Bim.
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Thank you, Space Expert
Les astrophysiciens du monde entier se sont toujours interrogés sur les propriétés exceptionnelles des trous noirs, lesquels sont petit à petit devenus source de spéculations et fantasmes sur la nature même de l'Univers. Voyages dans le temps, dimensions parallèles et univers holographiques, un paquet de théories fantasques mais jouissives, qui ne sont pourtant dignes que de peu d'intérêt face à la plus mystérieuse énigme de ce monde.
Car aucune équation au monde, ni la physique quantique, ni même Albert Einstein ne pourraient expliquer où disparaissaient les quantités ahurissantes de nourriture que pouvait engloutir cette gamine rousse d'apparence insignifiante. Personne au monde ne pourrait imaginer que dans les tréfonds de son estomac se cachait une porte ouverte sur un Univers parallèle.
Mais Sakata Gintoki, lui, savait. Enfin plutôt, il en était persuadé, et après avoir observé, impuissant, Kagura ingurgiter la moitié de leur réserve de nourriture, il en avait définitivement conclu que cette gamine avait un trou noir supermassif en lieu et place de son estomac. C'était à peine s'il osait l'approcher, de peur qu'elle ne l'aspire tout entier s'il avait le malheur de se tenir un peu trop près.
La petite Yato avait déjà fait flipper tout le monde en hurlant à la mort dès qu'elle ouvrit les yeux. Sérieusement, même le mayora avait sursauté, lui qui était resté plongé dans une torpeur immobile pendant des heures.
Elle avait hurlé donc, puis après quelques secondes de silence, un retentissant « J'AI FAIM ! » avait ébranlé l'immeuble entier.
Ils n'avaient rien pu faire. Non, vraiment. Ils tenaient tous trop à la vie pour déranger une Yato affamée qui rattrapait vingt-quatre heures de jeûne. Gintoki s'était demandé s'il ne préférait pas quand elle était encore endormie.
Il était loin de se douter du tsunami qui allait leur tomber sur la trogne.
Une fois son gargantuesque repas terminé, Kagura se précipita sans un mot vers les toilettes, et nul n'eut le temps de se demander ce qu'elle allait y trafiquer, car quelques secondes plus tard, un braillement encore plus strident fit littéralement faire un salto arrière au bâtiment, ainsi qu'aux estomacs de tous ses habitants, celui de Sadaharu compris.
Une porte claqua, et le hurlement se rapprocha comme une menace terrifiante, faisant écho sur les murs du couloir jusqu'à envahir la cafétéria, suivi par une tornade rousse qui déboula à toute allure. Kagura sauta sur Gintoki comme une vipère au cou d'un placide herbivore n'ayant rien demandé à personne, et s'agrippant à son col, elle se mit à le secouer violemment d'avant en arrière.
« GIN-CHAN, J'AI UNE MOUSTACHE REGARDE ! beugla-t-elle dans un déluge de larmes et de morve. REGARDE, REGARDE, LA MÊME MOUSTACHE QUE PAPI A POUSSÉ PENDANT MON SOMMEIL ! GIN-CHAN REGARDE ! DIS QUELQUE CHOSE GIN-CHAN ! GIN-CHAN ? GIN-CHAN ? GIN-CHAN ? »
Gin-chan était parti loin. Très très loin. Sa tête branlait d'avant en arrière comme si elle était désarticulée du tronc et le peu de conscience qui lui restait se disait que s'il continuait à se faire maltraiter de la sorte, il finirait par se tordre le cou ou pire, se faire arracher la tête. Tout ce qu'il voyait étaient de longues traînées lumineuses de toutes les couleurs dignes d'un trip mystique sous LSD. Il avait le tournis et la nausée. Sa conscience défaillait. Son cerveau était malmené comme un navire en plein ouragan et se cognait la proue et la poupe contre sa boîte crânienne. Parmi les lamentations de sa tortionnaire qui se faisaient de plus en plus lointaines, il ne pouvait ignorer les appels de détresse de ses deux hémisphères.
- Ici le tronc cérébral, appel à toutes les unités ! Je demande un rapport sur le champ ! Quelle est la situation au front ?
- Ici le cortex frontal, mon capitaine ! Nous avons subi de graves dommages ! Nous sommes au bord de la rupture !
- Merde, putain fait chier ! Et à l'arrière, est-ce que tout va bien !
- Le cortex occipital est en perdition ! MAYDAY MAYDAY !
- Des nouvelles de l'hippocampe mon capitaine ! Le dossier « Photos topless de Ketsuno-ana » a subi de lourds dégâts ! C'est la panique totale !
- ABANDONNEZ LE NAVIRE ! ABANDONNEZ LE NAVIRE !
Avant de s'évanouir pour de bon, Gintoki vit une dernière fois le visage de Kagura. Une petite moustache noire avait poussé sous son nez. Il se dit qu'elle ressemblait franchement à son père, puis il sombra dans l'inconscience après avoir faiblement murmuré « Au secours ».
Il fallut un moment à Kagura pour se rendre compte qu'elle délirait dans le vide. Elle arrêta de secouer sa victime, et la tête de Gintoki retomba misérablement sur le côté, comme si elle ne tenait plus au cou que par une charnière de peau. À la vue des yeux révulsés du samouraï et de sa langue qui pendouillait hors de sa bouche, Kagura finit par le lâcher avec l'expression d'un gamin qui venait de casser son jouet. Le corps tomba à la renverse au sol, et y resta, à l'indifférence générale.
Car tout le monde avait les yeux rivés sur Kagura et sa moustache. Celle-ci se recroquevilla au sol en pleurnichant, le visage dans les mains.
« Je veux pas ressembler à Papi ! D'abord c'est la moustache, ensuite les cheveux… JE VEUX PAS DEVENIR CHAUVE ! JE VEUX PAS PORTER DE PERRUQUE ! »
Otae s'avança, pleine de sollicitude.
« Fais-moi voir, Kagura-chan » dit-elle d'une voix douce.
Kagura arrêta de se lamenter et lui montra l'objet capillaire en question. Otae lui passa un doigt sous le nez et dit avec un sourire :
« Ce n'est que du feutre, Kagura-chan. Regarde, ça s'en va si on le frotte…
- Quelqu'un a dû la dessiner pendant que tu dormais. » ajouta Shinpachi.
À ces mots, la petite Yato se figea. Ses traits se durcirent et ses paupières se rétrécirent.
« Qui. » jeta-t-elle d'un ton glacial. Ce n'était même pas une question. C'était un ordre.
« Ahahahaha, ce n'est pas moi, pour sûr ! Ahahahah ! » se dédouana immédiatement Shinpachi en secouant frénétiquement les mains devant lui.
Avec une moue, Kagura jeta autour d'elle un regard circulaire et soudain, telle une lionne ayant repéré sa proie, sa tête se tourna brutalement vers un coin de la salle. Et dans ce coin de la salle se trouvait Sougo, qui observait la scène de loin et semblait déployer des efforts surhumains pour ne pas céder à l'hilarité.
À sa vue, Kagura propulsa la mâchoire en avant en sortit les crocs. Si ses yeux avaient été des lance-roquettes, ils auraient à coup sûr envoyé des missiles à têtes-chercheuses pour aller châtier le coupable.
« TOI ! ESPECE DE… TRONCHE DE CONSTIPÉ » hurla-t-elle en partant au quart de tour d'un départ digne d'Usain Bolt.
S'en suivit une bagarre que l'on pouvait classer, sur l'échelle de l'épique, à peu près au même niveau qu'une querelle de cours de récré à l'issue de laquelle le vainqueur aurait le droit de siéger sur le Toboggan de Plastique, régnant ainsi sur le Royaume du Bac à Sable. Pas de quoi en tirer une gloire quelconque.
« Faudra quand même lui expliquer la situation, maintenant qu'elle est réveillée, dit Shinpachi en s'adressant à Gintoki, qui se remettait tant bien que mal.
- Ouais, répondit l'intéressé en se relevant. Je m'en charge, t'inquiète. Dès qu'elle sera calmée…
- Tu peux encore attendre longtemps… » soupira Shinpachi en se tourna vers Kagura, qui avait attrapé la jambe de Sougo et le traînait partout dans la pièce en lui rongeant le tibia.
« C'EST PAS BIENTÔT FINI TOUT CE BORDEL ? hurla Hijikata, assis dans un coin, entouré d'une pile de livres et d'un épais nuage de fumée.
- Non mais qu'est ce qu'il fabrique celui-là ? Il pourrait venir aider un peu au lieu de passer son temps fourré dans ses bouquins… ronchonna Otose en remontant ses manches.
- Laisse. Il est comme ça depuis qu'il a refait surface, répondit Gintoki. Il a récupéré des livres de recettes dans les cuisines et depuis, il tente désespérément de trouver comment faire de la mayonnaise maison…
- Oh… Est-ce que je lui dis que je connais la recette ?
- Certainement pas. »
À peine eut-il finit sa phrase que Kondo débarqua dans la cafétéria, un masque d'inquiétude sur le visage. Il était parti faire son tour de ronde et du coup, tout le monde se figea en le voyant aussi soucieux.
« Que se passe-t-il Kondo-san ? Il y a un problème ? demanda Shinpachi.
- Oui, on a un problème, répondit Kondo. Je ne sais pas qui vient de hurler comme ça, mais ça a excité les contaminés du huitième étage. Quand je suis passé devant les portes qu'on avait verrouillées, ils étaient clairement en train de taper dessus. J'ignore combien de temps elles vont encore tenir, mais je pense que c'est le bon moment pour aller y faire un peu de ménage. J'ai besoin d'assez de bras pour finir ça avant la nuit, on a encore huit étages à nettoyer.
- Vous pouvez comptez sur moi, assura Shinpachi. Gin-san ?
- Ouais, ouais, je viens…
- Hein ? Vous allez où ? J'peux venir ? demanda Kagura qui se rapprochait du groupe en traînant toujours derrière elle Okita, ou ce qu'il en restait.
- De un, on ne parle pas la bouche pleine. Alors arrête de mâchonner ce truc, c'est plein de microbes et on sait pas où ça a traîné, gronda Gintoki.
- Et puis on va en avoir besoin pour éliminer les zombies, ajouta Shinpachi en ajustant ses lunettes.
- Et de deux, continua Gintoki, tu ne viens pas avec nous. Tu ne bouge pas d'ici c'est d'accord ?
- Maiheu, pourquoi ? Ça a l'air marrant votre truc !
- Je t'assure que ça n'a rien de drôle, mais je te promets de t'expliquer en rentrant, si toi, tu me promets de rester tranquillement ici avec Otae, d'accord ? C'est promis ?
- Mmmh… pff, c'est promis… ronchonna Kagura avec une moue.
- Ok, maintenant, tu ferais mieux de rendre à Kondo-san ce qui lui appartient…
- Ouais, ouais, tiens, Gorilla-san... dit-elle en tendant à Kondo les restes du sadique qu'elle tenait par la cheville.
- Ahum, merci China, répondit-il en s'emparant de la serpillière humaine.
- Je sais pas si on peut encore quelque chose pour lui, Kondo-san, intervint Gintoki, en examinant Sougo avec l'expression d'un critique d'art contemporain. Il m'a l'air hors d'usage…
- Je…je vais tr-très b-bien… articula péniblement Sougo la tête en bas. Il… me faudrait juste… un peu d'aspirine…
- Ah super ! s'exclama Kondo d'un air enjoué en le balançant sur son épaule. On va te trouver ça en chemin ! Allez, venez ! On va poutrer du zombie !
- Y-youpi… » marmonna Sougo en levant son pouce.
Il y avait plusieurs raisons qui expliquaient le fait que Gintoki avait laissé Kagura derrière. Certaines très explicites et évidentes.
Kagura se battait à mains nues et c'était à cause de cette méthode de combat que cette merde lui était arrivée. Certes, elle avait son parapluie blindé, mais empêcher la Yato de distribuer des gnons, c'était comme essayer de boire du lait fraise dans une passoire. Incontrôlable, et on finissait toujours par en avoir plein la figure… Non, il n'avait jamais essayé…
Ensuite, Kagura venait à peine de se réveiller. Et la dernière chose que voulait Gintoki était de la voir se lancer dans la bataille et prendre des risques inconsidérés alors qu'elle avait failli y passer. Lui aussi pouvait se montrer responsable et raisonnable, bordel ! Et s'il pouvait éviter une torgnole d'Otae dans la foulée, alors c'était tout bénéf'.
Il y avait par contre d'autres raisons que Gintoki lui-même ne saurait expliquer, même s'il savait que ces raisons, tout obscures et insaisissables soient-elles, existaient bel et bien, et qu'il ne pouvait pas faire semblant de les ignorer. C'était ce genre d'impression sur laquelle on ne pouvait mettre de mots, le pressentiment d'un problème, voire même d'une menace qui planait au dessus de leurs caboches. Il y avait en tout cas quelque chose avec la petite Yato qui dérangeait le samouraï, mais il n'arrivait pas à mettre le doigt dessus.
Et pourtant, la solution lui paraissait à portée de main, là, tout près… Il suffisait peut-être de se concentrer un peu plus sur l'obscurité, de tendre le bras, et alors là, peut-être…
« Oi ! Danna !
- Gné ? marmonna Gintoki, tiré de force hors de ses pensées.
- Qu'est ce que vous foutez à tendre le bras comme ça ? Vous commencez à ressembler à un zombie, c'est moi qui vous l'dis ! murmura Sougo.
- Hu ? Ha oui… »
Gintoki remit bien vite son bras à sa place, sous le regard amusé de Sougo. Ils se trouvaient de part et d'autre d'une porte dont les doubles battants étaient fermés par barre passée à travers les poignées. Sougo était accroupi en face dans l'obscurité aux côtés de Kondo, tandis que Shinpachi se tenait avec lui, contre le mur, recroquevillé sur son sabre. Ils étaient enfin arrivés au terme de leur expédition nettoyage et la porte qu'ils s'apprêtaient à défoncer s'ouvrait sur la dernière salle du dernier étage. La nuit ne les avait pas attendus pour tomber et de ce fait, le couloir était plongé dans la pénombre. La petite lampe de poche que tenait Kondo émettait un faisceau de lumière pâlichonne qui était tout sauf rassurante. Au contraire, elle leur donnait à tous un teint blafard de déterré, et faisait briller les lames et les pupilles d'une lueur diffuse qui pourrait les faire passer pour des adorateurs de Belzébuth.
« Bon, vous êtes tous prêts ? chuchota Kondo. C'est la dernière ligne droite, mais c'est pas une raison pour relâcher vos défenses… Soyez plus vigilants que jamais. On suit la procédure habituelle, comme depuis le début. On les laisse venir et on les dégomme. Ne vous engouffrez pas dans la pièce, ne vous laissez pas encercler et dans dix minutes on pourra dire home sweet home… Prêt ? »
Tous acquiescèrent d'un signe. Gintoki et Sougo se levèrent en silence, saisirent chacun une poignée de porte, et au signal, ouvrirent simultanément les deux battants. Tout quatre se mirent en position.
Gintoki fit passer son cerveau en mode pilotage automatique. Combattre ce genre d'adversaire ne demandait pas de déployer une technique considérable. C'était certes assez inutile de s'amuser à feinter un zombie et du coup, cela s'apparentait plus à du travail à la chaîne qu'autre chose. Le problème du travail à la chaîne était d'exécuter une série de tâches, enfin ici on exécutait plutôt des mort-vivants, sans réfléchir. Ça laissait alors tout le loisir à l'esprit pour vagabonder vers des terres inexplorées de la pensée humaine, réfléchir au sens de la vie ou d'autres conneries du genre. Gintoki voulait éviter de tomber dans cette banalisation du massacre à la chaîne, et le fait de passer sur off lui permettait d'oublier que les créatures qu'il dégommait sans vergogne n'étaient que d'innocentes victimes à la base, et ainsi de ne pas trop culpabiliser. Il savait d'expérience qu'il ne faisait pas bon cogiter sur les champs de bataille. Et Edo était devenu un gigantesque champ de bataille, où la règle était, comme sur tous les champs de bataille, tuer ou être tuer, peut importe celui qui se dresse devant toi. Ce n'était pas de la haute philosophie mais ça avait le mérite d'être clair.
Problème, c'était à cause de cette philosophie qu'était né Shiroyasha. Celui là, Gintoki le surveillait de près.
Pour ainsi dire, il se surveillait de près.
Et quand la mise à mort fut terminée et qu'ils se retrouvèrent tout les quatre au milieu d'un cercle de cadavres, Gintoki fut frappé par la vision qu'il avait sous les yeux. Celle de Shinpachi, sabre à la main, ses vêtements rougis par le sang et l'air passablement désorienté de quelqu'un qui émergeait d'un long songe. Gintoki eut l'impression de se voir, quelques dix ans auparavant. Il ne devait pas être beaucoup plus âgé que Shinpachi lorsqu'il mena sa première charge.
Et c'est en contemplant ainsi cette vision qu'il comprit également pour Kagura.
Il faisait noir quand Gintoki s'éveilla, ses paupières encore à moitié collées s'ouvrant péniblement sur l'obscurité de leur refuge. Il cligna des yeux plusieurs fois en baillant silencieusement. Après avoir laissé ses sens émerger petit à petit de leur torpeur, il se rendit vite compte qu'il n'était pas la seule âme à jouer les noctambules. Non loin, la place où s'était couchée Kagura était vide. Gintoki se redressa péniblement et s'étira, pestant contre ses vertèbres qui craquèrent l'une après l'autre. À l'autre bout de la salle, coin Shinsengumi, il reconnut la silhouette de Kondo qui se découpait à la lumière de la Lune. Le gorille était assis à la fenêtre, mais Gintoki n'aurait su dire s'il était éveillé, ou s'il dormait simplement la tête appuyée contre la vitre.
Il reporta son attention sur la place vide et encore tiède de la petite Yato, se demandant où celle-ci pouvait bien encore traîner ses guêtres.
Ses yeux s'habituant de mieux en mieux à l'obscurité, il finit par distinguer par terre un bout de couverture dépassant de derrière le comptoir. Avec un sourire, il se leva et traversa la cafétéria.
« Pas sommeil ? » murmura-t-il en passant sa tête par-dessus le comptoir. Kagura était accroupie derrière, emmitouflée dans sa couverture, en train de suçoter un morceau de sukonbu rescapé de la razzia perpétrée par un certain estomac sur pattes. Et roux.
« Non, lui répondit simplement Kagura après lui avoir jeté un regard brillant.
- Tu m'étonnes, après tout ce que t'as roupillé, dit Gintoki en s'asseyant à ses côtés.
- Et toi Gin-chan ? T'as fait un cauchemar ?
- Non, je me suis réveillé tout seul.
- Si, t'as fait un cauchemar. J'ai vu.
- 'Me souviens pas alors… » C'était exact. Il ne se souvenait pas.
« Tu fais souvent des cauchemars, Gin-chan ? reprit Kagura.
- Ça m'arrive, comme à tout le monde. Une fois, j'ai rêvé qu'une étoile de mer géante m'avait empaillé et se servait de moi comme porte-serviette.
- T'as de la chance…
- Quoi ?! Tu plaisantes ! Ce taxidermiste mériterait un supplice pire que la mort !
- Ils sont marrants tes cauchemars. Les miens, ils me font peur.
- C'est pour ça que tu es levée ? Tu as fait un cauchemar ?
- Non, c'est pour ne pas faire de cauchemar, justement.
- Ça se tient, en effet. » marmonna Gintoki.
Il y eut un petit silence, durant lequel quelqu'un se retourna dans ses couvertures en toussant. Un certain sadique marmonna d'un son à peine intelligible « Crève, Hijikata », suivit d'un ronflement.
« Gin-chan, reprit Kagura, j'ai rêvé que j'étais un monstre…
- Un monstre comment ?
- Un monstre terrifiant.
- Et tu as peur de devenir ce genre de monstre ?
- Mmm, acquiesça Kagura.
- Tu sais ce que je vois, moi, quand je te regarde ? Un horrible petit monstre avec du sukonbu plein la bouche.
- Toi aussi tu étais un monstre, Gin-chan.
- Alors on n'a qu'à dire qu'on est deux affreux monstres, qui veillent l'un sur l'autre pour s'empêcher de faire des conneries.
- Gin-chan, tu fais déjà n'importe quoi alors que je te surveille vingt-quatre heures sur vingt-quatre… Ces adultes, on peut pas les laisser seuls cinq minutes…
- Alors heureusement que tu es là alors, t'imagines sinon…
- Si j'étais pas là, ce serait mille fois pire.
- J'ai une idée. Quand l'un dort, l'autre le surveille, pour pas qu'il se transforme en monstre.
- Me prend pas pour une imbécile, Gin-chan, je sais très bien que tu vas te mettre à pioncer dès que j'aurais fermé l'œil.
- Pff, on te la fait pas à toi…
- Gin-chan ?
- Oui…
- J'ai sommeil…
- Alors dors.
- Tu me surveilles, hein ?
- Promis. »
Kagura s'endormit presque instantanément. Si Gintoki avait promis à la petite Yato, comme à lui-même, de veiller à ce qu'elle ne s'abandonne pas à la cruauté de son propre sang, il se dit que personne ne fera d'aussi bon garde-fou qu'elle-même.
Il était vraiment très tôt. Il était si tôt que malgré la faible lumière de l'aube, Kondo avait du mal à distinguer son reflet dans le miroir des toilettes. Il savait de toute façon que ce qu'il y verrait ne paierait pas une mine, étant donné qu'il n'avait que très peu dormi de la nuit. En fait, il ressemblait sûrement à une espèce de Robert Smith qui serait resté un peu trop longtemps sous une bonne drache. Une vision si effrayante qu'elle lui hérissa ses nombreux poils.
Malgré tous ses efforts, Kondo n'était pas parvenu à trouver le sommeil. Il s'était tourné et retourné dans tous les sens, mais il n'y avait rien eu à faire. Il avait loupé le bus de Morphée et était resté sur la touche, ne pouvant qu'envier tous les autres qui semblaient le narguer en dormant aussi profondément.
Il avait donc passé une partie de la nuit à maudire ce connard de Morphée et ce faux jeton de marchand de sable, puis, immanquablement, il s'était mis à cogiter. On n'en retirait jamais rien de bon, mais quand on n'avait que ça à faire, c'était plus fort que soi.
Et finalement, c'était sans cesse les mots de Toshi qui lui revenaient en tête comme un mauvais refrain.
« Ils ont fière allure les défenseurs d'Edo. »
Ces mots plein de défaitisme et pourtant si justes lui avaient fait mal. Il savait que ce n'était pas dans l'intention de Toshi de le heurter, il le savait parfaitement. Mais c'était un tel aveu d'échec, surtout venant de la part de son Vice-Commandant, toujours si lucide, qu'il avait éteint toute forme de combativité en lui.
Il passa une main sur son visage fatigué et s'aspergea d'eau froide. Il remarqua au passage que le débit du robinet avait nettement diminué. Le ravitaillement en eau allait bientôt devenir un de leur souci majeur.
Kondo se redressa en soupirant. La fraîcheur de l'eau lui avait fait du bien, et rendu l'esprit plus clair. Il y avait encore quelque chose qu'il pouvait faire pour renverser la tendance. Il n'avait pas encore entièrement baissé les bras.
Il regagna la cafétéria sur la pointe des pieds. En voyant que tout le monde était encore profondément endormi, il redoubla de vigilance. Il ne voulait réveiller personne, et encore moins sa précieuse Otae, dont il contempla le visage quelques secondes avant de se diriger vers le comptoir. Là, il trouva une boîte d'allumettes et un bidon d'alcool à brûler parmi les autres produits ménagers.
Puis il quitta doucement la pièce, aussi silencieusement qu'il était venu. C'était le genre de choses auxquelles excellait un stalker comme lui.
Il monta tous les étages jusqu'à arriver derrière la porte qui menait sur le toit. Ils n'avaient pas été jusque là pendant leur investigation de la veille, et le sentiment qu'il puisse encore y avoir des zombies derrière cette porte lui disait d'agir avec prudence. Il dégaina donc son sabre, et ouvrit brusquement.
Rien ne vint.
Il s'aventura prudemment hors de la cage d'escalier et s'avança sur le toit en regardant autour de lui, mais il n'y régnait qu'un profond silence perturbé par le hurlement du vent qui tourbillonnait sur les hauteurs d'Edo.
Le soleil n'était pas encore levé, mais déjà, une lumière rosée se déversait au-delà du fil de l'horizon. On commençait à y voir un peu plus clair. Kondo fut également frappé par le silence qui régnait sur la ville, ainsi que par la pureté de l'air. L'atmosphère d'Edo était d'habitude saturée de gaz d'échappement et pollution en tout genre, mais là, c'était comme si Kondo respirait pour la première fois. À vrai dire, pas vraiment pour la première fois. Car cet air lui rappelait celui de sa campagne natale.
Mais la ville était morte. Si c'était ça le prix à payer pour un peu d'air pur et une bouffée d'oxygène, alors Kondo préférait inhaler toutes les substances toxiques du monde jusqu'à en chopper le cancer. Et puis comme ça, il sera avec Toshi quand celui-ci fera son cancer des poumons.
Du coup, Kondo hésita un peu avant de mettre son projet à exécution, de peur de troubler la quiétude de l'aurore, et l'apparente sérénité qui planait sur la ville.
Mais non. Cette sérénité était aussi factice qu'une couche de vernis.
Avec détermination, il redescendit les escaliers et se retrouva au dernier étage, devant les corps des zombies qu'ils avaient taillés la veille. Il noua son écharpe sur le bas de son visage et un à un, il déplaça les corps jusque sur le toit où il les empila. Il fit de même avec les deux étages suivants, jusqu'à ce qu'il soit à bout de souffle.
Le soleil était à présent levé, et le vent soufflait toujours. Des conditions idéales.
Kondo vida sa bouteille d'alcool sur le monticule et après s'être mis dos au vent, il craqua une allumette.
Le feu partit instantanément.
L'objectif de Kondo était double.
Il voulait tout d'abord éliminer proprement les cadavres qui parsemaient l'immeuble. C'était une pure question de bon sens.
Son second objectif, un peu inavoué, était de signaler leur position, non pas pour qu'on leur vienne en aide, mais pour offrir, comme c'était son intention, un refuge sûr pour les derniers survivants. Ce brasier était comme une manière de dire que le quartier général était toujours debout, qu'il y avait toujours quelqu'un pour protéger les derniers habitants de la ville, et même si Toshi avait baissé les bras, lui, continuerait de se battre. C'était le rôle du Commandant de garder le cap lorsque ses troupes étaient égarées, c'était son rôle de motiver ses soldats à remplir leur devoir. Car protéger Edo, c'était ce à quoi Kondo aspirait toujours. Même s'il n'y avait plus grand-chose à protéger, s'il restait ne serait-ce qu'une personne, alors il lui offrirait un abri et une protection, dût-il en mourir.
Oui, il protégerait les survivants de toutes ses forces. Comme une manière de se faire pardonner de n'avoir pu empêcher toute cette merde.
Le brasier était imposant et la fumée montait haut. Il espérait sincèrement que quelqu'un le remarque et y voie un signe d'espoir. Et pour qu'il lui dise qu'il n'avait pas complètement foiré.
Il resta là un moment à contempler le bûcher, laissant les flammes lui réchauffer le corps, et un peu le cœur aussi. Et quand la chaleur fut insupportable, il s'éloigna pour arpenter mollement la toiture. Il y avait un îlot central qui abritait le système de ventilation du bâtiment. C'était aussi par-là que l'on accédait au toit. L'îlot bloquait la vue de l'autre côté d'Edo. Dans cette direction, on était censé apercevoir le palais du Shogun, mais de là où était Kondo, il ne le voyait pas.
Et curieusement, il avait envie de contempler cette vue. Il savait que le Shogun était parti à bord d'un vaisseau pour l'espace. Certes, le Shogun sans son peuple n'est plus vraiment le Shogun, mais c'était toujours ça de pris. Au moins un truc qui n'avait pas foiré.
Kondo contourna donc lentement l'îlot central, observant le palais se dévoiler lentement au fur et à mesure qu'il avançait. Mais son regard fut soudain attiré par autre chose que le château du Shogun.
Au sol gisait une forme noire. Un corps inanimé.
Kondo se précipita immédiatement.
A mesure qu'il approchait, il put reconnaître le corps.
« Merde ! » jura-t-il d'une voix éteinte, ses cordes vocales refusant de lui obéir. Il se mit à courir du plus vite qu'il put.
Il finit par tomber à genoux aux côtés du corps sans vie, mais il ne put rien faire d'autre que le fixer d'un air abasourdi, bouche bée et les bras ballants inutilement le long du corps.
L'homme à ses genoux était mort, sans conteste, à en juger par la mare de sang séché dans laquelle il baignait, et par le sabre qui transperçait son ventre de part en part. Ses mains sèches et pâles étaient d'ailleurs encore crispées sur le manche.
Le vieux Matsudaira s'était fait seppuku.
Il était tombé sur le flanc, mais au vu de sa position, on devinait qu'il s'était agenouillé de façon à faire face au palais du Shogun. Il avait donc commis son acte en contemplant une dernière fois son seul et unique maître.
Kondo ne savait pas vraiment comment réagir. Il n'était pas particulièrement proche du vieux, mais il avait toujours eu un profond respect pour lui. En un mot, il lui devait tout. Ils lui devaient tout.
Et sa mort était juste une triste nouvelle qui venait s'ajouter au paquet de tragédies qui leur étaient arrivées, parce qu'apparemment, ils n'étaient pas assez profondément enfoncés dans le pathétisme. Non, fallait creuser encore…
Mais surtout, ce fut comme une deuxième défaite. Alors qu'il tentait tant bien que mal de se relever de sa première débâcle, de rassembler péniblement les morceaux, voilà qu'il avait sous les yeux le corps d'un homme qui avait décidé d'arrêter de se battre, sûrement parce qu'il estimait que ça n'en valait plus la peine. Et cet homme était pourtant l'un des plus inébranlables qu'il connaissait. Un roc.
Était-il le seul à vouloir encore se dresser contre la fatalité ? Alors que tous ceux autour de lui avaient déjà courbé l'échine, s'étaient déjà inclinés... Peut-être fallait-il qu'il descende de son petit nuage de doux rêveur et qu'il accepte une bonne fois pour toute l'idée que le Shinsengumi avait échoué à sa dernière mission et qu'il n'y avait aucun moyen de recoller les morceaux. Et cette idée le rendait malade.
Doucement, il ôta le sabre du vieux, et recouvrit le corps avec son long manteau si caractéristique, en se disant qu'il faudrait l'annoncer à Toshi et Sougo, et faire une petite cérémonie aussi. C'était la moindre des choses.
Il se releva lentement, le sabre ensanglanté toujours à la main, et se retrouva à faire face au palais du Shogun.
Kondo considéra le sabre qu'il tenait encore à la main. Il tremblait légèrement, alors il raffermit sa poigne sur le manche.
Et là, il ne sut plus quoi faire.
« Oi, Gorilla, ton cerveau est en train de te ressortir par les oreilles… » retentit derrière lui une voix traînante.
Kondo fit volte-face et se retrouva face au Yorozuya. Perdu dans ses réflexions, il ne l'avait pas entendu arriver. Le Yorozuya s'étira et se plaça à ses côtés en débouchant lentement la bouteille de lait-fraise qu'il tenait à la main. Il jeta un regard inexpressif au cadavre du vieux, puis au sabre que tenait Kondo.
« Tu sais, j'aimerai bien t'aider, mais comme kaishakunin, je vaux vraiment rien… reprit Gintoki.
- Hein ? Quoi ? C'est pas à ça que je pensais ! Pour qui tu me prends ? se révolta Kondo en comprenant immédiatement l'allusion.
- C'est bon ça va, je plaisantais…
- Faut pas rigoler avec ça… » grogna Kondo en jetant un regard vers le corps du vieux.
Gintoki ne répondit rien et se contenta de siroter lentement son lait fraise comme s'il recevait l'eau d'une fontaine de jouvence.
« Un peu trop tiède… bougonna-t-il en fronçant légèrement le nez.
- Heuu, tu pourrais éviter de boire ton lait à côté du vieux…
- On s'en branle, il est mort... Qu'essa peut bien lui foutre ?
- Moi ça me dérange… répondit Kondo d'une voix ferme.
- On n'a qu'à bouger alors… » déclara Gintoki d'une voix traînante.
Kondo observa le Yorozuya s'éloigner lentement, et après un dernier regard pour le palais du Shogun, il lui emboîta le pas en soupirant.
« C'est une bonne idée, le feu… remarqua Gintoki en s'arrêtant à quelques mètres du brasier.
- Ah… tu trouves ?
- Oui, on dirait une sorte de phare… Pour guider les gens vers un endroit sûr…
- Ce… c'était mon intention… marmonna Kondo avec un soupir.
- Cool.
- Elle ne sera utile que s'il y a encore des gens pour le voir, ce phare…
- Ne sous-estime pas la population d'Edo… On y trouve un tas de gens increvables. T'en fais pas pour eux, ils peuvent se débrouiller sans les flics pour les materner… Par contre…
- Quoi ?
- Il y a deux merdeux juste sous ton nez qui ont encore besoin de toi. »
Toshi. Sougo.
« Si ça t'intéresse, on fait une sortie, avec Shinpachi et Otae. Si tu veux te rendre utile, tu es le bienvenu, ajouta Gintoki en se dirigeant vers la porte menant à l'étage inférieur.
- Otae-san ? J'en suis !
- J'en étais sûr… » répondit Gintoki avec un sourire. Et il disparut dans la cage d'escalier, laissant Kondo seul sur le toit, sans autre compagnie que les crépitements furieux du brasier.
Il se sentait infiniment mieux.
Lâches.
C'était ce qu'on pouvait lire, peinturluré en gigantesque sur le mur d'enceinte du domaine Yagyuu. Ces caractères devaient renfermer à peu près autant de colère et de désespoir que la personne qui avait peint ce mot à la chaux.
Otae était figée dans sa contemplation, sans vraiment comprendre. Shinpachi la tira de ses réflexions en la prenant gentiment par le coude. Gintoki et Kondo s'échangèrent un regard entendu, et armes à la main, ils passèrent le portail et pénétrèrent dans la demeure Yagyuu. Les zombies erraient éparpillés un peu partout, hors et à l'intérieur du domaine. Les éliminer devant l'entrée n'avait pas été très compliqué, même s'ils avaient dû exécuter leur besogne dans le plus grand silence. À force, ils commençaient à avoir l'habitude.
Le domaine Yagyuu était vaste et Gintoki et Kondo avaient la chance de bien le connaître. Surtout leurs toilettes. Qu'il y ait des zombies dans la cour principale ne signifiait pas forcément que toute la propriété était envahie. Cependant, de nez, Gintoki commençait à se dire que cette histoire sentait le poney.
Tandis qu'ils éliminaient les zombies au fur et à mesure qu'ils se précipitaient sur eux, Gintoki s'efforçait d'identifier leur visage. Il ne reconnu aucun des serviteurs Yagyuu parmi leurs victimes.
« Otae, dit-il en se tournant vers la jeune fille. Tu ne reconnais aucun de ces visages ?
- N-non. Je ne les connais pas.
- Tch… » fit-il en regardant autour de lui. Constant qu'il ne restait plus de zombies aux alentours, Gintoki rengaina son bokken.
Non loin, Kondo arpentait la cour, tête baissée au sol. Il s'accroupit et se mit à examiner la terre battue avec intérêt.
« Oi Gorilla, lui hurla Gintoki, si tu cherches un bon coin pour poser ta pêche, je te signale que les chiottes sont prévues à cet effet. Pas besoin que je te montre le chemin ! »
Otae le fit taire d'un coup derrière la tête.
« Pas la peine de beugler comme ça, Gin-san. » ajouta Shinpachi.
Le garçon s'avança vers Kondo, qui se releva à son approche.
« Vous avez trouvé quelque chose d'intéressant ?
- Oui, la terre à cet endroit est bizarre. On dirait qu'elle a été brulée.
- Ça y est, Super Flic va tous nous sauver… marmonna Gintoki avec mauvaise humeur en massant son crâne douloureux. Et c'est tout ce que t'as trouvé ?
- Oui, mais ça confirme mes doutes.
- Oh, on dirait pas, mais ça frétille là-dedans ! fit Gintoki en tapotant du doigt la caboche du Commandant. Tu t'es fait greffer un cerveau ou quoi ?
- Non…
- C'était trop beau…
- Mais j'ai une idée de ce qu'il s'est passé. » Constatant qu'Otae le regardait avec un espoir mêlé de crainte, Kondo se redressa, et prit un ton très grave. « On en avait parlé lors de la réunion des États-majors, avec Matsudaira. Toutes les familles influentes et proches du Shogunat étaient censées être évacuées vers l'espace, au même titre que le Seigneur Shigeshige. C'est pour ça que je pense que ces traces de brûlures sont celles d'un vaisseau spatial.
- Alors Kyuu-chan et sa famille ont quitté la Terre, sont en sécurité ?
- En sécurité, je ne sais pas. Mais je pense également qu'ils sont partis avec les Amantos.
- Si c'est le cas, alors Kyuubei est hors de notre portée, soupira Gintoki en se grattant la joue.
- Oui, ajouta Otae d'une petite voix. Et ça expliquerai ces mots peints sur le mur. »
Gintoki acquiesça en silence tout en scannant du regard les environs.
Un groupe de zombies se trimballait au loin. Apparemment, ils n'avaient pas l'air de les avoir remarqués.
Gintoki les observait intensément. L'air intrigué, il plissa les yeux.
Soudain, il se raidit et partit au quart de tour, bokuto en main, avec manifestement l'intention de botter quelques culs.
« Mais quelle mouche l'a piqué ! s'écria Shinpachi en s'élançant à sa poursuite, les deux autres sur ses talons. On avait pourtant bien dit de ne pas agir en solo !
- J'en sais rien ! répondit Otae. Il avait l'air normal, et d'un coup, il est parti ! C'est comme s'il avait vu quelque chose, ou je ne sais quoi !
- Gin-san ! l'interpella Shinpachi en arrivant à ses côtés. Qu'est ce qu'il se passe ?! »
Gintoki avait éliminé tous les zombies et était accroupi auprès de l'un d'entre eux. À l'approche des trois autres, il se releva.
« Tu m'expliques ? exigea Shinpachi, passablement furieux.
- Regarde par toi-même… » répondit Gintoki en montrant le cadavre d'un geste du menton.
Shinpachi s'exécuta, et ne put retenir un cri de surprise à la vue du cadavre.
« C'est…
- Oui, c'est une Hyakka. »
L'accoutrement ne faisait aucun doute là-dessus.
« Que… que fait une Hyakka hors de Yoshiwara ? balbutia Shinpachi.
- J'en sais rien, répondit Gintoki la mine sombre. Mais plus vite on y sera, plus vite on le saura. »
Le retour vers le quartier général fut silencieux. Otae semblait soulagée d'au moins savoir ce qu'était devenue Kyuubei, même s'il restait beaucoup de zones d'ombre à son sujet. En fait, la réponse qu'elle avait finalement obtenue avait soulevé encore plus de questions, qui cette fois-ci, étaient quasiment insolubles. Elle n'avait plus qu'à espérer que Kyuubei s'en sortait, là où elle était.
Au détour d'un coin de rue, Gintoki arrêta le van le long du trottoir devant une boutique de prêt-à-porter. Après avoir vérifié les alentours, il ouvrit la portière et mit un pied dehors.
« J'en ai pour cinq minutes, j'arrive, s'adressa-t-il aux trois autres.
- Où vas-tu Gin-san ? » demanda Shinpachi. Mais Gintoki claqua la portière sans répondre. Il fut de retour cinq minutes plus tard comme promis, déposant une paire de gants en cuir épais sur le tableau de bord.
« C'est pour Kagura-chan ? fit Shinpachi en les examinant de plus près.
- Ouais. Comme ça elle pourra s'en donner à cœur joie !
- Elle va adorer !
- Je veux… la vendeuse a pas arrêté de me coller le train, une vraie casse-couille, franchement… »
Au moment où il finissait sa phrase, un zombie à frange déboula hors du magasin, et s'écrasa sur le pare-brise en les lorgnant d'un œil totalement dépourvu d'intelligence.
« T'as vu, qu'est-ce que je te disais… soupira Gintoki d'un geste de la main désabusé.
- Ça ne change pas vraiment d'avant, quand tu partais sans payer, remarqua Shinpachi d'un ton monocorde.
- Je ne paye jamais quand le service clientèle laisse à désirer… » fit Gintoki en démarrant.
D'un coup de volant, il dégagea le zombie qui bouchait son pare-brise, et tous se remirent en route vers leur refuge.
Hijikata s'ennuyait. Il s'ennuyait à mort. Dans la vie d'un homme, il y a toujours un moment où celui-ci trouve le temps de s'ennuyer. Mais pas Hijikata. Hijikata n'avait pas le droit d'avoir le temps de s'ennuyer. Mais ça, c'était avant. Et là, c'était comme s'il rattrapait d'un seul coup toutes ces heures qu'il avait gagné à ne pas s'ennuyer.
Et c'est lorsqu'il se rendit compte qu'il fallait en tenir une sacrée couche pour avoir ce genre de raisonnement foireux qu'il en conclu que l'ennui était en train de le rendre dingue.
Il y avait l'ennui, mais aussi la sensation d'être profondément inutile. Tout le monde était parti vadrouiller et il ne restait plus que la vieille qui fumait presque autant que lui. Ils n'avaient échangé aucune parole, tout simplement parce qu'ils n'avaient rien à se dire.
Forcé à l'immobilité à cause de sa jambe, qui était d'ailleurs en bonne voie de guérison, grâce au ciel, Hijikata n'avait d'autre loisir que de se plonger dans ses pensées. Il se forçait à se concentrer sur les réflexions les plus terre à terre possible, pour éviter à son esprit de dériver vers des images douloureuses qui lui tordaient les boyaux comme un mauvais alcool.
La première nuit avait été un véritable enfer. Le regard de Yamazaki, qu'il avait réussi à oublier le temps et la fatigue aidant, était revenu le hanter dès que le sommeil avait abattu sans scrupules les barrières de sa conscience. Parce que sa raison avait beau lui hurler dans les oreilles qu'il n'y avait aucune autre alternative que celle qu'il fut forcé d'exécuter, au fin fond de son esprit, il y avait toujours cette saloperie d'inconscient qui ne cessait de rabâcher cette question.
Et si ?
Et le sommeil et les rêves sont le domaine de l'inconscient. Chez Hijikata, il s'en donnait à cœur joie.
Chaque nuit, cette question inondait chaque cellule de son cerveau sans défense, et il se réveillait tous les matins avec le sentiment d'avoir fait quelque chose de monstrueux. Jusqu'à ce que la raison reprenne le dessus. C'était un cercle sans fin.
Et comme il était dans l'incapacité de s'activer pour se changer les idées, il passait des heures et des heures à ressasser, remplissant son cendrier à une vitesse hallucinante.
Il s'était également mis à réfléchir sérieusement à leur situation.
Ces mots qu'il avait prononcés et qui semblaient avoir blessé Kondo, il ne les regrettait pas. Il était parfaitement conscient que c'était les paroles d'un homme frustré et défaitiste. Il ne se reconnaissait pas dans ces paroles, et pourtant, si c'était à redire, il n'hésiterait pas. Parce qu'il ne sert à rien de s'acharner quand il n'y a plus rien à faire. Le Shinsengumi, Edo, l'ordre qu'ils avaient connu et protégé, les idéaux auxquels ils s'étaient tenus, tous cela avait été balayé sans qu'on puisse rattraper quoique ce soit.
Cependant, Hijikata refusait de se complaire du nouveau monde qu'on lui imposait. En cela, le comportement de ses compagnons l'insupportait presque.
Le fait est qu'il se sentait en complet décalage avec le reste du groupe. Les autres vivaient au jour le jour, parce qu'ils étaient au cœur de l'action. Ils s'étaient organisés si vite qu'il avait été mis direct sur la touche. Pas vraiment une place à laquelle il était habitué.
Il lui semblait qu'ils avaient tous plus ou moins accepté leur destin, avec une certaine abnégation, mais tout de même…
Hijikata cherchait encore un moyen d'échapper à ce merdier, alors que les autres semblaient l'avoir accepté, et même commencé à s'y installer avec résignation en espérant que la mauvaise fortune leur foute la paix.
Lui regardait ça du banc de touche, et avait tout le loisir de voir plus loin que la perspective de rester coincé ici pour toujours.
Et à force de passer toutes ses journées à la fenêtre à contempler la ville d'Edo d'un regard absent, une idée avait finalement germé dans son esprit, une espèce de fol espoir qu'il avait tourné et retourné dans sa tête jusqu'à en tirer un projet qui ait du sens à ses yeux. Il n'y avait plus qu'à en parler à Kondo et à Sougo.
Il en était là lorsque Kondo revint de sa petite expédition au domaine Yagyuu avec les trois autres. Hijikata se leva sans attendre et d'un signe de tête à son Commandant, il se fit immédiatement comprendre. Ils sortirent tous les deux dans le couloir, et lorsqu'ils se furent un peu éloignés, ils s'arrêtèrent. Kondo le dévisageait d'un air interrogateur tandis qu'il s'allumait une énième clope.
« Toi, tu as quelque chose à me dire, déclara Kondo.
- Ouais. J'ai un moyen pour éclairer tout ce bordel, et peut-être même pour nous sortir de là, annonça Hijikata sans détour.
- C'est vrai ? J'en attendais pas moi de toi, Toshi ! Vas-y dis moi tout !
- Le terminal. Il faut qu'on aille au terminal. Il y a là-bas la seule radio d'Edo capable de joindre l'espace. Si on trouve le moyen d'y accéder, de la remettre en marche, on pourra communiquer avec ceux qui ont pu partir avec les Amantos, obtenir des informations sur la situation et savoir s'ils comptent nous tirer de là. Et si besoin, demander un vaisseau, pour qu'on vienne nous chercher et nous sortir de ce trou… Dans le meilleur des cas.
- Tu veux demander de l'aide ? Mais Toshi, s'ils avaient l'intention de nous aider, tu ne crois pas qu'ils auraient déjà envoyé une mission de sauvetage ?
- J'en sais rien, on ne sait rien de ce qu'il se passe là haut ! C'est pour ça qu'il faut qu'on sache ! Qu'on soit fixé sur leurs intentions ! J'ai besoin de savoir s'il y a encore un moyen d'échapper à ce bordel, ou s'il faut que je me résigne à rester coincé ici pour toujours ! Ou ça va me rendre cinglé ! Vous comprenez ça ?!
- Ça va ! Ça va ! Calme-toi d'accord ? Alors tu comptes vraiment partir d'ici, quitter la Terre ?
- Vous avez une autre alternative, peut-être ? Il n'y a plus rien pour nous ici…
- Il y a peut-être encore des gens qui ont besoin de nous…
- Vous êtes encore là-dessus ! Vous n'avez pas l'air d'avoir compris que nous sommes exactement dans la même situation que ces victimes dont vous parlez ! L'ordre des choses a changé ! Descendez de votre petit nuage ! Les victimes, c'est nous ! Et ce n'est pas en tuant deux trois zombies au coin de la rue qu'on y changera quelque chose !
- Toshi, si tu continue à t'énerver comme ça, tu vas avaler ta cigarette…
- Tch… désolé, mais j'en ai ma claque… et je trouve qu'on marche sur la tête…
- Je comprends ce que tu veux dire Toshi…
- Tant mieux. Parce qu'on dirait pas…
- Demander de l'aide en haut, ça se tente. Il faudrait réussir à embarquer le plus de monde possible…
- Et comment vous voulez faire ça ? Il doit y avoir à tout casser une cinquantaine de péquenauds qui ont dû survivre à ce merdier, et ils sont sûrement disséminés aux quatre coins de la ville…
- D'autant plus que ces péquenauds comme vous dites, ne sont sûrement pas les premiers glandus venus, intervint Sougo en surgissant de nulle part.
- Qu'est-ce tu veux dire ?
- Je veux dire que les survivants ne sont sûrement pas n'importe qui. Ce sont probablement des gens comme nous, suffisamment forts pour être capables de se défendre dans ce monde. Comme je vous l'ai déjà dit Kondo-san, il n'y a plus qu'une seule loi en vigueur, la loi du plus fort, et seuls les plus forts survivent. Les derniers survivants n'ont certainement pas besoin de trois flics paumés pour protéger leurs miches.
- Bon, affaire réglée, déclara Toshi. Préparez-vous à migrer vers le terminal dès que possible. Le plus tôt sera le mieux. Demain à l'aube serait l'idéal, le temps de faire les préparatifs.
- Désolé Toshi, il va falloir attendre un peu par contre…
- Ah ? Et pourquoi ça ?
- Le Yorozuya m'a demandé un service. Il nous confie Otae-san et les mioches le temps qu'il aille à Yoshiwara… »
Cette fois-ci, Hijikata faillit réellement en avaler sa cigarette.
« Non mais il se fout de nous celui-là ! » vociféra-t-il en se dirigeant à grand pas vers la cafétéria.
Il aurait dû s'en douter. Il aurait dû être plus vigilant, car sans qu'il ait pu s'en rendre compte, cet enfoiré de permanenté avait déjà commencé à imposer son ordre. Peut-être pas consciemment, non, il était trop stupide pour lui mettre volontairement des bâtons dans les roues, mais d'une manière irrésistible, et pour preuve, il avait déjà réussi à mettre Kondo-san dans sa poche.
Le Yorozuya était dans la cafétéria, en train de trafiquer quelque chose avec la gamine rousse. Hijikata l'interpella d'une voix forte.
« Yorozuya ! »
L'intéressé se releva lentement et lui fit face, avec une expression aussi impassible qu'à l'accoutumé.
« Qu'est-ce que tu me veux, mayora…
- Que tu trouves quelqu'un d'autre pour garder tes mioches ! On n'est pas tes baby-sitters !
- Oi, ça va du calme ! J'vous ai jamais forcé à faire quoique ce soit ! C'est le gorille qui s'est proposé tout seul…
- Mais bien sûr ! Tel que je te connais, tu savais forcément que Kondo-san sauterait sur l'occasion si tu ramenais le sujet sur le tapis !
- De quoi ? Tu crois vraiment que je sois capable d'un truc aussi vicelard ?
- Ça ne m'étonnerait pas de ta part !
- De toute façon, qu'est ce que ça peut bien te foutre ! Le gorille fait ce qu'il veut il me semble !
- Kondo-san va venir avec Sougo et moi ! On part pour le Terminal dès que possible, et on n'attendra certainement pas que môssieur daigne ramener sa fraise pour récupérer sa marmaille !
- Et bien allez-y partez ! Ne m'attendez pas ! Otae-san et les mioches n'ont de toute façon pas besoin de flics à la mords-moi le nœud pour se démerder !
- Je vais pas me faire prier ! Et j'ai certainement pas besoin de ta bénédiction pour me tirer d'ici !
- C'est pourtant pas ce que t'es venu chercher en t'adressant à moi ?!
- RÉPÈTE-ÇA POUR VOIR !
- JE RÉPÈTE RIEN DU TOUT ! C'EST TOI QUI CHERCHE LES EMMERDES !
- ON SE CAAAAAAAAAAAAAAAAAAAAAAAAAAAAAAAAAAAAAAAAALME ! »
Otae mit un terme à la querelle en hurlant comme une sirène de police, et avec deux coups de poings synchronisés et parfaitement placés.
Hijikata se releva lentement en massant sa joue enflée, et épousseta son uniforme dans une vaine tentative de retrouver un semblant de dignité. De son côté, le Yorozuya faisait de même, avec la même boursouflure qui avait fait doubler sa joue de volume.
« Hijikata-san, poursuivit Otae, vous êtes parfaitement libre d'aller où bon vous semble. Ni vous ni Kondo-san n'avez à vous soucier de moi. Je n'ai d'ailleurs rien demandé à qui que ce soit… rajouta la jeune fille en lançant un regard noir à Gintoki.
- Otae-san, si je peux faire quoique ce soit… intervint Kondo qui avait rejoint le groupe entre-temps.
- Comme je l'ai dit, je n'ai besoin de rien. Vous pouvez partir l'esprit tranquille. De toute façon, j'ai déjà pris ma décision… Gin-san, je t'accompagne à Yoshiwara. Tu es venu m'aider à retrouver Kyuu-chan, alors je tiens à te rendre la pareille.
- Nous aussi, ajouta Shinpachi. Nous t'accompagnons tous. Il est hors de question que nous nous séparions, Gin-san. Nous restons ensemble, que tu le veuilles ou non.
- Il me semble que je n'ai pas mon mot à dire dans cette affaire… marmonna Gintoki. Si tout le monde est de cet avis, alors qu'il en soit ainsi… »
Ainsi, le lendemain au petit matin, tous se retrouvèrent dans le hall, bagages en main, prêts à tracer leur route.
« C'est quand même dommage, fit Shinpachi. De quitter ce bâtiment après tout le mal qu'on s'est donné à le rendre habitable…
- Il va encore trouver son utilité, ne t'en fait pas, répondit Kondo. Le feu qui brûle sur le toit n'est pas prêt de s'éteindre. J'ai bon espoir que ce lieu devienne un point de rassemblement de tous les survivants d'Edo. Quand nous aurons obtenu de l'aide –
- Si nous en obtenons, l'interrompit Hijikata.
- … si nous obtenons de l'aide, reprit Kondo, nous embarquerons tout le monde, et nous viendrons vous chercher à Yoshiwara.
- Nous vous y attendrons, déclara Gintoki d'un ton grave. En revanche, si les choses tournent au vinaigre à Yoshiwara, nous vous rejoindrons au Terminal.
- Quoiqu'il en soit, intervint Hijikata, nous ne bougerons pas du Terminal tant que nous ne nous enverra pas de mission de sauvetage. Soyez sûrs de nous trouver là-bas si aucune aide ne parvient jusqu'à vous.
- On fait comme ça, conclut Gintoki. Soyez prudents.
- De même. » marmonna Hijikata.
Sur ces mots, ils sortirent tous dans la lumière pâlichonne de l'aube. Chacun s'installa dans son véhicule respectif, et les moteurs démarrèrent, attirant au passage une poignée de zombies curieux et matinaux.
Yorozuya et Shinsengumi virent ainsi leur chemin séparé, voyageant chacun de leur côté vers l'incertitude du lendemain.
C'était comme une gigantesque fourmilière. Une fourmilière flottant dans l'espace à plusieurs centaines de kilomètres d'altitude. La station orbitale amanto pouvait s'apparenter à une petite ville cosmopolite où se croisaient Amantos venus des quatre coins de la galaxie, et terriens désireux d'aventures interstellaires. Un genre de point de transit entre la Planète Bleue et l'espace infini.
Mais à présent, la station n'était plus qu'un gigantesque asile croulant sous les réfugiés Amantos et Japonais qui avaient dû quitter la Terre en catastrophe.
Kyuubei et sa famille faisaient partie de ceux-ci.
La jeune fille s'était réveillée sous un plafond inconnu, et avec un mal de crâne façon gueule de bois. Immédiatement, les souvenirs étaient venus l'assaillir de toutes parts. Elle s'était souvenue de ce vaisseau spatial qui campait dans sa cour, de ces deux types en noir, et des tenants de leur conversation. Elle s'était souvenue que quelqu'un lui avait cogné la tête.
Quand elle apprit où elle se trouvait et ce qu'il s'était passé, elle avait envoyé balader tout le monde dans une fureur noire, s'était particulièrement défoulée sur Tojo, et avait fui leur quartier dans le but de mettre le plus de distance possible entre elle et sa famille. Seul Jugem avait pu la suivre.
Elle avait parcouru la station dans tous les sens sans savoir ce qu'elle y cherchait, puis elle avait fini par s'arrêter, son attention happée par l'extérieur.
Et maintenant, cela faisait déjà un moment que Kyuubei était plantée là, devant la baie vitrée d'un des innombrables couloirs qui parcouraient la station.
Le regard vide, elle contemplait fixement le tapis terrestre se dérouler à la vitesse d'une tortue infiniment vieille, et pourtant imperturbablement consacrée à son inexorable destinée. Malgré toute la vie qui animait la station, Kyuubei se sentait en décalage complet avec l'atmosphère de l'endroit. C'était comme si son esprit était resté sur Terre, cherchant désespérément son propriétaire à des centaines de kilomètres de là. Seuls les trépignements de Jugem sur son épaule lui permettaient de garder une connexion avec la réalité.
Et là, avec la Terre à ses pieds, Kyuubei ne pouvait s'empêcher de se sentir minuscule. C'était assez paradoxal, en réalité, de prendre conscience de l'immensité du monde alors que l'on pouvait le cacher de sa vue rien qu'en levant la main devant soit. D'un geste du pouce, Kyuubei pouvait faire disparaître de son champ de vision des pays entiers. L'insolence d'un moucheron face à un titan.
Il faisait nuit sur la moitié de planète qu'elle avait sous les yeux. Les pays et les continents étaient tissés d'un étroit maillage de lumière, quand ils n'étaient pas recouverts d'un épais couvercle de nuages sombres.
Mais Kyuubei connaissait sa géo, et ce n'était pas ce qu'elle voulait voir. Alors que sous ses pieds s'étendaient les plaines d'Asie centrale, son regard était obstinément tourné vers l'Est.
Les minutes s'égrainaient lentement, et enfin, le Japon apparut à l'horizon. Lointain d'abord, puis se rapprochant doucement, assemblage étriqué et compliqué d'îles obscures à l'air presque inquiétant. L'archipel Japonais se distinguait par sa quasi invisibilité. Alors que tout les autres pays brillaient d'une lumineuse dentelle dorée, le Japon était éteint, aussi noir que l'océan avec lequel il semblait se confondre. C'était comme s'il avait été rayé de la carte, avec tout ses habitants.
Et Otae était quelque part là-bas dans les ténèbres. Tae-chan et tous les autres étaient restés au sol tandis qu'elle-même se trouvait en sécurité, hors de portée du danger, à regarder éperdument dans leur direction sans pouvoir les voir. Kyuubei se sentit soudain profondément inutile et impuissante. Elle eut envie de dégainer son katana, de démolir tout ce qui se trouvait à sa portée. Elle se sentait comme un océan enfermé dans un coquillage.
Saisie d'un gigantesque sentiment de frustration, elle donna un coup de pied retentissant dans le mur.
Soudain, un vacarme assourdissant lui vrilla les oreilles, comme une sirène de police diffusée par une centaine d'ampli. Bien qu'elle fût seule, elle porta automatiquement la main à son sabre. Deux gigantesques portes visiblement blindées s'abattirent de part et d'autre de sa position, à une cinquantaine de mètres d'intervalle, bloquant toute issue. Ne sachant que faire, Kyuubei jeta autour d'elle un regard désemparé, jusqu'à ce que la sirène qui beuglait de plus en plus fort ne la force à mettre les mains sur ses oreilles. Elle resta ainsi pendant ces quelques minutes qui lui parurent des heures, et soudain, tout s'arrêta. La sirène se tut d'un seul coup, et les portes se relevèrent en parfaite synchronisation.
Dès que la voie fut libre, Kyuubei se mit à courir à travers les couloirs. Elle n'avait aucune idée de ce qu'il venait de se passer et comptait bien savoir pourquoi on avait failli lui exploser les tympans.
Elle croisait au fil de sa course des groupes de personnes à l'air inquiet, qui semblaient visiblement n'avoir pas plus de renseignement sur ce qu'il venait de se passer. Elle finit par débouler en plein milieu d'un gigantesque hall où un petit détachement de soldats Amantos tentait de disperser une foule de gens qui s'agitait dans tous les sens. On aurait dit un poulailler visité en pleine nuit par un renard affamé. L'incident avait manifestement éveillé les tensions et les inquiétudes d'une population déjà traumatisée par les événements de ces derniers jours.
Kyuubei ignora le bordel ambiant et se fraya un chemin vers un groupe de soldats. Elle finit par se retrouver nez à nez avec un Amanto qui faisait deux fois sa taille, et au moins cinq fois son poids.
« Hum… Vous pouvez m'expliquer ce qu'il se passe ici ? » demanda-t-elle d'une voix forte.
L'amanto regarda autour de lui d'un air benêt, sans remarquer la jeune fille qui fulminait sous son nez.
« Hé ho ! reprit Kyuubei en agitant une main devant les yeux du colosse.
- Gnhein ? Qu'est-c'tu veux, moucheron ?
- Je veux savoir… reprit Kyuubei en tentant de garder son calme,… ce qu'il s'est passé. L'alarme, les portes, et tout…
- Désolé minus, secret défense, j'peux rien dire… répondit le soldat en se curant l'oreille.
- De quoi ? On a quand même le droit de savoir non ?
- 'Coute-moi bien, tu commences à m'les briser, alors si t'es pas content, va t'en voir ailleurs si j'y suis…
- Sergent ! Sergent ! l'interrompit un jeune soldat Amanto qui accourait, un émetteur à la main. Sergent ! Je viens faire mon rapport ! La créature a été maitrisée, la situation est sous contrôle !
- T'es vraiment con toi ! pesta l'officier amanto. Ça va pas de faire tes rapports devant les civils ?
- Jesuisvraimentdésolésergent ! s'excusa platement le soldat en suant abondamment.
- C'est ça, hors de ma vue, bleusaille ! s'emporta le sergent en envoyant valser son subordonné d'un coup de pied au cul. ET CORVEE DE LESSIVE PENDANT UN MOIS ! »
Kyuubei contempla le jeune Amanto encastré dans le plafond, en se disant que décidément, certaines choses ne changeraient jamais, que ce soit chez les humains, ou les Amantos, puis elle se reconcentra sur son affaire. Elle avait obtenu une information des plus intéressantes qui avait piqué sa curiosité et n'avait pas renoncé à tirer les vers du nez à cet Amanto. Ce mot « créature » avait éveillé en elle un sentiment de catastrophe imminent, et son instinct de conservation la poussait à aller plus loin dans ses investigations.
« Vous entendiez quoi, par créature ? reprit Kyuubei d'un ton autoritaire.
- Quoi ? T'es encore là, microbe ? s'étonna le sergent, bien décidé à exploiter en entier le bestiaire de l'infiniment petit.
- Vous ne serez pas débarrassé de moi tant que vous ne m'aurez pas expliqué ce qui se trame…
- Tu peux toujours courir…
- Et si je vous proposais une… petite compensation…
- Pas moyen. Je suis incorruptible. »
Kyuubei s'approcha et murmura à l'oreille de l'amanto.
« Ok, tout ce que tu veux microbe, t'en sais déjà trop de toute façon, mais pas ici… » grommela le sergent en jetant autour de lui des regards méfiants.
Ils s'éloignèrent un peu à l'écart de la foule.
« Bon, tu veux quoi ? Dépêche, j'ai pas toute la journée, pressa l'Amanto lorsqu'ils furent à l'abri des oreilles indiscrètes.
- Je veux savoir ce qu'était cette soi-disant « créature », si elle a un lien avec ce qu'il s'est passé sur Terre, demanda Kyuubei, décidant d'aller droit au but.
- Je vois vraiment pas pourquoi tu me demandes ça, parce que t'as l'air d'en savoir déjà un rayon… Cette créature qu'on a chopée était bien l'une de ces saloperies qu'on a ramassées sur Terre. »
À cette info, Kyuubei serra les poings avec nervosité. Ses craintes étaient confirmées.
« Qu'est ce que cette chose foutait ici ?! Vous vous rendez compte que cet appareil abrite des centaines de personnes !? Mais visiblement, ça n'a pas l'air de déranger les Amantos de votre espèce !
- Ho ça va calmos, j'y suis pour rien moi, je fais qu'exécuter les ordres ! Tout ça c'est la faute de cet espèce de foldingue !
- Qui ça ? questionna Kyuubei, saisissant l'info au vol.
- Heeuuu… hahum, marmonna l'Amanto en se grattant la joue.
- Je double votre récompense.
- C'est à cause de ce scientifique complètement cintré. Il détient des spécimens pour faire des études ou ch'ais pas trop quoi. Un type dangereux, si vous voulez mon avis, mais il est protégé par le Tendoshuu et les administrateurs de la station. Y'leur aurait rendu service, ou un truc du genre par le passé. Des affaires louches, c'est moi qui vous l'dit… susurra l'Amanto avec un regard de comploteur.
- Et il est dans la station ? En ce moment ?
- D'où crois-tu que sort cette créature ! Ce taré a son labo ici-même, dans cette station. Il a bien failli la faire exploser plus d'une fois, mais les dirigeants l'ont à la bonne alors ils laissent courir ! 'Sont tous marteaux j'te dis ! Tous marteaux ! On a 'cor frôlé la catastrophe aujourd'hui ! Heureusement, la créature est pas remontée vers les zones habitées…
- Et il se trouve où, son laboratoire ?
- Désolé microbe, ça, je peux pas te le dire… y'a des limites quand même…
- Vous êtes gonflé de dire ça, alors que vous n'avez pas hésité à me vendre vos informations…
- C'est toi qui m'as proposé…
- Je vous remercie, en tout cas.
- Et mon blé ?
- Vous l'aurez bien assez tôt. Je dois régler quelques petites choses avant ça…
- Ne m'oublie pas, sinon, tu auras affaire à moi…
- Mais oui… » soupira Kyuubei en se relevant. Elle prit ainsi congé de son interlocuteur, et se fondit dans la foule qui commençait à se disperser.
Elle avait une furieuse envie de rendre une petite visite à ce « savant » manifestement bien dérangé du bulbe, histoire de discutailler avec lui de l'intérêt d'élever des zombies dans un espace fermé où toute tentative de fuite est impossible, comme par exemple, une station spatiale. Elle avait prévu un argumentaire soigné, en l'occurrence, un bon déboîtage de mâchoire. Et si elle ne l'abîmait pas trop, elle prévoyait ensuite de lui poser quelques petites questions… Ce scientifique avait piqué sa curiosité, et était peut-être en mesure de lui fournir de plus amples renseignements que les informations édulcorées rabâchées dans arrêt par les dirigeants Amantos.
Le soldat Amanto avait refusé de lui dire où se trouvait son labo, mais sans le savoir, il avait lâché une information précieuse.
« Heureusement, la créature est pas remontée vers les zones habitées… »
Remontée. C'était évident après tout. La station avait la forme d'une immense tour hérissée de terminaux en tout genre, mais seule une partie de l'engin était réservée aux civils et ces derniers n'avaient pas accès aux bas-fonds. Kyuubei le savait, pour avoir fait des dizaines de fois le tour de la station au cours de ses errances solitaires.
Mais cette fois-ci, elle savait où aller et donc elle se dirigea résolument vers les étages inférieurs.
Elle se retrouva ainsi devant l'une des portes qui séparaient les zones habitables des derniers étages de la station.
Et les portes étaient gardées.
Forcément.
Elle se débarrassa des deux Amantos sans aucun mal, et avec courtoisie (la courtoisie étant ici de leur laisser la vie sauve…), puis elle s'engouffra dans les entrailles de la station, lieu bien différent de l'espace de vie aménagé quelques étages plus haut.
Et au fil de ses pérégrinations, elle finit par tomber sur une deuxième porte gardée. Parce qu'évidemment, quand on ne veut surtout pas qu'une porte soit ouverte, on place devant deux glandus inutiles histoire de dire « coucou on est là, mais faut surtout pas rentrer hein ! ». Personne n'aurait l'idée d'aller garder un vulgaire placard à balais. Et personne n'aurait non plus l'idée d'ouvrir un putain de placard à balais. Mais prenez une porte avec un design adéquat, du genre à cacher un laboratoire top secret derrière, foutez-y deux troufions lambda qui manient l'épée avec les pieds, et vous pouvez être sûr qu'un petit branleur voudra ouvrir cette porte coûte que coûte.
Kyuubei était ce petit branleur, et avait la certitude d'avoir trouvé ce qu'elle cherchait. Elle fut tout aussi courtoise avec la paire de guignols qui en gardaient l'entrée, et après avoir enjambé leurs corps inanimés, elle parvint devant la fameuse porte.
Et là, le petit branleur l'eut dans l'os.
Un digicode.
Kyuubei se demanda si elle était vraiment désespérée au point de tenter 9999 combinaisons. Elle estima que oui.
0001
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À peine eut-elle appuyé sur le trois qu'une alarme se mit à beugler. En plaquant les mains sur ses oreilles, Kyuubei se dit qu'elle finirait par devenir sourde avant la fin de la journée.
Mais l'alarme se tut rapidement, cédant place à une voix venant de nulle part.
« Plus un geste, vous êtes cernée. Veuillez déposer vos armes ! »
« Hein ? Quoi ? Il n'en est pas question !
- Ah ? Ok. »
Et sur ces mots, une tripotée de soldats Amantos surgit aux tournants de part et d'autre du couloir, l'encerclant rapidement sans lui laisser une seule chance de s'échapper.
Elle dégaina son sabre sans attendre de savoir ce qu'ils lui voulaient, mais avant qu'elle n'ait pu faire quoique ce soit, le rideau de soldat s'écarta pour laisser passer le fameux sergent Amanto qui lui avait fait la causette plus tôt dans la journée. Il avait l'air infiniment fier de lui.
« J'me doutais bien que tu mijotais quelque chose de pas clair, microbe ! s'exclama-t-il, goguenard.
- Comment m'avez vous retrouvé ? » demanda Kyuubei. Elle s'était pourtant assurée de ne pas être suivie.
« Ben, ça fait un moment que tu te balades sur nos écrans de contrôle… » ricana l'Amanto en pointant un doigt en l'air. Kyuubei leva les yeux et vit une caméra de surveillance braquée sur elle.
« Ah.
- Ben oui. 'Fin, moi j'dis ça, j'dis rien hein…
- Et donc, qu'est-ce que vous allez faire ?
- Ben, tout dépend de toi… Et si tu commençais déjà par poser ton épée ?
- Tu peux dire adieu à ta prime, connard.
- Quelle prime ? Tous les biens des terriens ont été réquisitionnés… Ben oui, vous croyez quand même pas qu'on allait vous loger gratuitement…
- Tu m'as roulée, ordure !
- Ouais, ouais, tous les Amantos sont des ordures, on connait la chanson. Maintenant pour la deuxième fois, pose ton arme ! »
À ces mots, Kyuubei resserra un peu plus la prise sur son sabre. Et là, tandis qu'elle pesait le pour et le contre entre se rendre gentiment ou faire un gros massacre, elle se rendit compte qu'elle avait cruellement manqué de prudence en s'en prenant à des soldats Amantos sur leur propre territoire. Certes, elle pouvait s'en sortir, mais elle aurait dans ce cas toutes les troupes amantos de la station aux fesses, sans parler de sa famille qu'elle mettait aussi en danger. Et ils n'avaient aucune issue. Ils étaient bloqués dans cette station.
« Bon alors c'est pour aujourd'hui ou pour demain ? » pressa le sergent, tirant la jeune fille hors de ces pensées.
C'est ce moment que choisit la porte du laboratoire pour s'ouvrir dans un concert de cliquetis. Un Amanto en blouse blanche et l'air furax apparut derrière le battant.
« Qui est le con qui a déclenché l'alarme de sécurité ?! Vous savez pourtant que le digicode ne tolère que trois essais ! TROIS ! C'est pourtant pas compliqué à comprendre non ? PAR LES ANNEAUX DE SATURNE, MAIS QU'EST-CE QU'IL SE PASSE ICI ! hurla-t-il en prenant conscience qu'une vingtaine de types étaient sur le point de s'étriper sur le pas de sa porte.
- Hum, pardonnez-moi professeur, s'excusa le sergent Amanto, mais ce nabot tentait de pénétrer votre laboratoire. Nous allions procéder à son arrestation.
- Et vous avez besoin de rameuter toute l'armada pour une seule personne ? La discrétion, vous connaissez ?
- Ben oui mais voyez-vous… »
Et c'est à cet instant que Kyuubei décida d'agir. L'occasion était trop belle. D'une pirouette, elle se faufila derrière le scientifique et lui passa la lame sous le cou.
« Si vous avancez ne serait-ce que d'un pas, il est mort… menaça-t-elle.
- Là. Vous voyez bien pourquoi il fallait toute l'armada… constata piteusement le sergent en se grattant la nuque d'un air désappointé. Bon, quelles sont tes conditions, morveux ?
- Alors, déjà, d'arrêter de m'appeler morveux.
- Et microbe, ça marche ?
- NON ! Ni microbe, ni moucheron, ni minus !
- Comment on doit t'appeler alors ?
- Ben … ne m'appelle pas !
- Bon ben comme ça c'est réglé.
- Ensuite, vous allez me faire sortir d'ici, et me ramener sur la Terre.
- Haha, rien que ça ! Ce gamin est suicidaire ma parole !
- La ferme ! Posez tous vos armes !
- Qu'est ce qu'on fait sergent ? intervint l'un des soldats.
- On obéit. Le Tendoshuu sera furieux si quelque chose arrive au prof. »
Tous les soldats déposèrent ainsi lentement leurs armes sous le regard attentif de Kyuubei, qui ne lâchait pas sa prise d'un millimètre. Le sergent se redressa en levant lentement les mains.
Mais soudain, une petite déflagration retentit, comme un claquement de fouet. Un minuscule projectile brûlant et lancé à toute allure percuta la garde du sabre de Kyuubei, ratant sa main de quelques millimètres. Surprise, la jeune fille lâcha son arme. Son otage en profita et se libéra aussitôt de son étreinte en se précipitant au sol, saisissant au passage le sabre qui menaçait quelques secondes auparavant de lui couper la gorge.
Avant que Kyuubei n'ait pu faire un geste, le tranchant de sa lame se retourna contre elle. Elle s'immobilisa en voyant la pointe de son propre sabre chatouiller sa pomme d'Adam tandis que le scientifique la regardait avec un petit sourire. Autour d'elle, les Amantos récupéraient leurs armes.
« D'où provenait ce tir ? » grinça-t-elle en levant les mains en signe de reddition.
Le sergent ricana et baissa la tête, semblant s'adresser à son nombril.
« Oi, tu peux montrer ta trogne ? »
L'uniforme du sergent s'ouvrit de lui-même, et là, dans la poche intérieure de sa veste, se tenait un Amanto minuscule qui tenait une arme étrange, un genre de flingue dont le canon fumait encore.
« Salut, fit le nouveau venu en agitant une main, sous le regard ahuri de Kyuubei.
- Et oui, ça surprend toujours un peu au début, ajouta le sergent, hilare. C'est un habitant des sous-sols de Pluton. Ils sont comme leur planète, insignifiants.
- Oi, j'te permets pas de parler comme ça d'mon chez-moi ! se plaignit l'Amanto miniature.
- Ce bout de caillou ?! Peuh, t'as 'cor de la chance que je daigne appeler ça une planète… Pis t'avais qu'à pas trainer autant à t'occuper du microbe, dit-il en désignant Kyuubei du menton.
- Ouais, ben fallait bien que je trouve le bon angle. Crois-moi, c'est pas évident avec ton gros bide. Dis, tu ferais pas régime, histoire de me faire plus de place ?
- Raah la ferme ! rugit de sergent en refermant sa veste d'un mouvement brusque. Bon, fini la comédie, tu vas venir avec nous bien gentiment maintenant, reprit-il en s'adressant à la captive.
- Puis-je avoir mon mot à dire ? intervint le scientifique, qui tenait toujours Kyuubei en joue. J'aimerai m'occuper personnellement de ce fouineur.
- Hein ? Mais ce nabot a enfreint je ne sais combien de règles !
- Oui bien entendu, et en conséquence, il doit recevoir un châtiment n'est-ce-pas ?
- Euh ben oui…
- Laissez-moi donc m'en charger, je n'ai pas encore de spécimen humain dans ma collection… dit-il avec un grand sourire. Et celui-ci fera parfaitement l'affaire.
- Tch, comme vous voudrez, professeur… capitula le sergent.
- A la bonne heure ! Et bien sûr, je compte sur vous pour rester discret sur cette affaire, ajouta le scientifique.
- Mouais, grogna le sergent. C'est bon, on remballe, les mecs… » ajouta-t-il à l'adresse de ses soldats.
La troupe s'éclipsa en traînant les pieds, laissant Kyuubei seule avec le scientifique. Celui-ci désigna la porte du labo d'un geste du menton.
« Après vous. »
Kyuubei s'exécuta, ne sachant quoi attendre de la part de cet amanto. La porte se referma et la lumière s'alluma sur un immense couloir immaculé.
« Avancez, je vous prie... » somma l'Amanto.
Kyuubei s'engagea dans le couloir à pas lents, talonnée par le scientifique qui tenait toujours son sabre. Kyuubei n'avait aucune idée de quoi était capable cet Amanto. Il n'avait pas l'air du genre de type à passer ses journées à s'entraîner, mais avec les extra-terrestres, on était jamais trop méfiant. Kyuubei jeta un coup d'œil discret par-dessus son épaule. C'était un Amanto d'un âge indéfinissable, et d'une apparence… tout aussi indéfinissable. Kyuubei n'y voyait que deux explications. Soit il y avait eu foirade sur la chaîne d'assemblage de Mère Nature, soit le chara-designer s'était foulé le pouce…Il avait l'air fripé, comme s'il sortait d'une essoreuse, et ses cheveux n'obéissaient à aucune loi connue de la physique.
Quant à ce couloir… Kyuubei avait l'impression de traverser une sorte de Muséum d'histoire naturelle. Sauf qu'on semblait ici être aussi éloigné du « naturel » que le poulet l'était du dinosaure. La jeune fille s'efforça d'ignorer les regards globuleux des créatures qui semblaient la dévisager à travers les vitres de leurs aquariums de formol.
Ok. Elle était bien tombée dans le cabinet du Docteur Frankenstein. Elle se demanda où il cachait ses spécimens de zombies, car aucune de ces créatures n'avait forme humaine. Et ainsi, plus ils approchaient du bout du couloir de l'horreur, plus elle avait envie de lui tirer les vers du nez. Dès qu'elle se serait sortie de ce pétrin.
Ils arrivèrent enfin sur une deuxième porte qui s'ouvrit automatiquement à leur approche sur un laboratoire, manifestement, si l'on en croyait la verrerie tarabiscotée et remplie de liquides étranges et plus ou moins fumeux, ainsi que la table de dissection posée en plein milieu de la salle. Parce qu'un bon laboratoire digne de ce nom se doit d'avoir une table de dissection.
Kyuubei pénétra lentement dans la pièce, sur ses gardes, jetant autour d'elle des regards tendus.
La porte se referma avec un bruit de caisse claire auquel la jeune fille ne put s'empêcher de sursauter. Puis elle se retourna, faisant face à l'Amanto.
Elle était à sa merci, complètement désarmée. Tentant le tout pour le tout, elle déglutit, et se mit en garde, essayant d'ignorer la moiteur de ses paumes. L'Amanto la regarda faire d'un air impassible, posa le sabre sur la table, puis se détourna et se dirigea en sifflotant vers sa paillasse. Kyuubei suffoqua, outrée. Non mais c'était quoi ça ? Après l'avoir menacée d'en faire un rat de laboratoire, il lui tournait le dos ?
Kyuubei ne comprenait plus rien. Elle ne savait pas ce que ce type mijotait, et elle s'en fichait après tout, car l'occasion était trop bonne. L'Amanto s'était débarrassé de son arme et lui tournait le dos. Il était à sa merci. Sans même prendre son élan, Kyuubei bondit sur la table, ramassa son sabre au passage, et se jeta sur l'Amanto, prête à le découper en dés de tofu.
Elle s'apprêtait à faire de l'Amanto un Amanto mort lorsque celui-ci se retourna, deux tasses à la main.
« Avec ou sans sucre, le café ? »
En l'espace d'une fraction de seconde, Kyuubei eut le temps de : a) écarquiller des yeux comme des balles de tennis, b) se dire : je préfère sans sucre, c) se rendre compte qu'elle allait découper un type qui lui proposait le café, d) et accessoirement, qu'elle allait se prendre deux tasses bouillantes dudit café sur le visage, e) tenter de faire marche-arrière en battant des bras comme un poulet qui apprend à voler, f) se dire que les poulets ne savent pas voler, g) s'écraser sur la paillasse.
Un fracas de verre brisé retentit.
« Bordel ! Ma machine à café ! s'égosilla l'Amanto en se redressant après avoir évité la collision de justesse.
- Uuuh désolée, s'excusa Kyuubei en se relevant péniblement, étreignant sa tête à deux mains. J'espère que j'ai rien cassé d'important…
- De quoi ? Vous avez bousillé ma machine à café ! Mon outil de travail le plus précieux !
- Pardon, mais je voulais dire, rien qui puisse exploser ou un truc du genre, grommela la jeune fille en se débarrassant avec précaution des éclats de verres qui parsemaient sa veste.
- Vous avez un curieux sens des priorités… releva l'Amanto avec étonnement.
- C'est à vous que je dois dire ça… Aïe ! se plaignit Kyuubei en portant son pouce coupé à ses lèvres.
- Ah. Désolé, asseyez-vous je vous en prie. Vous n'avez rien de cassé ?
- Non ça va.
- Un petit café ? C'est les dernières tasses, alors faut en profiter ! »
La jeune fille considéra avec un étonnement grandissant cet espèce d'Amanto coiffé comme un pétard, qui lui proposait le café avec des airs de mamie gâteau. Pas vraiment le genre de choses auxquelles l'avaient habituée les extra-terrestres en règle générale. Kyuubei sentit la fourberie, surtout venant de la part d'un pseudo-scientifique. Elle décida néanmoins de jouer le jeu. Après tout, étant la seule armée, elle avait l'avantage tant qu'elle ne faisait rien de stupide et restait sur ses gardes. Elle ramassa donc son sabre parmi les débris de verres, et le rengaina en s'asseyant.
« À la bonne heure ! souffla l'Amanto en se fendant d'un immense sourire. Tenez, c'est encore chaud.
- Hum… merci, répondit Kyuubei en sachant qu'elle ne boirait ce café pour rien au monde.
- Je m'appelle Z'Ggih.
- Yagyuu Kyuubei. » répondit-elle. Elle avait hésité à donner son nom, mais si elle voulait obtenir des informations, elle devait se risquer à jouer le jeu.
« Yagyuu, Yagyuu, votre nom me dit quelque chose… vous faites partie de ces familles terriennes réfugiées, n'est-ce-pas ?
- C'est exact, répondit amèrement Kyuubei.
- Oui, oui, il me sembla avoir vu votre nom sur la liste.
- Quelle liste ?
- Rien d'important ! Des histoires de répartition ! Buvez donc, je vous en prie !
- Pourquoi m'avez-vous sauvée des soldats ?
- Vous vouliez me voir non ? Je ne refuse jamais à converser avec un être humain ! Votre espèce est proprement fascinante !
- Mmh, acquiesça mollement Kyuubei en secouant la tête sans grande conviction.
- D'ailleurs, je me suis posé la question dès que je vous ai vu… Vous êtes un individu mâle ou femelle ? »
Kyuubei sursauta, prise au dépourvu. On ne lui avait jamais posé la question aussi crûment.
« Ni l'un, ni l'autre, répondit-elle.
- Ça alors ! Il existe donc un troisième sexe ?! C'est une découverte majeure dans tout le domaine de l'étude des êtres humains !
- Euh, non pas vraiment, c'est plus compliqué que ça, commença Kyuubei, tout en se disant qu'aborder l'histoire complexe des genres avec un Amanto surexcité était une tentative vouée à l'échec. Mais ce n'est pas pourquoi je suis ici, reprit-elle d'un ton plus assuré. J'aimerai vous poser quelques questions.
- Mais faites, je vous en prie, encouragea l'Amanto d'un air affable.
- Hum, je voulais savoir ce que vous trafiquez ici avec les créatures qui ont envahi ma planète ! Vous vous rendez compte que vous faites courir un grand danger à la station ? Vous êtes au courant que pendant que vous faites tranquillement vos petites recherches bien à l'abri dans votre laboratoire, des gens ont été abandonnés à leur sort sur la Terre ? » Kyuubei commençait à avoir une boule dans la gorge. « Y a-t-il un moyen pour moi de faire quelque chose, d'y retourner ? continua-t-elle d'une voix de plus en plus faible. Y a-t-il un moyen de réparer tout ça… ? »
L'Amanto l'avait écouté sans rien dire. Il prit une gorgée de café, et leva les yeux vers elle en soupirant.
« Je n'ai rien trouvé qui puisse guérir cette maladie. Quant à mes spécimens, ils sont tous morts. Le dernier était celui qui s'est échappé plus tôt dans la journée. C'était de ma faute par ailleurs.
- De quoi sont-ils morts ?
- De maladies que je leur ai inoculées.
- … Pourquoi ? Pourquoi les avoir rendus malades ? Vous avez trouvé un moyen de vous en débarrasser ? »
L'expression du scientifique se fit soudain très grave. Il s'enfonça dans son siège en tournant dans ses mains sa tasse de café.
« Il y a plus de dix ans, commença-t-il, le Tendoshu mit au point une arme. Cette arme était censée neutraliser l'espèce humaine rapidement si la situation devenait hors de contrôle. Les Amantos ayant gagné la guerre, cette arme n'a pas été utilisée. C'était une puissante arme biologique, programmée pour répandre un virus spécifiquement choisi pour éradiquer cent pourcent de l'espèce humaine. Ce n'était qu'une arme de dernier recours, les Amantos préférant conserver la main d'œuvre plutôt que de la détruire. Mais aujourd'hui, le Tendoshu n'a pas renoncé à exploiter les ressources du Japon. Même si la main d'œuvre a quasiment disparu, le Tendoshu compte bien récupérer les terres qu'il a acquises, et pour cela, il doit se débarrasser de ces créatures qui y pullulent. C'est là que j'interviens. Le Tendoshu m'a confié la tâche de tester ce fameux virus sur les zombies. Ce sont eux qui m'ont fourni les spécimens. »
Kyuubei écoutait avec une horreur grandissante le discours du scientifique. Bien qu'elle ait déjà compris ce qu'il impliquait, elle ne put s'empêcher de continuer à l'écouter.
« Ce virus est bel et bien létal sur les humains, qu'ils soient zombies ou non.
- Et… et vous leur avez transmis vos résultats ?
- Pas encore.
- Et vous allez le faire ?
- … non. »
Kyuubei explosa.
« POURQUOI ? Je ne comprends pas ! Pourquoi vous me racontez toutes ces conneries ?! Vous êtes un Amanto ! Je ne suis pas censée connaître vos plans ! Quels sont vos objectifs ? Qu'est ce que vous trafiquez ?! Pourquoi vous me dites tout ça ?! Pourquoi ? »
L'Amanto essuya la tempête sans rien dire, et quand Kyuubei se fut calmée, il se leva en silence et se dirigea vers la sortie.
« Suivez-moi, je vous prie. »
Tout deux sortirent dans le couloir, et l'Amanto la conduisit jusqu'à l'un de ces nombreux aquariums. Kyuubei se retrouva nez-à-nez avec une sorte de petit animal (lui aussi victime d'un chara-design défaillant…) qui flottait dans le formol.
« Voici le rostac à poils durs. C'est une espèce endémique de la planète Harbour. Cette planète n'abrite aucune civilisation évoluée, car le climat y est rude. Néanmoins, le rostac y est une espèce en voie de disparition, ainsi, tous les individus sont pucés. Nous ignorons comment, mais un rostac s'est retrouvé sur Terre. Ces animaux véhiculent un virus similaire au virus de la rage terrienne, inoffensif pour cette espèce ainsi que pour une majorité d'Amantos, mais qui visiblement, fait des ravages chez l'être humain. Seul un Amanto a pu ramener cette bestiole sur Terre. »
Et à la grande surprise de Kyuubei, le scientifique s'inclina.
« Veuillez accepter mes excuses pour tout ce que les Amantos ont fait subir à votre peuple. »
La jeune fille cligna bêtement des yeux.
« Relevez-vous. Ce n'est pas de votre faute.
- Détrompez-vous. J'ai aussi une lourde part de responsabilité.
- Que voulez-vous dire ?
- C'est grâce à mes recherches sur le genre humain que le Tendoshu a pu mettre au point l'arme qui va annihiler les derniers survivants de votre peuple. »
A suivre
Rubrique nécro :
« - Bonjour, Yamazaki Sagaru, pour servir. Je voudrais pas jouer les oiseaux de mauvais augure, mais dès qu'il y a un macchabée dans le chapitre, c'est pour ma pomme. Vous savez, gérer le passage de la vie à la mort, c'est compliqué. Y'a de la paperasse de changement de statut à remplir, des engagements à prendre, et souscrire une assurance éternité, tout ça, c'est du boulot. Et puis, y'a le choc psychologique également. Voyez, toutes les personnes qui se sont succédé ici sont complètement timbrées. Elles l'étaient seulement à moitié dans la vie, mais là, ça y est, c'est le défouloir. Et qui c'est qu'on a choisi pour canaliser toutes ces âmes en peine, c'est moi, la poire de service. Alors que tout le monde s'en bat la frange de ce que je peux ressentir. Est-ce qu'on m'a demandé à moi, comment je vivais mon passage dans l'au-delà, hein ? Non, évidemment. Alors dorénavant, je boude. Là.
- Salut.
- Oh, ah euh, hi, oh, hu, Matsudaira-san ! AHAHAHAHA ! Vous ici ? Je- CIEL !
- Oi, tu vas bien, garçon ? T'as pas l'air dans ton assiette…
- Uhu… pardon, vous pouvez répéter ça s'il vous plait ?
- Je ne répète jamais deux fois la même phrase, morveux.
- … en fait, c'était la première fois qu'on faisait preuve de considération à mon égard… Vous m'avez demandé si j'allais bien ! Mon dieu, j'en ai des palpitations !
- Pff, j'aurais dû préciser à Kondo d'éviter de recruter des fiottes dans le Shinsengumi. Franchement, comment un type comme toi a pu être accepté dans nos rangs…
- Ben, personne a remarqué mon dossier, il est passé par hasard dans la liste des recrutés.
- Administration défaillante, ben c'est du propre…
- Non, c'est juste ma faculté innée de passer inaperçu.
- Ah. Je confirme, je t'avais jamais remarqué avant.
- C'est un don que j'ai depuis la naissance….
- OI ! MAIS REGARDE MOI CE PETIT CON ! –se penche par-dessus son nuage-
- Heu, quoi ? Où ça ?
- Là ! En bas ! Ce petit branleur est en train de fouiller dans mon bureau !
- Hein ? Hijikata-san ?
- Non mais vas-y mes clopes ! Fais comme chez toi surtout ! NON PAS CE TIROIR LA ! Y'A MA POUPEE GONFLABLE ! Ouf, c'est bon, on a eu chaud, Jimmy !
- C'est Yamazaki.
- T'as une tête à t'appeler Jimmy. C'est générique, passe-partout, alors Jimmy, point barre.
- Uh.
- Hélà ! Touche pas à cette agrafeuse, c'est un cadeau de ma fifille ! QU- MAIS IL EST COMPLETEMENT MARTEAU C'UI-LA !
- Uuuh, j'veux pas voir…
- Putain, j'te jure.
- J'espère qu'il est vacciné contre le tétanos, sinon, on va le voir débarquer dans pas longtemps…
- Ben tant mieux, je pourrais lui expliquer ma façon de penser.
- Dites Matsudaira-san, il y a une question qui me chiffonne. On peut en parler ? D'égal à égal ? De macchabée à macchabée ? Maintenant que la mort a aboli toute frontière entre nous ?
- Pose toujours…
- Comment faites-vous rentrer votre poupée gonflable dans votre tiroir ?
- En la dégonflant.
- Ah. Merci bien.
- C'est tout ?
- Ben oui, vous voyez, je n'y ai jamais pensé. C'est comme ça que la mienne a failli me crever un œil. Je l'avais calée dans un placard, et quand j'ai voulu ouvrir, ça a fait effet ressort, 'voyez…
- Débutant. Des années d'expérience, bonhomme, des années d'expérience…
- Après… je suis étonné qu'un womanizer tel que vous possède une poupée gonflable…
- Période de vaches maigres. BORDEL KONDO !
- Quoi encore ?
- UN PEU DE RESPECT POUR LES MORTS ! C'est qui ce type ?! Si j'étais pas coincé ici, j'irais lui faire boire son lait-fraise par le nez !
- Ah, Danna, forcément…
- Non mais regarde-moi ces deux là se taper la discut' ! Y a un cané à vos pieds, j'ai l'air de quoi là ?
- C'est bon, regardez, ils s'éloignent…
- Ils me laissent en plan, oui !
- Vous êtes un homme plein de contradictions…
- Ils ont intérêt à me faire des funérailles correctes, cette bande de marioles, sinon, quand ils se radineront dans l'au-delà, ben, je les enverrais en enfer…
- Vous pouvez faire ça ? Vous ?
- Bien sûr ! Qui c'est le boss, ici ?
- J'en sais rien, mais certainement pas vous !
- Regarde c'est déjà l'heure de mes funérailles !
- Déjà ?
- Putain, Kondo ! Arrête de chialer comme une nénette ! C'est pas comme ça qu'on accompagne un guerrier pour son dernier voyage ! Et vous deux là ! Bande de petits morpions ! Vous pourriez au moins faire semblant d'être tristes !
- Décidément, vous ne savez pas ce que vous voulez…
- Et dire que c'est cette bande de pignoufs qui dirigeait le puissant Shinsengumi, franchement j'ai honte. C'est encore plus pathétique vu d'en haut…
- EUH, DITES, J'AI ENTENDU DES PROPOS PAS TRÈS CORRECTS…
- Z'êtes qui vous ?
- Matsudaira-san, je pense que ça doit être Dieu…
- Y A PAS DE DIEU ICI, SEULEMENT LA MORT. ET JE SUIS LA MORT.
- Ha. Enchanté. Vous pourriez arrêter de parler en majuscule, ça fait mal aux yeux…
- JE PARLE EN MAJUSCULE SI JE VEUX, CA S'EST DÉJÀ VU ! ET POUR INFO, LE BOSS ICI, C'EST MOI !
- Euuh pigé. Vous avez compris, Matsudaira-san ?
- Oui, oui, j'ai bien compris…
- BIEN… BON, BEN MOI, JE VAIS FAIRE UN TOUR SUR TERRE, VOIR SI JE PEUX FAIRE ENCORE QUELQUES PETITS DEGATS DANS CETTE FANFIC…
- Vous voulez des noms ?
- JE NE PREND PAS DE COMMANDE.
- Bon, on va vous laisser bosser alors...
- On conclut ? J'en ai marre, et l'auteur n'a plus d'idée…
- Bon, dans ce cas… Adios !
- ADIOS !
- Non, mais pas vous…»
C'était le chapitre huit.
L'instant blabla :
Je ne sais pas quand arrivera le chapitre neuf. J'ai du mal à trouver du temps pour écrire en ce moment, car je prépare un gros examen. Les chapitres arriveront donc plus lentement.
Bonne nouvelle cependant. Le scénario de cette fanfic est désormais tout tracé ! J'ai enfin pu éclaircir quelques points qui m'emmerdaient et je sais enfin où je vais exactement.
Il y a encore plein de choses à venir et il me tarde d'écrire tout ça ! C'est juste qu'en ce moment, manque de temps et un peu démoralisée par Gintama, même si j'adore la tournure que prend l'histoire, je ne peux m'empêcher de ressentir un petit pincement au cœur, avec ce sentiment que plus rien ne sera jamais comme avant… Voilà, la mauvaise conjonction des deux événements fait que.
Sur ce je vous laisse, en vous remerciant tous bien fort.
Instant spoil pour ceux qui suivent les scans :
Après relecture de ce chapitre, j'ai l'impression qu'il rentre un peu en résonance sur certains points avec les derniers scans sortis. Ce chapitre a été écrit fin 2014, donc ceci est totalement involontaire de ma part. J'en suis cependant désolée.
Voilà, c'est tout :)
Tschüss.