Jusqu'à en perdre son souffle

Disclaimer : la série Sherlock est produite par la BBC et a été co-créée par Mark Gatiss et Steven Moffat. Les personnages appartiennent à Sir Arthur Conan Doyle. Rien ne m'appartient donc, à part les heures passées à regarder la série et à écrire cette fic.

Spoiler : cette fic se situe au milieu de la saison 2.

Rating : K+

Résumé : Comment John fait-il pour supporter Sherlock à longueur de journée ? Personne ne le sait vraiment. Même le médecin se demande régulièrement pourquoi il cède aux caprices et aux envies de son colocataire, qui prend un malin plaisir à intervenir dans sa vie privée, sans éprouver la moindre gêne. Entre enquêtes, rendez-vous, expériences et disputes, plongez dans le quotidien de ces deux amis, qui malgré leurs différences, ont besoin l'un de l'autre. Jusqu'à en perdre leurs souffles.

Note de l'auteur : La fic que je vous propose est un ensemble de vingt-cinq chapitres(plutôt courts) que j'ai écrit pour faire un calendrier de l'avent pour ma soeur, KalistaCriss. Je posterai un chapitre par jour, étant donné que la fic est déjà entièrement écrite. C'est la première fois que je poste dans le fandom Sherlock et j'ai hâte de retrouver d'anciens lecteurs et d'en découvrir de nouveaux. J'espère que vous apprécierez cette histoire. Bonne lecture !


John frissonna en resserrant le col de son manteau autour de son cou, ce qui n'était pas une bonne idée. L'habit était trempé par la pluie qui tombait et l'humidité transperça le tissu pour venir geler la peau bronzée du médecin.

Des trombes d'eau se déversaient sur Londres en ce mois de mars. Si ce n'était pas inhabituel pour la saison, il avait fait si beau le matin même que le blond n'avait pris qu'une veste légère avant de partir travailler au St Bartholomew's Hospital. Sherlock l'avait prévenu qu'il pleuvrait dans l'après-midi mais le docteur n'avait pas fait attention à ce que son ami lui avait dit.

Et alors qu'il tentait d'arrêter un taxi pour rentrer au 221B Baker Street après avoir fini sa journée de travail, les nuages gris qui s'étaient amoncelés au-dessus de la capitale anglaise avaient décidé de libérer toute l'eau qu'ils contenaient sur le pauvre John, qui s'était retrouvé trempé en moins de temps qu'il n'en fallait pour le dire.

Pour en ajouter à sa malchance, il avait dû attendre cinq minutes sous la pluie qu'un taxi daigne s'arrêter. Et le chauffeur qui le conduisait jusqu'à chez lui était visiblement fâché avec le chauffage, au vu du froid qui régnait dans l'habitacle. Le médecin réprima un nouveau frisson et se pencha vers le conducteur.

— Excusez-moi … Est-ce que vous pourriez mettre le chauffage ? demanda-t-il avec son sourire le plus poli.

Le regard blasé que lui lança l'homme à travers le rétroviseur intérieur lui suffit comme réponse. John se ré-adossa contre son siège en retenant un soupir exaspéré. Il n'avait plus que dix minutes de trajet. Il pouvait survivre à ce taxi glacial et à son conducteur peu aimable. Il avait déjà vécu pire comme situation. Bien pire.

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Sherlock était avachi dans le canapé du salon, encore en robe de chambre, les pieds sur l'accoudoir, les bras posés sur le ventre, l'air totalement déprimé. Le détective n'avait rien à faire et il s'ennuyait. Il avait appelé trois fois Lestrade pour savoir s'il n'avait pas une affaire à lui soumettre, il avait consulté la page internet du Times au moins dix fois dans la journée, il avait même envoyé un texto à Mycroft. Mais ni Internet, ni le lieutenant, ni son frère n'avait pu le tirer de l'ennui.

Alors, Sherlock attendait. Il ne savait pas très bien ce qu'il attendait, mais il restait allongé sur le canapé, en pyjama et robe de chambre, le regard dans le vague, résolvant des équations de tête, son cerveau ne pouvant rester sans réfléchir pendant plus de trois secondes.

Le détective aurait pu aller composer un nouvel air pour se détendre ou mettre en route une expérience dont il avait le secret mais il ne se sentait pas inspiré aujourd'hui. Cela faisait déjà une semaine qu'il n'avait pas eu d'enquête sérieuse à résoudre et le manque commençait à se faire cruellement ressentir. Ce n'était pas quelques notes tirées de son violon ou la preuve que l'intuition qu'il avait eue en commençant son expérience était la bonne qui allaient lui faire oublier qu'il n'avait rien de mieux à faire.

La porte d'entrée s'ouvrit et une petite étincelle de vie s'alluma dans les yeux de Sherlock. Mme Hudson était partie à son club de broderie et ne reviendrait pas avant encore au moins une heure. Lestrade lui avait clairement fait comprendre, lorsque le détective l'avait appelé pour la troisième fois de la journée, qu'il était cloîtré dans son bureau pour remplir de la paperasse. Mycroft ne prenait pas souvent la peine de se déplacer en personne et Molly devait encore travailler à cette heure-là.

La seule personne susceptible d'avoir poussé la porte du 221B ne pouvait donc n'être que John. La déduction de Sherlock se trouva confirmée quand il reconnut la façon de monter les escaliers de son ami. Pourtant, le détective ne fit pas le moindre geste et lorsque le médecin pénétra dans le salon, il retint un soupir en le voyant dans la même position que celle du matin-même, quand il l'avait quitté.

— Tu n'as pas bougé de la journée ? s'enquit l'ancien militaire en essayant de l'interroger sur un ton de reproche.

— Tu peux faire du thé ? lui demanda à son tour le brun.

John fronça les sourcils.

— J'ai posé une question en premier. La politesse est de me répondre avant d'en poser une à ton tour. Oh, et aussi, ça ne me ferait pas de mal que tu me dises « s'il te plaît ».

— Ta question n'a aucun intérêt, rétorqua son colocataire. Tu connais déjà la réponse, il ne sert donc à rien que je gaspille ma salive pour ça. Et je ne t'ai pas vraiment posé une question, c'était plutôt un ordre que j'ai tourné sous la forme interrogative, pour atténuer un peu l'impératif. Mais si ça peut me permettre d'avoir une tasse de thé plus rapidement, alors … John, peux-tu me préparer une tasse de thé, s'il te plaît ?

— Et si tu te levais du canapé et que tu allais te la préparer toi-même ? proposa le médecin d'un air narquois.

Sherlock expira bruyamment pour marquer son impatience.

— Je n'ai pas envie de me lever parce que préparer du thé n'est pas une activité très intéressante. De plus, tu le fais bien mieux que moi. Et tu meurs d'envie de boire quelque chose de chaud. Alors vu que tu es debout, autant que ce soit toi qui ailles nous servir deux tasses de thé.

Le blond ne put retenir une expression de surprise.

— Que … Comment peux-tu savoir si j'ai envie de boire du thé ?

Le détective daigna incliner légèrement la tête en arrière pour croiser le regard de son ami.

— Il est presque dix-sept heures. Tu rentres de l'hôpital et tu as envie de te détendre un peu après la journée que tu viens d'avoir. Ce n'était pas forcément très éprouvant mais tu as quand même envie de te vider la tête après avoir écouté tes patients te baratiner avec leurs rhumes et leurs toux toute la journée. Tu as eu du mal à avoir un taxi, parce que si tu en avais eu un rapidement, tu serais arrivé un peu plus tôt. Ton retard pourrait être dû à des embouteillages mais à cette heure-là, il y a encore peu de trafic. Tu as donc dû attendre un taxi, ce qui t'a agacé et ce qui te donne encore plus envie de te relaxer. Tu aurais pu vouloir boire une bière mais étant donné qu'il pleut depuis une heure sans interruption, tu as forcément dû attendre ton taxi sous la pluie, ce que me prouve ta veste humide. Comme tu n'as pas pris un manteau épais comme je te l'avais suggéré ce matin, tu es trempé. Par conséquent, tu ne vas pas boire une bière mais un thé bien chaud. Ce qui tombe à point nommé, puisque j'ai, moi aussi, envie d'en boire une tasse. Alors, est-ce que tu peux m'apporter une tasse de thé ?

John fixa un instant l'homme affalé sur le canapé. Ses boucles noires tombaient sur son front et sur l'accoudoir contre lequel sa tête était posée, tranchant avec sa peau pâle et ses yeux d'un bleu clair qui semblaient toujours tout savoir sur tout le monde. Le médecin eut envie de le planter là et de partir se réfugier sous une douche brûlante pour se réchauffer plutôt que de lui préparer son thé, mais quelque chose dans le regard de son ami le convainquit de se diriger vers la cuisine plutôt que vers la salle de bains.

Le docteur se morigéna. Sherlock avait toujours eu cet effet sur lui. Le détective réussissait immanquablement à le convaincre de rester, là où les autres lui auraient tourné le dos et se seraient enfui, et ce, depuis leur première rencontre. Bien que tout le monde pense qu'il était totalement étranger au concept de relations humaines, il n'en était rien.

Evidemment, le brun ne pourrait jamais gagner un prix de camaraderie et était désagréable avec tous ceux qui le côtoyaient. Il allait même jusqu'à se définir comme un sociopathe, ce qui en disait long sur la qualité de ses relations avec le monde extérieur, et rares étaient les gens qui le supportaient.

Pourtant, le détective savait comment faire plier les gens. Après tout, Molly Hooper ne lui résistait jamais longtemps lorsqu'il venait lui demander s'il pouvait voir un cadavre à la morgue. Mme Hudson avait toujours pris le brun sous son aile et était toujours aux petits soins pour lui, même si celui-ci l'envoyait parfois paître.

Quant à John, il n'avait jamais pu rien refuser à personne. Ce n'était pas forcément par faiblesse de caractère, car il savait dire non quand il estimait qu'il le fallait. Mais le docteur avait toujours eu tendance à vouloir aider son prochain, ce qui l'avait d'ailleurs conduit à étudier la médecine. Son colocataire avait peut-être deviné ce trait de caractère chez lui et s'en servait afin de parvenir à ses fins ?

Au final, le pourquoi du comment importait peu. Le résultat était le même. Le détective parvenait toujours à ses fins, sans pour autant prendre la peine de dire merci. Mais John ne se sentait pas pour autant rabaissé par la situation. Il estimait que c'était juste la façon particulière de Sherlock de vivre leur amitié.

En poussant un soupir, le médecin enleva sa veste, la posa sur une chaise pour qu'elle sèche et attrapa le pot qui contenait le thé. Le détective le suivit des yeux quelques instants avant de reporter son regard sur le plafond. Il était toujours dans la même position, tête contre l'accoudoir, bras sur le ventre.

La seule différence était que désormais, un fin sourire, à peine perceptible, flottait sur ses lèvres.

Sherlock adorait quand il arrivait à obtenir exactement ce qu'il voulait.