Bonjour ! Boosté par l'été, le rythme de ma publication augmente (il était temps) : voici déjà le chapitre 25 de En parallèle, intitulé "Regain his life". Un peu d'espoir dans ce monde de brutes, quand même... On y découvre aussi un personnage qui a fait son apparition dans plusieurs des films X-Men...
Je suis toujours aussi heureuse d'écrire et de poster cette histoire, qui compte à présent 5x5 chapitres... le temps passe trop vite ! Merci à tous les lecteurs, revieweurs ou anonymes, qui me suivent.
Une spéciale dédicace à Nelja, DianeMoon et Lafinada Scott pour leurs reviews au chapitre précédent. J'espère que celui-ci vous plaira !
DianeMoon: moi aussi, j'ai lu pas mal de réécritures de la scène de l'avion... qui finissait aux toilettes ! Alors, pas question de surfer sur la vague (je suis une indécrottable indépendantiste XD). Même si j'adore ces versions, j'imaginais mal Erik et Charles simplement conclure comme ça... pas après tout ce qu'ils ont vécu au niveau dureté humaine (à mon avis). Pour les rêves : je ne pense pas que ce soient des songes, au sens strict du terme. C'est quelque chose de très intense, entre le rêve et la communication télépathique - mais involontaire, même si désirée. (j'aime aussi beaucoup Inception... et je pense que le film a laissé sa marque dans cette histoire... ^^) J'espère que ce chapitre te plaira. Bonne lecture !
Regain his life
La Nouvelle-Orléans. – Un soir de mai 1973.
Il repose son verre. Pour une fois, il a troqué le whiskey contre le rhum, parce que les Caraïbes sont trop proches et que le whiskey lui rappelle de mauvais souvenirs.
Il repose son verre et observe la ville – cette ville où il vient pour la première fois. Les rues s'enfoncent dans la pénombre du soir. Elles sentent le fleuve, les épices et quelque chose de plus végétal, de putrescent ; un relent de bayou qui remonte lentement. Sous la brise du Mississipi, la ville frémit. Au loin, il y a des notes de blues - comme un souvenir : les plantations de coton, les chaînes dans les champs, les coups de fouets et les cimetières où l'on fête les morts dans la liesse, dans la transe. Il y a aussi les plantes étranges dont il ne connaît pas les noms, les branches qui pendent, les lianes qui descendent en grappes molles – et le port, les marins, les gros transporteurs qui le disputent aux minuscules rafiots de pêche…
… et cette odeur, toujours cette odeur chaude d'épices, girofle, cannelier, poivre ou piment – d'épices, de marais putrides, de tourbe, de vieux corps, de sueur. Il ne sait pas si son esprit lui joue des tours, mais il aime cette odeur qui ne ressemble à aucune autre, qui est si loin de ce qu'il connaît.
Il boit le rhum, accoudé à sa table, seul. – Il ne sait pas pourquoi il est venu là. Pourquoi ici, pourquoi La Nouvelle-Orléans ? Il voulait s'éloigner, il devait s'éloigner ; le Nord devenait trop pesant, trop dangereux, New York, Washington… il devait partir, après Trask – et il a échoué ici. Seul, anonyme. Pile ce qu'il recherchait. Il ne sait pas pourquoi ce bar. C'était ouvert ; il est entré, il a commandé du rhum. La serveuse le lui a apporté en le fixant étrangement. Il lui a demandé une feuille de papier, un stylo. Elle l'a dévisagé.
Il n'a pas fait attention. Il a bu. Sur la feuille vierge, il a écrit un seul mot. – Charles.
Juste un mot, et il ne sait pas comment continuer. En entrant, une lettre lui paraissait idéale : il y a des choses qu'il doit ou devrait dire, des choses qu'il doit expliquer, qu'il devrait… Ils se sont séparés si vite, trop vite, et en colère l'un contre l'autre – encore en colère. Et puis, il connaît l'adresse par cœur, Charles lit toujours son courrier, toujours. Il ne veut pas téléphoner, il ne veut pas risquer qu'un autre décroche, Hank ou… Il y a aussi le tiraillement, dans sa tête, celui qu'il connaît si bien, qu'il connaît trop bien depuis la prison, depuis Kennedy, et même avant. Il ne sait pas s'il peut y céder à nouveau. Il aimerait, mais il a peur d'y chercher quelque chose qu'on ne lui donnera pas, que Charles ne lui donnera pas. Après tout, ils n'en ont jamais vraiment parlé. Il aimerait retrouver les rêves trop réels et la sensation d'être avec Charles, comme avant, mais il n'ose pas. Il ne veut pas s'investir et espérer une chose qui est sûrement brisée.
Une lettre comporte moins de risques (puisqu'il n'est pas sûr d'obtenir une réponse). – Maintenant, il a le stylo à la main et aucune idée en tête. Il vide son verre. Adresse un signe.
« Un autre. »
Il ne regarde pas qui s'approche. Il a toujours le stylo à la main et ne sait pas quoi écrire. – Une bouteille s'ouvre, on le serre.
« Un bon vieux rhum, vraiment – même les mouches aiment ça. »
Il relève la tête, agacé. Un jeune type le scrute : même pas la vingtaine, le cheveux gras, les yeux globuleux. Et un sourire large, trop large. Erik ne répond rien. Le silence froid ne décontenance par l'autre, qui écarte une chaise pour s'y affaler sans ménagement, ses longs membres souples se repliant sous lui.
« Alors, pourquoi t'es là ? »
« Tourisme. »
Le gars a un rire étrange, qui ressemble à un coassement, avant de jeter un coup d'œil à la serveuse qui astique des assiettes au comptoir.
« Oh, allez, me la fais pas. Personne vient jamais là – c'est le bar des Freaks, tu sais ? Même les gens du coin évitent. Mais toi, t'es entré franco, sans broncher. »
« Simple hasard. »
Il a toujours le stylo dans la main, son verre est à nouveau plein et il aimerait que l'autre foute le camp – très vite. Il n'a pas besoin de compagnie. Il ne veut pas parler, alors il boit. Le jeune type ne le lâche pas des yeux, passant une langue gluante sur ses lèvres.
« Si t'es entré là, c'est que tu dois être un peu un freak toi-même. »
« Si vous le dites. »
Il n'aime pas ce mot, freak – mais il a trop besoin de calme et de tranquillité pour argumenter. Le jeune gars se penche vers lui.
« Et alors ? C'est quoi – ton pouvoir ? »
« Je vous demande pardon ? »
Il se tient interdit, les doigts crispés sur son verre. Traqué, dénoncé. À la lisière de son esprit, il sent des fourchettes s'agiter dans un tiroir et une théière en fonte remuer doucement.
Le type hausse les épaules la serveuse a arrêté d'astiquer.
« Ben, ton pouvoir – ce que tu arrives à faire. Moi, par exemple, on me surnomme Le Crapaud. Pas que je sois un vrai crapaud, hein, quoique, c'est pas si atroce qu'on le dit, ces petites bêtes, on s'y attacherait même plutôt. Nan. Disons que… on a comme qui dirait certaines caractéristiques communes. »
« Le côté collant ? »
Si l'autre est vexé, il n'en montre rien. Et malgré son agacement, Erik commence à être intéressé. Il repose presque le stylo.
« Elle – (le Crapaud désigne la serveuse) –, c'est Claudia. Sympa comme tout, très versée en vaudou. Elle sent les auras et supporte pas le soleil, une vraie vampire, les crocs en moins. C'est elle qui t'a repéré – quoique ta tête me dit quelque chose. Tu serais pas passé à la TV, des fois ? »
« Pas depuis quelques mois. »
« T'aimes pas parler, hein ? Bon. J'arriverai bien à me rappeler. »
Une mouche bourdonne près d'eux. Un éclair de langue plus tard, elle est dans la bouche du Crapaud, qui mâchouille en souriant. Erik a un rictus de dégoût. Il pose le stylo. Claudia a quitté son bar et les observe, bras croisés. Le Crapaud se penche, comme un conspirateur.
« Alors, c'est quoi ton pouvoir ?... C'est quoi ton nom ? »
Dans un claquement, la théière de fonte quitte la cuisinière, pour se poser sur la table.
« Contrôle des champs magnétiques. »
Le Crapaud a un sifflement.
« Mazette ! Pas mal, ça. Eh, mais… tu serais pas… attends ! Washington, Nixon et toute cette merde… c'est pas toi, si ? T'as failli dézinguer tout le gouvernement ! »
« En effet. »
Le Crapaud saute sur sa chaise, s'accroupit, les yeux ronds.
« Ben ça alors ! Je me rappelle, maintenant ! Magneto, Magneto, nan, c'est bien ça ? J'aurais jamais pensé voir un gars comme toi dans le bar des Freaks. Et alors ? pourquoi t'es là ? Tu pensais vraiment ce que tu as dit à Washington ?... »
Alors que le Crapaud le questionne et que Claudia s'attable avec eux, Erik frémit d'anticipation – décidemment, il aime cette ville qui semble avoir beaucoup à offrir. Un nouveau vivier, un nouveau monde à conquérir ; de nouveaux frères à convertir.
Il attrape son verre, repose le stylo. La lettre à Charles attendra ; il l'écrira ou ne l'écrira pas. Ce soir, il se sent plus Magneto qu'Erik Lehnsherr. – Ce soir, il reprend le contrôle de sa vie.
xXxXx
Manoir Xavier, comté de Westchester. – Un soir de mai 1973.
Son fauteuil fait demi-tour. Les roues couinent sur le sol de verre. Il a la tête lourde et la migraine, alors que les portes s'ouvrent pour le laisser passer.
« Bonne soirée, professeur. »
La voix métallique, désincarnée le fait sourire. Il faudra qu'il dise à Hank à quel point il aime cette voix – comme celle d'un ami qu'on est heureux de retrouver.
« Bonne soirée, Cerebro. »
Les portes se ferment derrière lui. Il roule lentement dans le couloir, prend l'ascenseur, remonte au rez-de-chaussée. À travers les portes-fenêtres du grand hall, le soir tombe sur les jardins. Il y a l'églantine en fleurs contre les sous-bassement du balcon, le lierre qui s'enroule, les premiers lys. Et plus loin, les grenouilles à l'étang, le printemps revenu. Il respire la brise du soir – l'odeur de la mousse, du gravier, des boutons encore fermés et quelque chose de plus aquatique, de liquide, l'eau de la fontaine, le ballet des carpes ou la peau des grenouilles. Il respire. Malgré la migraine qui pointe, il se sent – bien. Pour la première fois, peut-être, depuis janvier. Pour la première fois depuis qu'Erik est parti. Encore une fois.
Il fait rouler son fauteuil sur les tapis moelleux. Accepter ce départ a été difficile – c'était sa décision, pourtant, la sienne propre : il aurait pu le forcer à rester, le livrer aux autorités, veiller à ce qu'il soit enfermé à nouveau ou pire, qu'il soit jugé et mis à mort. Il aurait pu faire ça et Erik n'aurait plus été une menace pour l'humanité, pour le monde. Il aurait pu. Il ne l'a pas fait. Parce qu'il garde espoir malgré tout, parce que c'est ce qu'il sait faire et qu'il veut croire en Erik. C'est ce dont il se persuade. Une autre part de son esprit, pourtant – une part moins noble, aux intentions moins louables et au désagréable cynisme, une autre part de lui-même sait que cette décision est tout sauf honnête, tout sauf intègre.
S'il n'a pas livré Erik, c'est par intérêt propre. Il ne veut pas être un meurtrier. Il ne veut pas tuer Erik, même indirectement. Il veut le garder en vie – pour lui seul.
La nuit, lorsqu'il s'endort dans le Manoir silencieux, il est plus dur de faire taire ces pensées. Il se rend compte de son égoïsme : il a fait passer son intérêt avant celui du plus grand nombre, parce qu'il ne voulait pas perdre un être cher, un ami, un ennemi – un amant. Ou quelque chose approchant cette définition. Il n'a pas livré Erik car il ne perd pas espoir de le récupérer, de pouvoir reprendre et poursuivre cette… relation – ou quelque soit le nom qu'on peut donner à ce qu'ils partagent, partageaient ou partageront. Il est conscient de son égoïsme, des conséquences qui en découlent et, si la plupart du temps il arrive à oublier, à se cacher derrière des prétextes altruistes, il s'en veut. D'ailleurs, il n'est pas le seul : Hank n'a pas compris, Alex n'a pas compris, et lorsqu'il repense aux conversations qui ont suivi ces journées à Washington et la confrontation avec Trask, il se sent mal à l'aise.
Ils n'ont pas compris pourquoi. Charles n'a pas pu leur dire pourquoi. – Dit-on à ses amis qu'on aime à en crever son pire ennemi ?... ou quelque chose d'approchant.
Alors, il essaie de se rattraper comme il peut : il essaie d'être bon, d'être meilleur encore. Il travaille sans relâche, il a arrêté la drogue, il a reperdu ses jambes – mais ses pouvoirs sont revenus, plus puissants, plus éclatants qu'avant et bon sang ! c'est comme revivre, comme faire l'amour pour la première fois ou découvrir que la terre est ronde, que le monde est connecté et qu'il a accès au monde entier. Le Cerebro lui offre des potentialités infinies ; les dernières améliorations mises en place avec Hank sont prometteuses ; il projette de plus en plus loin, encore plus loin – toujours plus loin. Avec ou sans Cerebro, il se sent pousser des ailes et si parfois les voix le tourmentent, il sait les faire taire, les oublier, les apprivoiser, ou du moins essayer. Il ne sacrifiera plus sa santé mentale comme il l'a fait durant trop longtemps – plus maintenant. Et lorsque, le casque sur la tête, seul avec Cerebro, il plonge dans ces possibles infinis, il cherche, sans relâche : ils sont nombreux, si nombreux – souvent si seuls, si tristes, si abandonnés. Il leur parle, il les aide, les rencontre dans leur tête ou dans le monde réel. Il compte bien rouvrir l'Institut, très bientôt, dès que possible, dès qu'il aura récupéré, vraiment récupéré.
Il essaie de se concentrer là-dessus – là-dessus, et pas sur l'envie grandissante de chercher Erik, par tous les moyens. Le Cerebro peut lui donner ce pouvoir, mais il sent également dans son esprit le tiraillement familier, le picotement de désir, cette volonté de vouloir quitter son propre corps pour retrouver le monde des rêves, ce monde où il pourrait voir Erik à nouveau, où il pourrait le toucher, le sentir – même à cheval entre illusions et réalités. Pour l'instant, il arrive à résister, mais le besoin est fort de se perdre dans ce tiraillement, dans ce… ce quoique ce soit qu'ils partageaient, avant.
Soudain, la migraine sourde à ses tempes, plus forte qu'avant. Il s'arrête, porte une main à sa tête, ferme les yeux. Des pas descendent l'escalier – lentement, puis plus vite.
« Charles ? »
« Ce… ce n'est rien. Ça va passer. »
Hank est près de lui et il n'a pas besoin d'ouvrir les paupières pour voir son front plissé par l'inquiétude, sa bouche serrée. Depuis ces années de drogue, McCoy est aux aguets, attentif aux moindres signes et, si Charles lui en est infiniment reconnaissant, il aimerait que le scientifique cesse de se tourmenter, de se rendre coupable. La drogue, c'est lui qui se l'est injectée – tu n'as pas à t'en vouloir, Hank. Des doigts se posent sur son front.
« Vous êtes brûlant. »
« Je t'assure, ce n'est… »
« Trop travaillé sur le Cerebro, hein ? Je vous avais dit de vous ménager. »
« Je sais. »
La main fraîche s'attarde sur sa peau et il en est reconnaissant.
« J'aimerais simplement… rouvrir l'Institut le plus vite possible, et… »
« Charles… »
« … j'ai déjà retrouvé la plupart des élèves, les professeurs et – il y a des nouveaux, plusieurs nouveaux, il faudra les rencontrer avant de… »
« Charles. Il faut du temps, pour ça – du temps. Soyez patient. »
Les doigts de Hank glissent sur sa nuque et le massent doucement. Il ne s'étonne même pas de ce genre d'attention.
« Je vais aller vous chercher une aspirine. Vous êtes encore en convalescence, ne l'oubliez pas. »
« Je sais. »
Les mains le quittent. Hank le fixe avec un peu d'inquiétude : comme à chaque fois qu'il se sent gêné, il rougit un peu. Charles fait rouler son fauteuil.
« Je vais aller voir ce que fait Alex en cuisine. »
« Oh, il se débrouille plutôt bien, pour un novice. »
Le sourire qu'ils échangent est celui des gens qui ont partagé des moments difficiles - et qui espèrent presque qu'ils sont passés. Le fauteuil glisse sur les tapis, Hank remonte quelques marches.
« Et Charles... »
« Hm ? »
« Ne… ne vous ensevelissez pas dans le travail. Vous finirez par l'oublier – Erik, je veux dire. Ce n'est pas… »
« D'accord, Hank. »
Il s'éloigne, s'en voulant du soupir que pousse le Fauve. Il s'éloigne en le laissant remonter l'escalier.
La migraine aux tempes, il se sent heureux. Il est en train de retrouver sa vie – Et il ne veut pas oublier. Pas Erik.
Et voilà ! C'est déjà fini. Qu'en avez-vous pensé ? Personnellement, j'ai pris un grand plaisir à écrire la scène sur la Nouvelle-Orléans : je n'y ai jamais été, mais je pense que Entretien avec un vampire d'Anne Rice (et quelques bons tubes de jazz new orleans) ont été pour beaucoup dans ma fascination pour cette ville.
Quoiqu'il en soit, bon ou mauvais, j'aimerais beaucoup connaître votre avis. N'hésitez pas à me laisser un petit mot ! =)
Le chapitre suivant n'est pas encore totalement arrêté : il est écrit mais... j'hésite encore à le modifier. Cependant, je peux vous promettre des "retrouvailles". Il devrait s'intituler "A private telegraphic line".
À bientôt !
Syriel.