Bonjour (ou bonsoir, c'est selon).

Me voici avec ma première fanfiction sur l'univers de Person of Interest. Ma première fanfiction tout court, en fait. Je sais que tu es impatient de commencer ta lecture, cher lecteur, mais j'ai quelques petites choses à te dire avant que tu te lances.

Tout d'abord, je vais en profiter pour remercier toutes les personnes qui m'ont aidée sur ce projet, que ce soit en tant que beta-lecteur qu'en tant que conseiller éclairé. Je vais nommer entre autres Milligramme, Lamesis, Lisca, Lucie21, Selene-san, Ketsuu, Pylia, StrangeReflexion et bien d'autres (si je vous ai oublié, faites-moi signe surtout, que je vous rajoute :D).

Pour en revenir à nos moutons, et comme dit dans le résumé, c'est une fanfiction qui reprend des éléments de la saison 3 et qui est donc bien lourde en gros spoilers qui tachent. Vous êtes prévenus. C'est aussi un rating M et il y a une bonne raison à cela.

Je tiens à le dire maintenant avant que vous puissiez vous méprendre : la relation amoureuse présentée dans cette fanfic n'est pas saine. Du. Tout. Je n'irais pas jusqu'à parler de relation abusive mais c'est une relation de codépendance poussée à l'extrême. Mon but n'est en aucun cas de promouvoir ce genre de relations. Ça marche pour eux et c'est tant mieux mais ça n'est pas à reproduire dans la vraie vie.

Par la même occasion : vous pourrez voir un "mystère" apparaître autour des personnages principaux. Si d'aventure vous découvrez (ou pensez avoir découvert) la clé de ce mystère, merci de ne pas le dire dans les reviews. Si vous pensez à quelque chose, envoyez-moi plutôt un mp, ne gâchez pas le plaisir des autres lecteurs.

En dernier lieu, et après je vous laisse, promis, vous pourrez constater que j'ai inclus des titres de chanson sous le titre de chaque chapitre. Ils sont là pour vous, pour vous mettre dans l'ambiance mais aussi peut-être sur des pistes. Vous pouvez les écouter avant, pendant, après votre lecture ou pas du tout, c'est vous qui voyez.

Un chapitre sera posté chaque semaine, je vous dis donc bonne lecture et à la semaine prochaine.

Prologue

1984

10-10

(Non, non, rien n'a changé – Les Poppys)

Cette histoire ne commence pas bien.

Nous sommes à New York, dans la première moitié de la huitième décennie du vingtième siècle. Ronald Reagan est président depuis déjà quatre ans et l'Union Soviétique vient d'annoncer qu'elle boycottera les Jeux Olympiques de Los Angeles. Emma Burton, du haut de son mètre quarante et de ses quatorze ans, se fiche bien des Jeux Olympiques. Ou de l'Union Soviétique, soit dit en passant. Elle a des choses plus importantes en tête, comme la prochaine saison de lacrosse inter-lycées que son équipe compte bien gagner cette fois ou le beau Josh qui lui fait de l'œil pendant les entraînements. Il faut dire qu'Emma Burton est très jolie, c'est une jeune fille adorable avec ses longs cheveux ondulés, sa taille fine et ses grandes boucles d'oreilles en toc. Peut-être qu'il l'invitera au cinéma ou mieux, au bal de fin d'année.

Elle vit avec ses parents et son frère Charlie dans le quartier de Brighton Beach. Leur appartement n'est ni trop grand, ni trop petit. Son père et sa mère, mariés depuis près de vingt ans, sont toujours amoureux l'un de l'autre comme s'ils étaient encore des adolescents de son âge, Charlie est pénible comme un grand frère se doit de l'être. Elle considère qu'elle a de la chance, pas comme sa meilleure amie Mattie, qui n'a jamais connu sa mère et dont la grande sœur enchaîne cures de désintoxication et séjours en prison.

Ce jour-ci, il ne fait pas très beau. L'air est lourd, le ciel est couvert et la pluie menace de tomber à tout instant. Pour couronner le tout, Mattie est privée de sortie pendant deux semaines. Au lieu de rester à la maison à se morfondre, Emma saute dans le premier bus en direction de Little Italy pour aller voir sa tante Martha. De tous ses oncles et tantes, Martha est sa préférée. Toujours à la pointe de la mode, c'est une éternelle célibataire, et fière de l'être. D'autant plus qu'elle a toujours un peu d'argent de poche à glisser à sa nièce quand sa mère a le dos tourné.

Emma adore Little Italy. C'est un quartier à l'opposé du sien, tellement plus animé, il y règne une énergie latine très différente de l'ambiance tendue de Little Odessa. Au lieu de s'arrêter directement devant chez sa tante au sud, tout près de là où l'Italie s'est faite manger par la Chine, elle descend sur Mulberry Street et flâne au milieu des touristes assis aux terrasses des cafés italiens hors de prix. Elle s'arrête devant la vitrine d'un magasin de chaussures, se penche, examine chaque paire, redresse ses lunettes de soleil sur son nez d'un air faussement sérieux et poursuit son chemin.

En passant devant les étals de fruits et légumes d'une épicerie de quartier, Emma se rend compte à quel point la chaleur l'a assoiffée. Elle fourre sa main au fond de la poche de sa jupe en jean et en sort un vieux dollar froissé.

Dans la boutique, il fait bien plus frais qu'à l'extérieur et Emma peut enfin respirer. Elle attrape une bouteille de Coca-Cola et se dirige vers la caisse où une grosse femme aux cheveux noirs et épais houspille son jeune employé. Emma pose sa bouteille sur le comptoir, la femme la regarde de la tête aux pieds et la salue avec un grand sourire avant de tourner les talons, non sans avoir asséné une bonne tape à l'arrière de la tête du garçon en lui intimant de ne plus se tromper en rendant la monnaie. Emma donne au jeune homme son billet. Il lui rend le compte juste, décapsule la bouteille et la lui tend. La jeune fille sort de l'épicerie et reste un moment sous l'auvent. Le parfum sucré des fruits autour d'elle commence à lui donner faim. Elle boit une gorgée de soda. Sa tante Martha n'habite plus qu'à quelques pas d'ici mais elle a une sainte horreur de tout ce qui est sucré. Pas question de se présenter à la porte bouteille en main.

Emma fait quelques pas et s'arrête de nouveau quand elle trouve un mur sur lequel s'appuyer. De là où elle se trouve, elle peut observer une famille de touristes britanniques prendre le thé à la terrasse du café La Spezia juste en face. A côté d'eux, deux groupes d'hommes, à l'évidence loin d'être amis se font face et le ton commence à monter dangereusement.

Avant même qu'Emma puisse décider que ce n'est pas ses affaires et que le garçon aux beaux yeux verts qui vient de garer sa moto à deux pas de là est bien plus intéressant, l'un des hommes sort une arme de l'intérieur de sa veste en cuir et menace les membres de l'autre groupe. Emma a tout juste le temps d'apercevoir l'un des hommes, un grand chauve à qui il manque l'une des dents de devant, tenter de s'enfuir dans sa direction. Les derniers bruits qu'elle entend sont les coups de feu, les cris de la foule qui se disperse et sa bouteille qui se brise en touchant le sol.


A quelques pâtés de maisons de là, Kyra O'Leary se redresse sur le siège passager de la voiture de patrouille. D'une main, elle essuie la sueur qui perle sur son menton et sous son nez.

-Alors, la bleu, on a un peu chaud ?

Elle tourne la tête vers le sergent Harper et acquiesce en souriant. Elle aime cet homme. A seulement trois ans de la retraite, cet agent rodé au terrain a pris une balle dans la cuisse. On lui a donné le choix entre la paperasse et la bleusaille, il a évidemment choisi la bleusaille, préférant encore être relégué au cimetière plutôt qu'aux bureaux. C'est un flic de la vieille école qui n'a peur de rien et un Américain pur souche qui hait les Russes encore plus qu'il ne hait sa belle-mère. Une des raisons pour laquelle Kyra l'aime autant est que, contrairement au reste de ses collègues, il ne l'a jamais traité de négresse, pas même dans son dos. Il a été clair dès le premier jour : tant qu'elle fait son devoir correctement, elle peut être verte à pois roses, il n'en a rien à foutre.

La radio grésille et une voix sucrée leur signale des coups de feu sur Mulberry Street. Le sergent Harper met en marche la sirène et enfonce l'accélérateur.

-Ça fait soixante ans que c'est fini, les années 20, et ils se canardent toujours comme au temps de Capone, ces connards, souffle-t-il entre ses dents.

-Vous croyez que c'est la mafia, chef ?

-On est à Little Italy, ma grande. Si ça se tire dessus en pleine rue au beau milieu de la journée, c'est forcément la mafia.

Le chaos règne sur Mulberry Street. La plupart des touristes a décampé et le reste s'est massé contre le ruban jaune que les policiers déjà sur place commencent à installer. Les sirènes des voitures de patrouille et des ambulances se mélangent dans un vacarme tonitruant. Trois hommes sont étendus sur la chaussée, l'un est grand et chauve, l'autre, aux cheveux blonds plaqués sur le crâne, porte une lourde veste de cuir et le troisième n'a pas l'air d'être beaucoup plus âgé que Kyra. Le sergent Harper, son élève sur les talons, se dirige vers l'officier Oswald Carter, penché sur l'un des corps. Ils se saluent d'un signe de tête.

-D'après les témoins, celui-là a commencé à tirer sur les deux autres. Du coup, un quatrième a tiré sur un cinquième et un sixième. Ils sont déjà sur le chemin de l'hôpital. On n'a pas leur identité à tous, pour le moment mais je connais le blond là-bas, c'est Fyodor Ivkine.

- Des Russes ? Par ici ? Leur coin, c'est plutôt Brighton Beach et c'est quand même pas tout près. Qu'est-ce qu'ils fichaient là ?

-Tu poses des questions qui sont pas de notre ressort, là. Enfin, les gars de la morgue vont être ravis: quatre cadavres bien frais d'un seul coup, c'est un peu Noël avant l'heure.

Kyra recompte les cadavres au sol et n'en voit toujours que trois.

-Quatre ?

-Ah oui, ils se sont pas contentés de s'entre-tuer. C'est tes premiers cadavres, petite ?

-N...non, j'ai déjà été appelée sur des homicides.

-Ah, ça devrait aller, dans ce cas. Une balle perdue, à côté de chez Leone, juste là-bas, fait Carter en pointant l'épicerie du doigt.

Harper tourne les talons et fait signe à Kyra de le suivre. Ils contournent la voiture de patrouille garée le long du trottoir et le sergent se stoppe net. Il arrête Kyra de la main mais il est trop tard, elle l'a vue. Le visage écrasé contre le pavé, Emma Burton gît dans son propre sang. Kyra ne bouge pas d'un pouce. Elle a déjà été appelée sur des homicides, c'est vrai. Une femme battue qui avait fini par poignarder son mari avec un couteau de cuisine puis s'était rendue elle-même à la police et un junkie qui avait enfoncé le crâne de son dealer à coups de barre à mine pour lui voler son stock. Ce qu'elle a sous les yeux est le corps d'une enfant innocente qui s'est trouvée au mauvais endroit, au mauvais moment. Elle déglutit et se tourne vers Harper, simplement pour regarder autre chose que la jeune fille. Même lui ne semble pas à l'aise, elle ne l'a jamais vu comme ça. Depuis la première fois qu'elle l'a rencontré, Harper lui a rebattu les oreilles encore et encore avec ses merveilleuses petites-filles au point que Kyra les connaît toutes les deux par cœur, même sans les avoir vues ne serait-ce qu'une fois. Elles et la jeune fille couchée devant eux doivent avoir à peu près le même âge.

-Désolé, bleusaille, si j'avais su...

Comme un chat qui se faufile, Oswald Carter arrive derrière eux et toussote pour attirer leur attention.

-A priori, c'est Emma Burton. Sa tante vit à deux pas de là. Elle est descendue de chez elle quand on est arrivés, elle doit être quelque part parmi les badauds. On va avoir besoin de sa déposition alors je compte sur vous pour vous en charger, vu ? Il faudrait appeler les parents aussi.

Quand le légiste retourne le cadavre de l'adolescente, Harper détourne les yeux. Kyra, elle, garde le regard plongé dans les yeux mi-clos d'Emma. L'air est étouffant, chargé de l'odeur du sang et le sol sous les pieds de l'agent O'Leary lui semble beaucoup plus réel que d'habitude. Pourtant, elle ne se détourne pas. Cette situation ne doit jamais se reproduire, elle se promet de tout faire pour ne plus avoir à assister à ce spectacle. Les portes de la fourgonnette se referment et le véhicule démarre mais elle reste figée.

Harper et elle n'échangent pas un mot quand ils retournent à la voiture et leur service se termine dans le plus grand silence. Kyra aurait préféré un long discours sur les réalités du métier et qu'il lui dise qu'un jour, on finit par s'y faire. Alors qu'elle quitte le poste, elle l'entend téléphoner à sa fille et lui demander d'embrasser ses petites-filles pour lui.

Elle grimpe dans le bus, toujours en silence, et rentre chez elle. Elle ne mange pas, se déshabille. Elle entre dans sa douche trop petite, tourne à fond les robinets, s'accroupit. Elle pose son front sur ses genoux et se met à pleurer.