi emparé du trône et sa cruauté d'alimenter sa culpabilité pour la mort d'un frère qui vivait encore.
Le dieu du Chaos aurait juste aimé être aux côtés de son frère et qu'ils se battent comme des chiffonniers. Cela pouvait paraître basique, trivial, mais cela lui aurait fait du bien, lui aurait rappelé qu'il existait, qu'il avait encore une motivation à penser et à ressentir, qu'il avait encore un intérêt à vivre, qu'il avait encore un point dans cet univers autour duquel il pouvait graviter.
Il gronda doucement, fatigué. Si seulement Thor pouvait comprendre et revenir. Si seulement il pouvait le retrouver, l'imbécile blond, pour user de son cynisme et de ses paroles sournoises, de sa magie et de son toucher sur cet idiot, avec autre chose qu'une illusion qui n'était ni lui, ni ne lui permettait de ressentir comme son corps le faisait.
Loki soupira.
Il se languissait d'action et des petites étincelles de désordre qu'il provoquait autrefois. Mais à sa place de roi, il n'avait plus cette capacité à agir, caché dans la foule, troublant la paix pour rendre plus distrayante et vivante l'existence des autres.
Alors il avait décidé que Thor serait son départ de feu, son petit éclat de chaos au milieu de cette vie trop fade. Il avait décidé qu'il se plongerait dans ce rêve fou de ne vivre que pour voir son frère, que pour être cette illusion mesquine qui jouait avec lui.
Loki le niait, pourtant il savait que le jeu n'en était plus un, qu'il tenait à voir son frère réagir et que ses apparitions brèves devenaient essentielles, une véritable addiction.
~oOOoooOOo~
Quelques jours plus tard, le manque évident de Loki n'avait pas faibli et continué de creuser un trou dans son cœur et dans son âme toute entière, le dévorant, l'arrachant au monde réel, focalisant ses pupilles vertes curieuses, joueuses, piquantes et désireuses, sur Thor. Et il sentait comme son corps se tordre, frémir, tenter de s'approcher, vibrant, attiré par un point situé au-dehors de la prison dans laquelle il était enfermé. Dans laquelle il s'était lui-même enfermé.
Que ce soit en devenant roi et en laissant ce Thor qui ne lui était alors pas encore inaccessible, ou que ce se soit en continuant son manège, en se laissant emporter par le courant qui le ramenait à son frère, Loki était devenu prisonnier de ses choix. Condamné par la voie qu'il choisissait, condamné par le dieu qu'il chérissait, il errait le long de la frontière du désir, incapable de se rendre au-delà et de réaliser ses rêves, seulement apte à la frôler, à la regarder fixement jusqu'à exploser de la voir à ses pieds, infranchissable. Ainsi il stagnait irrémédiablement dans la frustration la plus intense, et la violence de ses propos envers son frère augmentait.
Il devait s'assurer que son frère était encore en vie, là, sur cette planète mortelle, qu'un jour ils avaient été frères, amis, ennemis, qu'ils n'étaient pas étrangers, et qu'aujourd'hui n'était pas différent, qu'aujourd'hui était juste une passade, qu'aujourd'hui ne durerait pas.
Aujourd'hui dura des semaines et des semaines, puis des mois et des mois.
~oOOoooOOo~
Ce soir-là, Loki avait dépassé les bornes.
Il avait hurlé sur Thor toute sa haine, tous ses regrets, tout son amour, aussi. Il s'était contenté d'exploser en laissant ses sentiments guider ses paroles, et son frère avait à peine répliqué. Il n'avait pas pu.
Loki avait cessé son illusion et s'était retrouvé, sur son trône, tremblant de mille émotions qui le dépassaient.
Il n'était plus lui-même, pas même en apparence, et il ne vivait plus vraiment, torturé par les souvenirs de sa vie d'avant, avant la bataille contre Malekith, avant de se condamner sous la forme du Père de toute chose sur un trône où personne ne le reconnaissait.
Ce soir-là, Loki prit son front entre ses mains et une fois la pièce insonorisée par la magie, hurla, de rage, de frustration, de désespoir.
Il ne savait vraiment plus où il en était.
~oOOoooOOo~
Trois jours plus tard, l'illusion du Jötunn se glissait entre les bras du dieu de la Foudre endormi, tandis que Jane continuait, en altitude, à travailler tard. Et sur le trône royal, Loki bascula sa tête en arrière quand les bras du blond se resserrèrent puissamment autour du corps de ce que l'asgardien pensait être une vision de son esprit.
Le dieu de la Malice diffusa sa magie autour de son frère, le laissant incertain de ce qui l'entourait, afin qu'il croie seulement à un rêve.
– Tu me manques, murmura doucement le magicien qui ne pouvait ressentir l'étreinte protectrice de son aîné. Tu me manques horriblement.
Et Thor le prit juste un peu plus contre lui, avec tellement d'affection que le réel Loki craqua, laissant monter ces larmes qu'il n'avait que trop retenues.
~oOOoooOOo~
Le lendemain, tout avait basculé en quelques minutes.
Loki, dans la satisfaction d'être enfin un peu plus en paix, son illusion contre la chaleur réconfortante de son frère, était resté toute la nuit dans la salle du trône, son esprit embrumé par son manque de sommeil et la douceur de l'instant.
Alors il ne s'était pas trop méfié en éloignant son illusion de Thor, mais Jane, qu'il avait oubliée et qui avait passé la nuit dans ses recherches, avait franchi le seuil de la chambre, découvrant le cadet qui avait cessé tout mouvement.
Il avait disparu dans un nuage de fumée, mais il savait déjà qu'il était trop tard pour son anonymat : deux personnes différentes l'avaient vu, et c'était bien suffisant pour conclure qu'il n'était pas seulement une vision hantant le dieu de la Foudre.
Cependant, pire fut la chute lorsque Loki reprit complétement conscience de ce qui l'entourait à Asgard, et que sa magie, son esprit chamboulé par le brusque changement de situation, lâcha prise sur ses sorts d'illusionniste et son verrouillage de la salle du trône. Il sortit alors immédiatement, marchant à pas rapides dans le dédale du palais. Il ne fallait, ici, à Asgard, qu'il ne croise personne, le temps de rétablir sa magie.
Mais Thor allait venir à Asgard pour chercher un moyen de le retrouver, Loki le savait. Et il sentit que, même s'il parvenait à se retransformer, il n'échapperait pas à son frère encore une fois.
Sa petite étincelle de chaos, cet homme qu'il avait cherché, titillé, agacé, énervé, grondé, qu'il avait voulu voir revenir, en ami ou en ennemi, avait finalement exaucé ce souhait fou et allait probablement anéantir ce qu'il restait de lui, mais Loki était incapable de dire s'il regrettait ou non ses actes des mois passés.
Il se rabattit contre une colonne quand un groupe de gardes passa, et agita la main pour discipliner la magie qui crépitait au bout de ses doigts. Il la sentit agitée, le trop plein d'émotions se déversant à travers son pouvoir, le rendant instable. Loki ferma les yeux, tentant d'en reprendre le contrôle, mais sa magie lui filait entre les doigts et glissait en un fluide invisible autour de lui comme un serpent.
Loki connaissait les règles de la magie parfaitement bien, mais il avait été incapable de prévoir cette situation. Un tel phénomène ne s'était produit qu'une seule fois chez lui, lors de son séjour chez les Chitauris et Thanos, où le stress intense, l'oppression d'un trop grand pouvoir, le manque de sommeil, ses émotions à fleur de peau et son absence totale de repères l'avaient peu à peu affaibli et déséquilibré jusqu'à rompre le lien qui l'unissait à ses pouvoirs, le laissant uniquement capable de ressentir sa magie, sans avoir la possibilité de la diriger. Cette fois-ci, ces mois d'anxiété et à se sentir perdu, accumulés, l'avaient fait craquer.
Il n'était plus personne, car son vrai lui, censé être mort, ne pouvait réclamer quelqu'un pour le comprendre. Pourtant, il avait juste voulu une personne pour s'occuper de lui.
Epuisé et dérouté par ses pouvoirs virevoltant incessamment, affolé par ce qui sifflait atrocement dans son crâne, écrasé par une pression trop forte, sa respiration se fit haletante et il laissa son dos glisser le long de la colonne jusqu'à se retrouver assis par terre, alors qu'il basculait sa tête en arrière contre la surface dure marbrée dans un gémissement à peine audible.
Il avait juste voulu son frère à ses côtés.
Toute sa vie, il l'avait voulu.
Mais à présent l'angoisse l'étouffait tandis qu'il se sentait sombrer dans l'inconscience. Il savait que la course était finie, qu'il perdait en cet instant sa liberté, si elle avait jamais existée, et peut-être la vie.
Et il ne put sentir que le tranchant d'une lame contre sa gorge en perdant complétement connaissance.
~oOOoooOOo~
– Mon prince, il semblerait qu'il se réveille.
Un geignement étouffé par la morsure froide d'un métal franchit les lèvres du Jötunn dont les tempes pulsaient furieusement, son crâne comme compressé et ses yeux s'ouvrant sur un environnement flou et obstrué par les tâches noires qui passaient devant son regard. Il entrouvrit la bouche douloureusement sans qu'aucun son ne sorte et la referma presque aussitôt, la souffrance d'une muselière qu'il ne connaissait que trop bien vrillant sa mâchoire.
– Bien. Laissez-nous.
Loki se sentit redressé en position assise et fut pris d'une terrible nausée, sa vision toujours aussi mauvaise, ses sens toujours aussi embués. Son buste balança dangereusement de l'autre côté de la chaise où il avait été installé avant qu'une large main se pose sur son bras, retenant son poids. Une deuxième main passa sur sa nuque en un toucher familier, mais ce ne fut que pour retirer le morceau de métal qui l'empêchait de s'exprimer. Puis un verre fut porté à ses lèvres et se pencha lentement jusqu'à ce que de l'eau glisse sur sa langue. Après une gorgée, Loki toussa violemment, recrachant des résidus de sang à moitié coagulés.
Les deux mains se retirèrent pour soutenir sa poitrine et son dos tandis qu'il s'époumonait, avant que sa toux laborieuse ne cesse, près d'une minute plus tard. Une nouvelle minute lui fut accordée pour reprendre, et le dieu du Chaos tenta de distinguer ce qui l'entourait, devinant sans mal les traits impassibles de son frère qui firent se serrer son cœur malmené et sa gorge douloureuse.
– Je me doutais qu'il y avait plus qu'une vision là-dessous.
La voix rauque était froide et déçue, mais aussi royale. Et c'était peut-être son aspect le plus douloureux : que Thor lui hurle dessus pouvait convenir, mais qu'il soit un prince, voire même un roi, et qu'il le juge, écorcherait un peu plus les sentiments qui torturaient le magicien.
Alors Loki essaya de lever vers lui ses deux orbes verts désolés et fatigués, brillants de douleur.
Sois mon frère, suppliaient-ils. Ne sois pas un roi, ne sois pas un étranger. Essaye de m'écouter, essaye de comprendre, intéresse-toi juste à moi. Ne m'abandonne pas.
Tue-moi si tu le veux, mais ne m'abandonne pas avant.
– Où est Odin ?
Loki ferma obstinément les yeux et ses lèvres s'entrouvrirent en un sifflement gémi, fatigué, résigné.
Thor allait retrouver son père et le laisser mourir dans une cellule. C'était tout ce que le prince héritier voulait. Loki l'entendait dans ce ton impersonnel, détaché, indifférent.
– Thor…
Il n'y eut même pas de réponse, pas même un grondement de désapprobation ou un geste pour le faire taire.
Non, il n'y avait devant lui qu'une statue de glace.
Il pencha sa tête jusqu'à poser son front contre l'épaule de Thor qui ne trembla même pas et ne fit aucune remarque.
– Où est Odin ? Répéta-t-il uniquement.
Loki glissa un peu plus sa tête dans le creux de l'épaule du dieu du Tonnerre et l'appela encore une fois, sans plus de succès.
– Où est mon père ?
Loki se tendit, ses yeux brûlant de larmes contenues. S'il répondait à Thor, alors celui-ci n'aurait plus aucune raison d'être là. Cette information, cachée, était son seul moyen d'accéder à son frère.
Thor le repoussa contre le dossier de la chaise sans douceur.
– Ne teste pas ma patience, tu la sais limitée, Loki. Ne m'oblige pas à employer d'autres moyens contre toi.
Le concerné se racla la gorge avec difficulté, sa voix rauque quand il s'exprima enfin :
– Je…
Il toussa un instant, retenu par la poigne glaciale de Thor.
– Je te donnerai les informations que tu veux… mais après nous devrons parler.
– Entendu, accorda le blond, pourtant son regard disait clairement que les explications de Loki avaient tout intérêt à être claires.
Et elles le furent : Loki n'omit aucun détail et indiqua précisément le lieu où il avait lui-même exilé et enfermé Odin sous une autre apparence qui devait avoir disparu depuis que ses pouvoirs avaient été déréglés. Durant son explication, il put percevoir la colère de Thor montant peu à peu, sans que ce dernier ne la montre réellement, ni ne la relâche, mais ce fut suffisant pour ajouter son lot de pression au Jötunn déjà constamment fébrile depuis son réveil.
Une fois que Loki eut terminé, Thor hocha simplement la tête, signalant que ses réponses lui convenaient, puis fit appeler plusieurs guerriers qu'il envoya à l'endroit où son père était supposé être plongé dans le sommeil d'Odin, au nord-ouest d'Asgard dans un massif montagneux peu fréquenté.
Il s'assit ensuite face au dieu du Chaos en lâchant un soupir fatigué qui blessa Loki, certain que Thor en avait assez d'avoir les problèmes qu'il créait sur le dos. Néanmoins, en observant plus attentivement son frère, le brun comprit que la lassitude du dieu de la Foudre se mêlait à un aspect maussade et renfermé indiquant que Thor n'osait dire le fond de ses pensées.
Le corps de Loki fut traversé par un frisson dû à sa magie qui, successivement, repassait sous son contrôle et s'évaporait aussi vite qu'elle était venue. Remarquant ces allées et venues de son pouvoir, Thor tendit la main vers un tiroir d'où il sortit deux bracelets en métal asgardien qui restreignaient toute utilisation de la sorcellerie et les mit autour des poignets de Loki qui gronda de douleur quand il sentit leur emprise sur sa magie, l'étouffant.
– J'en suis obligé, s'excusa doucement Thor en ajustant les sortes de menottes, ce à quoi Loki se contenta d'acquiescer légèrement.
Il fut un peu rassuré que Thor ne se contrefiche pas complétement de lui et s'étonna de voir celui-ci s'accroupir juste devant lui et poser ses mains sur ses bras qu'il serra sans aucune agressivité.
– Loki, je… Je n'ai plus aucune emprise sur ce qui va t'arriver, murmura-t-il pitoyablement. Les Asgardiens sont furieux et pensent que tu élaborais de terribles plans sous l'apparence de notre père, que tu prévoyais de ronger le royaume de l'intérieur jusqu'à le détruire… Le fait que tu aies été démasqué brutalement n'arrange en rien la vivacité des propos tenus à ton égard et la colère qui nourrit la population. La seule raison qui fait de toi un homme vivant est que tu aies été trouvé par Sif qui a décidé d'attendre que je rejoigne le palais au lieu de te tuer sans préambule.
Thor baissa la tête et inspira nerveusement, incapable de continuer.
– Je n'avais pas l'intention de réduire à néant Asgard, tenta Loki.
– Mais ça n'a pas d'importance… Je veux même bien te croire, cela fait presque cinq ans que tu as pris la place de notre père sans rien entreprendre contre Asgard mais tu te retrouves dans une situation où nous avons découvert qui tu étais. Si tu avais révélé toi-même ce détail… si tu n'avais pas décidé de me cacher ta survie, tout aurait pu être plus simple.
Le dieu de la malice vit Thor se mordre la lèvre inférieure et retirer ses paumes de ses épaules pour prendre ses mains dans les siennes.
– Pourquoi a-t-il fallu que tu te mettes dans cette situation, que tu fautes autant là où tu avais trouvé l'opportunité de t'en sortir… ? Tu as sauvé la vie de Jane et la mienne, Loki, tu aurais pu te voir lavé de tes crimes… mais cette obsession pour le trône, ce… cette décision folle que d'essayer de le gagner, même sans faire le mal… cette petite manœuvre est l'écart de trop. Je pourrais te pardonner tout ce que tu as fait, Loki, ainsi que ces heures à me hanter en m'injuriant parfois, ou en-
– Ce n'étais pas contre toi, fit le Jötunn, mal à l'aise. Je…
Il s'interrompit, incertain. Il aurait voulu dire que Thor lui avait manqué, qu'il regrettait leur complicité et leurs disputes, qu'il avait eu besoin et était devenu dépendant de le voir au point qu'il en avait craqué chaque jour en maudissant sa position actuelle. Il aurait simplement voulu avouer qu'il avait plusieurs fois, comme l'avait proposé son frère, voulu se dévoiler, ou bien abandonner le trône juste pour revenir aux côtés de Thor où la vie lui semblait moins fade et amère.
Mais cette indécision de quitter le trône ou non venait de le condamner, et il se sentit incapable de l'expliquer maintenant.
Thor reprit, voyant que son frère n'enchaînerait pas :
– Loki, mon frère, commença-t-il en tentant de garder son calme, c'est ton exécution que souhaitent les Asgardiens… Pour eux, en attentant à ma vie et en essayant de conquérir Midgard, tu méritais déjà ce sort, alors que Père ou moi s'oppose à ce châtiment comme Mère l'a déjà fait pourrait bien renverser le pouvoir. Loki, je ne peux rien y faire, je ne peux pas passer au-delà de cet ordre…
Un tremblement agita la peau de Loki un bref instant. Il n'avait jamais vraiment songé aux conséquences. Toujours il s'était dit que son frère le découvrirait, ou qu'il se révélerait à lui, ou qu'au pire, il fuirait. Mais jamais tout cela n'avait atteint l'idée d'une peine de mort après l'échec ou la fin de son plan. Il se recroquevilla un peu, voutant le dos et ramenant ses coudes posés sur ses cuisses contre son ventre, anxieux. Il paraissait très enfantin en cet instant, comme n'ayant pas réalisé plus tôt le degré de sa faute et tentant de fuir la punition qui le terrorisait.
Il se laissa glisser de sa chaise jusqu'au sol où Thor était accroupi pour s'en remettre aux deux bras protecteurs mais tout aussi angoissés qui l'entourèrent et l'amenèrent contre la large poitrine de l'aîné.
– Je ne veux pas mourir, dit-il de ce ton insouciant à la sonorité si jeune, qui brisa certainement le cœur de Thor qui le serra plus fort encore.
– Je vais essayer de te sortir de là, Loki… Je te le promets.
Il n'y avait aucune conviction dans sa voix bien que Loki fut certain que son frère tiendrait parole.
– Il n'est pas trop tard pour fuir, chuchota le prince.
Loki écarquilla les yeux et s'éloigna progressivement de son frère pour planter son regard dans le sien.
– Ta réputation et ta loyauté te précèdent, Thor, mais me permettre cela pourrait aussi te valoir la mort.
Le blond sourit piteusement, semblant chercher un moyen de se persuader qu'il existait une issue à travers ce type de solutions risquées et parfois impossibles à entreprendre. Les larmes commençaient à embuer ses yeux quand il répondit :
– Ça ne peut pas se terminer comme ça.
Loki ne dit rien à cela et étreint son frère avec force.
– Seras-tu là ? Fit-il de sa voix brisée et emplie de peur.
Thor inclina la tête pour déposer un baiser dans ses cheveux.
– Bien sûr, petit frère. Ça va aller, assura-t-il.
Et Loki ne put que rendre définitivement les armes et trembler entre ses bras, paniqué et trop fragilisé pour songer à une solution.
Il ne s'était pas rendu compte que ce jeu de duper Thor et les Asgardiens pourrait se terminer ainsi.
Voici donc la première partie, et je vous préviens d'avance, la seconde risque d'être plus courte. N'oubliez pas de laisser une petite review, j'y réponds toujours ! :D