MusiQ
Note de l'auteur : Bonjour à tous ! Saisie d'une vague d'inspiration, j'ai enfin eu le courage de finir ce chapitre qui était aux deux-tiers écrit depuis août, et je le poste donc sans attendre. J'ai hésité à attendre d'en avoir écrit un ou deux autres mais dans l'état actuel des choses, m'est avis que vous préférez que je poste ce que j'ai écrit directement plutôt que d'essayer d'anticiper et finalement de mettre des mois de plus. Bref, ce chapitre reprend un peu l'idée du précédent mais cette fois en se concentrant davantage sur la personnalité de James. J'ai eu beaucoup de mal à écrire la fin, et j'espère qu'elle vous semblera cohérente avec les personnages et que vous l'apprécierez !
Disclaimer : Pour ce chapitre, je remercie le groupe a-ha pour la chanson, ainsi que le co-auteur et producteur John Barry.
Remerciements : Un grand merci à fidjet pour sa relecture attentive et son soutien.
Rating : M
Chapitre 16 : The Living Daylights - Tuer n'est pas jouer
« Un bâtiment entier complètement détruit, des milliers de livres de dégâts en tous genres sans compter les dizaines de blessés dont plusieurs sont actuellement dans un état critique et c'est un véritable miracle que personne ne soit mort, on peut vraiment dire que vous vous êtes surpassé cette fois 007 ! »
Dans le bureau du directeur du MI6, James affrontait un M furieux qui faisait les cents pas dans la pièce. Celui-ci tentait de conserver un ton relativement calme mais son agitation intérieure ne faisait aucun doute, et l'espion sentait qu'il valait mieux, pour une fois, ne pas trop répliquer.
« Mais qu'est-ce qui vous a pris d'ouvrir le feu dans un lieu public ! s'exclama finalement M en posant violemment les mains sur sa table de travail. Et au beau milieu de la journée de surcroît ! Est-ce que vous avez conscience de la panique que vous avez provoquée ?
- On m'avait donné l'ordre de ne laisser échapper Donovan sous aucun prétexte, répondit l'agent d'un ton neutre en croisant les mains dans le dos.
- Ce n'était pas une raison pour sortir votre arme au beau milieu de la salle d'attente de la préfecture ! éructa M. Utilisez votre cerveau 007, ça n'aurait pas été la première fois que vous alliez à l'encontre d'ordres qui vous étaient donnés mais pour une fois ça aurait été utile !
- Vous voulez dire que vous préféreriez qu'un homme possédant des informations aussi sensibles que Donovan continue à courir dans la nature ? demanda railleusement l'espion. Au moins ça m'a permis de l'appréhender.
- Là n'est pas la question, souffla le directeur du MI6 d'une voix lasse en se laissant tomber dans son fauteuil. Vous n'étiez ni dans un village perdu, ni dans une rue déserte, ni dans une zone désaffectée où ce genre de fusillade aurait pu ne pas attirer l'attention. Vous étiez au centre de Lille nom d'un chien ! Avec le climat qui règne en France actuellement, vous n'avez pas idée de la difficulté que j'ai eue à convaincre le gouvernement français qu'il ne s'agissait pas d'une énième attaque terroriste et qu'il n'était pas nécessaire de diffuser votre photo et votre signalement dans tous les commissariats de police d'Europe ! Q a passé la nuit entière à essayer de vous effacer de toutes les caméras de surveillance du bâtiment ce qui, malgré ses nombreux talents, n'est pas passé inaperçu et nous à mis dans une position extrêmement inconfortable vis-à-vis des Français qui ne nous appréciaient déjà pas beaucoup depuis l'annonce du Brexit.
- Vous avez toute ma gratitude, répliqua James sur un ton suintant l'ironie.
- Ce n'est pas drôle 007, le coupa brusquement M. Cette affaire va m'obliger à faire quelque chose qui n'a jamais été faite de mémoire de MI6 et croyez-bien que ça ne m'enchante guère, même si au fond ça ne m'étonne pas que cela vous concerne. »
Sagement, James resta muet et se contenta d'hausser un sourcil. M se passa une main lasse devant les yeux et annonça d'un ton sec :
« Vous êtes viré.
- Pardon ? réagit instinctivement l'agent en tentant de digérer l'information.
- Afin d'obtenir que votre nom n'apparaisse pas dans leurs dossiers, les Français ont demandé à ce que vous quittiez le service, expliqua M. Croyez-bien que j'aurais préféré ne pas en arriver là, d'autant que nous allons devoir inventer toute une procédure pour vous 007, c'est la première fois qu'un agent double-zéro ne quitte pas son poste les deux pieds devant. Néanmoins, je n'ai pas le choix, la situation actuelle est compliquée et je n'ai pas envie d'ajouter la DGSE à la liste des ennemis du MI6, nous avons déjà bien assez à faire avec le KGB.
- Sauf votre respect Monsieur, intervint James avec le ton le plus sérieux qu'il puisse arborer, vous vous apprêtez à commettre une grossière erreur.
- C'est aussi ce que je me suis dit, reprit M d'un ton plus léger en s'enfonçant dans son fauteuil et en croisant les mains sur son ventre. J'ai réussi à négocier que vous soyez seulement retiré du terrain. Vous gardez votre statut d'agent car avec votre passif il serait beaucoup trop compliqué de vous renvoyer à la vie civile, mais vous perdez celui de double-zéro et travaillerez désormais dans les bureaux. Je ne sais pas encore où vous affilier définitivement mais nous avons pour l'instant besoin de quelqu'un aux archives. Depuis notre déménagement personne n'a vraiment pris le temps de les ranger et malgré l'efficacité de notre service informatique l'absence de tri est en train de devenir un véritable problème. Je vous laisse voir avec Moneypenny pour les détails, vous pouvez disposer Bond.
- Si je puis me permettre, vous prenez beaucoup trop de plaisir à m'envoyer en enfer pour que cette idée ne vienne que des Français, Monsieur, insista lourdement James en tournant les talons à contrecœur.
- Si j'étais vous 007, je ne me permettrais pas. Vous retrouver un peu loin du terrain vous fera du bien, j'en suis persuadé. Après tout, vous avez tout de même ouvert le feu dans une préfecture bondée et surtout équipée d'une dizaine de caméras de surveillance. Sérieusement Bond, à quoi pensiez-vous ?
- À empêcher un homme de menacer un pays tout entier.
- Eh bien, je vous souhaite de faire montre de la même détermination dans le classement des documents de ces cinquante dernières années », conclut M avec un sourire en coin si léger que James ne fut pas sûr de l'avoir vu correctement.
L'agent tourna le dos à son supérieur et sortit rapidement de la pièce. À l'extérieur, il retrouva Moneypenny qui l'avait fait entrer plus tôt en lui laissant entendre que ça risquait de mal se passer. Étonnamment, celle-ci était accompagnée de Q et au vu de l'air qu'ils arboraient tous deux, il était plus que probable que ce dernier ait trouvé un moyen d'écouter aux portes malgré l'hermétisme supposé absolu du bureau de leur chef. Le brun amorça un mouvement vers lui mais James détourna rapidement la tête et franchit la porte sans un mot.
Il ne faisait que retarder l'inévitable, mais s'il pouvait avoir ne serait-ce que cinq minutes avant que Q ne le force à en parler, ce serait déjà ça de pris.
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Finalement, James obtint une heure entière de répit avant que le Quartermaster ne vienne le troubler dans la retraite qu'il s'était choisie, à savoir le bureau de celui-ci, dont il ne se servait quasiment jamais. Pendant le temps qu'il passa seul, l'agent tenta de trouver une explication à cette mise à pied qu'il n'aurait jamais pu anticiper. Bien sûr, il lui était déjà arrivé d'être retiré du terrain pendant un certain temps, quand il était blessé ou que, pour sa protection, on lui suggérait fortement de faire profil bas, mais c'était la première fois que ça lui arrivait sans son consentement et, surtout, c'était la première fois que M donnait un aspect aussi définitif à la chose.
Certes, c'était aussi la première fois qu'il tirait accidentellement dans le climatiseur d'une préfecture et y mettait le feu, mais, après tout, ça aurait pu arriver à tout le monde, et il avait au moins réussi à mettre la main sur un criminel après qui les services secrets du monde entier courraient depuis des mois. Même les Français avaient dû être soulagés que Donovan soit enfin remis entre les mains de la justice.
Alors pourquoi était-il mis à pied de la sorte ? Était-ce une manière brutale de le mettre à la retraite ? De lui faire comprendre qu'il était bien trop vieux pour être un agent double-zéro et qu'il était temps qu'il passe à autre chose ? M avait-il attendu avec impatience qu'il commette une erreur de ce type pour pouvoir enfin se débarrasser de lui ? Ça lui semblait improbable au vu de ses états de service – d'autant qu'il avait l'impression de ne jamais avoir été aussi efficace qu'au cours des derniers mois – mais peut-être le directeur du MI6 avait-il considéré que ses succès étaient son chant du cygne et qu'il valait mieux le retirer du terrain avant qu'il ne commette l'irréparable. Si l'on considérait que mettre le feu à une préfecture n'était pas déjà relativement grave.
« Je savais que je te trouverais là, annonça une voix qu'il aurait reconnue entre mille. Eve soutenait que tu serais plutôt à l'armurerie, mais elle n'a pas la malchance de te supporter vingt-quatre heures sur vingt-quatre, conclut Q en venant s'intercaler entre le bureau et la chaise où James avait pris place.
- J'avais peur qu'on ne m'oblige à rendre mon arme dès que j'en franchirais les portes, répondit celui-ci en passant inconsciemment la main sur le pan de sa veste où était dissimulé son holster, j'ai préféré venir dans un endroit sûr pour me préparer psychologiquement à la séparation.
- Tu crois vraiment que je passe mon temps à répertorier toutes les armes que je te donne ? répliqua le brun avec un léger sourire. À la vitesse à laquelle tu les perds, j'y passerais mes journées. Officiellement, ajouta-t-il devant l'air interrogatif de son amant, ta dernière arme de service a été détruite dans l'incendie de la préfecture, et s'il s'avérait que c'était une erreur, je préfèrerais que tu le gardes pour toi. Après tout, tu es bien placé pour savoir que la paperasse administrative et admettre que j'ai eu tort sont deux choses que je déteste tout particulièrement. »
James ne répondit rien, se contentant de fixer sur le Quartermaster un regard qu'il n'adressait jamais qu'à lui et qui contenait bien trop de choses qu'il n'arrivait pas à définir. Sans avoir eu le temps d'être inquiet, il était étrangement soulagé de savoir qu'il pourrait garder une forme de lien avec le terrain à travers son arme. Et sans surprise, son amant avait lu en lui comme dans un livre ouvert et anticipé un désir dont il n'avait même pas conscience quelques minutes auparavant. Sans un mot, il attira le brun à lui par sa ceinture, ce qui contraignit ce dernier à s'asseoir à califourchon sur ses genoux.
Q se laissa faire avec un grognement de principe et passa ses bras autour du coup du blond pour tenter de regagner équilibre et dignité. Après un court instant, James se pencha légèrement en avant pour l'embrasser mais ce dernier ne lui laissa pas le temps d'approfondir le baiser et se recula légèrement en arrière. En fronçant les sourcils, le brun observa avec attention les traits de son amant sans savoir vraiment ce qu'il y cherchait avant de demander avec sérieux :
« Comment est-ce que tu te sens ? »
James hésita sur la réponse à donner. Mais le ton employé appelait l'honnêteté et il sentait que Q ne se satisferait pas d'une demi-vérité ou de l'ironie qui ponctuait habituellement leurs conversations. Et soudain, presque comme une évidence, les évènements de la journée semblèrent se mettre en ordre dans son esprit.
« Complètement dépassé, dit-il simplement. Je n'arrive pas à me sentir véritablement concerné, comme si M ne venait pas tout juste de mettre fin à ce qui me sert de carrière depuis plus de vingt ans. Comme s'il s'agissait seulement d'une pause entre deux missions. J'imagine que ça deviendra plus clair dans les jours à venir, acheva-t-il d'un air distant.
- Et peut-être que d'ici là M aura changé d'avis, tenta le brun sans vraiment avoir l'air convaincu. Il doit bien réaliser que te mettre sur la touche le prive d'un de ses meilleurs éléments.
- Je ne sais pas, soupira l'agent d'un air dubitatif. Après tout, ça fait déjà assez longtemps qu'on me regarde comme si j'allais m'écrouler et comme si seul un miracle me permettait de rester en vie. Je devrais sans doute m'estimer heureux de quitter mon emploi debout et pas couché dans une fosse quelconque.
- Je te trouve bien trop calme pour que ça ne cache pas quelque chose, répliqua Q sur un ton soupçonneux. Ce n'est pas ton genre de donner raison à Mallory, de surcroît alors qu'il vient de te forcer à prendre une retraite anticipée.
- Peut-être que toutes mes années dans l'armée puis au MI6 m'auront enfin appris à obéir à un ordre sans discuter ? tenta d'éluder James avant de se raviser devant l'air franchement perplexe de son amant. Je n'ai pas envie de me battre, soupira-t-il finalement, pas maintenant. Je viens juste de rentrer d'une longue mission et je suis fatigué. Donovan, la préfecture, c'est du passé et M, j'aurais bien le temps d'aviser plus tard, je n'ai pas envie de lutter contre des chimères. Et puis, tu me répètes bien assez souvent que je me fais vieux, ça doit bien avoir un fond de vérité... »
Le blond accompagna la fin de sa tirade d'un petit sourire et le Quartermaster en resta complètement muet d'étonnement. Une telle résignation de la part de James – 007 – Bond lui semblait tirée tout droit d'un film de science-fiction et en venait presque à l'inquiéter. Il s'était attendu à de la colère, à de la mauvaise foi, voire à ce que son amant se mette à tourner tout le monde en ridicule mais certainement pas à ça.
Distraitement, il nota que James déposa un baiser rapide sur ses lèvres avant de le faire descendre lentement de ses genoux. Il enregistra à peine ce qu'il lui dit – qu'il allait passer aux archives puis rentrer chez eux et qu'il l'attendrait pour le dîner – avant de sortir de la pièce en refermant sans bruit la porte derrière lui. Resté seul dans son bureau, Q fronça les sourcils en se passant une main sur le visage. Quelque chose n'allait pas. Il le sentait. Son amant, incapable qu'il était de faire dans la demi-mesure, était forcément en train d'enfouir ce qu'il ressentait et ça ne pouvait rien présager de bon.
Oui, Q ne savait ni quand ni comment, mais il y aurait sans nul doute des retombées. Et compte tenu de sa proximité avec l'agent, il avait plutôt intérêt à être prêt pour leur arrivée.
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Les premiers jours qui suivirent la mise à pied du très célèbre James Bond furent, à la surprise de beaucoup, relativement calmes. Celui-ci passait ses journées dans les salles consacrées aux archives, occupant davantage son temps à consulter quelques documents au hasard qu'à réellement les ranger. Il ne lui avait pas fallu longtemps pour comprendre qu'il y avait une raison pour laquelle on avait inventé le métier d'archiviste. Qui aurait cru qu'il était aussi compliqué d'organiser des vieux papiers que personne ne lirait jamais juste pour qu'il soit facile dans cinquante ans d'en retrouver un absolument essentiel ? Clairement, M n'avait pas envisagé toutes les facettes du problème avant de le reléguer au fin fond des salles les moins fréquentées et les plus hautement sécurisées de Londres.
En conséquence, il commençait à connaître sur le bout des doigts l'histoire de la création de la Military Intelligence, mais n'avançait absolument pas dans la tâche qui lui avait été confiée. D'autant qu'il continuait, comme quand il avait été confiné au MI6 entre deux missions, à rendre de fréquentes visites au secteur technologique, observant tour à tour son amant et ceux qu'il avait sous ses ordres travailler à la création de nouveaux gadgets et à leur perfectionnement. Parfois, il voyait passer un agent de terrain venir chercher son équipement et son cœur se serrait malgré lui, surtout s'il s'agissait d'un agent double-zéro. Heureusement, M avait eu la sagesse d'affecter 005 à une mission d'infiltration de plusieurs semaines sachant pertinemment qu'en temps normal, lui et 007 étaient constamment prêts à se sauter à la gorge, mais que dans les circonstances actuelles, la situation avait le potentiel de devenir bien plus explosive.
De temps en temps, il lui arrivait de fréquenter les salles d'entraînement que le MI6 mettait à disposition des agents de terrain mais aussi de certains employés qui trouvaient plus simple de faire de l'exercice sur leur lieu de travail plutôt que de souscrire à une salle de sport extérieure. Lorsque cela arrivait, James avait la satisfaction mais aussi la frustration de constater qu'il était toujours aussi performant que quelques semaines auparavant. Qu'il pouvait courir aussi longtemps, nager aussi vite, grimper aussi efficacement, se battre avec autant de force et tirer avec autant de précision qu'avant de partir pour sa dernière mission en France. Et insidieusement, alors qu'il regardait les autres agents s'entraîner à ses côtés, l'aiguillon pervers de la jalousie commença à le ronger.
Qu'avaient-ils de plus, ceux qui étaient toujours autorisés à mettre à profit leurs talents ? Ils n'étaient pas plus doués que lui, ses derniers résultats en étaient la preuve, alors pourquoi ? Était-ce parce qu'ils étaient plus jeunes ? Plus vifs ? Ou tout simplement plus obéissants ? Il sentait parfois monter en lui des bouffées d'énergie que les heures passées dans les salles d'entraînement ne parvenait pas à endiguer. Deux mois après sa mise hors service, il était plus fréquent de le trouver dans la salle de tir ou en train d'affronter à main nue un agent qui avait eu le malheur de passer trop près de lui que dans les archives ou il avait été exilé.
Refusant de s'attarder longtemps sur les causes qui le poussaient à passer plus de temps sur les tatamis de la salle de sport que n'importe où ailleurs, à commencer par l'appartement qu'il partageait avec Q, James sentait une tension diffuse prendre possession de lui. Il n'arrivait pas à s'en débarrasser malgré tous ses efforts et celle-ci provoquait en lui des sautes d'humeur qui venaient s'ajouter à un caractère que beaucoup trouvaient déjà peu chaleureux. Et au fond de lui, il savait que ce n'était pas en s'acharnant contre un sac de frappe que cela allait changer quelque chose.
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Inévitablement, l'explosion que Q avait prédite quelques mois plus tôt finit par survenir, mais pas tout à fait de la manière dont il l'avait prévue. Cela faisait presque deux semaines que James et lui ne faisaient plus que se croiser. Même s'il rentrait tard, l'agent arrivait toujours plus tôt que Q qui avait à gérer la fin particulièrement difficile de la mission d'infiltration de 005. Heureusement, il finit par en voir le bout et, après avoir passé trois jours entiers au MI6 à tenter de limiter les dégâts et d'organiser l'extradition de la catastrophe ambulante qu'était 005, il put enfin rentrer chez lui. Fatigué, il était toutefois également plus excité que de coutume à l'idée de revoir son amant, porteur qu'il était d'une nouvelle qui très certainement le réjouirait.
Il était un peu plus d'une heure du matin lorsque qu'il ouvrit lentement la porte d'entrée de leur appartement, s'attendant à ce que James, qui commençait à s'aligner sur des horaires normaux de bureau, soit déjà couché. C'est pourquoi il fronça légèrement les sourcils en voyant que la lumière était allumée dans le salon. Il retira rapidement ses chaussures et son manteau avant de pénétrer dans le séjour qui abritait un agent visiblement très agité, faisant les cent pas sur le tapis. Celui-ci s'immobilisa en voyant le brun et, sans lui laisser le temps d'ouvrir la bouche, lança sur un ton sec :
« C'est à cette heure ci que tu rentres ?
- Je te demande pardon ? répliqua Q, qui avait la désagréable impression d'avoir pénétré dans la scène de jalousie caractéristique de tous les mauvais vaudevilles.
- C'est encore à cause de cet abruti de Steve c'est ça ? grogna James qui arrêta de marcher pour adopter une posture étrangement défensive.
- Oui, effectivement, c'est à cause de la mission de 005, répondit le brun, circonspect, en insistant sur l'aspect professionnel de la chose. D'ailleurs à ce propos je voulais...
- C'est pour lui que je ne te vois plus depuis des jours ? interrompit rudement le blond.
- Je peux savoir ce qui te prend ? s'emporta Q. Tu sais très bien qu'il s'agit d'une mission d'infiltration difficile, la moitié du MI6 ne s'occupe que de ça depuis des semaines !
- Dans ce cas je ne vois vraiment pas pourquoi tu n'as pas trouvé quelqu'un à qui déléguer le suivi de la mission, à moins que ça ne te manque trop de suivre un agent de manière plus personnelle, siffla James, le ton acide.
- Je ne vais même pas prendre la peine de répondre à ça, souffla le plus jeune en se retenant de lever les yeux au ciel. J'ai autre chose à faire que d'entrer dans ton délire paranoïaque, comme prendre une douche par exemple », conclut-il en se dirigeant d'un pas décidé vers la chambre.
Sur ces mots, James se décala légèrement pour se mettre en travers de sa route. Q lui jeta un regard peu amène en tentant de le contourner mais celui-ci fit à nouveau un pas sur le côté. D'aussi près, le brun pouvait voir que son amant, les muscles tendus, tremblait légèrement, signe sinon de colère, du moins d'une profonde agitation intérieure.
Ils s'affrontèrent un moment du regard avant que l'agent ne le force lentement à reculer, jusqu'à ce qu'il se retrouve accolé au mur. Sans faire grand cas de son espace vital, le blond se rapprocha de lui à tel point que leurs visages n'étaient plus séparés que par quelques centimètres. Ne sachant pas si cet état de fait l'excitait ou l'exaspérait, Q ne réagit pas lorsque son amant posa ses lèvres sur les siennes, avec une forme de brutalité qui ne lui était pas habituelle. Rapidement cependant, le brun commença à répondre au baiser, cédant au désir qu'il avait pour l'homme, quand bien même celui-ci pouvait se comporter comme un imbécile.
Leur étreinte se faisait plus passionnée quand soudainement, James saisit d'une main les poignets du plus jeunes pour les immobiliser au dessus de sa tête tandis que de l'autre il s'attaquait à ses vêtements. Avec un grognement rauque, Q mordit fermement la lèvre de son amant, ce qui eut pour effet de le faire reculer de quelques centimètres sous le coup de la surprise. Il eut un petit sourire de satisfaction avant que le blond ne reprenne le dessus et ne réussisse à lui enlever son pantalon. Quelques minutes et quelques protestations peu véhémentes plus tard, le brun se retrouva nu face à James qui lui avait à peine déboutonné sa chemise.
Celui-ci souleva alors son amant pour le plaquer contre le mur avec assez peu de délicatesse, en continuant à l'embrasser de manière un peu désordonné. Cherchant à retrouver l'équilibre, Q enroula ses jambes autour de la taille de l'autre, qui profita d'un moment où ils s'étaient légèrement séparés pour reprendre leur respiration pour presser trois doigts contre les lèvres du brun, qui fronça les sourcils devant le geste cavalier mais ouvrit la bouche sans trop se faire prier. Jugeant finalement ses doigts suffisamment humides, James les retira et sans préavis, en inséra un dans son amant. Grimaçant, Q griffa le dos du blond, qui reprit possession de sa bouche avec force, et resserra l'étau formé par ses jambes. Cela faisait longtemps qu'il n'avait pas été préparé de manière aussi sommaire mais c'était loin d'être la première fois et il était hors de question de s'arrêter pour aller chercher une bouteille de lubrifiant.
Malgré sa rudesse, James se montra aussi prudent qu'habituellement, et si le brun ressentit plus qu'à l'accoutumée la brûlure de la pénétration, celle-ci eut tôt fait de devenir négligeable alors que son amant augmentait le rythme et la profondeur de ses coups de rein et qu'il entreprenait de marquer son cou et ses clavicules en alternant baisers et morsures. Lorsque le blond atteignit brusquement sa prostate, Q laissa échapper un cri étouffé avant de se mordre violemment les lèvres pour retenir ses gémissements. James, les muscles bandés dans l'effort, pantelait alors qu'il maintenait l'autre contre le mur sans diminuer la puissance de ses va-et-vient. Bientôt, le martèlement erratique de sa prostate associé à la bouche du blond dans son cou, à ses mains qui massaient la creux entre ses fesses et ses cuisses ainsi qu'au frottement de sa chemise sur ses tétons durcis eurent raison de Q qui jouit dans un râle rauque.
N'ayant plus la force de serrer les jambes, il entoura le cou de son amant de ses bras et tenta de se soutenir ainsi tandis que l'autre continuait à le pénétrer profondément. Il gémit faiblement alors que James tentait de conserver sa prise sous les cuisses couvertes de sueur et glissantes de son amant. Quelques instants plus tard, après s'être enfoncé le plus profondément possible, il jouit à son tour en embrassant farouchement le brun qui ferma les yeux face à cette nouvelle stimulation sur son corps hyper-sensible. Haletants, ils restèrent imbriqués l'un dans l'autre, se laissant peu à peu glisser au sol, jusqu'à ce que Q se retrouve assis sur les genoux de James, les jambes écartées et le dos au mur.
Il grimaça légèrement lorsque l'autre se retira, sentant la semence chaude se répandre le long de ses cuisses, mais il eut la satisfaction de penser que pour une fois, c'était le pantalon de son amant qui allait avoir besoin d'un bon nettoyage. Son sourire n'échappa pas au blond qui lui jeta un regard indéchiffrable, les pupilles encore dilatées par le désir. Ils se fixèrent en silence pendant un temps, avant de rapprocher à nouveau et de s'embrasser. Leurs corps toujours tremblants se pressèrent, James passant ses mains sur les flancs du brun, taquinant des pouces les tétons rougis et échauffés de son amant, tandis que celui-ci enlevait les derniers boutons de la chemise du blond pour accéder à son torse.
Et lorsque sans prévenir l'agent le souleva à nouveau pour le plaquer contre le sol du couloir, Q se contenta de répliquer en griffant la peau nouvellement découverte avant d'attirer violemment la tête de l'autre vers la sienne pour l'embrasser. C'était mal parti pour ce coup-là mais avec un peu de chance, pour le prochain, ils arriveraient jusqu'au lit. Peut-être.
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Q se réveilla avec la sensation bien distincte que quelque chose n'allait pas. Lorsqu'il se retourna pour regarder si James était également présent dans leur lit, il eut la confirmation physique et douloureuse de cette première impression. Il ne pouvait pas dire qu'il ne s'était jamais réveillé avec des courbatures liées à ses activités nocturnes, mais un rapide coup d'oeil aux bleus qu'il arborait sur les hanches suffit à lui confirmer que cette fois-ci était légèrement sortie de l'ordinaire. Et il était seul dans le lit, ce qui n'annonçait rien de bon. Soupirant en se souvenant du simulacre de discussion qui avait précédé le débordement de force peu commun de la veille, il tendit l'oreille pour tenter de savoir si son amant se trouvait dans l'appartement.
Il n'eut pas à attendre longtemps puisque quelques instants plus tard, la porte de la salle de bain s'ouvrit, laissant sortir l'espion, une serviette autour de la taille, l'air fatigué et arborant quelques griffures, mais visiblement moins marqué que Q. L'agent s'immobilisa sur le seuil de la chambre, jetant un coup d'œil rapide au brun qui devina à l'imperceptible pincement des lèvres et au regard fermé de son amant que celui-ci devait se sentir responsable de son état présent. Cette fois, il n'allait pas couper à la discussion.
« Est-ce que tu peux me dire ce qui ne va pas maintenant ? commença Q en rassemblant les couvertures autour de lui alors qu'il s'asseyait avec difficulté.
- Ça me semble plutôt évident, répondit lentement James en se dirigeant vers l'armoire pour prendre des vêtements.
- Si tu veux parler de 005, je peux t'assurer que tu n'as vraiment rien à craindre sur ce plan.
- Ce n'est pas ce dont je veux parler et tu le sais très bien, rétorqua le blond en lui jetant un regard sombre. Ce qui est arrivé hier n'aurait jamais dû se produire.
- Je reconnais que ta crise de jalousie était légèrement déplacée, éluda le brun, mais de là à dire que...
- Je parle sérieusement ! s'emporta finalement l'agent. Regarde-toi bon sang ! Tu as du mal à t'asseoir mais tu n'imagines même pas à quel point ça pourrait être pire ! Hier quand tu es rentré j'étais tellement en colère contre je ne sais quoi que pendant un instant, j'ai eu envie de te faire du mal. De te pousser contre les murs, de mettre mes mains autour de ton cou et de... » Il s'interrompit un instant, en serrant et desserrant les poings nerveusement. « Je suis passé tellement près de le faire que je crains que la prochaine fois tu ne finisses pas qu'avec des courbatures.
- Tu as failli le faire, commença calmement Q, mais tu ne l'as pas fait et c'est ce qui importe. Tu crois que je ne comprends pas ce qui t'arrive ? continua-t-il en voyant son amant secouer la tête d'un air consterné. Tu as passé les vingt dernières années à te battre, dans tous les sens du terme, et tu t'étonnes que, privé de ton exutoire habituel, tu en ressentes encore les réflexes ? Ouvre les yeux James, tout ton monde est tourné autour de la violence, et ce ne sont pas deux mois d'arrêt et de déni qui vont changer cet état de fait.
- Arrête de me trouver des excuses ! gronda le blond. Est-ce que j'ai vraiment besoin de te rappeler que ce genre d'attitude est fréquent chez les personnes victimes de violence conjugale ?
- Oh je t'en prie ! s'exclama le brun avec un léger rire. Tu penses vraiment que je serais encore là si nous étions dans cette situation ? demanda-t-il avec un sourire en coin. Quand bien même ton attitude d'hier m'a légèrement pris de cours, je ne me souviens pas avoir protesté outre mesure.
- Et que tu subisses sans rien dire est censé me rassurer ? répliqua l'agent, le ton acerbe.
- Ne commets pas l'erreur de croire que je n'aurais pas pu t'arrêter si je l'avais voulu James, répondit calmement Q en le regardant droit dans les yeux, tu es certes plus fort que moi mais tu étais loin d'être lucide et avec quelques coups bien placés je t'aurais éloigné suffisamment longtemps pour attraper une arme et te mettre en joue. Je ne suis pas un homme battu qui refuse d'accepter ou même approuve la violence de son conjoint, je suis un homme qui a accepté en pleine connaissance de cause de partager sa vie avec quelqu'un ayant le permis de tuer. Que l'on soit bien d'accord, dit-il avant d'asséner avec fermeté, je n'ai pas peur de toi. »
S'ensuivit un léger silence, durant lequel les deux hommes ne se quittèrent pas des yeux. Une tension palpable régnait dans la pièce, que Q brisa le premier en reprenant sur un ton légèrement moins sérieux.
« Et d'ailleurs, tu n'es pas le seul à vivre pour l'adrénaline et le danger. J'ai vendu mes premiers codes à un cartel de drogues alors que je n'étais même pas majeur. La différence entre nous c'est que tu considères encore que c'est quelque chose d'anormal alors que je l'ai accepté, même s'il m'aura fallu beaucoup de temps. À ton avis, ajouta-t-il après une petite pause, j'ai ressenti quoi quand tu as été envoyé tuer Leonio et que je me suis retrouvé à moitié dur en te voyant l'étrangler ? Quand j'ai réalisé que ça m'excitait de te savoir bien plus fort que moi ? Tu crois vraiment que c'est un hasard si notre relation a pu durer aussi longtemps ? Et je déteste avoir à le mentionner mais crois-tu aussi que c'est un hasard si la seule femme que tu aies jamais aimée se soit in fine avéré mener un dangereux double jeu ? »
Le visage de James était indéchiffrable, mais Q savait que ses mots résonnaient en lui. Après tout, c'était un raisonnement qu'il avait déjà dû faire, ne se serait-ce que partiellement. Se déplaçant pour être au bord du lit, le brun tendit un bras pour demander à son amant de s'approcher. Le blond s'exécuta en silence, s'asseyant sur le matelas et acceptant que l'autre enroule ses bras autour de ses épaules.
« Il va te falloir du temps, murmura Q près de sa nuque. Mais crois-moi quand je te dis que l'accepter sera un soulagement.
- Accepter que j'ai besoin de tuer des gens pour être heureux ? ricana James.
- Non, accepter que le danger te fait te sentir vivant, répliqua le brun avec sérieux, et que l'adrénaline t'est nécessaire.
- Alors nous avons un problème, soupira l'espion, parce que je crains que les archives ne réunissent aucune de ces deux conditions.
- Heureusement pour toi que M a finalement cédé à mes nombreuses demandes et que tu reprends du service alors, sourit Q en embrassant brièvement la nuque de son amant.
- Je te demande pardon ? s'exclama James sans même essayer de cacher sa surprise.
- Tu pourras aussi remercier 005 d'ailleurs, continua Q sans faire cas de cette interjection. Si sa mission d'infiltration n'avait pas lamentablement échoué tu aurais sans doute dû attendre encore un peu. Mais à force de glisser subtilement à Mallory qu'il faudrait un agent de ta trempe sur cette mission, il a enfin fini par l'admettre et il a décidé de te remettre en service. Je voulais te l'annoncer hier mais j'ai été légèrement distrait.
- Et qu'en pensent les Français ? répliqua James en haussant un sourcil.
- Crois-moi, si tu réussis cette mission, ils n'auront plus rien contre toi. Sans compter qu'après mon passage dans leurs fichiers, ils n'avaient déjà pas grand chose. Et puis, quoi que la DGSE puisse dire, tu restes l'agent le plus efficace du MI6, ce n'était qu'une question de temps avant qu'on réalise qu'on avait besoin de toi. Il faut au moins la carrure d'un 007 pour rattraper les dégâts d'un 005.
- Même si la carrure en produit deux fois plus dans le processus de réparation ?
- Dans ce cas, minauda Q, qu'il s'estime heureux d'avoir à portée de main un excellent dépanneur qui n'a pas peur de mettre ses mains dans le cambouis... »
S'il s'en tenait à l'expression faciale de James, celui-ci n'avait clairement pas été impressionné par sa métaphore. Mais au moins le message était passé. Ils étaient sans doute deux personnes complètement dysfonctionnelles mais, comme tout le monde le savait au MI6, il était de toute façon très rare qu'il en soit autrement pour les agents double-zéro. Alors n'était-il pas naturel que le Quartermaster fasse tout pour se mettre à leur niveau ?
Et voilà ! Comme vous l'aurez compris, je suis assez attachée à l'idée que le danger est nécessaire à ces deux là pour vivre et j'espère que ça ne vous semble pas trop absurde. :-)
Je remercie du fond du coeur toutes les personnes qui m'ont laissé des commentaires, votre soutien et vos encouragements me sont très précieux et bien souvent m'aident à me mettre un coup de pied aux fesses pour écrire. J'espère pouvoir poster le prochain chapitre prochainement, car j'en ai l'idée depuis le début, mais je ne fait pas de promesse précise, ça viendra quand ça viendra.
Merci encore, n'hésitez pas à laisser une petite review et à très bientôt j'espère !