Bonjour bonjour tout le monde... enfin les deux ou trois lectrices qui suivent peut-être avec un peu de chance cette fic. Voici donc l'acte final de mon petit délire Hellsing. En espérant qu'il vous plaira.^^ Bonne lecture à tous!
RAR pour la seule et unique Auteur-Onirique: Comme toujours, ta review a transporté mon petit coeur de joie. Je pourrais écrire 100 chapitres supplémentaires juste pour avoir le plaisir de lire ta prose, tes mots si savamment choisis. Tu as ce don unique qui consiste à mettre sans faute le doigt sur ce qui peut me faire le plus plaisir! Les analyses que tu accordes à ma petite fic me comblent chaque fois et me font caresser l'illusion que j'ai touché au but! ^^ Procurer autant d'émotions... rien ne pourrait me contenter davantage. Mille mercis pour cette review riche et plaisante que j'adore lire et relire. J'espère simplement que la suite pourra t'inspirer tout autant. N'hésite pas =D! Un énoooOOOOooorme poutou sur la fesse gauche!
Chapitre 6 : … et sauter le pas (partie 1)
Ses paupières papillonnèrent lourdement, ses prunelles cherchant un point d'attache. Son regard se posa sur le pied du verre qu'elle tenait encore entre ses doigts desserrés et un grognement irrité s'échappa de ses lèvres tandis qu'elle l'abandonnait pour décoller un feuillet de sa joue gauche. La tête lui tournait légèrement. Le vin lui faisait toujours un effet bœuf malgré les menus changements dans sa constitution physiologique.
« Parce que vous refusez de vous nourrir depuis trop longtemps ».
La voix dans sa tête raisonna familièrement. Elle sursauta sur son siège pour se redresser tout à fait. Son regard se figea presque instantanément sur la silhouette imposante tapie dans la semi-pénombre. L'estomac soudainement noué, ses deux opales scrutèrent l'obscurité un long moment jusqu'à ce qu'elle revienne à elle dans un rictus bruyant.
Une hallucination ?
- - Je ne pensais pas avoir bu à ce point-là, ironisa-t-elle en attrapant la bouteille de bordeaux par le goulot pour en jauger le contenu. Apparemment si !
Le constat arracha un ricanement à peine audible à l'illusion écarlate.
Elle réajusta ses lunettes sur son nez d'un mouvement aussi digne que le lui permettait sa longue chevelure emmêlée et ses traits tirés d'épuisement.
- - Je ne crois pas que vous ayez encore besoin de ceci, l'entendit-elle murmurer et une seconde plus tard, il saisissait avec une infinie précaution entre ses doigts gantés de blanc, la fine monture métallique.
Elle tressaillit et ses paupières se fermèrent un instant.
Il fallait qu'elle reprenne ses esprits. Elle venait d'écluser plus de la moitié d'une bouteille de vin à elle seule. Ses sens étaient certainement en train de lui jouer quelque tour.
C'est ça : elle dormait !
Elle prit appui des deux mains sur le bureau et se leva brusquement, chancelante. Elle tenta de donner le change et de maitriser le vertige qui la faisait vaciller, consciente pourtant que la … « créature » face à elle ne serait pas dupe ; si elle était une création de son esprit malade, elle ne pouvait que connaitre son état réel. S'il s'agissait vraiment d'Alucard, il connaissait trop bien ses façons d'être et ses failles pour se laisser berner… Dans tous les cas, elle agissait davantage pour se faire croire qu'elle conservait encore un minimum de maîtrise et elle trouva la chose encore plus pathétique une fois qu'elle fut clairement formulée dans son esprit encore embrumé.
Elle s'empara calmement du verre à pied qu'elle vida d'un trait avant de le briser sur le rebord du bureau d'un coup sec. Sans un regard pour le mort-vivant dont elle sentait qu'il l'observait fixement, elle s'empara du plus gros des éclats de verre et lacéra profondément la paume de sa main gauche. Elle ne put contenir un sifflement de douleur mais sourcilla à peine.
Finalement, elle n'était peut-être pas en train de rêver…
Elle releva la tête vers le vampire en priant pour que son ouïe fine n'intercepte rien des battements affolés de son cœur.
- - Alors comme ça... tu es vraiment là…
Il ne répondit pas tout de suite, ses prunelles cramoisies brillaient d'une lueur indéfinissable. Peut-être s'était-il attendu à un accueil moins courtois ? Elle aussi d'ailleurs aurait pensé que voir le Nosferatu se présenter de nouveau devant elle l'aurait faite sortir de ses gonds. Elle ne pouvait pas dire pour autant qu'elle était calme.
Etait-ce le temps qu'elle avait laissé passer ? Etait-ce dû au fait qu'il l'avait surprise au réveil ? Ou bien le fait qu'elle se sente plus lasse et fatiguée que jamais ?
Elle se laissa doucement retomber dans son fauteuil.
Elle aurait voulu être capable de déverser sur lui toute la haine qu'elle avait ressentie lorsqu'il était parti, d'exorciser cette frustration qu'avait aggravée sa fuite. Bien qu'elle n'ait jamais envisagé comme une option qu'il puisse un jour remettre les pieds à la fondation, elle s'était imaginée que si ce jour arrivait, sa furie n'aurait rien eu à envier à la puissance de la créature. Au lieu de ça, elle se sentait étrangement fébrile, presque nerveuse.
Ce n'était pourtant pas comme si elle attendait quelque chose de cette visite, aussi invraisemblable fût-elle. Revenir en arrière, effacer cet acte était impossible. Elle avait beau s'être résignée, elle ne pourrait jamais le lui pardonner…
Alors pourquoi avait-elle le sentiment que c'était la première fois depuis ces quatre longs mois, depuis le début de son calvaire, qu'elle ne se sentait plus tout à fait aussi seule ?
Son esprit avait apparemment du mal à retenir la leçon. Combien de trahisons devrait-elle encore endurer pour qu'enfin elle ne se sente plus prisonnière de ce lien qui, de toute évidence, n'existait que dans son cerveau malade ?
Au fur et à mesure que les pensées chaotiques asphyxiaient sa capacité à réfléchir, les pupilles du vampire perdaient de leur éclat, comme si le simple fait de l'observer pouvait lui révéler la teneur des doutes qui l'agitaient.
Elle examina longtemps le pâle faciès. Le tableau lui paraissait si familier. Il aurait pu s'être trouvé la veille dans son bureau, s'être tenu dans la même posture, imposant, de la même manière, dressé devant elle : son risible, son factice Maître…
Cette dernière pensée eut tôt fait d'arracher son regard au visage émacié. Comment les choses auraient-elles pu demeurer les mêmes ? Depuis quand était-elle femme à cacher sa tête dans le sable ? Elle ne pouvait pas, elle ne voulait pas faire semblant. Du reste, il n'était peut-être venu que pour constater l'ampleur des dégâts déjà infligés.
Le silence était retombé depuis de pesantes minutes sans qu'aucun d'entre eux n'esquisse le moindre geste, n'échappe le moindre son. Toujours enfoncée dans son siège, les yeux perdus sur le nœud écarlate qui fermait le col de la chemise de son vis-à-vis, elle ne pouvait empêcher les spéculations de se s'infiltrer insidieusement dans sa tête. Les mains crispées sur ses genoux, elle rythmait les pulsations de son cœur en faisant pression à intervalles réguliers sur la blessure à l'intérieur de sa paume.
La douleur l'apaisait en quelques sortes… et l'empêchait de laisser ses pensées s'égarer trop longtemps.
Et maintenant quoi ? Pourquoi était-il venu jusqu'à elle ? Etait-il là pour se moquer d'elle comme il l'avait fait la nuit où il avait déserté ? Etait-il venu s'assurer que le brasier de désespoir dans lequel il l'avait jetée et qui consumait sa raison un peu plus chaque jour n'avait pas besoin d'être alimenté et le cas échéant, souffler sur les braises pour les attiser ? Lui-même attendait-il seulement quelque chose de cette visite ?
Pourquoi son regard à lui aussi paraissait-il éteint ? Peut-être aussi las que le sien… d'une façon différente…
Incapable de tolérer plus longtemps l'irritation que générait en elle le regard du vampire sur son visage, elle se leva de son siège et se dirigeant lentement mais d'une démarche assurée vers l'âtre à l'autre bout de la pièce, le dépassa sans lui accorder la moindre attention.
Elle en avait assez. Elle ne le supportait plus… elle ne supportait plus de se sentir aussi faible, aussi sale… son sang souillé, son nom traîné dans la boue, la culpabilité et le dégoût de soi la rongeant et pourtant, incapable de mettre un terme à sa vie maudite, incapable de lui ordonner de quitter les lieux.
- - Que veux-tu ? finit-elle par interroger d'une voix égale en fixant les flammes qui réchauffaient son corps gelé.
Elle entendit le bruit de ses bottes sur le parquet lorsqu'il se tourna dans sa direction. L'attention de la jeune femme se focalisa de nouveau sur l'intérieur de sa main gauche. Sur le tissu blanc, la tâche s'assombrissait à mesure que le cercle pourpre s'élargissait.
Les secondes s'égrenaient et il ne disait toujours rien. Pourquoi ne disait-il rien ? Elle l'avait pourtant invité à parler. Peut-être appréhendait-il de répondre de la même manière qu'elle appréhendait sa réponse…
- - Tu penses que les déserteurs ont leur place à Hellsing ?
- - Au même titre que les vampires vous voulez dire ?
- - Tsk…
Sa mâchoire se crispa à la provocation déplacée. Le grand Abraham Van Helsing se serait retourné dans sa tombe s'il avait su ce qu'était devenue l'organisation qui portait son nom : un repère pour monstres dirigé par une abomination au sang corrompu. Il préfèrerait sans doute passer l'éternité en enfer que d'apprendre que le plus grand ennemi qu'il ait eu à combattre avait finalement accompli sa vengeance contre sa famille.
Elle réprima un frisson d'effroi en songeant que c'était peut-être là le travail de tout un siècle pour le vampire : fomenter la plus horrible des revanches sur son plus vieil ennemi. Un rictus agita ses lèvres exsangues. Peut-être avait-elle péché par un excès de confiance en elle. Peut-être avait-elle présumé de ses capacités en se laissant convaincre qu'elle avait su l'apprivoiser… Elle avait oublié si facilement la première des leçons que lui avait inculquées son père : ne jamais faire confiance à un vampire !
Il lui avait pourtant semblé tout connaitre de lui : de son histoire jusqu'au moindre trait de son caractère. Par les écrits que ses aïeux avaient laissés et par sa propre expérience, elle pensait avoir pu transcender l'horreur de sa nature pour percer à jour l'âme damnée de la créature. Elle savait l'homme qu'il avait été, le guerrier redoutable, l'adversaire sans pitié, le Prince stratège qui avait porté haut sur les champs de bataille l'étendard chrétien, le souverain craint et vénéré, qui jamais n'avait ployé le genou, pas même devant Dieu.
Mais il l'avait fait devant elle…
Est-ce que quoi que ce soit dans ce geste avait été empreint de sincérité ?
Après tout, la trahison était sa compagne la plus fidèle depuis des siècles. Elle s'était présentée à lui dès l'enfance lorsque son propre père l'avait cédé comme otage au dirigeant de l'empire voisin, employant sa vie comme monnaie d'échange. Elle avait toujours fait route avec lui depuis. Même le Dieu qu'il avait cru servir par les guerres qu'il livrait en son nom lui avait tourné le dos.
Elle se retourna pour lui faire face et retira avec précaution le gant de sa main gauche. Elle sentait son regard incandescent sur elle. Ce sang rouge qui s'échappait de ses veines était tellement similaire au sang des êtres humains… si son ancêtre ou même son père s'était retrouvé à sa place, l'un comme l'autre auraient eu le courage de mettre un terme à leur demi-vie absurde. Pourquoi ne le pouvait-elle pas ?
La boucle était ainsi bouclée. Humiliée au-delà de mort, elle avait fini par payer au nom de ses ancêtres pour ce siècle d'asservissement.
- -Tu m'as changée en monstre, fut ce qu'elle put articuler de plus sensé.
- - Je n'ai pas fait davantage que de prolonger votre existence.
Le ton était calme et posé. Il avait presque retrouvé cette intonation de légèreté qui en d'autres temps savait la rassurer. Mais aujourd'hui, elle résonnait différemment à ses oreilles. Tout avait changé : sa nature, le sens de ces mots, de ce ton… de sa présence ici…
Elle ferma les yeux un instant et expira lentement par le nez pour chasser la présence inconfortable dans son estomac.
- - Tant que vous n'avez pas bu de sang, vous êtes toujours à moitié humaine.
Elle réprima le sursaut extravagant dans sa poitrine.
Comme si cela pouvait changer quelque chose ! La situation ne pourrait évoluer que dans un seul sens et il n'était à aucun moment envisageable qu'elle recouvre son humanité.
- - Votre sang n'a pas changé. Il n'a été mêlé à aucun autre. Il est le même.
Et de ce fait, il lui assure un ascendant sur elle, appréhenda-t-elle l'ironie du propos.
- - Tu n'as plus rien à faire ici, siffla-t-elle acerbe. Je ne suis plus ton Maître !
- - De fait, si.
Elle leva sur lui son regard acier.
- - Tant que votre sang est intact, le sceau demeure.
Les sourcils cendrés se froncèrent quand elle saisit la stupidité de la situation : il l'avait faite telle qu'elle était à ce jour et elle ne pourrait s'émanciper qu'en acceptant de boire son sang. D'un autre côté, puisque son sang, par sa « pureté » relative maintenait sur le vampire le sceau des Hellsing, il demeurait soumis à sa volonté.
La forcer à le boire pourrait bien être la raison de sa venue ce soir.
De nouveau, le poids désagréable revint se nicher au creux de son estomac.
- - C'est là le but de ta présence ? grinça-t-elle amère.
- - Même si je vous avais contrainte à avaler mon sang Integra, rien n'aurait changé pour autant.
Elle lutta contre la pointe de soulagement traitre qui s'insinua en elle en entendant ces quelques mots rassurants, menteurs...
C'est ce qu'elle aurait aimé croire : que rien n'avait changé. C'était même ce qu'elle avait le plus besoin d'entendre.
Menteur !
Etait-il encore en train d'user d'un charme quelconque afin d'amadouer son esprit ? C'est ce que faisaient les vampires. Ce pour quoi ils étaient naturellement doués.
Sans réfléchir plus avant, mue par une espèce de réflexe naturel, une boule tenace dans la gorge, elle tendit au mort-vivant sa main blessée, paume vers le haut en continuant de le fixer dans les yeux avec défi. Les orbes écarlates étincelèrent.
Verrait-il son geste comme une invitation à la vider de son sang ?
Il ne fallut qu'une seconde au vampire pour saisir le poignet ensanglanté avec une légèreté indécente et Integra l'observa, incrédule et un frisson la traversant de part en part, mettre un genou à terre et courber le dos avant de lécher la plaie béante. Le contact de la langue chaude contre sa peau lui arracha un nouveau tressaillement.
Comment passer outre la symbolique de ce geste de soumission absolue ?
Il avait décidé de prendre le sien comme un présent.
Pouvait-il être sincère dans sa démarche ?
- - Si vous ne vous nourrissez pas, elle ne se refermera pas, l'informa-t-il une fois que la coupure fut propre.
Elle laissa échapper un gémissement quand il aspira une goulée supplémentaire tout en prenant garde de ne pas mordre sa chair. Elle fut presque agacée de cette précaution grotesque. A quoi lui servait-il de se retenir à présent, après tout ça ?
Soudain, elle sentit sa prise se raffermir sur son poignet et en une fraction de seconde, elle se sentit happée vers l'avant puis repoussée rudement en arrière.
Lorsqu'elle rouvrit les yeux, elle réalisa qu'il se trouvait à une distance tout à fait inconvenante, sa poigne encore refermée sur elle. Elle voulut reculer d'un pas mais sentit rapidement le mur dans son dos. Les prunelles vermillon semblaient la mettre au défi à leur tour.
Elle n'aurait pas baissé les yeux devant lui pour tout un empire… mais, elle se sentait déjà suffoquer. Il la retenait prisonnière.
- - Jusqu'à présent j'étais votre propriété baronne. Aujourd'hui, vous aussi m'appartenez !
La chaleur lui monta instantanément aux joues. Comment pouvait-il ? Comment osait-il prétendre qu'elle, Integra Hellsing, était la propriété de quelqu'un ? D'un monstre qui plus est ?
Elle songea avec aigreur au discours qu'elle lui avait tenu la nuit où elle l'avait libéré pour la première fois. Elle se serait tuée plutôt que d'obéir aux ordres de cette créature de l'enfer. Il devait certainement rire intérieurement de ce retournement de situation !
- - Tu t'attends à ce que je t'appelle Maître ? maugréa-t-elle.
Un pouffement ironique lui répondit.
- - Hm… mon Maître…
Elle tenta d'ignorer la secousse qui agita son estomac. Il y avait dans sa façon de prononcer ces quelques syllabes quelque chose de dangereusement troublant.
Il devait mettre un terme à ce cinéma.
- - Rien ne t'autorise plus à m'appeler comme ça désormais ! lâcha-t-elle tranchante. Même si le sceau des Hellsing demeure, plus aucun lien de ce genre ne t'unit à moi.
- - Le sceau ? haussa-t-il les sourcils. Il n'est pas en cause.
Les siens se froncèrent. Que cherchait-il à dire ?
- - Vos serviteurs vous ont-ils tourné le dos ?
- - …
- - Walter est toujours à vos côtés, égal à lui-même et la femme-flic a redoublé d'ardeur à la tâche. Il n'est venu à l'idée de personne d'abandonner ses devoirs envers vous à cause d'un changement aussi insignifiant.
Insignifiant ?
Elle sentit un flot de rage liquide s'insinuer dans ses veines tandis que son poing se serrait à en faire craquer ses jointures. Elle le soupçonnait d'avoir exactement pesé chacun des mots qu'il avait utilisés.
- - Vous étiez forte pour une humaine, mais votre vie était ridiculement fragile, continua-t-il comme s'il avait saisi le fond de sa pensée.
Avait-il besoin de les lire pour les deviner ?
- - Quelle nature absurde que celle des humains !
Il effleura sa gorge de sa main libre. Elle retint son souffle.
- - Vous doutez de moi, je le sais. Pourtant, durant votre vie humaine comme aujourd'hui, il me suffirait de resserrer mes doigts…
Il n'eut pas besoin de joindre le geste à la parole. La tension dans l'air combinée au regard qu'il portait sur sa jugulaire suffisait à rendre difficile sa respiration pourtant aussi inutile que ce cœur désormais encombrant.
- - Sondez mon esprit Integra ! intima-t-il alors. Assurez-vous par vous-même que la vérité sort de ma bouche !
Acculée, elle étudia un instant l'expression du vampire. Comment pouvait-elle passer en une seconde de cette sournoiserie provocante à l'affliction la plus totale ?
- - Jamais je n'utiliserai la moindre aptitude qui me rendrait plus comme… toi !
La hargne avec laquelle elle lui cracha ces quelques mots sembla presque le ravir.
- - Moi non plus, je n'ai pas non plus l'intention de m'enfuir, continua-t-il. Je continuerai à vous servir en dépit du sceau, de ma propre volonté.
- - Tu m'obéiras ? De ta propre volonté ? marmonna-t-elle, un rictus sarcastique se dessinant sur ses lèvres. Le temps que je décide de boire ton sang pour te libérer de ce sceau dont tu prétends ne pas te soucier… ne pense pas que je t'accorderai cette faveur !
- - Vous croyez que la raison de mon allégeance se trouve dans votre sang baronne ?
Le visage du vampire s'était de nouveau assombri. Sa voix avait pris un timbre caverneux.
- - Souvenez-vous de l'endroit où vous m'avez trouvé, de la difficulté qu'ont eue vos prédécesseurs à m'apprivoiser… Quel genre de chien croyez-vous que je suis ? interrogea-t-il avec une fierté qui contrastait totalement avec la teneur du propos.
Un long frisson parcourut son échine tandis que les yeux perçants demeuraient arrimés aux siens.
- - J'ai choisi d'être là où je suis, comme je l'ai toujours fait.
- - …
- - Il n'y a que des humains bouffis d'orgueil pour croire que leurs misérables subterfuges peuvent contraindre un no life king !
Ses pupilles rutilantes enfoncées dans les siennes, il réduisit encore davantage la distance entre leurs deux visages. La pression sur son poignet s'accentua tandis qu'il se penchait en avant.
- - Je ne peux pas croire qu'après toutes ces années, vous ne sachiez toujours pas ce que signifie être mon Maître, Integra ! murmura-t-il à son oreille.
Le duvet sur sa nuque se hérissa.
- - Ne cr…
Les yeux agrandis par le choc, elle ne put empêcher son corps tout entier de trembler lorsqu'elle sentit quelque chose d'humide et chaud presser le lobe de son oreille.
Il n'eut besoin que de deux secondes pour la réduire au silence pour les minutes qui suivirent. Le vin qu'elle avait bu se rappelait tout à coup à son sens de l'équilibre.
…
Que s'était-il passé ?!
Elle devinait aisément l'expression horrifiée déformant ses propres traits juste en examinant ceux, graves, du vampire. Un instant, elle avisa les lèvres pâles de son vis-à-vis et sentit son visage s'empourprer de nouveau. Elle se sentait au bord du malaise : il l'avait fait. Il l'avait vraiment fait !
Quelque chose remua vigoureusement dans son estomac.
Qu'est-ce que ça signifiait ?
- - Que quelque chose comme ça puisse encore vous plonger dans un tel état compte tenu des circonstances est presque adorable !
Instantanément, le feu qui irradiait ses pommettes se réveilla. D'un vif mouvement de la main droite, elle le gifla de toute la force qui lui restait.
C'est quand un ricanement déplaisant franchit les lèvres du vampire qu'elle comprit qu'il l'avait laissée faire.
Etait-ce pour l'inciter à sortir du malaise dans lequel elle était plongée ou bien pour se faire pardonner son geste ? Le rictus goguenard qu'il affichait la ramena complètement à elle.
Il se moquait. Malgré leur tentative de conversation chaotique, il continuait de se jouer d'elle, de ses réactions.
- - Tu prends de sacrées libertés pour un valet ! fit-elle mine de reprendre contenance.
- - Vous êtes embarrassée ? demanda-t-il, visiblement amusé.
- - Ne joue pas avec moi Alucard ! intima-t-elle d'une voix dangereusement basse.
Le sourcillement du vampire lorsqu'elle prononça son nom pour la première fois lui laissa entrevoir, malgré les apparences, qu'il n'était pas totalement à son aise lui non plus.
- - Si tu ne recherchais pas ta liberté, pourquoi m'avoir faite à ton image ?
- - Je suis abasourdi que ce soit là la première question qui vous vienne à l'esprit.
- - C'est la seule qui soit pertinente dans le contexte.
Pour la première fois depuis qu'il était là, il lui sembla entrevoir plus que de la contrariété dans le faciès monstrueux.
- - La liberté n'a de sens que pour les hommes. Quand même vous auriez décidé de votre propre chef de mettre fin à ma servitude, la liberté est devenue une notion vide de sens pour moi. Quant à vous, vous aviez déjà un pied dans la tombe…
Il lui laissa quelques secondes pour intégrer ses paroles avant de reprendre, un timbre plus bas.
- - Vous ne souhaitez pas entendre les raisons qui m'ont poussé à vous mordre baronne.
Le regard acier se durcit.
- - Si tu espères rester à la fondation, je dois savoir. Je dois pouvoir reconstruire la confiance que tu as détruite.
Elle ne pouvait croire que des paroles si pitoyables de naïveté sortaient de sa propre bouche ! Comment pouvait-elle envisager de le laisser revenir au manoir après ce qu'il lui avait fait ? De lui accorder de nouveau sa confiance après une telle succession de comportements plus déplacés les uns que les autres ?
- - Comment peux-tu prétendre que les changements que tu m'as imposés sont insignifiants ?
- - Ça vous a heurtée, constata-t-il avec un demi-sourire. Ces changements n'ont en rien altéré la personnalité de celle que vous étiez. Integra reste Integra. Rien n'est différent.
- - …
- - Vous êtes la même petite fille qui s'est dressée devant moi pour la première fois il y a 15 ans. Vous êtes qui vous êtes, avec ce foutu caractère qui m'a mis à genoux et ces emportements qui m'échauffent le sang !
Elle demeurait silencieuse, incapable de calmer les légers spasmes de son estomac. Qu'il lui parle de cette façon donnait une coloration différente à ce qu'elle savait déjà.
- - C'est la raison pour laquelle je continuerai d'être à votre service.
- - Comment peux-tu te comporter comme tu viens de le faire alors que tu prétends être mon serviteur ? s'ulcéra-t-elle en rougissant de nouveau. Pour quelles raisons fantaisistes te penses-tu permis d'agir comme bon te semble ?
- - Pour les mêmes raisons qui m'ont poussé à vous subtiliser à la mort, répondit-il le plus sérieusement du monde.
Les mots mirent un certain temps à imprégner son esprit…
…
Non... Il ne pouvait s'agir de rien de tel.
oOoOoOo
La suite ne devrait pas tarder puisqu'elle est presque intégralement écrite mais je devais la laisser décanter. ^^ Un tit avis?