Nous y voilà enfin !
Après avoir reçu vos très jolis messages, j'ai décidé de vous faire plaisir et d'écrire un petit épilogue. Oui ... Il devait être court, très court même au vu de mon manque d'inspiration pour faire une fin plus fermé et plus attendrissante. Mais voilà les mots sont venus, et ... plus de 4 000 mots ! Même les chapitres n'ont jamais été aussi long.
J'espère tout de même que vous l'apprécierez, et qu'il répondra à vos attentes.
Merci à vous Chers Lecteurs, vous êtes tout simplement géniaux, et c'est grâce à vous que cette histoire se termine enfin.
Merci à Paprika pour ses corrections et ses conseils. J'espère, moi aussi, que tu sera à mes côtés pour une prochaine aventure !
Bonne lecture, et à bientôt dans un prochain univers !
Epilogue
« Voilà j'ai terminé.
- Je ne comprends pas pourquoi tu as eu besoin d'écrire ce livre John. Tu ne fais que rappeler d'horribles souvenirs. »
Sa voix était tranchante, acerbe. Il n'aimait pas se souvenir de cette époque douloureuse. Mais lorsque je sentis ses bras autour de moi, je sus qu'il avait intégré mon besoin de la raviver parfois. Il savait que le passé occupait une grande place dans ma vie, alors que lui vivait projeté dans le futur.
Notre futur.
« Je veux que tout le monde sache.
- Mais savoir quoi John ? Pourquoi veux-tu à ce point que les personnes se souviennent des erreurs monumentales de leurs ancêtres ? »
Je lui souris parce que je savais que sa question n'en était pas vraiment une. Après tout, n'avait-il pas cette fabuleuse faculté de lire dans mes pensées ? Mais il avait besoin de me le demander parce qu'il voulait que je prenne pleinement conscience de ce que je faisais, que j'avais toujours la volonté de le faire. En fait, cette question ne faisait que traduire l'inquiétude qu'il éprouvait à mon égard. Et pour cela, je ne pouvais l'aimer qu'encore plus.
« Je veux tout simplement qu'ils se souviennent du passé pour que le futur ne soit pas aussi sombre. Je veux que l'on se rappelle de ces atrocités pour que plus jamais elles ne surviennent. »
Il me libéra de ses bras et m'adressa un de ses sourires particuliers, de ceux qu'il n'adressait qu'à moi depuis maintenant cinq années. Cinq années qui ne furent pas toujours faciles, mais que ne parviendrais jamais à regretter, qui seront certainement les plus belles années de ma vie. Bien que celles à venir ont de beaux jours devant elles. Mais ces cinq-là seront toujours particulières à mes yeux, puisqu'elles ont scellé mon destin avec lui. Pendant ce temps, qui m'avait semblé interminable, nous nous étions certes retrouvés, mais nous avons dû continuer à nous battre. Ensemble, nous étions déterminés à faire payer les derniers responsables qu'il n'avait pas eu le temps de faire sombrer. Il avait précipité son retour pour moi…
« A quoi penses-tu John ?
- A toi. Comme toujours. »
Il fait la moue, n'aimant pas les réponses trop vagues. Mais comment lui dire toutes mes pensées, comment lui dire mes sentiments, comment dire toutes ces choses concrètement ? Impossible, les sentiments étaient trop complexes, trop abstraits et pourtant si forts, si présents.
« Tu dis toujours des choses étranges.
- Je pense à ton retour. Je te revois dans ce fauteuil, je ré-entends ta voix. »
Et les souvenirs ont afflué. Les souvenirs de ce soir si particulier, de ce soir qui marqua le reste de notre vie.
Je me souviens…
Lorsqu'il eut finit de lire, il avait posé l'article nonchalamment sur une petite table près de lui. Il avait détendu ses grandes jambes, puis il s'était levé pour me rejoindre à l'entrée. Il s'était avancé vers moi plus vite que je ne le vis faire, pour brutalement m'enfouir dans ses bras. Je me souviens de mes larmes qui avaient coulé le long de mes joues, pour finir leur interminable course sur la veste de mon revenant. Je me souviens de ces paroles murmurées « N'ai plus peur John » « Je suis là » « Je suis revenu, juste pour toi », et puis il y avait eu ces trois petits mots. Je me souviens de ces baisers, de ces caresses, de nos deux cœurs s'embrasant, et de nos deux corps allant chercher cette chaleur dans le corps de l'autre.
« John ?
- Euh … Oui ?
- Tu rougis. »
Il se moquait. Il en profitait. Il s'approchait. Il m'embrassait avec toute la douceur dont il était capable, cette douceur qu'il me réservait. Et quel plaisir de la recevoir, après ce chemin de souffrance. Nous étions ensemble maintenant, sans rien sur notre route pour venir nous séparer.
J'avais beaucoup de mal à réaliser le bonheur qui m'était accordé, tout ce dont je pouvais profiter. Était-ce vraiment réel ? Pouvais-je y croire et le vivre pleinement, sans craindre de ne pas le retrouver à mes côtés le lendemain matin ?
Oui.
Je ne pouvais penser le contraire.
Pas lorsqu'il m'embrassait, pas lorsqu'il me touchait, pas lorsqu'il m'aimait. Alors peut-être qu'un jour il cesserait de le faire… Mais ce jour n'était pas aujourd'hui. Je pleurerais lorsque cela arrivera, pas maintenant.
C'est ce que j'espérais.
« Tu pleures John. Que se passe-t-il ? Tu es étrange aujourd'hui.
- Je pense, c'est tout.
- Tu penses beaucoup trop alors.
- C'est toi qui me dis cela.
- Je ne pleure pas lorsque tu m'embrasses.
- Car tu n'as pas à craindre mon départ. »
Il s'est arrêté net. Il s'éloigna de moi dans un sursaut. Il ne semblait pas comprendre, cette fois-ci il n'y parviendrait pas. Il peut lire dans mon esprit mais mon cœur est cadenassé. Il ne connaîtra pas la peur qui me tort, qui me maltraite, qui me malmène. Je ne pouvais pas lui avouer, déjà cette dernière phrase était de trop. Elle lui donnait déjà beaucoup trop d'indices sur mes tourments, sur ma peur de son rejet. Car je craignais que tout lui avouer le ferait bel et bien partir.
Alors non il ne devinerait pas. Dans mes moments de doute il se contenterait de me regarder.
« Tu penses que je ne devine pas John ? »
Nous y étions. Que pourrais-je un jour lui cacher ?
« Tu me crois aveugles ?
- Non, bien sûr que non.
- Alors pourquoi vouloir me le cacher ? Et puis pourquoi cette crainte ? »
En général il n'aimait pas parler. Il préférait les silences, qu'il trouvait beaucoup plus éloquents et moins trompeurs. Mais lorsqu'il se mettait à parler, tout allait très vite. Il devenait maître des mots et des questions, maître des réponses aussi parfois.
« Je ne parviens pas à croire que tu n'aies toujours pas confiance en moi, après tout ce que nous avons traversé, après tout ce que nous avons surmonté. Je sais que tu as été blessé par mon absence et mon mensonge, horrible je te l'accorde, mais nécessaire. Je ne pouvais pas faire autrement, tu le sais, je te l'ai expliqué. Je t'ai tout dis, tout raconté, tout confié. Et toi tu me réponds par de la méfiance et de la peur ! Ne penses-tu pas que ces trois ans furent ignobles pour moi aussi ? Crois-tu qu'à partir du moment où tu n'étais plus dans mon champ de vision je t'ai oublié ? Bon sang John ! Je te l'ai dit et répété autant de fois que tu me l'as demandé ces cinq dernières années, et ce malgré mon manque de foi en la parole. Je t'ai serré dans mes bras, je t'ai embrassé, nous avons… Tu devrais me croire maintenant ! N'ai-je pas prouvé tout ce que tu souhaitais ? Si ce n'est pas le cas, dis-moi ce qu'il me reste à faire ! Je t'ai tout donné de moi John… »
Sa voix se brisa sur la dernière phrase. Il tenait désormais sa tête entre ses mains. Il ne savait plus quoi faire pour moi. Il avait déjà tant fait durant ses cinq années. Je lui ai demandé des preuves de son amour, et il me les a donné, plus qu'il n'en aurait fallu normalement. Alors pourquoi ce trou qui me crevait le cœur ?
Il s'est levé et s'en est allé. Il est parti, oubliant de mettre son manteau. Il n'allait pas bien, par ma faute. J'avais tout gâché.
Est-ce que Mary avait ressenti ce tourbillonnent de sentiments elle aussi ? S'était-elle sentie inutile et vide ? Je ne sais pas. A l'époque je n'ai pas eu la délicatesse… ou l'indélicatesse, de lui demander ou même de la réconforter. Non. Je lui ai dit que je ne pourrais pas, pas avec elle. Que rien ne pourrait naître de notre éventuel amour. Elle n'avait rien répondu. Elle avait fait bien pire. Elle s'était murée dans un silence religieux, et m'avait rendu la bague. La preuve de notre engagement, et de notre promesse d'avenir. Choses que j'avais brisées sans remords, sans regard en arrière.
Il avait raison. Les symboles, comme une alliance, n'étaient rien ! Certes il n'y avait rien de tel entre lui et moi, non, il y avait tellement plus.
Il y avait les regards, les caresses, les silences. Parfois doux, parfois fiévreux. Parfois tendre, parfois brutaux. Mais toujours emplis d'amour. Et je ne l'avais pas vu. J'étais aveuglé par des choses futiles, que je n'en ai pas vu l'essentiel. Être avec lui.
Il l'avait compris.
J'avais honte. Je devais lui dire, je devais m'excuser auprès de lui. Lui dire combien je l'aimais, et que la seule chose qui avait de l'importance c'était lui, et seulement lui ! Qu'importe les preuves que je pensais plus importantes que les sentiments réels. Pas de bagues, pas de paroles, pas de contrats, pas de festivités. Juste des gestes. C'était l'unique chose dont j'avais besoin. Et il devait le savoir !
Je suis sorti précipitamment, il fallait que je le trouve avant qu'il ne parte vraiment. Mais avant de sortir je prenais le temps de prendre sa veste, l'hiver arrivait et Sherlock allait être gelé. Et j'avoue que lorsqu'il tombait malade il devenait pire que d'habitude.
Paris était sous la neige, et cela la rendait calme, apaisante. Les lumières se reflétaient dessus ce qui donnait un rendu magnifique. Les fêtes approchaient, et les sourires se dessinaient sur le visage des passants. Tout était beau.
La foule se mouvait comme un seul être, dévorant chaque être pour l'ajouter à sa masse impressionnante. Et moi qui dans tout ça recherchais un seul et unique être. Cela allait-il être possible ? Je n'avais aucune idée d'où pouvait se trouver mon compagnon. Ma recherche était-elle veine ?
Non il me suffisait de réfléchir juste un instant. Où Sherlock avait-il pu aller ? Le parc où nous aimions nous promener ? Le musée où il allait régulièrement, à chaque nouvelle exposition ? Le salon de thé qu'il savait que j'aimais tant ? Chez Molly peut-être… bien que je ne sache pas trop pourquoi.
J'optais pour le musée, après tout c'est là-bas qu'il se rendait lorsqu'il avait besoin de retrouver son calme et de s'isoler un peu, même de moi. Mais c'était une chose que j'admettais. Après tout, le fait que nous soyons un couple ne signifiait pas que nous avions rejeté toute indépendance et toute personnalité. Je comprenais son besoin de revenir à lui parfois, cela n'enlevait rien à notre relation particulière. Relation dont nous étions les seuls au courant.
Cela me ramena à une de nos nombreuses querelles. Cela faisait un an qui nous nous étions retrouvés, et nous restions la plupart du temps enfermé dans la chambre dans les bras l'un de l'autre. Nous ne voulions plus nous lâcher, plus nous séparer. Nous discutions de tout, et surtout de rien. Parfois nous nous contentions de rester en silence, profitant uniquement de la présence de l'autre. Cette fois-ci nous discutions de l'avenir, de ce que nous en ferons. Il voulait rester en ville, au plus près des affaires politiques, économiques et criminelles. Moi j'aspirais au silence d'une retraite en campagne, dans une maison isolée de tout où nous pourrions être nous-même et vivre réellement ensemble. Il trouvait cela absurde, pointant du doigt l'ennui qui nous gagnerait bien vite, et nous lasserait de tout, même l'un de l'autre. En réponse je le poussais hors de mes bras, m'insurgeant de la faiblesse de ses sentiments et du manque de confiance dont il faisait preuve à mon égard.
Il s'énerva.
Et moi aussi.
Je hurlais littéralement, tentant de lui faire comprendre qu'en plein centre-ville, exposés aux yeux de tous, nous ne pourrions jamais agir en tant que couple, les mentalités ne semblant pas décidé à vouloir changer en matière de relation. Ce fut sa réponse qui m'acheva :
« Et alors ? »
Je sortis de la chambre sans un dernier regard, ni une dernière parole. Cette journée-là je la passais enfermé dans la salle de bain à pleurer tout mon saoul. Puis cela se termina au salon de thé. Comme après chaque dispute, il m'invitait à boire une tasse de thé, et bêtement je m'adoucissais aussitôt.
Mais aujourd'hui je comprenais ce qu'il avait voulu me dire. Pourquoi se préoccuper du regard des autres ? Pourquoi faire attention aux remarques et aux regards ? Nous étions nous deux, et nous le demeurerions à jamais. Si notre relation dérangeait qui que ce soit, nous passerons notre chemin sans plus de considérations. Nous n'allons pas nous exclure du reste de l'humanité pour des raisons qui ne concernent que nous. Si nous nous aimons réellement qui cela dérangerait-il ? Nous nous conformeront aux règles de bienséance qui est appliqué à tous, mais nous ne nous en imposeront ni plus ni moins.
Encore fallait-il que je le retrouve. Et il ne risquait pas d'être au musée puisque ce dernier était fermé. Me revoici au point de départ, sans lieu où chercher. Mais là devant le musée je pouvais respirer un peu, puisque sur les larges marches il n'y avait personne. Je pouvais inspirer librement pour reprendre mon calme. Essayer de réfléchir.
Là, en haut des marches, je dominais la foule, détaillant chaque tête, chaque individu qui se différenciait enfin de la masse. Et alors je vis sa jolie chevelure blonde ornée d'un de ses chapeaux adorés. Devant une de ces boutiques à la mode, se trouvait Mary.
Elle était tout simplement éblouissante. Elle n'avait guère changé en cinq ans, et son visage semblait sincèrement rayonnant. Elle était si belle dans cette robe rose pastel, avait une tenue si parfaite. A tel point que mon regard ne pouvait pas s'en détacher. Et je ne sais pas si c'est mon regard qu'elle sentit peser sur elle ou juste une pure coïncidence, mais elle se retourna pour croiser mon regard. Ces yeux se posèrent sur moi, et rien ne m'aurait préparé au sourire qu'elle me donna, ni au fait qu'elle se rapprocha de moi. Elle avait toujours ce même parfum doux et sucré. Si agréable.
« John ! Que fais-tu là ? »
Mais voilà ce qu'il me manquait le plus.
Sa voix.
Je ne pourrais expliquer pourquoi, mais sa voix avait une résonance particulière à mes oreilles. C'était comme une mélodie depuis trop longtemps oubliée, et qui nous revient, ramenant avec elle tout son lot de souvenirs.
« John ?
- Je me promenais un peu, et toi ?
- Richard a souhaité venir faire les boutiques, il veut acheter tout le nécessaire pour le bébé le plus vite possible. »
Mary était heureuse, elle frottait légèrement son ventre dans une caresse pleine de promesse. La nouvelle ne m'étonnait guère. J'avais entendu de Molly sa rencontre avec le dénommé Richard. Un avocat très célèbre sur Paris, fervent défenseur des opprimés, et un homme des plus généreux. L'homme que Mary méritait.
« John ça ne va pas ?
- Si Mary, je réfléchissais.
- Ton état n'a donc rien à voir avec un anglais aux cheveux noirs, assis sur un banc sur la place de l'église ?
- Tu l'y as vu ? Devant l'église ?
- Oui. »
Il ne se rendait jamais à l'église. Je m'étonnais même qu'il sache où elle se trouvait, à moins qu'il y était arrivé par inadvertance. Mais même ainsi je trouvais cela surprenant qu'il y reste.
Je saluais Mary d'un signe de la tête, avant de commencer à m'éloigner. Quelle ne fut pas ma surprise lorsque je sentis sa main me retenir.
« Cet enfant aurait pu être le tien John. Nous aurions réellement pu être heureux ensemble. Tu n'aurais pas eu à surmonter tous ces doutes, et toutes ces peines. Je t'aurais tout donner John, parce que je t'aimais.
- Non Mary, nous n'aurions pas étés heureux. Notre vie aurait été triste et terne. Parce que jamais mes pensées n'auraient pu se détacher de lui. Et tu mérites un homme qui ne pense qu'à toi, qu'à ton bonheur. Quant à l'enfant… j'aurais adoré. Sincèrement. Après tout n'est-ce pas le plus beau cadeau de la vie ? Mais je ne regrette rien. Par ailleurs, je sais que tu as choisi bien meilleur homme que je ne serais jamais, et un père bien plus présent que je n'aurais été. Félicitations. Je suis sûr que ce sera une magnifique petite fille, aussi belle que sa mère. »
Mary a lâché mon bras. Des larmes commencèrent à déborder de ses yeux. Quelle tristesse ai-je semé dans le cœur de cette femme ? Mais je ne pouvais plus rien. Tout était fait maintenant. Et je ne pouvais plus qu'espérer que ce Richard sera un baume efficace sur les blessures que j'avais laissé sur son cœur.
Je mis de la distance entre nous. Un pas après l'autre, ne la lâchant pas du regard, guettant le moindre signe venant d'elle. Mais rien ne vint. Ses larmes s'estompèrent, et derrière elle l'appel de son amant faisait écho sur la place du musée. Apercevant ses cheveux blonds au loin, je me retournais et m'en allais. Pour de bon.
Mes pas s'accélérèrent. Les battements de mon cœur aussi. L'air froid me griffait le visage, mais ma course de ralentissait pas. Il fallait qu'il soit là. S'il n'y était pas je serais perdu, fini. S'il était réellement parti, rien de bon n'adviendra de moi. Je le sais.
Je posais un premier pas sur la place de l'église déserte. La foule semblait ne pas vouloir encombrer de son bruit la place sainte. Le silence avait établi sa loi et l'écho de mes pas se rapprochant du banc le fit se retourner. Il ne dit rien, ne fit rien. Il attendait que je commence ma plaidoirie. Mais je ne savais par où commencer.
Des excuses ? Des larmes ? Des cris ? Qu'attendait-il de moi ? Que voulais-je lui dire ? Tant de questions auxquelles je n'avais pas de réponses. Alors je me suis contentais de m'asseoir à ses côtés, l'observant attentivement.
Son visage était très pâle. Ses lèvres commençaient à bleuirent sous l'effet du froid. Mon Dieu, depuis combien de temps était-il là ? Ses yeux étaient vides d'expression, tout comme sa bouche. De la neige recouvrait ses cheveux noirs, et ses épaules.
Je lui tendis alors son manteau. Sans un mot. Sans un sourire. Il le regarda, comme s'il ne le reconnaissait pas. Puis après un instant ses yeux se portèrent enfin sur moi.
« Tu prends le temps de m'apporter mon manteau, alors que dans ta précipitation tu n'en as toi-même pas mis un ? »
Effectivement, j'avais oublié de prendre de quoi me protéger du froid de l'hiver. Qu'importait, c'était son bien-être le plus important. Mais lui dire cela ainsi l'aurait renfermé, il me faudrait dire les choses de manière détournée.
« C'est vrai. Mais c'est normal, je ne suis pas très intelligent. »
Je souris. Lui pas. Il décida d'ailleurs de ne pas prendre le manteau, me rappelant qu'il n'était pas disposé à m'écouter et encore moins à m'obéir. Il détourna à nouveau son visage, brisant le petit contact que j'étais parvenu à établir. Il allait me falloir recommencer, à de nombreuses reprises certainement.
Il fallait que j'entame une discussion. Mais de quoi parler alors que le froid était en train de nous ravager ?
Peut-être de ce qu'il tournait et retournait dans tous les sens.
« Qu'est-ce que c'est ?
- Une boîte. »
Bien. Les choses n'allaient pas être simples. Encore moins si mon interlocuteur décidait de partir. Ce qu'il semblait vouloir faire en se levant du banc. Alors que je le regardais s'éloigner, je fus consterné par la direction qu'il prenait.
Il allait rentrer dans l'église. Lui.
Une fois la lourde porte refermée, ce fut mon tour de faire le même chemin. Toujours dans ses traces.
L'intérieur était chaud. Un bon point, nous échapperions peut-être ainsi à la maladie. Je rejoignis mon compagnon qui se trouvait devant l'autel, la tête levée afin de contempler la croix, serrant très fort la boîte dans sa main. L'avait-il en partant ? Je ne parvenais pas à m'en souvenir. En tout cas elle semblait importante pour lui, au vu de la force qu'il mettait à la garder plaquée contre sa paume.
« S'il te plaît rentrons lui dis-je d'une voix plus suppliante que je ne l'aurais souhaité.
- John… »
Le ton de la sienne ne me réconfortait guère : la discussion allait avoir lieu. J'aurais cependant souhaité ne pas l'aborder dans un lieu tel que celui-ci.
« Es-tu croyant John ?
- Je ne sais pas. Beaucoup d'esclaves faisaient appel à Lui le soir avant de sombrer. J'avoue avoir moi-même essayé. Mais je n'ai pas eu la patience d'attendre qu'Il ne m'envoie un signe. Alors je me suis tourné vers un autre sauveur.
- Je ne suis pas un sauveur.
- Et pourtant. »
Il se tait, réfléchit, semble choisir ses mots avec soin. A-t-il peur de me blesser ? Ou peut-être ne peut-il pas dire de choses trop blessantes en ce lieu ?
« Cette église marrie beaucoup de gens. Elle unie des femmes à des hommes, par le biais d'un rituel que je ne comprends pas toujours très bien. Mais que je sais porteur de beaucoup de symboles et de promesses. »
Je ne parvenais pas vraiment à savoir s'il s'adressait à moi, à lui-même, ou directement à cette puissance divine. Je n'osais cependant pas l'interrompre dans son monologue. Il avait besoin de dire quelque chose, et si je le coupais, je craignais qu'il ne se mure dans le silence à jamais.
« Je n'ai jamais cru en tout cela. Tout ce symbolisme n'était pour moi qu'inutile accessoire. Mais je m'aperçois que les symboles, comme ceux que portent la religion par exemple, sont très importants pour bon nombre d'êtres humains. Je ne parviens pas à savoir pourquoi, mais cela en est ainsi. Mes réflexions m'ont mené à plusieurs hypothèses, mais aucune n'est complète. »
Le voilà contrarié. Ses pensées ne semblaient plus coordonnées. Sa tête était toujours levée, et pourtant je percevais dans sa posture un tremblement étrange.
« Je n'accorde aucune importance à tout cela. Mais ce n'est pas le cas de tout le monde. Ce n'est pas ton cas. Après tout, tu allais venir dans cette église toi aussi. Afin de t'unir à jamais. Je sais aussi que tu dissimules encore, chez nous, l'alliance qui allait te lier à Mary pour toujours. Je sais que parfois tu la ressors de sa cachette pour la contempler. Et tout cela m'énerve profondément. »
Il marqua une pause, respira fortement, et se tourna vers moi. Le regard qu'il me lança fut horrible à supporter. Il était si triste, si perdu. Je l'avais blessé si profondément. Mais comment aurais-je pu lui expliquer que je regardais cet anneau doré non pas pour me remémorer l'événement qui m'attendait, mais pour me rappelait combien son absence avait été douloureuse et dangereuse. ?A chaque fois que je la contemplais c'était la douleur de son absence qui me revenait, mes heures d'insomnie pendant lesquelles j'avais conté son histoire sur une feuille blanche.
« Je suis perdu John. Je suis persuadé de ne pas accorder d'importances à tout cela. Et pourtant quand tu la regardes mon cœur souffre, car je sais que je préférerais que tu me regardes moi. Alors aujourd'hui je suis sorti. J'ai acheté cela, bien que je sache pertinemment que jamais nous ne pourrions les porter. Jamais elles n'auront ce symbole auquel tu tiens tant, car jamais elles ne seront approuvées. »
Je ne pouvais empêcher les larmes de couler. Je venais de comprendre ce qu'il y avait dans cette toute petite boîte. Je venais de me rendre compte de tous les efforts qu'il avait fait pour moi.
Une fois revenu à mes côtés, il reprit son manteau pour le reposer sur mes épaules. Et dans ce même mouvement il me prit entre ses bras.
« Pardon John. Je ne voulais pas que tu pleures. »
C'est ainsi entrelacés que nous sommes rentrés, par les petites rues, jusqu'à notre appartement.
Dreams Come True
Nous nous étions assis sur le canapé, toujours serrés l'un contre l'autre. Son manteau et son corps contre moi formait un cocon dans lequel je déversais mes larmes. Il ne disait rien et se contentait de ne jamais desserrer son étreinte. Il avait déposé la boîte sur la petite table qui nous faisait face. Aucun de nous deux ne l'avait ouverte.
Mon compagnon psalmodiait des excuses, et moi je pleurais sans discontinuer. Puis vint la phrase qui me fit stopper net.
« John, je t'aime. »
Dreams Come True
Il faisait un ciel magnifique, le soleil nous honorait de sa présence depuis près de deux semaines sans discontinuer. Et ce n'était pas sans lui déplaire. Depuis notre arrivée dans cette campagne anglaise, il passait un temps fou à l'extérieur. Et dès lors que je lui ai offert ces ruches il ne les quittait plus, fasciné par le comportement de ses abeilles.
« Allez rentre ! Le repas est prêt. »
Au loin je le vis tourner la tête dans ma direction. Cela m'amusait de le voir dehors, lui qui d'habitude préférait le confort de l'intérieur pendant notre ancienne vie. Et là le voici en plein soleil, mais toujours habillé avec son élégance citadine qu'il avait refusé d'abandonner. Le contraste était saisissant, et je devais l'avouer, adorablement drôle.
Lentement il me rejoignit sur le perron de notre petite maison, savourant le vent qui faisait voleter ses boucles. Une fois à ma hauteur il déposa un léger baiser sur mes lèvres avant de pénétrer dans la cuisine.
Il avait également gardé ses manières à table. J'aimais l'observer dans les moments du quotidien comme celui-ci. Je remarquais tendrement les légères stries grises qui commençaient à clairsemer ses cheveux de jais. Il y avait aussi ses petites rides qui se dessinaient légèrement aux coins de ses yeux et de sa bouche, lui donnant l'air mature malgré le fait qu'il conservait ses habitudes enfantines. Ses mains aussi avaient changé, elles étaient devenues un peu plus rêches avec le travail au jardin, mais j'avouais en rougissant que cela donnait à ses caresses une sensation plus… adulte. Et puis il y avait cet anneau à son annulaire dont l'éclat commençait à se ternir avec le temps. Il ne le quittait jamais.
Moi non plus.
Alors oui le temps passait et nous vieillissons inlassablement. Mais je ne crains pas son passage, car il est à mes côtés.
Sherlock a d'ailleurs eu cette très belle phrase à notre égard :
« Qu'importe les siècles qui passeront, dans toutes les vies que nous vivrons, nous nous retrouverons. »