Résumé: Démarre à la fin du 4x13. Et si Aithusa avait modifié le destin en guérissant Morgane? Aurait-elle ainsi sauvé plus que la jeune femme? Tandis que la dragonne se découvre plusieurs capacités très particulières, Merlin vient en aide à Morgane, Arthur en apprend sur la magie avant la Purge, et Emrys mobilise les sorciers pour lutter contre Mordred. Reveal fic.
Note de l'auteur: Mon style d'écriture laisse un peu à désirer, je le sais, mais j'espère que mes faiblesses ne gêneront pas trop votre lecture. ;)
Chapitre 1 : La lumière du soleil
Morgane était en train de mourir.
Comment était-ce arrivé? Elle ne le savait même pas. Elle avait pourtant pointé son épée sur Guenièvre, prête à mettre fin à ses jours... Mais l'instant suivant Morgane était projetée en arrière par une force invisible et elle perdait connaissance. À son réveil, une seule solution s'imposait : la fuite. Alors qu'elle avançait dans les bois, aussi vite que le permettait la blessure à son côté, la lutte pour rester debout devenait de plus en plus difficile.
Elle se laissa glisser au sol, à bout de forces. Elle allait mourir seule. Morgause n'était plus là. Uther, Arthur, Merlin, Gwen, tous ceux qu'elle avait autrefois considérés comme sa famille l'avaient trahie. Personne ne lui tiendrait compagnie dans ses derniers moments et personne ne la pleurerait après sa disparition. Sombrant peu à peu dans l'inconscience, sa dernière pensée fut pour Emrys. Elle avait beau mourir d'une blessure infligée par un chevalier de Camelot, c'était Emrys qui l'avait condamnée en la privant de sa magie. Il avait scellé son destin. La Cailleach avait prédit qu'il causerait sa perte et Morgane n'avait rien pu faire pour l'en empêcher.
Morgane était en train de mourir.
Aithusa pouvait sentir sa douleur, sa peine, ses doutes et, plus que tout, sa solitude. Elle allait mourir seule dans cette forêt et personne ne la regretterait. Bien des années auparavant, tout était différent, Morgane avait une famille et des amis, elle était Dame Morgane, la pupille du roi. Aujourd'hui, elle était haïe de ceux qui autrefois l'adoraient. L'imminence de sa fin faisait vibrer la toile du destin, Aithusa le percevait, et nul doute que Kilgarrah aussi, où qu'il soit en cet instant. Mais plus encore que l'approche d'un moment fatidique, la dragonne ressentait le besoin urgent de sauver Morgane. C'était absurde, la sorcière avait causé tant de mal, le monde serait libéré d'un poids si elle disparaissait. Pourtant, Aithusa n'arrivait pas à se défaire de cette sensation. La pression se fit de plus en plus urgente et elle n'eut d'autre choix que de s'exécuter.
Morgane aurait dû mourir.
Alors qu'elle ouvrait les yeux puis se redressait faiblement, elle contempla avec stupéfaction l'envol de la créature qui l'avait tirée des frontières de la mort. Un véritable dragon.
-Morgane aurait dû mourir ! gronda Kilgarrah.
-Non, répondit Aithusa, tentant de garder son calme face à l'imposant dragon. Je l'ai senti. Tu m'as appris toi-même que j'étais différente, que j'étais capable de voir au-delà des prophéties et de les modifier. Je sais que je devais sauver Morgane.
Le Grand Dragon parut surpris par les mots d'Aithusa. Pendant de longs instants, il sembla pris dans ses pensées. Depuis que le jeune Seigneur des Dragons avait libéré Aithusa de sa coquille, elle n'avait cessé de le surprendre. Elle s'était révélée être bien plus qu'un simple dragon blanc, bien plus qu'un simple signe de l'avènement proche d'Albion. Le caractère extraordinaire de celui qui l'avait faite éclore l'avait rendue unique sous bien des aspects. Son aptitude à défier le destin faisait partie de ces particularités, mais une telle transgression avait un prix. Quand Kilgarrah parla à nouveau, son ton était apaisé mais ses paroles n'avaient jamais été aussi inquiétantes.
-Tu dois te rendre sur l'île des Bénis, jeune dragonne. Modifier le destin en sauvant Morgane a eu plus de conséquences que ce que tu sembles croire.
La première priorité d'Arthur était la reconstruction de Camelot après le passage de Morgane au pouvoir. Les destructions étaient nombreuses, la population avait été maltraitée par les soldats et avait souffert de la faim. Au sein des chevaliers, les victimes étaient nombreuses. Ceux qui n'avaient pas été tués étaient terriblement affaiblis par leur séjour dans les cachots. Juste après la reconquête de la cité, Arthur avait pu constater l'étendue des souffrances subies par ses hommes et son peuple.
Les cas les plus révoltants étaient ceux de Gauvain, Elyan et Gaius. Ce dernier était le plus mal en point, Morgane l'avait affamé pendant des jours. Sa survie était un véritable miracle et n'était due qu'à la noblesse des chevaliers Gauvain et Elyan qui avaient donné au vieil homme le peu de nourriture dont ils disposaient. Ce qui conduisait alors à considérer la situation de Gauvain. Car c'était bien lui qui avait combattu les hommes de Morgane pour obtenir de quoi manger. Cela montrait une fois de plus à Arthur combien sa décision d'en faire un chevalier était avisée. En plus d'avoir été affamé plusieurs jours, Gauvain avait subi de nombreuses blessures sur tout le corps et tenait à peine debout.
La cruauté de Morgane n'avait véritablement aucune limite. Ce qui était confirmé par le cas d'Elyan. Torturé pour obtenir des informations sur Arthur. Presque devenu fou. Non seulement sa souffrance avait été immense mais il était aussi terriblement honteux d'avoir failli à son rôle, d'avoir donné à Morgane ce qu'elle voulait. Arthur avait eu beau lui répéter que quiconque aurait agi de la même façon et qu'il s'était largement amendé en aidant Gaius au mépris de sa propre santé, Elyan se sentait déshonoré et n'osait plus rester en compagnie des autres chevaliers. En cet instant même, alors que tous étaient réunis autour de la Table Ronde, Arthur voyait qu'Elyan avait les yeux baissés, hanté par ses souvenirs. Il croisa le regard inquiet de Guenièvre, qui était tout aussi impuissante que lui face à cette situation.
Tentant de se concentrer sur les affaires en cours, il aborda le sujet pour lequel tout le monde s'était réuni. Ces rumeurs étranges. Il semblerait qu'un individu mystérieux soit venu en aide aux habitants de Camelot durant le règne de Morgane, protégeant de son mieux la population de la violence et de la faim. Le problème était qu'il s'agissait d'un sorcier.
-Les gens qui l'ont vu sont catégoriques, dit le seigneur Léon, il soignait les blessures et les maladies par magie et repoussait d'un simple geste les soldats qui menaçaient les villageois.
Arthur avait arrêté de nombreux sorciers au cours de sa vie. Beaucoup d'entre eux étaient des gens qui avaient essayé de le tuer. Mais jamais aucun n'avait mis ses dons au service des gens en difficulté. Comment réagir face à cela ?
-Pourquoi ? demanda Arthur. Quel est son but ?
Pouvait-il s'agir de quelqu'un de véritablement bien intentionné ? Un sorcier bien intentionné ? Arthur avait appris avec le temps qu'une telle chose était impossible et que même ceux qui prétendaient vouloir aider ne le faisaient que dans un but sombre. Ils finissaient toujours par trahir la confiance qu'on leur accordait. Arthur ne le savait que trop bien, il n'oublierait jamais le sorcier qui avait abusé de sa confiance et mis fin aux jours d'Uther.
-Personne ne connait ses intentions, répondit Léon. Et personne ne sait de qui il s'agit. Les rapports nous apprennent qu'il se déplace enveloppé dans une cape bleue qui masque aussi son visage. Mais beaucoup disent que cet individu est trop petit et mince pour être n'importe qui…
Le ton de Léon se fit hésitant.
-Il est probable qu'il s'agisse d'un enfant, Sire. D'une douzaine d'années, pas plus.
Arthur sut alors immédiatement ce que pensaient ses chevaliers en cet instant. Exécuter un sorcier était une chose. Même un sorcier en apparence bien intentionné. Exécuter un enfant était complètement différent. Les chevaliers attendaient la réaction du roi : serait-il aussi strict que son père ? Mais pour Arthur, il ne s'agissait pas là du seul problème. Il croisa le regard de Guenièvre puis celui de Merlin. Tous trois avaient la même question en tête : Mordred ?
Gwen lut sur les visages d'Arthur et Merlin la question qu'elle-même se posait : Mordred était-il de retour ? Elle se souvenait encore de la cape bleue qu'il portait, même après tant d'années. Et si c'était bien lui, pourquoi faire cela ? Avait-t-il de mauvaises intentions? Ou était-ce un moyen de remercier Arthur, celui qui lui avait sauvé la vie il y a de cela plusieurs années ? Pourtant, Morgane faisait partie de ceux qui l'avaient aidé. Pourquoi agirait-il contre elle ?
Merlin ne savait plus où il en était. Quand il avait appris que Camelot avait un protecteur secret, son premier instinct avait été de penser que cette personne voulait tuer Arthur. Cette réaction l'avait horrifié. Il avait essuyé tellement d'attaques de sorciers qu'il avait perdu presque toute illusion que certains soient pacifiques. Pourtant, ce sorcier pouvait-très bien être comme lui et chercher à aider grâce à son don.
Ce fut lorsque le seigneur Léon annonça que c'était sûrement un enfant que le sang de Merlin se glaça. Si Mordred était de retour, cela ne pouvait être que de très mauvais augure. Que préparait-il ? Si en revanche il s'agissait d'un autre enfant, comment savoir s'il était dans la même situation que Merlin, horrifié par Morgane et ne cherchant qu'à aider, ou s'il cherchait à mettre en action un plan de prise de pouvoir pour lui-même ou pour quelqu'un d'autre ? Une telle pensée était tellement étrangère à la personnalité de Merlin qu'il se rendit compte pour la première fois qu'il avait immensément changé depuis son arrivée à Camelot. Avant, il n'aurait jamais douté de l'innocence d'un enfant. Mais depuis qu'il était au service d'Arthur, Merlin avait perdu des proches, Merlin avait douté et Merlin avait tué. Il n'était plus la même personne.
Tout le monde attendait la réaction d'Arthur. Il devait dire quelque chose.
-Pour l'instant, commença-t-il, cet enfant n'est pas une menace. Nous devons nous concentrer sur les problèmes les plus importants, guérir nos blessés, soigner et nourrir notre population, remettre de l'ordre et rassurer les habitants de Camelot. Si l'un de vous voit cet enfant, arrêtez-le et je l'interrogerai.
A cette annonce, certains semblèrent soulagés et d'autres inquiets. Pour la première fois, Arthur avait une réaction que tous savaient être différente de celle qu'aurait eue Uther. Mais il ne changerait pas d'avis. Il avait promis au fantôme de l'enfant druide qui s'était emparé d'Elyan qu'il n'agirait plus comme il avait pu le faire et il comptait bien tenir sa promesse. Il marqua une pause, attendant une quelconque objection, mais rien ne vint.
-Tu avais raison, Kilgarrah, dit Aithusa. Modifier le destin en sauvant Morgane a eu de grosses conséquences. Je reviens de l'île des Bénis. Je ne sais pas comment régler définitivement le problème mais je peux éviter que le pire ne se produise en attendant de trouver une solution. Je peux faire cela d'ici en utilisant la magie, je n'ai pas besoin d'être sur place.
-Bien, jeune dragonne, mais j'espère que tu as conscience que les évènements à venir aussi vont changer à cause de ce que tu as fait. Tu as peut-être entraîné des choses terribles. Tu as pu compromettre la création d'Albion.
-Guérir Morgane était la chose à faire. Je ne sais pas encore entièrement pourquoi mais je sais que quand je l'ai ramenée, sa vie n'a pas été la seule à être sauvée.
Ce n'était pas la première fois que Merlin rêvait de l'île des Bénis.
Depuis le sacrifice de Lancelot, cela lui arrivait régulièrement : il était hanté par le souvenir des Dorocha, de la Cailleach et du voile que son ami avait traversé. A chaque fois c'était la même chose : Merlin revoyait la scène, impuissant, incapable de sauver son ami. Pourtant cette fois-ci, le rêve était différent. Merlin était bien sur l'île des Bénis et il pouvait voir la déchirure du voile en face de lui mais Lancelot n'était pas là. Intrigué, il s'approcha.
Soudain le rêve se modifia, il n'était plus sur l'île. En fait, il ne savait pas où il était. Tout autour de lui était noir. La seule chose qu'il pouvait voir était un sablier. L'objet n'avait rien de particulier, c'était un simple sablier et il commençait tout juste à se vider. Le silence était assourdissant. Se trouvait-il de l'autre côté du voile ? Etait-ce à cela que ressemblait le royaume des morts ?
Merlin entendit alors un son. C'était une voix, trop faible pour comprendre ce qui était dit. Mais elle se fit plus insistante et bientôt, il put reconnaitre la voix de Kilgarrah :
-Merlin !
En un instant, les images sous ses yeux disparurent et Merlin fut tiré de son rêve par l'appel du Grand Dragon. Confus, il se redressa dans son lit mais Kilgarrah ne lui laissa pas le temps de s'interroger sur son rêve.
-Retrouve-moi dans la forêt, jeune magicien, il y a certaines choses que tu dois savoir.
Lorsque Merlin traversa la ville basse pour se rendre vers la forêt, il aperçut l'espace d'un instant une silhouette vêtue d'une cape sombre se faufiler entre les maisons. Merlin hésita à la suivre mais Kilgarrah l'appela à nouveau, détournant son attention. La seconde suivante, la silhouette avait disparu.
Le Grand Dragon lui expliqua qu'alors que Morgane était mourante, Aithusa l'avait guérie, poussée par un instinct mystérieux. Merlin ne savait trop que penser. Devait-il se réjouir de la survie de la jeune femme qui fut autrefois son amie ou s'inquiéter du sort qu'elle pourrait réserver à ses proches ?
-Et cet instinct mystérieux, demanda Merlin, a-t-il dit à Aithusa pourquoi Morgane devait vivre ?
Cela faisait près d'un an que Merlin ne croyait plus à un retour de Morgane à la personne douce et généreuse qu'elle avait été auparavant. Mais si une créature de l'ancienne religion comme Aithusa avait jugé bon de lui sauver la vie, alors peut-être cet espoir pouvait-il renaître.
-Tu sais déjà que mon avis sur la sorcière est clair, répondit Kilgarrah, il l'a toujours été : elle est au-delà de toute rédemption. Je suis surpris qu'Aithusa semble croire le contraire…
Merlin voulait plus que tout croire à cette possibilité. Peut-être pouvait-il faire quelque chose pour ramener l'ancienne Morgane. Mais, même s'il y parvenait, il serait difficile voire impossible d'accepter son retour dans Camelot. Pas après tout ce qu'elle avait fait.
Les visages des gens qu'elle avait le plus fait souffrir lui apparurent. Gaius en faisait partie. Il avait pris soin d'elle durant toute son enfance mais cela ne l'avait pas empêchée de le faire torturer par Alator puis de l'affamer. Elle avait tué son propre père, trahi Arthur, Gwen et la population de Camelot. Ce qu'elle avait fait subir à Gauvain et Elyan était innommable.
Morgane était aussi responsable de la mort de Lancelot et elle avait, par-dessus le marché, trouvé le moyen de salir sa mémoire : Lancelot avait été l'homme le plus noble que Merlin ait jamais connu mais Arthur pensait qu'il l'avait trahi de la pire manière qui soit.
Depuis toujours, Merlin était prompt à offrir son pardon, il croyait aux secondes chances et savait qu'on pouvait faire de mauvais choix, il en avait lui-même fait plus d'un. Mais dans ce cas précis, pardonner les erreurs de Morgane ne serait-il pas une insulte à tous ceux qui en avaient payé le prix ? Merlin se souvenait de la personne qu'elle avait été lorsqu'il était arrivé à Camelot. Pleine de compassion, elle n'hésitait pas à s'exprimer pour faire valoir ce qu'elle pensait être juste. D'une certaine manière, c'était encore le cas aujourd'hui, mais la compassion avait été remplacée par la haine pure et simple. Morgane s'était terriblement fourvoyée, et Merlin avait une part de responsabilité. S'il s'impliquait à nouveau, il pourrait éventuellement la remettre sur la voie du bien. Après tout, le Grand Dragon lui-même avait causé autant de dégâts que Morgane avant de se battre pour Camelot. Sa volonté de vengeance avait détruit des centaines de vies mais il s'était ensuite allié à Merlin, son Seigneur des Dragons et sa famille. Alors pourquoi, se demanda Merlin, ne pas envisager cela pour Morgane aussi ?
Toutefois, cela ne se ferait pas en un clin d'œil et il était peu probable qu'elle fasse spontanément le choix d'abandonner sa soif de vengeance. Merlin allait devoir agir. Parler à Morgane, tenter de la comprendre, de lui montrer la personne qu'elle était devenue et de la persuader de quitter cette voie.
S'il réussissait à s'approcher d'elle.
Mais elle haïssait Merlin et le tuerait à la seconde même où elle le verrait. Elle ne laisserait pas non plus celui qu'elle nomme Emrys l'approcher. Elle semblait anormalement terrifiée par le vieil homme. Merlin ne pouvait donc pas utiliser de sort de vieillissement pour entrer en contact pacifique avec elle. Il fallait que quelqu'un d'autre aille la voir. Quelqu'un qu'elle ne connaissait pas, mais aussi quelqu'un qui soit en mesure de se défendre si elle s'en prenait à lui. Merlin ne voulait risquer la vie d'aucun des amis qu'il avait parmi la communauté des sorciers. Il n'y avait qu'une seule solution à ce problème, même si elle s'annonçait laborieuse : un sort de transformation complet.
Si Merlin pouvait prendre une apparence totalement différente, il lui serait possible d'approcher Morgane et de gagner sa confiance. Il pourrait alors tenter de la convaincre de renoncer à sa folie vengeresse. Et s'il ne parvenait pas à la convaincre, il pourrait au moins se tenir informé des prochaines attaques sur Camelot qu'elle planifierait. Mais cela lui demanderait beaucoup de travail, Merlin allait devoir étudier les sorts de transformation durant des semaines avant d'être capable de les maîtriser. Et en supposant qu'il y parvienne, comment trouver un moment libre dans ses journées pour rendre visite à Morgane ?
Malgré toutes les difficultés qui s'annonçaient, Merlin était prêt à essayer.
-J'ai abandonné Morgane à son sort à de trop nombreuses reprises. Combien de fois ai-je renoncé à l'aider à cause d'une absurde prophétie, alors qu'elle n'était qu'une jeune fille terrifiée par ses propres pouvoirs ? Je ne renoncerai pas cette fois-ci. Je ferai tout mon possible pour faire en sorte de retrouver la véritable Morgane, cachée sous toute cette haine et cette noirceur.
-Je m'attendais à une telle réaction, jeune magicien, reprit le Grand Dragon. Je ne peux rien faire pour t'en empêcher. Prends garde de ne pas laisser la haine et la noirceur de la sorcière t'atteindre.
Merlin hocha la tête touché par la sollicitude de son ami.
Alors qu'il s'apprêtait à retourner à Camelot, Kilgarrah l'arrêta.
-Il y a une chose que tu dois réaliser, dit-il d'un air grave, Morgane n'aurait pas dû survivre. Son destin était de mourir de ses blessures après sa défaite et la reconquête de Camelot.
-Que veux-tu dire ? demanda Merlin, décontenancé.
-J'ai su dès l'éclosion d'Aithusa qu'elle était différente. Il est déjà très rare que naissent des dragons blancs mais le fait qu'Emrys soit le Seigneur des Dragons qui lui a permis de voir le jour en fait un être tout à fait exceptionnel. Comme tu le sais, ceux de mon espèce sont capables de connaître les grandes prophéties et de percevoir des bribes du destin. Mais Aithusa est aussi dans la possibilité de le modifier. C'est ce qu'elle a fait avec Morgane et c'est ce qui m'inquiète.
Merlin prit conscience, épouvanté, de ce que cela signifiait.
-Albion pourrait ne jamais naitre, murmura-t-il.
Après le départ de Merlin, Kilgarrah prit son envol. Il plana longuement au dessus des arbres avant de finalement repérer la personne qu'il cherchait et de se poser à ses côtés.
La petite silhouette portait une cape bleue. Elle se tourna vers le Grand Dragon mais ne parut pas le moins du monde effrayée à sa vue. C'était une petite fille blonde d'une dizaine d'années. Le regard désapprobateur du Grand Dragon n'affecta pas l'expression déterminée qu'elle arborait.
-Tu es retournée à Camelot, constata Kilgarrah. Tu sais très bien que si les chevaliers te capturent, ils n'hésiteront pas à te tuer, même en sachant que tu utilises tes pouvoirs pour venir en aide aux habitants de la cité.
La fillette ignora les remontrances du dragon.
-As-tu prévenu Merlin de la survie de Morgane ?
-Oui, répondit-il, je l'ai aussi informé de l'influence qu'un sorcier aussi puissant qu'Emrys pouvait avoir sur les œufs de dragon qu'il faisait éclore.
Kilgarrah marqua à une pause, fixant l'enfant du regard.
-Ce dont je ne lui ai pas encore parlé, reprit-il, c'est de l'influence qu'une personne aussi désintéressée que Merlin, et non plus Emrys, pouvait avoir. Il ne sait pas encore que lorsqu'il fait éclore un œuf, il fait ce qu'aucun Seigneur des Dragons n'a jamais fait.
-Sa magie se mêle à son dévouement, compléta la petite fille, transférant une partie de lui-même au dragon.
Elle poussa un long soupir.
-Il a fait de moi une dragonne avec une part de lui si forte que je peux devenir humaine, constata-t-elle amèrement. Cela fait-il de moi une sorte de monstre ? Est-ce pour cela que tu ne lui as pas dit ce qu'il avait fait de moi ?
-Tu es une créature à part, jeune dragonne. Vous l'êtes tous les deux, Merlin et toi. Vous êtes loin d'être des monstres. Vous êtes destinés à réaliser de grandes choses. Si je n'ai rien dit, c'est parce que je connais le jeune magicien. S'il apprend que la dragonne pour laquelle il a risqué sa vie prend des risques aussi inconsidérés, se promène dans Camelot de jour comme de nuit en affichant sa magie aux yeux de tous, il se sentira coupable de l'avoir mise en danger, même si nous savons tous deux qu'il n'y est pour rien.
-Je ne peux pas laisser tous ces gens souffrir alors que j'ai les moyens de les aider ! s'offusqua Aithusa.
-Ta compassion et ton courage te viennent sans aucun doute de ton Seigneur des Dragons. Mais j'ai bien peur que tu n'aies aussi hérité de son inconscience et de sa trop grande facilité à accorder sa confiance. Inconscience car tu prends d'énormes risques en exposant ta magie. Trop grande confiance car tu crois en Morgane. Lui aussi a autrefois cru en la bonté de la sorcière. Mais elle l'a trahi.
Mordred était en train de rédiger une lettre lorsqu'on lui annonça le retour de ses hommes. Il fit entrer les trois sorciers dans ses appartements.
-Nous avons brûlé les maisons et tué leurs habitants, annonça l'un d'eux. Il ne reste plus rien du village.
-Très bien, approuva Mordred. Avez-vous dit aux survivants d'où venaient vos ordres ?
-Nous avons proclamé haut et fort agir au nom du mage Mordred qui ramènera la magie dans tous les royaumes et mettra fin aux jours des traîtres au pouvoir.
Mordred hocha la tête, satisfait.
-Placez chacun de nos hommes dans un groupe de trois et donnez à chaque groupe la mission de détruire plusieurs villages des royaumes. Attaquez-vous aussi aux lieux de pouvoir, les nobles et les rois ne doivent pas échapper à notre avertissement.
Puis, le jeune garçon fit signe aux sorciers de sortir et s'attela de nouveau à sa lettre. Si tout se passait bien, elle lui garantirait de puissants alliés : les guerriers invisibles. Depuis la fondation de cette cité dans laquelle il régnait en maitre, Mordred avait tout fait pour mobiliser des sorciers venant de tous les royaumes et se constituer une véritable armée. Tout cela dans un but : mettre fin à l'œuvre d'Uther Pendragon, le traître, le monstre qui avait détruit tant de vies par sa folie.
Mordred n'oublierait jamais le moment où il avait finalement compris que le seul moyen de mettre fin aux souffrances du peuple magique était de répliquer par la force. C'était après l'attaque des chevaliers de Camelot sur le campement druide où il se trouvait, après la perte de Dame Morgane qui avait été récupérée par les hommes d'Uther. Aglain avait péri dans cette attaque, c'était un homme bon, c'était un ami. Mais les druides étaient des gens pacifiques, jamais ils n'emploieraient la violence, même contre ceux qui les pourchassaient aux quatre coins du monde et les exécutaient.
Mordred avait alors rejoint Alvarr dans sa quête du cristal de Neathid, ce fut pour lui un premier moyen d'agir contre l'oppression d'Uther. Mais Emrys avait empêché la réalisation de ce plan et avait révélé son vrai visage en tentant de faire arrêter Mordred par des chevaliers de Camelot. La véritable identité d'Emrys était celle d'un lâche capable de livrer l'un des siens à la mort. Alors, Mordred avait mis tous ses efforts dans la création d'une cité, un lieu qui n'accueillerait que les êtres magiques et les entraînerait afin d'en faire une armée.
Aujourd'hui, Uther était mort, mais les traîtres étaient encore au pouvoir : les dirigeants des différents royaumes avaient tous choisi de bannir la magie lorsqu'Uther l'avait fait. Grâce à son armée, Mordred pourrait bientôt prendre sa revanche sur eux, sur Arthur Pendragon et sur Emrys.
Note de l'auteur: Voilà un premier chapitre pour mettre les choses en place. Comme vous avez pu le voir, c'est un peu particulier pour ce qui est d'Aithusa. J'espère que ça vous a plu, n'hésitez pas à me dire ce que vous en pensez, même si c'est négatif. Je suis seule pour écrire, je n'ai pas de bêta donc je manque terriblement de recul.
A+