Chapitre 20

Honor se réveilla en sursaut dans une pièce inconnue. Après quelques instants elle reprit ses esprits, elle était chez Frey, il l'avait accueilli avec joie quelques heures auparavant. Elle détestait les réveils depuis qu'elle avait quitté Midgard. Depuis, à chaque fois qu'elle ouvrait les yeux elle avait toujours cette peur panique au fond du ventre. Que s'était-il passé pendant dans son sommeil ? Etait-elle toujours en sécurité ? Habituée depuis toujours aux bruits de New-York, le silence du matin l'angoissait. Pourrait-elle un jour s'acclimater à un autre endroit que la ville qui ne dort jamais? Même Sheandell où elle avait grandi lui apparaissait de plus en plus comme un souvenir lointain s'éloignant plus profondément de jour en jour dans les brumes de l'oubli.

Chassant ses pensées noires, elle observa un peu plus en détails la chambre plutôt cossue mais épurée qu'on lui avait attribué pour son séjour à Vanaheim. Assise en tailleur sur son lit elle se remémora comment elle avait quitté Gladsheim.

La cité d'or avait été recouverte de guirlandes faites de fleurs et autres végétaux, les chansons et la musique retentissaient en louant la vie sur Asgard et les plaisirs de celle-ci, les pétales de fleurs jetés dans le vent. On avait organisé à la hâte une fête pour célébrer les derniers instants sur Asgard du prince en espérant que la fête lui donne l'envie de revenir au plus vite. Des célébrations organisées en à peine une heure était tout à fait courantes à Asgard. Etait-ce vraiment étonnant, surtout dans un royaume où une guerre ou un combat pouvaient être décidés sur un coup de tête ? Dans l'histoire des asgardiens il y en avait eu un nombre plus qu'irraisonnable. C'était presque culturel, et partir de chez soi avec l'esprit joyeux et encore embrumé de vapeur d'alcool.

Déambulant dans cette foule joyeuse et bruyante, Sigyn s'était surprise plusieurs fois à dévisager l'un ou l'autre badaud qui lui paraissait suspect. Elle savait que dans cet immense rassemblement se trouvait des traitres ou espions heureux du départ de Thor espérant secrètement qu'un écart se creuse entre Thor et Asgard. Ou qui espérait peut-être même qu'il ne reviendrait jamais ? Qui dans la foule, le cœur et l'esprit embué d'alcool, pouvait rêver en plein soleil au jour où Asgard et Yggdrasil tomberaient ? Depuis sa conversation avec Loki, elle se sentait comme un animal traqué et observé, quoiqu'elle fasse elle n'arrivait pas à se défaire de ce sentiment. La peur s'insinuait dans son esprit au point qu'elle n'avait pas réussi à dormir aussi courte que fut sa nuit.

Théoric, sous les ordres de Thor, l'avait escortée à travers la foule, il avait remarqué ses traits soucieux, il l'avait prise doucement par l'avant bras et lui avait chuchoté.

Souriez un peu, sinon quelqu'un va finir par remarquer que quelque chose ne va pas. Et puis, il continua chuchotant dans ses cheveux, vous ne voudriez pas qu'on pense que ma compagnie ne vous plait pas, n'est-ce pas ? »

C'était idiot mais il avait réussi à la faire sourire, un léger sourire mais c'était largement convainquant pour le faucon rouge. Ce le fut aussi pour le petit groupe de soldats en permission qui vinrent saluer Théoric. Ce dernier les repoussa en prenant un air plus sérieux, se rapprochant de Sigyn et en leur glissant rudement un « suis en service ». Les faucons avaient sourit, l'un d'entre eux fit même un clin d'oeil à Sigyn taquinant Théoric d'un « il y en a qui en ont de la chance, hein ! », ce à quoi le jeune guerrier avait répondu d'un regard vraiment désapprobateur. Il fut vite approuvé par un camarade plus âgé.

- Ragnar, tu ne peux pas être aussi familier avec lui et son escorte ! Tu oublies ton rang ! Veuillez nous excusez Madame.

Ils s'étaient inclinés respectueusement et avaient poursuivis leur route à travers la foule.

Théoric en était soulagé, il avait sentit la demoiselle se tendre avec l'arrivée des soldats, Thor l'avait mis au courant pour la fugue de Sigyn, et il comptait mener sa mission à bien. Et si cela devait impliquer devoir faire sourire Sigyn devant tout son régiment il ferait tout son possible.

Les trois guerriers n'avaient pas tardé à les rejoindre, eux aussi constituaient un élément essentiel de leur plan. Volgstagg était légèrement tendu et Fandrall ne cessait de regarder autour lui, lançant de temps à autres qu'il n'y avait que peu de jolies filles par ici comme pour se justifier. Seul Hoggun avait l'air habituel, toujours taciturne et placide.

Il est temps de se diriger vers le bifrost, Thor voulait des feux d'artifices avant son départ.

La voix dénuée d'émotion d'Hoggun contrastait tellement avec le flot d'émotions de Sigyn. Pour un peu elle ressentait presque ses pulsations sanguines résonner à ses oreilles sous l'effet de l'adrénaline. C'était maintenant que tout allait se jouer.

Un des feux défectueux provoqua un mouvement de foule dans lequel Hoggun et elle disparurent sans efforts, Volgstagg et Fandrall devaient tenter de retarder Théoric puis simuler une bagarre avec ce dernier. Thor tenait absolument à ce qu'il n'y ait aucune conséquence pour le faucon rouge, ce que Loki avait approuvé, avec une autre idée en tête : un agent double qui ignorait leurs véritables intentions auprès d'Odin serait toujours utile, surtout s'il était aussi obéissant que naïf.

Un capuchon sur eux, Hoggun avait entrainé Sigyn à sa suite à l'arrière des jardins, il ne faisait pas particulièrement attention à elle, tirant sur sa main pour l'obliger à suivre son rythme. Après leur course ils continuèrent à grand pas à travers plusieurs cours servant à faire sécher le linge du palais. Plus bas ils avaient descendu plusieurs volées d'escaliers taillés à même la pierre, arrivés à un cours d'eau claire où les lavandières se rejoignaient pour travailler, elles n'arriveraient pas avant une heure ou deux. Hoggun s'était remis à la tirer derrière lui pour lui faire presser le pas jusqu'à qu'ils atteignent une petite grotte d'où semblait provenir la rivière. A l'intérieur, l'atmosphère était assourdissante, plusieurs cascades se jetaient là, les parois nacrées étincelaient sous la lumière mouvante reflétée par l'eau. Hoggun mena Sigyn à coté de l'une des plus grandes, derrière celle-ci se tenait un petit espace protégé où l'on pouvait voir une légère cavité. Celle-ci pouvait facilement contenir un homme de corpulence fine et ne dépassant pas un mètre quatre vingt. De l'eau en sortait par jets intermittents parfois assez violent.

- Le passage vers Vanaheim, déclara Hoggun en montrant d'un geste de la main la cavité, un des secrets les mieux gardés de Loki mais mieux ne vaudrait pas le croire sur parole.

- D'où votre présence ? Questionna un peu confuse Sigyn.

- Je suis là principalement pour m'assurer que tu atteignes bien Vanaheim dans le cas contraire je devrais m'acquitter moi-même de cette tache. Et ça, dit-il en désignant la cavité, n'a plus été utilisé depuis des siècles, il se peut que le passage ne fonctionne plus, il date de son apprentissage chez les vanes.

- Et comme cela va fonctionner ? Sigyn avait conscience qu'elle se montrait peu agréable envers Hoggun, mais sa nature méfiante reprenait le dessus avec le stress du départ. Heureusement Hoggun n'était pas du genre à se formaliser pour si peu.

- Il suffit de s'allonger dans la cavité et se laisser glisser de l'autre coté, inspire à fond et bloque ta respiration ce sont ses conseils.

- Et où arriverais-je ? La voix de Sigyn était légèrement plus aigüe, on ressentait l'inquiétude dans sa voix.

- Directement au palais de Frey, dans les jardins, précisa le vane. Après avoir vérifié que tu sois bien partie, je retournerais là-bas. Désignant d'un mouvement de l'épaule le palais. Thor souhaite ménager son père.

- C'est vrai que deux personnes en fuite et le départ d'un fils ça fait beaucoup pour une seule matinée.

Le calme et la détermination d'Hoggun semblait avoir finalement apaisé la jeune femme, qui avait su plaisanter sur la situation.

Hoggun lui offrir un sourire franc et bienveillant devant lequel elle eut l'air un peu intimidée, elle sembla hésiter puis prit les mains du guerrier taciturne dans les siennes en s'inclinant légèrement.

- Merci pour votre aide. Pouvez-vous remercier Fandrall, Vlogstagg et Théoric aussi ? D'un hochement de tête Hoggun avait acquiescé, malgré l'air un peu plus grave qu'elle affichait, son expression était maintenant beaucoup plus détendue.

- Ne t'inquiète pas, tu seras en sécurité et bien accueillie là-bas. On s'y reverra peut-être.

Hoggun était bien des choses, mais il savait être rassurant. Sigyn s'installa dans la cavité sous l'eau glacé de la cascade, la dernière chose qu'elle vit avant de quitter Gladsheim et avant que l'eau vive lui brouille la vue fut l'expression sereine d'Hoggun.

Puis elle avait senti son corps être attiré vivement à l'intérieur du creux formé dans la roche, elle n'eut pas le temps de lever ses bras vers son visage pour se protéger qu'elle atterrissait au cœur d'une autre grotte. Heureusement elle avait acquis assez de réflexes chez les valkyries pour éviter de se blesser pendant sa chute. Elle observa la grotte autour d'elle, celle-ci n'avait rien de naturelle, ses parois étaient trop lisses et couvertes de coquillage de diverses formes et couleurs. Placés avec un grand sens artistique, ils formaient ensemble une fresque et des frises typiquement vanes. Cette fresque représentait Alfheim.

Elle n'ignorait pas que Frey avait jadis quitté Vanaheim afin d'accepter d'assurer la régence temporaire d'Alfheim après les troubles provoqués par les elfes noirs dans leur quête. Finalement Frey fut remercié par les elfes de lumière lorsque ceux-ci prirent la décision de vivre séparément. Les alfes ou les elfes de lumières à Alfheim et les elfes noirs à Svartalheim. Frey avait su garder de très bonnes relations avec les alfes.

Sigyn se releva en dépoussiérant ses vêtements, elle ne s'étonna pas d'être déjà sèche, Loki était du genre à penser à tout, un sort d'assèchement devait également couvrir la téléportation.

S'aventurant dehors, elle découvrir une magnifique roseraie et après quelques pas elle entendit des pas empressés. Toujours sur ses gardes dans ce lieu qui lui était inconnu, elle se cacha derrière un massif fleuri. Des gens couraient bien, et en un instant Sigyn fut prise de panique, se tassant un peu plus derrière son abri de fortune elle tendit l'oreille. En effet il y avait bien des gens en train de courir, courir et rire. Calmée, la jeune femme respira profondément en se traitant mentalement d'idiote paranoïaque. Elle allait se redresser et continuer sa route quant elle senti une main se refermer sur son bras et l'agripper. Elle s'apprêtait à se défendre, quand elle vit ses agresseurs. Deux vanes adolescents, une fille et un garçon l'air plutôt content d'eux. La jeune fille qui l'avait tenait fermement lui souriait gaiement, quand au garçon il criait à la ronde.

- Monseigneur ! Monseigneur ! Nous l'avons trouvée !

Elle se dégagea de la poigne solide de l'adolescente qui continuait pourtant de sourire. Ils ne semblaient pas lui vouloir du mal, mais déjà une petite dizaine de personnes arrivèrent en les entourant, visiblement extasiés. Ils félicitaient les deux jeunes, leur tapotant l'épaule voir les applaudissant. Sigyn restait interdite, bien qu'il n'y avait aucun danger apparent elle restait sur ses gardes, agir sans réfléchir aurait pu la trahir. Cet accueil était plus qu'étrange, en plus être encerclé et observé par de parfaits inconnus lui laissait une désagréable impression. Un homme entre deux âges fendit le cercle, il avait le regard vif, souriant et l'air calme. Il fit un geste aux vanes qui s'écartèrent de Sigyn.

Soudain Sigyn le reconnu, Frey, roi de Vanaheim, il se tenait très droit et il dégageait un grand charisme chaleureux. Frey avait des yeux gris légèrement en amande, cerclés par de petites lunettes rondes. Il semblait beaucoup plus jeune qu'Odin, pourtant moins d'un demi-siècle les séparaient, son charisme et ses manières devaient jouer grandement, habillé d'une tunique assez cintrée faite d'un tissu raffiné lui donnant un air distingué et à la fois gracieux qu'Odin ne possédait pas. Et il pouvait être très bavard comme Sigyn s'en rendit compte très vite.

- Te voila enfin mon enfant, n'aie pas peur, n'aie pas peur nous t'attendions, approche toi que je t'observe, là, plus près. Frey s'adresse à elle aussi chaleureusement que son attitude l'avait laissé supposer, il la serra rapidement dans ses bras avant de l'éloigner un peu pour la jauger.

- Tu es exactement comme le portait que m'avait fait Loki. J'espère que nous ne t'avons pas effrayée ? Loki m'a dit que tu arriverais non accompagnée par les jardins, mais il n'a rien dit de plus. Ce cachotier ! La boutade était pleine d'affection, visiblement Loki lui était cher. Il poursuivit ne lui laissant pas de répit.

- Mes jardins étant très, très étendus j'ai donc proposé un petit jeu à ma cour, une sorte de cache-cache grandeur nature, histoire de vous trouver au plus vite. Certains ici se sont levés très tôt pour pouvoir ratisser les lieux et établir des stratégies. Il sourît à la cantonade, avant de les congédier d'un signe de la main cordial en s'éloignant en entrainant Sigyn sous le bras.

-Bienvenue à Vanaheim chère amie. D'un geste ample il désigna le palais, principalement fait en bois et en pierre beige.

Le palais dégageait quelque chose d'apaisant et maitrisé, rien à voir avec Gladsheim où la ville et le palais se confondaient. L'architecture vane était plus épurée et moins tape à l'œil. Fait de bois et de pierres le bâtiment pouvait laisser l'impression qu'il n'avait rien d'extraordinaire si ce n'était sa taille. Mais l'impression était trompeuse de nombreux détails en métaux précieux et décorations travaillées venaient contredire ce fait. A chaque pas vers le palais de nouveaux détails et ornements semblaient faire leurs apparitions comme par enchantement. Vanaheim était bien une terre de magie et de mystère. Sigyn admirait l'édifice puis se retourna en sentant une présence derrière. Deux hommes les suivaient, vêtus de tunique noire abordant la même coupe que celle de Frey dans un tissu plus lourd et complexe, par endroit on devinait le vêtement renforcé par des pièces de cuir ou de métal. Frey qui avait capté le regard de Sigyn lui expliqua.

- Ce sont deux de mes gardes, ils te suivront comme ton ombre, mais à distance à distance bien sur. Ils vont vous te mener à ta chambre, repose toi, promène toi, aimes-tu lire ? Nous avons une bibliothèque formidable ! As-tu déjà mangé ? L'heure est assez matinale pour Asgard ? Fais ce qu'il te plaira, tu es ici comme chez toi, si tu as besoin de quoique ce soit demande et tu auras. Il lui avait pris les mains, puis avec un air désolé qui contrastait avec son ton enjoué lui avoua.

- Je suis malheureusement contraint de t'abandonner quelques heures, bien que nous soyons ravis de t'accueillir naturellement, mais tout cela s'est fait dans la précipitation. Cependant tu n'es en rien à blâmer, en rien vraiment. Je dois juste remplir quelques obligations assommantes mais je tiens à te parler en tête à tête, je ne veux pas que Loki croit que je t'ai négligée non, non. Frey fut interrompu dans son babillage par un serviteur qui courait vers eux.

- Monseigneur, nous allons être en retard, Karnilla …

- Oui, oui, elle peut bien attendre un peu, coupa le souverain vane, il poussa un soupir. Je dois y aller, une vieille amie m'attends, ne m'en veux pas, je déteste être en retard, bien que je le sois déjà. Son visage s'éclaira quand il demanda sur le ton de l'exigence. Nous mangerons ensemble à mon retour c'est d'accord ? Je compte sur toi mon enfant j'ai tant de choses à te dire. Avant qu'elle n'ait pu répondre il avait disparu la laissant seule avec les deux gardes.

Et maintenant elle était ici, dans cette chambre remplie de panneaux fait de bois et de soie, derrière son lit une gravure sur bois aux détails rouge et turquoise représentait la branche d'Yggdrasil où se situait Vanaheim. On pouvait y deviner une autre branche où Asgard se situait, une toute petite partie dans le coin inférieur gauche laissait entrevoir les montagnes de Jothunheim.

Elle se leva et fit quelques pas dans la chambre, elle découvrit une imposante armoire en bois sombre et précieux, et juste à coté un coffre contreplaqué avec une soie très fine aux motifs floraux dans des tons dorés et saphirs. A quelque pas de là se tenait une fenêtre arrondie vers le haut, elle donnant sur un verger d'agrumes.

Sigyn se retourna et se rendit compte de la présence d'un curieux panneau, elle se demandait même comment il ne lui avait pas plus sauté aux yeux que cela. Il n'était pas quadrillé comme les autres et aucun papier de soie n'était tendu dedans. Non, ce cadre était en bois plein, dessus un sgraffite 1 aux couleurs dorés et argentés. Les différentes couches de plâtres colorés représentaient un phénix au milieu des flammes. Contrairement aux coutumes, cet oiseau là ne semblait pas renaitre, il était en train de mourir consumé par le feu. Il était visiblement blessé et regardait vers le ciel, il ne paraissait pas dégager une force ou une puissance caractéristique de son espèce mais il y a avait une certaine majesté et détermination dans ses yeux. Il était là où il devait être aussi cruel que puisse être son destin.

Sigyn fut captivée par cette œuvre, comme si son âme entière était apaisée et happée par le regard remplit de dignité du phénix en train de s'éteindre dans les flammes. Un bruit sourd retendit de l'autre coté de l'œuvre provoquant un léger sursaut chez Sigyn, elle alla voir de l'autre coté du panneau où se trouvait la porte de sa chambre. Derrière une espèce d'antichambre était en place. Un autre bruit sourd résonna dans la pièce et la porte s'ouvrit avec précaution, une jeune fille se tenait dans l'embrasure.

Elle était plus jeune que Sigyn, du moins c'est ce qu'il lui semblait. Habillée simplement, elle n'était pas d'une beauté renversante mais cela n'enlevait en rien à ce qui semblait être son élégance naturelle, cela la renforçait encore plus par contraste. Sur son visage on pouvait voir trois points noirs dessiné sous son œil gauche, la mine inquiète elle semblait redouter l'accueil que l'on lui réserverait... Apercevant Sigyn, elle s'inclina avant de se présenter.

- Bonjour, je suis Ja. J'ai été envoyé par le seigneur Frey pour vous servir aujourd'hui. Je ne vous ai pas réveillée j'espère?

- Non, non, je rêvassais. La mine fatigué de Sigyn ne devait pas passer inaperçue.

- Tant mieux, Ja souriait visiblement soulagée de ne pas avoir surpris Sigyn dans son sommeil. Dans un peu moins d'une heure vous êtes conviée à partager le repas du roi. Souhaitez-vous que je vous assiste pendant que vous vous préparez ?

- Je peux me débrouiller, merci Ja.

- Préférez vous que je vous attende ici ou à l'extérieur ? La question surpris quelque peu Sigyn, tant cela lui paraissait grossier de faire attendre un peu moins d'une heure quelqu'un debout dans le couloir fut-ce-t-il un serviteur.

- Vous pouvez m'attendre ici Ja, je pense que cela vous sera plus confortable, puis-je vous proposez de … Ja la coupa aussi ferment qu'il lui était permis.

- Je m'installerai dans ce qui sert d'antichambre, merci. Elle désigna l'espace entre la porte et l'arrière du sgraffite où se tenaient un secrétaire et un siège.

- Vous êtes sûre ? S'étonna Sigyn.

- Oui, je n'aime pas vraiment le sacrifice nécessaire, Ja rougit légèrement embarassée. Sous le regard perplexe de Sigyn, Ja poursuivit, partout ailleurs dans la chambre on le voit, excepté la salle d'eau. Ce phénix me met terriblement mal à l'aise.

- Oh, je vois. Personnellement je le trouve très …captivant. Devant l'air effaré de la jeune fille, Sigyn décida de la taquiner un peu. Mais peut-être que j'ai des gouts morbides, qu'en pensez vous ?

- Non, non ne vous méprenez pas, contredit la jeune vane. Ce n'est pas tant l'œuvre qui provoque cette réaction, c'est l'histoire autour.

- J'aimerais beaucoup la connaitre.

Sigyn se prépara donc dans la salle d'eau accompagnée de Ja, là où le sgraffite n'était plus à vue.

La jeune servante lui conta l'histoire autour de ce phénix emporté par les flammes. A l'origine ce fut un cadeau d'un roi très lointain, ce dernier aux prises d'un ennemi redoutable fut obliger de demander l'asile pour son peuple à nombres de royaumes dont celui de Vanaheim. Une fois son peuple en sécurité, il repoussa son ennemi mais dut sacrifier sa vie en contrepartie. Frey n'était pas encore sur le trône de Vanaheim en ce temps là. Elles allaient quitter la pièce, tandis que Ja finissait son histoire.

- Certains racontent que l'ancien peuple d'artisans et magicien qui vivaient à Vanaheim seraient leurs descendants, mais c'est faux. Ils n'ont jamais eu de roi, c'est d'ailleurs ce qui a causé la guerre civile dans leur contrée, plusieurs prétendants au pouvoir ont mis leur pays à feu et à sang contraignant les survivants à l'exil.

-Vous dites qu'un peuple ancien vivait à Vanaheim ? Questionna Sigyn d'une voix faible, la description de Ja correspondait à celle de son peuple. Aurait-elle l'occasion de croiser des gens qu'elle avait connus autrefois ici ?

- Oui, de très bons magiciens et artisans, ils ont vraiment le sens du commerce. J'en parle au passé mais c'est un tort il y en a encore quelque uns qui vivent toujours à Vanaheim. Ja s'interrompit soudainement. Vous allez bien ? Vous êtes toute pâle ?

- Oui, ce n'est rien, je crois que j'aurais du déjeuner avant de quitter Gladsheim. Je n'aurais pas du être si pressée d'arriver, fit Sigyn avec un sourire désolé, son cœur battait encore trop fort dans sa poitrine.

-Venez vous asseoir, Ja l'installa sur un pouf en chintz de couleur ocre et crème devant le petit secrétaire aux incrustations lapis-lazuli. Elle prit des biscuits dans le pot très ouvragé posé sur le meuble.

- Allez-y, encouragea-t-elle en présentant à Sigyn, ils sont changés tout les jours. Sigyn la remercia en grignotant.

- En tout cas, cette œuvre ne vient pas des sheans. Ils font de si jolies choses, dommage qu'il n'y en ait presque plus à Vanaheim, je me demande bien où ils on pu partir. Ja frappa dans ses mains, et avec une énergie joyeuse reprit.

- Trêve de bavardages, nous allons être en retard.

Ja l'entraina à travers le palais de Frey, Sigyn fut souvent impressionnée par les différentes salles. Toutes avaient l'air immenses, mais en les traversant on s'apercevait vite que ce n'était du qu'a des jeux de lumières et d'habiles trompes l'œil. Les plafonds avaient l'air si haut, et les arches aux milles couleurs étaient savamment placées avec goût. Le lieu était vraiment un trésor en termes d'architecture. Le bois était le matériau le plus utilisé. Ja avait l'air radieux et fier devant l'éblouissement non dissimulé de Sigyn. Elles arrivèrent à une bibliothèque, elle faisait au moins trois fois la taille de celle de Gladsheim pourtant loin d'être petite. D'immenses poutres de bois traversaient la pièce, s'arrêtant juste avant l'entrée de la pièce. Au bout de ses poutres le buste de plusieurs animaux en marbre blanc étaient placés là, faisant plusieurs mètres de hauteur chacun ils étaient impressionnants. Sigyn reconnu une vache, un cerf, un bouc, un écureuil, un aigle, et un sanglier, animaux typiques des légendes nordiques. Il y en avait d'autres mais impossible de les apercevoir malgré leurs tailles car ils étaient trop éloignés. Un peu plus loin se tenait nombres de pupitres en bois, ils étaient décorés avec des gravures représentant nombres de végétaux et de motifs géométriques complexes.

- La bibliothèque doit être une des seules pièces que l'on n'a pas cherché à agrandir avec des trompes l'oeil. Ja semblait plus que fière de montrer ça à Sigyn, cette dernière lui sourit avec joie, heureuse de pouvoir visiter le palais. Ce fait n'échappa pas à Ja.

- Ce n'est pas la première fois que je fais visité l'endroit à des asgardiens, mais avec vous ce n'est pas pareil vous vous y intéressez vraiment.

Ja la guida à travers foule de rangées de livres et d'étagères démesurées remplies à craquer de livres. Elle ne cessait de sourire, visiblement au comble de bonheur de guider Sigyn dans ce véritable labyrinthe fait de papier, de savoir et d'accessoires de magie ou de divination. Elles marchaient depuis de nombreuses minutes, quand Ja s'immobilisa dans une allée dédié aux plantes médicinales. L'allée se terminait par une baie vitrée arrondie vers le haut, de l'autre coté on apercevait ce qui semblait être un jardin, Ja l'ouvrit puis se tourna vers Sigyn.

- Voilà, vous êtes arrivée. Je ne peux pas vous suivre plus loin, Frey vous attends.

- Merci Ja … Sigyn s'interrompit s'apercevant que la jeune femme vane avait déjà disparue dans l'immense bibliothèque.

Elle pénétra donc seule dans ce qui ressemblait à un jardin suspendu, après quelque pas elle leva les yeux au ciel, ce n'était pas un jardin mais une serre. Les carreaux de verres étaient presque tous transparents, seuls quelques uns comportaient des vitraux. Elle continua à suivre le chemin de gravier qui serpentait au milieu des fleurs, arbres et plantes, jusqu'à ce qu'elle aperçoive Frey. Visiblement il l'attendait, une table avait été dressée et plusieurs mets étaient déjà là. Il était seul ce qui surprit la jeune femme.

- Ah Sigyn quelle joie, quelle joie vraiment de vous avoir à ma table. Frey était toujours aussi enthousiaste que ce matin.

- Tout le plaisir est pour moi, je suis heureuse que vous ayez consenti à m'accueillir. Lui répondit-elle avec le sourire

- Alors racontez moi tout, je tiens absolument à tout, mais vraiment tout savoir de vous. Mais commençons par le plus croustillant ! Comment avez-vous connu ce cher Loki ?

Loki était arrivé depuis longtemps sur l'astéroïde Knowhere, il avait parcouru de long en large la pseudo-ville de brigands et de mendiants où s'était établi le collectionneur. Il avait cherché en vain l'agent de contact de ce dernier sans succès, pourtant on ne pouvait pas dire que Tivan ne soit pas friand de nouvelles rencontres, il avait d'ailleurs la fâcheuse tendance à les enfermer chez lui. Cette pensée fit sourire le mage. Au cours de son exploration, il avait bien remarqué diverse marques de combat dans les rues mais à Knowhere ce n'était pas les bagarres et les combats qui manquaient, qu'ils soient le fait de paris ou d'ivrognes. Cela ne l'avait pas plus inquiété que cela, mais aucun point de contact pour Tivan, cela ne présageait rien de bon. Il devait pourtant être ici, il n' avait aucune raison de partir, surtout sans sa collection. Quelque chose ne tournait pas rond, Loki ne pouvant attendre indéfiniment que le collectionneur daigne lui faire signe, il allait devoir s'inviter chez lui.

Quelle ne fut pas sa surprise en constatant qu'aucune Kalluienne n'en gardait l'entrée, Tivan aurait-il décidé de se débrouiller seul ? En avançant encore, Loki vit que tout était brisé, mêmes les cages indestructibles qui contenaient les membres de la « collection » étaient éventrées. Loki continua de s'avancer prudemment entre les débris, puis il décida de rebrousser chemin. Visiblement le collectionneur n'était plus là, peut-être était-il blessé voir pire, dans son état Loki ne voulut prendre aucun risque. Quelqu'un l'attendait et se faire prendre par Thanos ou ses sbires maintenant était la pire chose qu'il puisse arriver. Il s'apprêtait à sortir par un couloir dérobé quand il entendit une voix nasillarde au possible.

- Eh toi ! Fais gaffe si tu sors par là, Cosmos monte la garde dans ce coin là ! Ce n'est pas un méchant chien, mais ça l'empêche pas de mordre de temps à autre pour vérifier la fraicheur du magret si tu vois ce que je veux dire.

- Qu'est-ce que ? Passablement surpris le dieu de la malice se retrouvait à faire face à ce qui semblait être un canard engoncé dans un costume particulièrement laid. Assis de manière décontractée sur ce qui restait d'une cage, il savourait un cigare dans une main et un cocktail dans l'autre devant un Loki abasourdi.

- Howard ? Tu parles à quelqu'un ? La voix du collectionneur résonna dans la pièce, quand il aperçu son visiteur un sourire faux s'étira sur son visage.

- Oh mais voilà qui est intéressant. Si c'est pour l'éther il a disparu avec l'orbe, j'ai lancé une troupe de mercenaires pour la récupérer. Ils se chargeront de ….

- De rien du tout, il est encore là. Je le ressens, coupa de mauvaise humeur le dieu.

- Captivant, ainsi donc vous vous êtes libéré de la possession d'une pierre Prince d'Asgard mais il vous est toujours possible de détecter la présence ou non d'une pierre. Ce que seul un être reconnu par une pierre comme protecteur le peut. Etrange, il marqua une pause jaugeant le dieu, pourquoi une pierre aussi puissante choisirait un protecteur aussi versatile et peu fiable…

- Peut être parce que je suis autant versatile qu'elle, sans oublier que je ne mens pas délibérément à mes associés ? Tivan choisit d'ignorer délibérément la pique.

- Théorie intéressante, mais peu crédible. Je ne vous laisserais pas l'éther, surtout que vous êtes affaibli et Thanos en a répandu la nouvelle. Il propose une récompense pour votre capture mais uniquement chez les Chitauris il semblerait qu'il vous préfère vivant, l'informa le collectionneur avec un sourire cruel qui laissait voir ses dents. Ils savaient tous les deux ce qui signifiait « Thanos vous préfère vivant ».

- Gardez l'ether, si vous avez pu le conserver avec le déluge qui s'est passé ici, il est à vous. Je ne suis pas là pour ça.

- Vous êtes là pour des informations donc, mais avant est-ce que votre état mental ne s'est pas dégradé ? Votre père adoptif ne vous a pas infligé quelques … corrections pour avoir pris sa place sur le trône ? Vous comprendrez que je veux être certain que votre état n'affecte pas vos perceptions, des mauvaises informations nous feraient perdre du temps. Venant de n'importe qui d'autre Loki aurait pris cette question comme un affront mais il connaissait Tivan et son manque totale de tact hors de négociations commerciales.

- Je vais bien merci pour votre sollicitude, le collectionneur inclina légèrement la tête, non je ne suis pas ici pour vous fournir des renseignements. Je souhaitais vous emprunter quelques pièces de votre collection, pour une mission mais cela semble compromis. Loki faisait allusion aux êtres et créatures que Tivan gardait avec lui uniquement car elles auraient pu repousser les attaques du Titan.

- D'ailleurs où est l'orbe ?

- Disparue, envolée, malheureusement, comme tous les autres. Et à moins d'un miracle je ne pense pas qu'ils vont me la ramener… Tivan semblait agacé par la situation.

- Ils ? Répéta le prince avec intérêt et insistance.

- Une fille de Thanos l'a trahie, Gamora, elle devait m'apporter la gemme je lui donnais de quoi se construire une parfaite petite vie de fugitive. En parlant de Thanos, le collectionneur espérait noyer le poisson mais ce fut raté

- Vous parliez au pluriel. La voix trainante de Loki laissait entendre qu'il avait bien compris les intentions de son interlocuteur et qu'il était hors de question qu'il se laisse faire.

- Rien ne vous échappe, elle était accompagnée d'un groupe assez hétéroclite, deux spécimens particulièrement intéressants. Deux humanoïdes doués de paroles et semblant avoir assez d'intelligence et de libre arbitre, l'un de nature animal l'un végétal. Les deux autres n'avaient rien d'intéressant ou de remarquable, du moins à première vue.

- A première vue ? Plus calme le dieu insistait toujours.

- Ils ne sont pas restés longtemps, un incident avec la gemme et ma domestique, il fit un geste ample en montrant autour de lui. Et c'est avec un air peiné qu'il poursuivi, il est bien difficile de trouver du personnel qualifié sur ce caillou…

- Ils sont tous partis avec la gemme, ont-ils réussi à la maitriser ? Pour Loki cinq mages puissants auraient pu maitriser l'orbe, avec difficulté et beaucoup de dommages mais ce n'était pas totalement irréalisable.

- Non, ils n'ont pas eu à utiliser une quelconque magie. Le collectionneur avait contredit fermement.

- Alors comment ? Loki se faisait de plus en plus impatient.

- Les pierres sont capricieuses, celle la a été longtemps écartée de toutes formes de vies, va savoir ce qui s'est réellement passé, ils l'ont prises avec eux et sont partis. Vivants et presque sans égratignures. Le collectionneur prévient à la question de Loki.

- Si vous ne tenez pas à récupérer la pierre, il serait préférable de laisser mes mercenaires agir. Je récupèrerais l'orbe d'une manière ou d'une autre.

- Une fille de Thanos a su quitter Knowhere pour s'enfuir avec une pierre d'infinité, je ne resterais pas à l'écart. On sentait rien qu'à sa voix que Loki était plus que contrarié, et il n'était pas le seul.

- Nous avons un problème alors.

- De toute évidence, mais nous devons nous occuper de plus urgent. Vous avez une trace ou une piste des autres gemmes ?

- J'y travaille, et vous ? La réponse vague de Tivan ne rassura pas le dieu, mieux valait cacher ses intention a ce dernier.

- Rien de concret pour l'instant, je dois moi même concentrer sur d'autres choses plus importantes.

- Rien n'est plus important, nous étions d'accord pourtant. La quête des pierres est plus importante que tout. La vive protestation du collectionneur n'eut pas du tout l'effet escompté.

- Je vous ai apporté l'ether sur un plateau d'argent, vous n'avez eu qu'à l'accepter, c'est déjà plus que vous n'en avez fait. La réponse du dieu de la malice était remplie de suffisance et de dédain.

- La moitié seulement, ne croyez pas que je l'ignorais. Pas de quoi en être si arrogant surtout quand vous n'êtes pas au mieux de votre forme. Ce n'est qu'un conseil… Puis je vous demander ce qui vous occupe tant pour délaissez notre quête.

- Non. La réponse était sèche et clair, Tivan n'en tirerait pas plus.

- Toujours aussi mystérieux, parfois je me demande si nous n'avons pas fait une erreur en vous associant à nous.

- Notre collaboration est fragile, au moindre changement nous nous trahirons les uns les autres vous le savez pertinemment. Loin d'être idiot Loki savait qu'il s'était engagé avec des gens peu fiable qui n'hésiteraient pas à se supprimer les uns les autres. La quêtes des six gemmes de l'infini réveillaient inéluctablement les plus bas instincts, même chez les meilleures personnes.

- Je le sais, et un changement a déjà eu lieu non ? Vous pourriez retrouver les autres pierres sans trop de difficultés maintenant que vous arrivez à les localiser, pourtant vous ne le faites pas. Vous n'êtes pas seulement le protecteur d'un artéfact n'est ce pas ?

- Je ne vois pas à quoi vous faites allusion. Loki était un peu plus tendu, Tivan commençait à creuser et à poser des questions pertinentes, il en savait plus que lui sur les pierres.

- Vous vous êtes enfin rendus compte de la dangerosité de notre entreprise et de ce que cela implique, pourtant vous ne rechercher plus à maitriser ce pouvoir. La seule raison pour laquelle vous continuez est que vous tenez à quelqu'un ou quelque chose. C'est pour ça que la pierre vous a choisi. La constatation du collectionneur mit très mal à l'aise le dieu.

- Ce que vous pouvez croire m'importe peu, fit Loki feignant l'indifférence.

- Cela ne vous rends que plus vulnérable de le nier, jeta-t-il à Loki qui partait déjà bille en tête.

Le collectionneur sourit au départ de Loki, et un de moins à éliminer, mais peut-être un allié de choix, et un véritable cette fois.

A Vanaheim, Sigyn était en train de passer un excellent moment après avoir raconté le mensonge que Loki avait concocté sur ses origines, Frey n'avait plus posé de question et l'avait réellement mise à l'aise. C'était quelqu'un de charmant et qui avait beaucoup de conversation. Il l'avait fait beaucoup rire, il lui racontait des histoires incroyables qui avaient pour décors les royaumes d'Yggdrasil. Puis il l'avait enjointe à boire du thé, et confiante Sigyn avait bu quelques gorgés souriant face à l'homme qui l'avait accueillie. Dès que le liquide toucha ses lèvres, elle ressenti un bien-être et une plénitude telle qu'elle pensait les avoir oubliés depuis longtemps. Sous l'effet de la boisson chaude ses muscles et son esprit se relâchèrent complètement, mais l'homme en face d'elle n'agissait pas sans arrière pensées.

- Vous venez pour apprendre la magie, n'est-ce pas ? Mais je crains que votre énergie me soit totalement étrangère, en fait je pense qu'elle diffère presque totalement de ce qu'on peut trouver sur Yggdrasil.

Sigyn sentit une sueur froide courir sur son dos bien qu'elle n'en montrait rien.

- Eh bien, je pense néanmoins que les alfes pourraient peut-être vous aider mais ils sont assez dévoués à Odin tant qu'il ne contrariera pas leurs projets personnels. Sans compter sur leurs ambitions et le fait qu'ils ne donnent jamais rien sans rien.

La voix devenue sifflante et posée de Frey continua, pendant que Sigyn se sentit de plus en plus mal à l'aise.

- J'ignore complètement si les géants de glace pourraient vous aider, mais ce sont eux qui ont très certainement l'approche la plus pure et la plus originelle de la magie peu importe sa nature, donc on pourrait le supposer mais rien n'est moins sûr

Tendue à l'extrême sur sa chaise, elle essayait de réfléchir à comment se sortir de là.

- Voila un dilemme épineux, choisir ses alliées dans les rangs de celui dont on se méfie ou s'allier à ses ennemis et s'engager ouvertement un bras de fer. Il bu une gorgée de vin, Loki vous a-t-il informé de ses projets futurs ?

- Je … non.

- Ce n'est pas grave mon enfant, il n'en a probablement qu'une vague idée pour l'instant. Je vous sens inquiète…

- Je ne devrais pas ? Frey était loin d'être un idiot il ne finirait pas lui demander d'où elle venait réellement et il savait pertinemment qu'elle n'était pas ce qu'elle prétendait être.

Un sourire étira les fines lèvres de Frey, il prit le temps de l'observer avec attention quand il eut fini il posa ses deux mains sur la table.

- Oui, vous devriez l'être peut être pas dans l'immédiat mais … ses yeux se plissèrent, il fit claquer sa langue avant de reprendre.

- Votre situation était-elle bien liée à celle de Loki ?

Sigyn ignorait ce qu'elle devait répondre, si elle répondait oui elle devrait surement s'expliquer et jouer carte sur table, si elle disait non Loki n'aurait eu aucun intérêt à l'emmener chez Frey. Au bout d'un moment le vane s'impatienta.

- Cette question a l'air bien difficile, vous n'êtes pas ce que vous prétendez être n'est-ce pas ? Toutes vos paroles et actions sont pesées, Sigyn allait se lever et protester.

- C'est moi qui ai formé Loki à la magie lors qu'il était jeune adolescent, Frigga me l'a confié alors ne croit pas pouvoir me berner. C'était la première fois qu'il la tutoyait et cela sonnait comme un avertissement, Frey était catégorique mais sa voix restait douce. Un instant Sigyn cru entendre Loki. Tu n'es pas ce que tu prétends être n'est-ce pas ?

Encore choquée, elle n'osa ni répondre ni bouger. Son corps et ses pensées semblaient s'être paralysés.

- Rassure toi, je n'ai pas besoin de savoir qui tu es, cela m'importe peu à vrai dire. J'ai entendu les rumeurs, espionne d'odin, espionne de Loki, recrue valkyrie, aspirante ambassadrice d'Asgard, tout cela m'importe guère, sans vouloir être grossier cela ne m'intéresse que très peu. Il planta son regard dans le sien avec détermination. Moi ce que j'aimerais savoir, de quelle nature est exactement ta relation avec Loki.

Frey parlait presque comme lui, avec les mêmes intonations, ils se ressemblaient un peu d'ailleurs. Si Loki l'avait amené ici, c'est qu'elle pouvait faire confiance à Frey. Sigyn se sentit fléchir, pourquoi lutter contre Frey ? Elle se sentait plutôt bien avec lui, elle jeta un regard sur sa tasse de thé. A moins que ce ne soit cette boisson qui …

- Sigyn, réponds à ma question s'il te plait. Voyant les pensées de son invitée s'éloigner, il lui avait pris ferment le poignet, toujours en la fixant droit dans les yeux. Frey avait l'air si gentil et il avait l'air de s'inquiéter pour Loki, pourquoi ne lui répondrait-elle pas ?

-Je… il … nous… Elle cherchait ses mots, signe que le thé avait fait effet. Frey sourit l'encourageant à continuer, une fois lancée il aurait toutes les réponses qu'il voulait.

- C'est assez difficile à dire en fait. Je crois que quelque part j'ai toujours été attirée par lui, souvent sans vraiment comprendre pourquoi. Après tout quand nous nous sommes rencontrés pour la première fois, nous n'avions rien en commun. Il était le petit prince parfait, je l'enviais et le jalousais en même temps que je le détestais, pourtant je l'admirais. J'aurais pu le détester, mais il a toujours été franc et bienveillant envers moi, et ce malgré tous mes défauts. Il s'est tout de suite comporté en ami, j'aurais aimé en dire autant… Pourquoi se livrait-elle comme ça, elle s'était arrêtée de parler, surprise de ses confidences à un quasi inconnu.

- Vous avez été mauvaise en vers lui ? La question du souverain vane interrompit ses pensées. Oui, elle n'avait pas été la gentille fille que tous croyait, mais elle ne dirait rien elle avait trop honte. Mais elle ouvrit la bouche horrifiée de sa franchise.

- J'ai été lâche, comme je le regrette si vous saviez. C'était vraiment le prince parfait, à cette époque il avait encore cette timidité, ça le rendait touchant, mais on pouvait deviner ce charisme un peu autoritaire et charmant à la fois qu'il a maintenant. Et vous savez cette fausse politesse empreinte d'ironie …

- Vous vous connaissez depuis si longtemps ? Frey avait bien remarqué, qu'elle avait su dévier sa question précédente, il lui fallait un nouvel angle d'attaque.

- Oui, à l'époque nous étions enfant mais il avait déjà tout pour lui, et pourtant… Sigyn avait maintenant les larmes aux yeux. Loki n'avait pas eu l'enfance aussi facile que certains avaient cru. C'était aussi pour ça que Frey avait accepté qu'il vienne en apprentissage à Vanaheim. Il devait recentrer ses questions sur l'avenir et le présent dès qu'il le pourrait, pour l'instant la jeune femme devant lui était encore trop effrayée pour livrer tous ses secrets. Il devrait encore rester vague dans son interrogatoire.

-Et pourtant ?

- Je voyais ce qu'il se passait quelque chose d'anormal sans vraiment savoir quoi. Au début je ne comprenais pas tous ces incidents autour de Loki. Puis petit à petit, j'ai enfin vu la vérité, tous ces gens malsains qui le rabaissaient sans cesse, toutes ces moqueries insidieuses et cruelles. Touts ces gens, ils … Ils piétinaient la dignité et l'estime de Loki, et tout ça devant Thor et Odin qui laissaient faire comme si … comme si …

Sa voix tremblait, elle avait baissé la tête, si elle se mettait à pleurer le charme n'agirait plus, Frey devait tenter de la calmer.

- Comme si il n'était là que pour se faire brutaliser. La voix profonde et calme du vane la fit relever son visage vers lui, elle acquiesça surprise avant de continuer.

- Alors moi, j'ai voulu le protéger, toute seule, avec mes propres forces parce que … Elle hésita avant de se lancer, parce que moi je l'adorais et qu'au fond je voulais qu'il m'apprécie aussi ne serait-ce qu'un peu. Mais j'étais si faible que je n'ai pu que l'éloigner de courts instants.

-Tu te doutais qu'Odin n'approuverait pas que tu l'éloignes, qu'il fermerait encore plus les yeux sur ces « incidents » comme tu dis… Frey s'était laissé prendre au jeu, mais qui était-elle réellement ? Une amie de Loki c'était certain, mais quelle enfant aurait réussi à ne pas se faire éloigner de lui par Odin ?

- Oui, je le savais. Je le savais au fond de moi une alarme retentissait pour me prévenir que ça allait arriver, que cela irait de plus en plus mal pour lui, mais en même temps je ne pouvais pas m'empêcher. L'envie d'être avec lui revenait toujours de plus en plus forte, plus forte que mon envie de le protéger. Frey sourit. Ainsi donc elle l'aimait, peut-être ne le savait-elle pas encore. Sigyn continuait dans ses confidences, incapable de s'arrêter.

- Alors moi aussi j'ai bouché mes oreilles, j'ai agis comme Thor, pour ne plus entendre cet avertissement, même en connaissant les risques …. Même quand il … avec Balder …. Quand ils lui ont cousus les lèvres… Frey ouvrit grand ses yeux, elle connaissait le secret de Balder ? D'après Frigga seules trois personnes étaient au courant, lui-même, une amie de Frigga et Loki. Etait-ce possible que la jeune femme en face de lui soit …

- J'ai été si égoïste, je suis horrible. Aujourd'hui encore je ne sais pas si je saurai l'aider… Sigyn pleurait, ses mains cachant ses yeux n'étaient d'aucune utilité pour retenir ses larmes et ses confidences.

- Maintenant je comprends mieux ce qui vous lie et quelles sont tes motivations. Tu ne dois pas trop t'en vouloir pour le passé, tu n'étais qu'une enfant. Il y avait de gens plus matures et mieux placés que toi qui aurait du intervenir. Peut-être est-ce toujours le cas.

Sigyn sembla reprendre ses esprits. Son thé lui laissa un gout amer, elle s'était faite avoir dès le premier jour.

- Vous m'avez piégée. Essuyant ses yeux, elle jeta un regard courroucé à Frey qui eut un pauvre sourire d'excuse.

- N'y vois la aucune mauvaise intention, je suis fatigué de tout ces faux semblants, je n'ai plus l'énergie ni la vivacité d'autrefois pour mener des conversations et discerner le vrai du faux.

- Que voulez vous dire par mes motivations ? Elle s'était levé prête à combattre.

- N'est-ce pas évident ? Tu as senti comme moi le changement chez lui, ses barrières sont quasiment détruites, il est en danger. Les paroles du souverain la calmèrent instantanément, elle se rassit pendue à ses lèvres. J'attends juste la question qui te brule les lèvres mais tu n'as pas encore réussi à formuler.

- Peut-on le sauver ?

Frey poussa un profond soupir, mais un sourire patient fleuri sur ces lèvres. Elle était attendrissante là assise devant lui attendant une réponse, les joues encore humide de larmes, tordant ses mains, pétrie dans une angoisse palpable, alors qu'il y avait encore quelques instants elle était prête à livrer bataille.

- Peut-on rattraper les paroles blessantes qui ont un jour été lancées, peut arrêter le temps de couler, les souvenirs d'exister, la marée de monter ? Je ne crois pas Sigyn, puisque tel est ton nom.

-Je veux toujours le faire, vous ne comprenez pas, ça ne change rien. Si vous ne voulez pas, je trouverais quelqu'un d'autre, je me débrouillerais. Elle défiait Frey du regard, arrogante.

- Je ne voulais pas dire ça, ou du moins pas comme ça. Pardonne-moi si je t'ai donné l'impression de l'abandonner. Il marqua une pause, comment pouvait-il le lui expliquer. Cependant si ni toi ni moi ne pouvons sauver Loki, peut-être que lui-même peut se sauver. Après tout si la marée monte c'est parce que la lune l'attire à elle, si les souvenirs existent et que les paroles blessent c'est parce que nous leur accordons une importance si infime fut-elle.

Il planta son regard dans celui de Sigyn, avant de continuer.

- Si tu es là aujourd'hui c'est parce qu'il tenait à te protéger, quelque soit ses raisons je l'y aiderais. Mais toi nous laisseras tu t'aider ? Il lui tendit la main, elle la prit. Au moment où il la serra Sigyn sentit une aiguille s'infiltrer sous sa peau. Quand il la relâcha, elle pu constater une minuscule entaille rouge vif.

- Désolé, certains maux sont malheureusement nécessaires, il retira l'aiguille de sa bague et la mit dans sa poche, tu trouveras dans le petit secrétaire des instructions pour la suite, lis tout avec attention. Maintenant elles ne sont visibles que pour toi et toi seule. Aimer ou aider quelqu'un ne signifie pas ne jamais le blesser, certaines plaies sont nécessaires pour grandir voir survivre, mais ça tu le sais déjà…

Sigyn s'interrogea sur le sens réel de ses paroles, que savait réellement cet homme sur elle ? Ne venait-il pas de la piéger ? Au fond d'elle elle avait envie de le croire de lui faire confiance, mais le doute, le doute la tourmentait. Si seulement Loki était là ….

Un serviteur apparu au loin, s'arrêtant à bonne distance de la table, il faisait de grands signes à Frey.

- Je crois que ce bon vieux roi elfe m'a envoyé un messager et qu'il est bien arrivé. Je te laisse finir ton repas, prends tout ton temps. Il quitta la table d'un pas lent, plongé dans ses pensées.

En réalité il n'y avait pas de roi elfe, il n'y avait qu'une petite héritière shean à sa table. Ainsi Honor était de retour parmi eux, Frigga l'avait prévenu juste avant l'arrivée de Loki en apprentissage.

Inquiète elle était venue le voir, elle avait si peur qu'elle avait rendu ses souvenirs à Frey.

Loki se doutait de quelque chose, Frigga en était sûre et s'il trouvait le moyen de recouvrer la mémoire lui aussi, s'il se mettait en quête de la jeune fille ? Il la retrouverait elle en était sûre, elle le savait, elle avait vu la prédiction. Elle avait supplié Frey de lui accorder son aide, si Loki la retrouverait il trouverait Thanos par la même occasion. Ils avaient besoin de temps sinon ils seront perdus tous les deux. Devant les pleurs de Frigga, Frey lui avait demande demandé si elle pensait que la jeune fille n'était pas déjà condamnée à l'instar d'Yggdrasil ? Frigga lui avait répondu que non, Yggdrasil pouvait être sauvé mais de nombreux sacrifices seraient nécessaires. Ce soir là, Frey se surprit à penser que Frigga n'avait parlé que de sauver Yggdrasil, la fille n'avait été plus évoquée. Frigga aurait délibérément occulté de répondre à son sujet ? Honor était sa nièce, et l'amitié entre sa mère et la reine d'Asgard n'était pas feinte, impossible que la douce Frigga mente, ne serait-ce que par omission. Il avait chassé cette pensée de son esprit.

Montant au sein de la plus haute tour de son palais, Frey était presque à bout de souffle au sommet. Admirant la vue imprenable sur le ciel et les alentours, il se dirigea vers un rouet d'or finement ouvragé. C'était celui de Frigga, elle lui avait confié peu après son mariage avec Odin, Frey fit délicatement tourner la roue, le rouet happa un nuage et il se fila de lui même, le vane prit le précieux fil entre ses doigts, et regarda le ciel.

- Tu m'as demandé de veiller sur lui Frigga, mais cela s'annonce plus difficile que prévu. Je déteste utiliser les sentiments de jeunes gens influençables, et tu en avais horreur toi aussi mais il se peut que nous n'ayons pas le choix cette fois. Pourvu que je ne me trompe pas.


Merci de toujours lire cette histoire ! N'hésitez pas à commenter et à donner votre avis, cela m'aide beaucoup dans mon écriture. Encore mes excuses pour l'attente. Et un grand merci à ma beta Neelahne.