Ce que veulent les autres

Disclaimer : Ils ne sont pas à moi. Sherlock appartient à Conan Doyle, son interprétation moderne à Moffat et Benedict et Martin s'auto-appartiennent.

Ce qui m'appartient un peu sont mes rêves 3

Rating : M mais pas tout de suite


Bonjour,

Cette fanfic e termine avec ce chapitre. Je vous avoue qu'avec cette histoire, j'ai fait quelque chose d'absolument inédit dans ma façon de travailler puisque j'ai fait de l'improvisation. C'est-à-dire que j'ai écris mes chapitres tout en ayant une idée fort vague de la fin. Et comme j'ai une mémoire de carpe, j'ai écris la fin tout en oubliant le début.

Je ne sais pas si cette stratégie est une réussite mais je n'avais pas vraiment le choix car j'ai été extrêmement occupée ces dernières semaines et je m'excuse par avance aux reviewers à qui je n'ai pas eu le temps de répondre. J'essaierai de le faire dans la semaine qui suit.

J'espère que vous apprécierez cette lecture !


Chapitre 3 : Transcendance de l'érotisme

L'érotisme, c'est de donner au corps les prestiges de l'esprit.

Georges Poncin


POV Sherlock

C'est un bruit électronique qui me réveille. Court, joyeux et agaçant. Une sonnerie de SMS.

Ce n'est pas la mienne. Je tâtonne du bout des doigts pour trouver ton téléphone glissé entre les coussins du canapé.

Si tu l'as laissé là c'est que tu avais prévu qu'on parle…

C'est à la fois exactement le bon moment pour espionner ta correspondance et pas du tout le bon moment.

J'entrouvre les yeux pour découvrir la position extrêmement peu confortable dans laquelle nous nous sommes endormis. Mon dos me crie que c'est une aberration.

Le soleil rentre paresseusement dans la pièce dans un halo de particules en suspension et ma bouche est collée à ton ventre. Trois fois dans la nuit, tu m'as repoussé en marmonnant dans ton sommeil :

- S'il te plaît… Arrête de me baver dessus… Sherlock…

Apparemment, ta prière n'a pas été entendue.

Tu es étendu sur le canapé, d'une façon qui aurait pu être agréable si ta nuque n'avait pas été pliée en deux par l'accoudoir. Quand à moi, je suis accroché à toi comme un koala à sa mère, installé sur le ventre, les jambes dans le vide et le dos arqué.

Tu es encore entortillé dans ma robe de chambre, trop grande pour toi par ailleurs. Moi, j'ai gardé mes vêtements de la veille, ma bouche posée sur tes côtes et ma main glissée sur ton aine, sous le tissu.

Main singulièrement poisseuse d'ailleurs.

Gnnnnnh…

De la sueur froide remonte le long de ma colonne. N'y pense pas tout de suite Sherlock…

Avec l'autre main, je dégage le téléphone de John, et jette un regard à l'écran.

Je relève la tête et tu essaies de te tourner dans ton sommeil, pour trouver une position plus confortable pour ta nuque.

Il y a plein de messages d'Harry. Des messages inquiets pour la plupart. Apparemment tu aurais dû passer la nuit chez elle.

Je grimace en me permettant d'en lire certains :

« John ! Réponds, il est tard et je m'inquiète! Est ce que ton colocataire t'a assassiné ? HW»

Il y a aussi un message incompréhensible de ton ex :

« Au fait John, n'oublie pas que dans une chromatographie, des molécules ayant des charges semblables migrent dans la même direction. Courage ! EF »

Est-ce que cette subtile métaphore de molécules parle de nous ?

Je me relève en sentant chaque muscle de mon dos crier grâce et je te secoue doucement :

- John… Il est dix heures passé. Réveille-toi.

Tu entrouvres mollement les paupières avec l'air de ne plus trop savoir où tu es et tu sursautes en m'apercevant avachi sur toi. Ah, ça y est, les souvenirs de la veille te reviennent et ton visage se ferme.

Je te tends ton portable :

- Ta sœur t'a bombardé de messages, je crois que tu devrais l'appeler pour lui dire de ne pas t'attendre…

Tu lèves les sourcils avant de regarder ton ventre en grimaçant :

- Oh bon Dieu Sherlock, tu aurais pu éviter de me baver dessus !

De ma voix la plus patiente, je m'empresse de te rappeler qu'en tant que médecin, tu devrais savoir que le tonus de la mâchoire inférieur, la mandibule, se relâche durant le sommeil et qu'il est impossible de forcer qui que ce soi à la garder fermée.

Ce à quoi tu répliques qu'il n'avait aucun problème avec le fait que je bave, mais que j'aurais pu le faire ailleurs.

Hum… Argument accepté… Mais je n'en avais juste pas envie.

Je garde ce détail pour moi cependant…

Je me sens terriblement sale. Je fixe ma chemise froissée en grimaçant :

- Il faut que j'aille prendre une douche. Est-ce que tu veux venir avec moi ?

Tu me jettes un regard assassin avant de te lever à ton tour :

- J'irais après…

Je hausse les épaules et me rends dans ma chambre pour trouver des vêtements propres. Quand je reviens, tu es au téléphone avec ta sœur. Je m'appuie contre le coin du mur et j'écoute.

- …Oui… Si tu pouvais venir me chercher en voiture, j'ai quelques cartons à emporter et c'est compliqué en taxi. Oui, je suis désolé de ne pas t'avoir appelée, il s'est passé des trucs qui n'étaient pas vraiment prévu hier soir… Oui je te… raconterai… Oui, c'est ça. A tout de suite…

Tu raccroches et aussitôt tu me cherches dans la pièce, comme si tu étais certain que je serai en train de l'écouter.

D'une certaine façon, je suis sûr qu'il est plus facile pour toi de me l'annoncer comme ça. Je soupire :

- Alors tu pars quand même…

- Oui. Au moins pour quelques temps. J'ai besoin de réfléchir.

- Ce qu'il s'est passé n'a rien changé ?

- Si. Ça a changé des choses, mais pas forcément dans le bon sens. Il y a des choses qu'il faut que j'assume. D'autres qu'il faut que je digère.

- Comme assumer ton désir pour moi et digérer que tu n'es pas capable d'y résister.

- Digérer qu'une fois de plus tu m'as manipulé pour avoir ce que tu veux, Sherlock Holmes.

Je me renfrogne :

- Je n'ai pas ce que je veux. Tu pars…

Tu lèves les bras au ciel :

- Que veux-tu que je te dise ? Je ne vais quand même pas te faire une déclaration dégoulinante et te dire que je vais rester à tes côtés pour toujours !

- Oh. Juste pour le comique de la situation, j'espère entendre ça un jour.

Tu me fais ta tête de hérisson contrarié et tu répliques du tac-au-tac :

- Tu sais quoi ? Non, laisse tomber… Ça te dérange si je prends ma douche en premier ? Harry va passer d'une minute à l'autre.

- Fais comme tu veux.

Je te vois grimper à l'étage rapidement et redescendre avec des vêtements propres et une serviette.

Tu rentres dans la salle de bains et tu fermes le verrou, ce que tu ne faisais jamais avant.

Très calme, je m'approche et m'appuie contre la porte de la salle d'eau et en fermant les yeux, j'écoute l'eau qui coule sur ta peau.

Je me laisse glisser sur le sol.

Bizarrement, je me sens extrêmement serein. Il n'y a plus la surprise de ton départ. Il y a cette chose que nous avons partagée. Il y a le fait que tu n'aie pas cherché de nouvel appartement mais que tu te fasses héberger par ta s?ur.

Quelque chose a changé. Quelque chose est en mouvement.

Tu voulais que tout soit toujours pareil entre nous. Ce n'est pas possible et tu l'as accepté. Maintenant il va falloir réfléchir à ce qu'il y a de mieux à faire.

La douche s'est arrêtée.

Tout de même, si j'avais su que tu partirais, j'aurais profité un peu plus longtemps de cette étreinte avec toi.

Je t'entends te sécher rapidement et puis tu ouvres la porte.

Tu n'as pas du tout l'air surpris de me trouver juste devant. Au contraire, tu me poses immédiatement une question en baissant les yeux vers moi:

- Maintenant tu peux me le dire. Tu en avais envie ou pas ?

Je devine que depuis ton réveil, tu n'arrêtes pas d'y penser.

Je cligne des yeux :

- Je n'avais pas vraiment envie d'avoir de rapports sexuels avec toi. J'avais envie de voir ton visage pendant un orgasme.

-…

- De préférence un orgasme que je t'aurais donné.

Tu grimaces :

- Viens-tu juste de dire ça à voix haute ou bien est-ce une hallucination de mon esprit malade ?

- Est-ce que ton esprit te donne souvent ce type d'hallucination, John ?

- Pas vraiment. Et maintenant que tu as expérimenté, en as-tu toujours envie ?

Un petit sourire suffisant se pose sur mes lèvres :

- Je vais profiter de ton absence pour y réfléchir.

Tu fais la moue et je complète :

- Il n'y a pas de raisons que ça n'aille que dans ton sens…

- Je suppose.

- …

Tu portes un de ces gros pulls que tu affectionnes tant. Je ne me sentirai bien face à toi que quand j'aurai retrouvé une tenue décente. Mais dans la rue, un klaxon retentit et je n'aurai sans doute pas cette chance avant que tu ne sois parti.

Tu vas jeter un coup d'œil dehors. Harry est là.

J'allume une cigarette pendant que tu fais des allers-retours dans l'escalier pour descendre tes cartons.

Et puis en quelques minutes, c'est fini. La cigarette est consumée et tu me regardes d'un air embarrassé. Je me sens de nouveau tendu. Combien de temps sans te voir ? Je me promets de te harceler de SMS.

- J'y vais.

- Oui.

- Appelle-moi si tu as une affaire et que tu as besoin que je vienne…

- Hum.

Oh mon Dieu oui !

Tu n'avais pas refermé la porte, John, que je m'étais déjà précipité sur mon ordinateur, à la recherche d'un crime juteux et d'une excuse pour avoir besoin de toi.


POV John

Trois semaines plus tard…

- Non, Sherlock, je te promets que sauver un chat dans un arbre n'est pas une affaire qui nécessite ma présence. Et je me fiche que tes chemises soient moins aptes que mes vieux pulls à se frotter contre des écorces d'arbre ! Et je me fiche que le chat soit celui du neveu de Mme Hudson ! Non Sherlock ! Non, non, non ! Pas cette fois !

Je mets fin à la conversation, envahi par un intense agacement.

Il ne faut que trois minutes à Sherlock pour m'envoyer un SMS :

« Mais tu n'as rien de mieux à faire de ta journée ! - SH »

Mes doigts dansent sur mon clavier de téléphone:

« Je TRAVAILLE ! - JW »

« Ne te moque pas de moi John. Il n'y a pas de rossignols dans la zone qui entoure ton cabinet, et je les ai entendus très distinctement dans le combiné. - SH »

Pris en flag.

Je ne réponds pas et je sais que bientôt ma messagerie sera saturée de :

"John ? SH"

"John ? SH"

"John ? SH »

Je mets mon téléphone en silencieux et continue de marcher.

Je traverse tranquillement la Serpentine qui sépare Hyde Park de Kensington Garden. Cela fait longtemps que je n'ai pas eu l'occasion d'aller me balader et d'ignorer à la fois mon travail et les caprices de Sherlock.

Depuis que je vis chez ma sœur, je n'ai pas vraiment pris le temps de revenir sur ce qui s'est passé. Ou disons plutôt que j'évite d'y penser.

Cependant, je crois qu'Harry commence à en avoir marre de moi, et cela signe la fin de ma tranquillité. Il me reste à présent le choix de retourner à Baker Street, ou bien de me prendre un appartement.

Pour le moment, tu réagis étonnamment bien, si on ignore ta façon de me harceler pour résoudre avec moi des crimes auquel tu n'aurais accordé aucune attention dans le passé. Mais si je choisissais de prendre un nouveau logement, cela ne marquerait-il pas le glas de notre trêve ? Et en choisissant de ne plus vivre avec toi, cela deviendrait-il définitif ?

Pour répondre à ces questions, j'ai finalement décidé sur un coup de tête de prendre ma journée et de m'isoler pour réfléchir.

J'aurais pu attendre le week-end mais le parc aurait été beaucoup moins calme.

Je me choisis un banc solitaire pour me plonger dans mes élucubrations, seulement interrompu par la vibration intermittente de tes SMS.

Je m'efforce de repenser à ce moment où tu as fondu sur moi et mon visage se ferme.

...

Dans la pénombre, tes yeux de chat brillent comme des lampes.

Je retiens mon souffle. Je veux te dire d'arrêter mais ma voix semble bloquée dans ma gorge. J'aimerai dire que c'est ta sensualité qui m'empêche de parler, mais il y a plus.

Ta façon de m'approcher n'est pas une marque d'amour, c'est une déclaration de guerre.

Tu viens poser tes marques sur ce qui t'appartient.

Jusqu'ici, en suzerain bienveillant, tu t'es contenté d'une politique douce envers moi. Mais soudain, voilà que ton vassal entrevoit son indépendance. Oh créature puissante, tu sors tes griffes.

Ta main qui remonte sur ma cuisse fait ressortir la chair de poule, comme une armée qui s'avance et met le feu aux villages.

Tu te penches et ton souffle parcourt ma peau. Je me sens à la fois mortifié et terriblement troublé.

Mes mains se plongent dans tes boucles noires et je n'arrive pas à savoir si je te repousse ou si j'attire ta bouche à moi.

J'entends tes narines palpiter.

Tu me humes. Et je te connais alors je devine ce que tu fais.

Par mon odeur, tu définis ma peur, mon envie de toi, ma capacité à me battre et à rendre les armes.

Je parie sur une odeur de savon, de sexe et d'autre chose qui doit être mon parfum tout simplement.

Et puis tu me sens parce que tu as faim, pour une fois…

Tu es un ogre Sherlock.

Ma poitrine s'emballe tandis que l'excitation me chatouille le bout des doigts.

Tes dents effleurent mon épiderme et je gémis à voix basse. Comme un loup inquiet.

Ta langue pointe hors de tes lèvres et elle remonte avec ce que j'appellerai avec ironie « le dernier bastion de la résistance ».

S'il est encore question de guerre, autant dire que tu m'affames derrière mes murs. Je suis affamé d'être mangé.

Il n'y a plus rien à sauver chez moi. Rien d'autre à faire que me rendre sous les assauts de ta bouche.

Oh plus de protestations, je te le promets. Mes doigts labourent ton crâne et j'appuie ma tête en arrière.

Je ne souhaite rien d'autre que d'être englouti dans ton mystère.

J'entends ton rire. Tu recules :

- John…

Non. Non. Non. Tue-moi s'il le faut, mais ne m'abandonne pas comme ça !

- Dis-le John…

- …

- Tu te souviens… Rien sans que tu le veuilles… Est-ce que tu le veux ?

- Est-ce que tu as déjà fait ça avec quelqu'un d'autre ?

- Dis-le John.

Je devine mon visage brumeux et mon regard égaré. Toi, tu as un rire dans les yeux et tes dents brillent dans ta bouche, tout au fond. Je souffle :

- Est-ce que tu m'aimes ?

Tu secoues la tête, l'air contrarié :

- Ne demande pas ça maintenant John…

- …

- Pour le moment nous parlons de désir. Nous parlerons d'amour quand il sera temps. Demande.

- Dévore-moi.

Je vois tes pupilles grignoter ton iris à ces mots. Tu susurres :

- Pas de métaphores. Sois vulgaire !

C'est un ordre et moi le vassal repentant, j'obéis :

- Suce-moi…

La honte envahit mes joues.

Enfin, tu as eu ce que tu veux et ENFIN tu t'exécutes.

Tu me savoures lentement.

Après mon odeur, mon goût.

Je sens tes papilles qui s'attardent sur la douceur de ma chair. De toutes les pratiques sexuelles, il n'y en a pas d'autres où je me sente plus vulnérable.

Est-ce que tu le savais ?

Tu continues ta danse lente et envoûtante, sans jamais accélérer.

Est-ce que tu es en train de penser à mon plaisir ? Ou bien es-tu en train de me résoudre comme tu le fais avec tes enquêtes ?

Est-ce que tu as déjà fait cela à quelqu'un d'autre que moi ? Une vague de jalousie d'une rare violence me crispe.

Tu as le plein pouvoir et tu en profites salement. Je parviens tant bien que mal à me détendre à nouveau. Je sens monter l'orgasme et il te ressemble.

Une vague lente, violente et sans pitié.

- Sher…

Je n'ai pas le temps de finir ton nom. Brutalement, mes doigts éloignent ton visage. Et toi, d'un geste autoritaire, tu saisis mon sexe entre tes longs doigts et tu contemples mon orgasme avec une curiosité scientifique. Et puis ton regard se reporte sur moi. Sur mes lèvres entrouvertes, sur mon tremblement nerveux et sur la sueur qui emmêle mes cheveux.

Oh ton visage a l'air parfaitement calme. Je ne te connaîtrais pas, je ne noterais pas la veine qui bat à ta tempe, ni tes yeux qui sont toujours noirs à force d'être dilatés.

Nous nous contemplons en silence…

...

Mon téléphone vibre de plus belle. La mémoire doit être pleine. Légèrement agacé, je le sors de ma poche pour voir qu'en effet, tu t'en es donné à cœur joie.

Au milieu de tout ça, il y a un unique message de Lestrade :

« Que se passe t-il avec Sherlock en ce moment ? Il semble possédé… Il n'arrête pas de me demander des enquêtes, même si elles ne présentent aucun intérêt… - GL »

En soupirant, j'efface les messages et je sors de ma poche un crayon de papier soigneusement taillé et une feuille de papier pliée.

Je commence à dessiner un graphique.


POV Sherlock :

Ma cuillère tourne doucement dans mon thé. Deux sucres et du lait s'il vous plaît. Et aussi, je contemple le regard suffisant et imbécile de mon frère.

Je ne peux me retenir de lancer un « Quoi ? J'ai quelque chose sur le visage ? » d'un ton criard. Oh mon Dieu ce qu'il m'énerve ! Et le fait que je n'arrive pas à maîtriser ce comportement enfantin en sa présence m'énerve encore davantage.

Le fait de l'avoir contacté pour mendier une affaire intéressante était en soi suffisant pour que je me sente humilié pour plusieurs centaines d'années.

Il répond en sirotant amoureusement son café, qu'il sirote d'autant plus lentement qu'il s'est permit de l'accompagner d'une élégante religieuse au café sur un petit napperon en papier gaufré.

- Je n'avais rien remarqué… Mais maintenant que tu le dis, tu as un air contrarié…

- Il va sans dire. Si tu n'avais aucune affaire juteuse sous le coude, je ne comprends pas très bien ce que je fais dans ce café avec toi…

- Tu es là parce qu'hier soir, John a consulté pendant une vingtaine de minutes des petites annonces d'appartements, qu'il les a fermées toutes d'un coup d'une façon extrêmement brutale avant de faire les cents pas dans la chambre d'amis qu'il occupe chez sa sœur.

- Et donc je serais là pour ?

- Pour me tirer les vers du nez autant que tu le peux à propos de John, Sherlock…

- Et toi tu serais là… ?

- Tu sais que je déteste quand on ne me met pas dans la confidence…

Je soupire avant d'aspirer une gorgée de thé en affichant un profond air dédaigneux. Je finis par lâcher du bout des lèvres :

- Et que fait John en ce moment ? Depuis trois jours, il refuse de répondre à mes textos…

- John est au travail. Il a doublé sa quantité de patients depuis le jour où il est allé réfléchir au parc. Depuis ce jour, il lui arrive deux à trois fois par jour de regarder son téléphone, de taper un texto avant de l'effacer et de remettre son portable dans sa poche.

Je me mordille la bouche :

- Donc il a pris une décision, mais il n'ose pas m'en parler. Mais qu'importe, j'ai moi aussi réfléchi et pris des dispositions en ce qui le concerne…

- Oh, cela fait partie de mes interrogations, bien entendu ! Depuis le départ de John, tu passes de plus en plus de temps à Baker Street dans le noir avec les volets clos. Je me demande bien ce qui peut t'occuper tant.

- Il se trouve que je pensais bien que tes caméras étaient tournées vers mon intimité.

- Avant, ça ne te dérangeais pas…

- Avant je n'avais pas ce type d'activité…

-Et vas-tu me dire ce que tu fabriques tout seul dans le noir ? J'hésite entre une dépression nerveuse avec prise de stupéfiants et le développement de photos argentiques… Mais tu as l'air net et le développement de photos n'est pas un passe-temps honteux.

- J'essaie d'apprendre à me masturber correctement. C'est plus délicat qu'il n'y paraît.

Tes sourcils s'élèvent et tu prends un air hautement amusé. Dommage, j'espérais voir ton masque tomber l'espace de quelques secondes.

- Intéressant.

- Oh, je ne pensais pas que l'annonce soudaine d'un intérêt sexuel chez ton petit frère aurait mérité un tel mot.

- Ce que je trouve intéressant est la suite d'évènements qui est actuellement en train de se dérouler entre toi et John… Et du fait que tu en viennes à te préoccuper de ce que… Veulent les autres.

- La masturbation n'a pas vraiment de lien avec ce que veulent les autres.

- Non, mais John m'a fait comprendre que ton absence de désir au cours de l'acte sexuel était un rempart à ton désir d'exclusivité… Et quelques semaines plus tard, je te retrouve en train d'expérimenter les joies du plaisir solitaire. Satisfait ma curiosité Sherlock, es-tu en train d'apprendre à ressentir le plaisir charnel que John pourrait attendre de toi ?

Je lui réponds par un silence entrecoupé d'une gorgée de thé. Il s'assoit plus confortablement et me contemple avec un de ces grands sourires mesquins dont il a le secret :

- Fascinant…

Ais-je déjà précisé à quel point je haïssais cet homme ?

Tu enchaînes :

-E t tes ébats se sont-ils montrés concluants ?

- Infiniment.

Il n'aura rien de plus de moi.

Il n'a pas besoin de savoir que je ronronne quand des doigts slaloment entre mes lombaires.

Pas besoin de savoir que le plaisir est plus intense quand je vocalise.

Pas besoin de savoir que je ne jouis qu'avec ton visage en tête.

Mais que l'idée de toucher un vrai corps me fait débander.

Pas besoin de savoir que j'aime être violent ou au contraire très, très doux et lent, mais jamais dans les intermédiaires.

Pas besoin de savoir que j'ai envie de faire l'amour après avoir joué du violon ou vu un cadavre, mais pas après m'être ennuyé.

Et aussi que j'en ai envie quand je suis très propre ou imprégné de la crasse érogène d'une aventure mais jamais recouvert de fatigue ordinaire.

Il n'a pas besoin de savoir tout ça. Il a juste besoin de savoir que j'ai besoin de John car je sais qu'il ne peut pas s'empêcher de jouer au grand frère modèle avec moi.

- Au fait, puisque le moment est aux déclarations, je lui ai dit, à propos de tes cures de désintoxication.

Mon sang se glace :

- Quoi ?

- A propos du fait que tu étais son remède…

Je retire tout ce que je viens de dire à propos du fait que Mycroft pouvait être utile ! Mon frère est un imbécile.

Je repose violemment ma tasse de thé sur sa coupelle et son contenu passe à moitié par-dessus bord :

- Est-ce que tu réalises que ce que tu as fait va uniquement servir à braquer John et à le faire se sentir acculé ? Jamais je n'ai souhaité que John reste près de moi pour ne pas replonger dans la drogue.

- Mais c'est ce que je souhaite, me coupe Mycroft, sèchement.

J'ai envie de me lever et de lui donner quelques petites baffes bien senties :

- Oh mon Dieu ! Est-t-il possible que John ait quitté le 221B parce qu'il se sentait pris dans un monstrueux chantage affectif mis en place par un des membres les plus influents du gouvernement ?

- Ça ressemblerait à John ?

- Je ne sais pas ! Je… OUI ! c'est du John tout craché !

Mycroft me fait une grimace :

- N'as-tu pas l'impression de me remettre la faute sur le dos ? C'est toi qui lui as demandé d'être « exclusif ».

- J'ai peut-être été maladroit.

- Peut-être, oui…

Je me suis levé sans prendre le temps de payer ma consommation.

- Il faut que je trouve le moyen de lui parler !

Mycroft me fit un sourire rassurant :

- C'est inutile Sherlock.

Devant mon regard perplexe, il ajouta :

- Il est actuellement en train de se décider à t'envoyer ce fameux SMS.

Le temps que Mycroft ait fini sa phrase, mon téléphone sonna dans ma poche. Je le sortis avec une frénésie peu commune.

« Est-ce qu'on peut aller manger quelque part pour discuter ? J'ai quelque chose à te dire. JW »

J'étais encore en train de le fixer que mon duffle coat était déjà enfilé. Mycroft susurra dans sa religieuse :

- Des bonnes nouvelles ?

- Il veut qu'on discute.

- Parfait. Que vas-tu lui dire ?

-Je vais lui demander d'être mon petit ami…

Mycroft arrêta de mâcher la religieuse au café qu'il venait d'enfourner :

- Férieufeument ? demanda t-il en oubliant tout sens de l'élégance.

Et je répondis à son regard appuyé par un autre regard appuyé. Et non, John n'allait pas se sentir encore plus oppressé. J'espère.

- Oui.


POV John

Franchement, qui avait eu l'idée moisie d'aller chez Angelo ? Moi peut-être ?

Cette foutue bougie foutait vraiment une ambiance nauséabonde mais Sherlock ne semblait pas du tout s'en apercevoir.

Cependant, il y avait un charme secret à se trouver là.

- La toute première fois qu'on a mangé ensemble. C'était là.

- Je ne me souviens pas.

- Si. C'était la toute première affaire que l'on menait ensemble. Le chauffeur de taxi. Je t'ai demandé si tu avais quelqu'un. Tu m'as dit que tu étais marié à ton travail.

Tu regardes par la fenêtre. Le menton dans la paume, l'air distrait.

Tu finis par me répondre :

- Peut-être…

- Est-ce que tu imaginais qu'on en viendrait à se retrouver aujourd'hui dans ce même restaurant pour discuter de notre entre guillemet « couple » ?

- Pas vraiment.

A quoi est-ce que tu penses ?

Tu étais en avance tout à l'heure. Tu faisais les cent pas dans ton grand manteau noir, le nez dans ton écharpe bleue. Tu semblais fébrile et puis quand tu m'as vu arriver, tu es devenu soudainement beaucoup plus calme. Tu as enfoncé tes mains dans les poches de ton manteau et tu n'as plus dit un seul mot depuis, sauf quand je te les arrache.

Je me sens très mal à l'aise alors j'enchaine maladroitement avec des sujets neutres : les enquêtes, Harriet, la copine d'Harriet, l'alcoolisme d'Harriet… Et blabla et blabla…

Tu m'écoutes avec un doux sourire sur les lèvres et je devine que tu as pitié de moi et de mes maigres tentatives pour noyer le poisson.

- John.

Tu finis par interrompre mon monologue. Je frémis. Tu murmures.

Si bas. Si bas.

- Est-ce que tu veux être mon compagnon, John ?

Si bas que je ne suis pas sûr que tu l'ais dit.

Si bas que je peux faire semblant de ne pas l'avoir entendu…

De quoi je te parlais déjà ?

Je repars d'un ton monocorde sur le divorce de Lestrade dont tu n'as tellement rien à foutre et les mots ont un goût de cendre froide dans ma bouche.

Ton regard n'a pas flanché. Tu me fixes de tes yeux bleus et perçants et même si tu n'as pas tressailli d'un muscle, je devine ta peine.

Tu ouvres la bouche et j'enchaîne avec un flot ininterrompu de mots sans queue ni tête.

Tu insistes en élevant la voix :

- John !

Et moi je ne peux rien faire d'autre que d'élever la voix plus haut, tout en essayant de ne pas attirer l'attention des autres clients :

- Sherlock !

Ma main se crispe sur la nappe. Et la tienne s'est mise à trembler. Ton visage est un masque d'une telle froideur que j'ai peur de le regarder en face. Je reprends la parole à voix basse :

- J'ai pris une décision, tu sais. Et peu importe ce que tu as à me dire, je vais m'y conformer.

Tu clignes deux fois des yeux avant de susurrer d'un air aigre :

- Il me semble que ce que veulent les autres se limite tristement à ce que tu veux toi, John…

Je lui fais une grimace contrite :

- Ouch…

Mais cela a l'air de te faire rire un peu. Tu fais tourner le vin dans ton verre, tu le humes et puis tu baisses tes yeux vers moi avec cet air moqueur et mélancolique qui me donne mal au ventre.

- Alors ? Que va-t-il nous arriver John ?

Nerveusement, je glisse une main dans ma poche et j'en sors un papier que je demeure dissimulé à ton regard :

- Et bien, je te dirais ma décision sans faute dans quelques minutes, mais avant qu'on en arrive là, il y a quelques questions que je voudrais te poser. Et j'ai besoin que tu sois réellement sincère avec moi. Si tu as un tantinet d'affection envers ma personne, alors je te supplie de le faire…

Tu as l'air perplexe, puis tu soupires :

- Ok John. Allons-y pour les questions…

D'une voix qui flanche un peu, je jette un ?il à mon papier :

- Est-ce que tu es fâché contre moi ?

Tu fais la moue :

-Oui.

- Est-ce que tu as envie que je revienne vivre avec toi malgré tout ?

- Oui.

- La question d'après est un peu…

- Demande.

- Tu as dit que tu voulais me voir jouir grâce à toi l'autre jour. Est-ce que le fait de le voir était aussi satisfaisant que ce que tu imaginais ?

- Oui.

Je rougis. Comment peux-tu répondre à cela comme si nous parlions du beau temps ?

- Est-ce quelque chose que tu souhaiterais voir encore ?

- Te voir jouir grâce à moi ? Oui.

- Et avoir des relations sexuelles avec moi ?

- Je ne souhaite pas en avoir…

- …

- Comme je l'ai déjà précisé, je suis capable de passer outre ce sentiment. Et puis je m'entraîne pour essayer de développer ma sensualité. Mais ce sont des choses que je fais pour toi, pas pour moi.

Tu entraînes quoi ?

Je veux continuer mais tu me coupes la parole :

- Cependant, l'idée d'avoir une relation physique avec toi est une chose qui occupe beaucoup du temps que je passe dans mon palais mental. Du temps que je passe de mon plein gré bien entendu. C'est l'idée de quelque chose de plus « réel » que je trouve déplaisant…

Je ne pus m'empêcher de rire :

- En gros, tu fantasmes sur nous mais l'idée de me toucher pour de vrai te dégoûte.

Tu as l'air d'avoir avalé une grosse arête de poisson.

Je secoue la tête en souriant et soudain je me sens prêt pour ce que tu essayais de me dire tout à l'heure :

- Tu m'as demandé si je voulais être ton compagnon.

- Oui.

- Est-ce que tu m'aimes ?

Alors que tu étais occupé à siroter ton verre de vin, tu relèves les yeux vers moi et tu me jettes une ?œillade féroce :

- Ce n'est pas sur ton papier John. Je ne réponds pas aux questions subsidiaires.

- Quoi ?

- Tu as dessiné un arbre à choix multiples qui correspond aux questions que tu m'as posées. Pour chaque choix de réponse, tu as choisi une décision nous concernant. J'ai répondu à toutes les questions de ton test, John. Maintenant, je veux savoir ce qui va se passer.

Je secouai la tête en souriant :

- Il est impossible pour moi de te surprendre, pas vrai Sherlock ?

- … Peut-être. Je me sens plus rassuré comme ça.

- …

- John. Si je t'avais dit que je voulais faire l'amour avec toi, est-ce que ça faisait partie du choix multiple de savoir si je préférais être au dessus ou en dessous ?

Je te fixe d'un air blasé :

- Je n'ai pas mis ce choix là, Sherlock. Pourquoi…

- Simple curiosité. Je n'arrive jamais à me décider.

Je secoue la tête en souriant.

Comme le silence se poursuit, je suppose que c'est le moment de mettre un terme à tout cela, alors j'ouvre la bouche :

- Ce que je veux c'est…


Epilogue


POV Sherlock

C'est l'heure du crime.

La terre emplit ma bouche et mes cheveux sont mêlés de feuilles mortes.

Le cadavre est encore là, chaud et nous contemple de son regard mort, avec ses organes en fleurs sur le sol.

Je t'embrasse à pleine bouche.

Tu agrippes si fort mon col que tu me fais mal. Je sens la terre qui roule sous nos corps et je plonge mes longs doigts dans l'humus humide, contre les insectes, les cailloux froids et les vers.

L'air est celui d'une scène de meurtre. Il est lourd du parfum de cette femme assassinée, de la terre pourrissante, et de ce parfum de menthe que les policiers mettent sous leurs nez pour ne pas être nauséeux. Et parmi ça il y a ton odeur. Ton essence.

Je dilate mes narines et t'empoigne pour te humer. L'odeur vient du cou, de l'arrière des oreilles. Elle est plus forte sur ton corps.

Je déboutonne ta chemise en arrachant deux-trois boutons et tu halètes contre mon oreille.

Oh il est rare que tu me laisses aller aussi loin que ce que nous sommes en train de faire.

Tu me regardes. Tu ne sais faire que ça. Si jamais tu penses trop fort au cadavre, ça va te refroidir, et pas question que je te laisse filer dans l'état où je suis.

Tu glisses tes doigts sous mon manteau et tu m'aides rapidement à le faire glisser de mes épaules. Tu le jette plus loin, sans réaliser que tu as renversé une partie du matériel d'investigation.

La victime te regarde avec un sanguinolent regard de reproche mais tu t'en fiches.

Tu essaies de m'enlever ma chemise en prenant le dessus sur moi mais je grogne et parvient à te faire basculer contre le tronc d'un arbre. L'écorce te zèbre la peau et moi je glisse mon nez le long de tes pectoraux. J'esquisse avec mon nez les méandres de ta cicatrice.

On dirait une toile d'araignée. La mienne.

Et au centre il y a un cratère vide. Une cataracte sur le désert mate de ta peau. Comme des fragments de roches parmi les dunes de ton ventre et de tes côtes.

Je sens tout cela et je descends sur ton nombril tandis que je m'empêtre de plus en plus dans ma chemise qui s'enlève de la plus mystérieuse des manières.

J'aime ton vieux corps, fait de douleurs et de muscles. Je le sens rouler sous mes paumes comme une machine antique et fabuleuse.

Tu mords mes épaules tandis que ma chemise reste bloquée sur mes coudes et j'essaie de t'embrasser à nouveau.

Si tu ne veux pas, je te frapperai.

Tu ne veux pas lâcher mon dos alors j'agrippe tes cheveux avec mes ongles pour te forcer à me regarder.

Je te gifle et je t'embrasse.

Aime-moi ! Tu veux bien, dis ?

Être mon autre. La face cachée de ma folie.

Dans la panique tu te relèves, je me laisse glisser à genoux et mes mains glissent le long de tes hanches pour faire tomber tes derniers vêtements sur tes chevilles.

D'un geste impérieux, je les jette sur… sur le cadavre.

Oups !

Je ne compromets pas une scène de meurtre. Je ne compromets pas une scène de meurtre.

Les bandes jaunes et noires dansent autour de nous avec ironie.

Je me redresse et tu me déshabilles à mon tour avec lenteur.

Enfin, nous sommes nus dans le clair obscur de cette nuit baignée de lune et de meurtre.

Ton sexe m'observe et le mien ronronne.

Ils se lovent l'un contre l'autre et se font un cocon entre nos deux corps qui s'enlacent.

Mon nez roule dans tes cheveux et Oh mon Dieu comme je te désire, là, parmi les ombres de la nuit. Parmi les mystères et à la frontière de la mort. Je t'étreins comme si tu n'étais pas à moi, comme si en réalité je ne pouvais pas te toucher et me fondre avec ton corps.

La lourdeur de l'air nous pénètre et je sens sous mes orteils nus les asticots qui grouillent et la terre qui ne fait qu'attendre de nous avaler. Comme avec cette fille assassinée, juste là.

A s'être trop roulés par terre, nos corps sont recouverts de mousse, de terre, de poussière et de sueur. Un lucane escalade ton épaule et dans les poils de nos pubis évoluent avec maladresse des papillons de nuit blancs et duveteux.

Ton visage sous la lune est découpé à la serpe et tu es merveilleusement beau.

C'est alors que je te pose cette question totalement indispensable :

- John… Toi au dessus ou moi ? Je n'arrive jamais à décider !...

Et le John qui est devant moi cligne des yeux d'un air stupide et hébété.

...

...

- Sherlock ?

J'émerge des profondeurs de mon esprit avec un grognement de mécontentement. Dans mon assiette, mon pain grillé est froid.

- A quoi est-ce que tu pensais ?

- A rien. Je me laissais porter par mon esprit.

Tu me jettes un coup d'œil sévère mais bienveillant :

- Tu étais encore dans un de tes fantasmes malsains et un peu sado-maso-poétiques ?

Je ne réponds pas et fixe ma tasse de thé vide avec mauvaise humeur.

C'était pourtant tellement bien parti.

Tu t'assieds devant ton assiette d'œufs brouillés. De l'autre main, tu bois une gorgée de jus d'orange avant de remettre en place une mèche de cheveux gris.

Les années ont glissé sur toi par décennies sans que je m'en rende compte. Mais toi, tu les as comptées. Tu as minci et fais beaucoup de sport, comme si vieillir te faisait peur.

Tu as l'air plus calme, plus distingué. Comme si finalement tu avais perdu une partie de cette innocence pataude. Dommage.

Tes yeux vert gris se sont délavés.

Les miens aussi d'ailleurs. Et mes cheveux noirs se sont veinés de blanc.

Tu te sers un café et j'observe tes poignets qui glissent hors de la robe de chambre. J'attrape un morceau de pain et ma main frôle ta peau.

Un long frisson nous parcourt et je te vois sourire avec douceur.

Et je repense à ce pacte que nous avons fait il y a bien longtemps…

Ce jour où tu as dit que tu m'avais posé tes questions et que tu ferais ce que je voudrais.

Que tu dévouais ta vie à la mienne.

Tu m'as dit ça avec ton regard sans détour et ta posture rigide de militaire. Avec ta politesse excessive d'Anglais droit qui a pris une décision.

John, tu es revenu vivre à Baker Street et quelque chose a changé.

J'ai guetté ton reflet dans l'éclat des miroirs et les mouvements que nous avions étaient un jeu pour se frôler puis se fuir.

Je t'ai écouté la nuit prononcer mon nom dans tes rêves et tes orgasmes.

Je t'ai vu te toucher et m'adorer en t'épiant entre deux portes.

Et je savais que tu les laissais ouvertes pour moi, parce que c'était ce que j'avais demandé.

Plus jamais tu n'as éructé que tu n'étais pas gay. Plus jamais tu n'as nié quand quelqu'un évoquait un nous.

Tu as dit que tu ferais ce que je voulais, alors je suppose que toutes ces années tu as été mon compagnon, comme je te l'ai demandé aussi ce jour là.

Je ne t'ai plus jamais touché et cependant… Je sais qu'il n'y a pas plus amants que nous, qu'il n'y a pas de désir plus tangible que celui que j'ai pour toi, ni d'amour aussi profond que celui que tu as pour moi.

Mais je n'ose pas et n'oserai jamais franchir ce pas qui a été le leitmotiv de nos vies :

L'entremêlement serré de mystères à résoudre et cette lente transcendance de l'érotisme qui n'a jamais été plus vrai que dans l'espace qui nous sépare.

Je te regarde tandis que tu te lèves pour aller chercher la bouilloire.

Je murmure, soudain ému :

- John…

Tu te retournes à demi et me souris tandis que je bafouille :

- John, je t'…

Tu baisses les yeux et comme le reste de ma phrase se perd dans les limbes, ce vieux monsieur que tu es devenu me répond, rêveur :

- Une autre tasse de thé, Sherlock ?

FIN


Voilà, cette fiction est terminée et je suppose que je suis la première désolée qu'elle ne se termine pas d'une façon plus sucrée, -surtout que jusqu'au bout j'oscillais entre des choses plus niaises ou plus triste- mais j'ai du mal avec les fins parfaites tout comme j'ai du mal à ne pas faire des fictions pleines de symboles et de descriptions redondantes. Si bien que je pense qu'une lecture de mes fictions serait très utile pour une bonne psychanalyse ^^.

N'hésitez vraiment pas à me dire ce que vous en pensez et de mon coté, je vais me remettre à ma fic Hp avec le cœur léger.

N'hésitez pas à me dire si vous avez aimé, détesté, été frustré. Tout commentaire me fera plaisir ou me permettra de m'améliorer.

Je vous remercie grandement de m'avoir lu !

Lou-des-bois