Titre : Porte ouverte

Genre : Aventure, romance, énième variation sur les pérégrinations d'une fille ordinaire en Terre du Milieu.

Rating : T pour le moment, évolution éventuelle vers le M pour plus tard.

Disclaimer : Les personnages et l'univers sont la création de Monsieur Tolkien, gloire et cookies sur lui. Le personnage original, par contre, est mon entière propriété. Cette histoire ne me rapporte pas un sou et c'est aussi bien ainsi.

Note : Cette fanfiction est davantage un exercice de style que l'œuvre de ma vie. Je remercie chaleureusement Darkklinne, ma meilleure amie, pour les encouragements et le soutien durant la rédaction de cette histoire, ainsi que pour être présente à mes côtés depuis maintenant dix ans.

J'espère avoir quelques retours de la part des lecteurs éventuels (même s'il ne faut pas croire au Père-Noël) parce que ce sont les commentaires qui aident l'auteur à avancer.

Pour finir, j'ai recours selon mes besoins à l'univers du film et du livre à la fois… j'espère que l'ensemble restera cohérent.

Bonne lecture… showtime.


Deep down inside a stream of light begins to flow (Scorpions – Pictured life – Virgin Killer - 1976)


Chantilly – Oise – Décembre 2010

Il neigeait. Les décorations de Noël sur l'avenue disparaissaient derrière un rideau de flocons qui tombaient dru. La ville étouffait sous un silence cotonneux et le lendemain, les champs seraient noyés sous une couche aussi blanche que la crème à laquelle ma ville d'adoption avait donné son nom. Ce serait joli à voir par la fenêtre du train, à tout le moins si le réseau ferré était en état de m'emmener travailler.

C'était une soirée des plus ordinaires, à dix jours des fêtes que je comptais passer seule. Même si ma mère n'était pas partie vers une destination paradisiaque quelconque avec son nouvel amant, je ne serais pas descendue à Lyon pour la voir. Nos relations n'avaient jamais été excellentes et elle me devait de l'argent, ce qui fait qu'elle m'évitait ouvertement de peur que je lui demande des comptes. Cela dit, passer Noël seule ne me dérangeait pas. J'étais une solitaire et je n'aimais pas faire semblant d'être sociable. Les relations aux autres étaient, je m'en étais rendue compte très tôt, d'une futilité effrayante et j'avais cessé depuis bien longtemps d'espérer des rapports un peu moins formels avec les gens. C'était peut-être une question d'époque ou de conjoncture, mais je m'en fichais. Mes contemporains étaient totalement dépourvus d'intérêt, point final. Autant rester chez soi avec un bon bouquin et quelques friandises à manger, au moins je serais sûre que mon réveillon me convienne.

Je me servis une tasse de décaféiné et retournai devant la fenêtre de la cuisine. Les toits se couvraient doucement de poudreuse et la rue était déserte. Ce spectacle était reposant après une journée de travail ennuyeuse et une heure épuisante de transports en commun. Un quotidien des plus palpitants, en définitive.

J'avais renoncé à m'interroger sur la vacuité de ma vie. C'était comme ça et il en serait ainsi jusqu'à ce que je finisse entre quatre planches. Je n'avais jamais été très heureuse en vingt-six ans d'existence mais je m'y étais habituée. Les joies furtives duraient ce qu'elles duraient et le reste du temps, je faisais avec sans trop me poser de questions. Ce qui se cachait derrière mon désert personnel était une boîte de Pandore. Je savais que l'ouvrir ne m'apporterait que des ennuis.

Je rinçai ma tasse vide et éteignis la radio qui vomissait une bouse anglo-saxonne quelconque avant de me préparer à aller au lit. S'il neigeait toute la nuit, il me faudrait me lever tôt pour espérer avoir un train. Les problèmes de transports en commun se trouvaient en tête des excuses les plus minables et éculées aux yeux de mon patron. Il n'avait pas un fond méchant mais il fallait filer doux avec lui.

Je ne tardai donc pas à remonter l'édredon sur moi et à éteindre la lumière. Etendue dans le noir, je laissai mon esprit battre la campagne un moment avant que le sommeil ne me prenne par surprise. Juste avant de sombrer, je me surpris à penser que, malgré tout, une raison d'avancer ne serait pas un cadeau de Noël superflu.

OOØOo

Je fus réveillée par le son de voix au-dessus de moi. Je n'étais plus dans mon lit. Ma tête reposait au creux d'un oreiller en plumes qui n'avait rien à voir avec le coussin en mousse que j'avais chez moi et les couvertures sous lesquelles j'étais couchée pesaient bien plus lourd que ma vieille couette. Curieusement, je ne ressentis aucune crainte. J'étais bien trop épuisée pour ça. La moindre parcelle d'énergie m'avait désertée et je ne pouvais que rester allongée là, sur cette couche inconnue, à me laisser bercer par ces gens qui parlaient.

« … se passe de plus en plus de choses étranges. Il est temps de mettre fin à tout cela.

— Certainement, cher ami, certainement. Et cette femme…

— C'est une humaine. Elle n'a rien de spécial et n'est probablement pas dangereuse.

— Que comptez-vous faire d'elle ? La laisser ici ?

— Je ne vois pas d'autre solution… Elle est encore bien faible, la laisser dans la nature alors que tant de dangers nous menacent tous serait criminel.

— Vous avez raison, bien entendu. A propos de faible, comment se porte le jeune Frodon ?

— Il est en bonne voie. Il a encore besoin de repos mais il devrait se réveiller bientôt. »

J'avais beau comprendre qu'ils parlaient de moi, les voix de ces deux hommes avaient quelque chose de réconfortant. Il émanait de l'endroit où je me trouvais une paix à des années-lumières de mon quotidien. Le calme qui s'était emparé de moi m'empêchait de me poser la moindre question alors que, théoriquement, j'aurais dû avoir peur. Je n'étais pas chez moi et, même si je comprenais parfaitement les propos des deux individus devisant à proximité de mon lit, je savais qu'ils ne parlaient pas ma langue. C'était peut-être un rêve. Une réalité alternative. Un vortex. A moins que j'aie été avalée par mon poste de télé.

La lumière m'agressa les yeux quand je tentai de les ouvrir. Je sortis une main de sous la couverture pour me frotter les paupières en râlant. Les deux hommes se turent. J'entendis l'un d'eux se lever et s'approcher de moi.

« Bonjour. »

Je tournai la tête et, en plissant les yeux, je vis un vieux bonhomme vêtu d'un long manteau gris et coiffé d'un chapeau pointu. Il avait une grande barbe blanche et il me regardait avec gentillesse. Derrière lui se trouvait un énergumène en robe dont les cheveux bruns étaient sévèrement tirés en arrière. Une sorte de diadème lui ceignait le front et ses oreilles avaient une drôle de forme. Le lobe se terminait en pointe. Dire que chez moi, des gens passaient sur le billard pour ce résultat parce qu'ils voulaient ressembler à…

Oh bon sang de bois.

Un Elfe.

Pas étonnant qu'on ait parlé de moi comme étant une « humaine »…

Le phénomène en robe se leva et se plaça aux côtés du vieux monsieur à chapeau pointu. Il n'avait pas l'expression de quelqu'un qui rigolait tous les jours mais je vis une grande bonté au fond de ses yeux. Le voile de paix qui entourait mon esprit se déchira soudain et je commençai à avoir peur. Qu'est-ce que je fabriquais dans cet endroit où se trouvaient des Elfes ? A croire que j'avais vraiment traversé mon écran de télé. Le vieux monsieur comprit visiblement ce que je ressentais car il sourit :

« Calmez-vous, Mademoiselle. Vous êtes dans un endroit sûr. Je me présente, je suis Gandalf le Gris. Et voici le Seigneur Elrond. Vous vous trouvez actuellement chez lui. »

L'Elfe me salua d'un signe de tête et je crus bon de me présenter un minimum. Je tentai de me redresser sur l'oreiller mais fus prise d'un étourdissement dès que je voulus faire un geste. Aussi je me passai une main sur le front pour en chasser la migraine et rassemblai mes idées tant bien que mal.

« Je m'appelle Lisbeth, dis-je. Je ne sais pas où je suis ni comment j'y suis arrivée. Dans tous les cas, il est possible que vous refusiez de me croire si vous saviez d'où je viens. »

L'émergumène à oreilles pointues m'adressa un sourire rassurant :

« Nous en savons un peu plus que vous ne semblez le penser, dit-il, même si votre venue parmi nous reste inexpliquée. Il est fort probable que ce ne soit pas un hasard, parce qu'il y a bien longtemps que plus rien ne se produise par hasard dans nos contrées… »

J'acquiesçai en silence et Gandalf enchaîna :

« Vous avez été très malade. Cette forte fièvre a failli vous coûter la vie. Elle n'a baissé qu'il y a trois jours et vous avez dormi tout le temps. Il vous faut du repos. Nous parlerons de tout cela plus tard, quand vous aurez récupéré un peu d'énergie. Sachez cependant, mon enfant, que vous êtes ici à l'abri et hors de danger. A présent, je vous prie de m'excuser mais nous avons un autre malade à visiter. Nous reviendrons dans un moment. En attendant, prenez soin de vous. »

L'instant d'après, les deux hommes quittèrent la pièce et la porte se referma sur eux. Je me retrouvai seule.

A dire vrai, même si j'étais trop fatiguée et sonnée pour avoir peur, j'étais bien consciente de me trouver dans la situation la plus farfelue possible. Je m'étais couchée la veille au soir dans mon lit, dans ce que j'appellerais longtemps le « monde normal » pour me réveiller ailleurs, je ne savais trop où mais vraisemblablement dans un univers peu commun pour qui était pourvu d'un esprit rationnel. Curieusement, me retrouver dans l'inconnu et le flou me permit d'avoir une vue rationnelle sur le quotidien qui était le mien « avant ». Entre les factures à payer, le travail alimentaire, la solitude assumée faute de mieux et les perspectives étriquées, le bilan n'était pas très heureux. Tout ça, bien entendu, n'expliquait pas ce que je faisais là ni comment j'y étais arrivée. Peut-être après tout qu'une divinité quelconque m'avait entendue espérer un peu de changement dans ma vie et m'avait envoyée dans ce monde totalement différent. Cette théorie ne tenait pas la route mais après tout, il paraît que j'avais été malade (ce qui me surprit, d'ailleurs, mais quelque chose me disait que si je commençais à m'étonner de tout et n'importe quoi, je ne serais pas rendue), donc je pouvais m'offrir le luxe de tirer des conclusions bizarres de ce qui était en train de m'arriver.

En étouffant un bâillement, je me tournai sur le côté et remontai les couvertures sur moi. Avant de me rendormir, je pensais que ce monde était peut-être peuplé d'Elfes et de vieux bonshommes habillés en sorciers mais au moins, ils étaient polis et bien élevés.

oOØOo

A mon réveil, je reçus la visite d'une femme très belle qui avait elle aussi les oreilles pointues. Elle me donna un bol de soupe aux légumes et m'aida à me lever pour faire ma toilette. J'avais de telles courbatures dans les jambes que je peinais à marcher. L'endroit où je me trouvais ne semblait guère être pourvu d'eau courante et je pris un bain dans un très grand baquet rempli d'eau chaude dans laquelle flottaient des fleurs. Ensuite, l'Elfe me donna une chemise de nuit propre, une sorte de longue robe en lin crème très léger, puis elle me brossa les cheveux. Je vis mon reflet dans un miroir et constatai que j'avais changé. Les cernes sous mes yeux n'avaient jamais été aussi prononcés et j'avais maigri. Certes, j'étais toujours trop grosse pour convenir aux canons de beauté du monde normal, mais mon visage était moins bouffi.

« J'ai une sale tête, marmonnai-je autant pour moi que pour la femme.

— Vous vous remettrez, répliqua-t-elle. Encore un peu de repos et vous serez parfaitement guérie. Revenez vous coucher, à présent. »

Les draps avaient été changés pendant que je prenais mon bain. Ils sentaient le romarin. Je m'y glissai, parfaitement détendue et nettement moins fatiguée qu'à mon premier réveil. La femme Elfe sourit et, avant de sortir, elle me prévint que Gandalf reviendrait me voir dans l'heure. Je souris à mon tour. Quelque chose me disait que je pouvais lui faire confiance.

Je regardais le plafond en écoutant le temps passer quand arriva le vieux monsieur. Mon esprit était suffisamment clair cette fois pour me permettre de mieux observer mon interlocuteur. Malgré ses vêtements mités et son chapeau pointu qui semblait avoir passé des siècles sur sa tête, Gandalf le Gris semblait pourvu d'une grande noblesse qui n'avait rien à voir avec ses bonnes manières. Il s'inclina poliment et s'enquit de ma santé avec toute la sollicitude du monde avant d'affirmer que j'avais bonne mine.

« Je préfère ne pas savoir quelle tête j'avais en arrivant ici, répondis-je. J'ai tellement de cernes que je ressemble à une vieille chouette ! »

Gandalf rit.

« Allons, ne soyez pas si dure avec vous même… » Il devint soudainement sérieux avant de poursuivre : « J'imagine que vous aimeriez mieux connaître l'endroit où vous vous trouvez maintenant que vous vous portez mieux…

— J'aimerais bien, dis-je. »

Il me parla alors un long moment du pays où j'avais écoué et qui s'appelait « Terre du Milieu ». C'était un peu un territoire de conte mais en moins féérique. La paix était menacée par une sorte de super-vilain nommé Sauron. Ce charmant individu comptait apparemment gouverner le monde une fois qu'il aurait retrouvé un Anneau magique perdu. J'aurais bien voulu savoir pourquoi, comme par hasard, je me retrouvais dans un univers menacé par l'apocalypse mais je ne posai pas la question à Gandalf qui n'avait sans doute aucune réponse précise à me fournir. Il m'apprit par contre que le fameux Anneau se trouvait tout près d'ici, entre les mains d'un dénommé Frodon qui avait été ramassé mourant dans la forêt avoisinante.

« Vous avez prononcé le nom de Frodon quand je me suis réveillée, dis-je. Je m'en souviens.

— En effet, répliqua le vieux monsieur. Tout comme vous, il est en voie de gurérison, mais posséder l'Anneau le met en grave danger. Nous devons nous occuper de cela dans les plus brefs délais.

— C'est-à-dire ?

— Une discussion aura lieu prochainement sur le sujet. Nous déciderons alors de la suite à donner aux événements. A présent, ma chère enfant, dites-moi ce qui vous est arrivé. »

Je tentai de rassembler mes idées sans y parvenir… et sans pouvoir donner quoique ce soit d'autre que des explications fragmentées.

« Je n'en sais rien. L'endroit d'où je viens n'a rien à voir avec votre monde et… je suis rentrée chez moi, je me suis couchée parce que je devais me lever tôt le lendemain à cause de la neige et je me suis réveillée ici pour apprendre que j'ai été malade et que j'ai dormi plusieurs jours. »

Gandalf fronça les sourcils.

« De la neige ?

— Nous sommes en décembre, affirmai-je. Et même si c'est rare… il a neigé chez moi.

— Nous sommes en octobre, Lisbeth.

— Oh bon sang… »

Je me pris le front à deux mains. Après le voyage dans les dimensions, l'espace intersidéral ou mon écran de télévision, j'apprenais que j'avais voyagé dans le temps. Je me serais bien passée de ce genre de surprise.

« Calmez-vous, mon enfant… je peux comprendre que vous soyez perturbée mais vous êtes à l'abri maintenant. A quoi ressemblait votre vie, là où d'où venez ?

— Ce n'est pas très clair, marmonnai-je, le visage toujours enfoui dans mes mains. J'évitais d'y penser… mais je sais que je n'étais pas très heureuse.

— Pensez-vous l'être davantage parmi nous malgré le danger qui nous menace ?

— Je n'en sais rien, répondis-je honnêtement. En un sens, je viens d'arriver et je vais devoir m'adapter, quoiqu'il arrive.

— Le Seigneur Elrond prétend que votre avenir, ici ou ailleurs, ne dépend que de vous. C'est une personne sage, il sait ce qu'il dit. Vous devriez y réfléchir, ma chère Lisbeth. Par ailleurs, je pense qu'assister à la réunion concernant l'Anneau serait une bonne chose pour vous, à tout le moins si vous y êtes prête et si votre état de santé vous le permet. Cela vous permettra de mieux comprendre les enjeux et de rencontrer des représentants des différents peuples.

— Quand cette réunion doit-elle avoir lieu ?

— Dans les prochains jours, vous serez mise au courant. Cela peut vous être très utile, je vous l'assure.

— Si vous le dites… »

Je n'étais pas certaine de récupérer suffisamment d'énergie d'ici là ni de comprendre quoi que ce soit de ce qui se dirait là-bas. Les informations que m'avait données Gandalf se mélangeaient déjà dans ma tête.

Il prit congé quelques instants plus tard. Je passai le reste de la journée seule dans ma chambre, sauf lorsque la femme Elfe, toujours la même, me rendait visite pour les repas et pour me donner à boire une potion répugnante sensée me remettre en état. Le soir venu, je parvins à me lever seule et à marcher jusqu'à la fenêtre que j'ouvris pour admirer le coucher du soleil.

Il n'y avait effectivement pas de neige. C'était l'automne et les dernières feuilles résistaient sur les branches des arbres. Une lumière dorée auréolait ce paysage enchanteur et apaisant. Des montagnes se dessinaient au-delà de la ligne d'horizon et j'entendais couler une rivière lon loin de là. Gandalf m'avait dit que cet endroit s'appelait Fondcombe et qu'il se trouvait sous la juridiction de l'Elfe Elrond. C'était un bien bel endroit, verdoyant et paisible. L'opposé absolu de ma vieille ville grise. L'air y était pur et frais. La brise sur mon visage me fit du bien et je me surpris à éprouver un sentiment de bien-être comme j'en avais rarement connu. Peut-être, effectivement, pourrais-je trouver ici ce qui me manquait dans le monde normal et que je ne pouvais identifier que par une expression un peu galvaudée et floue. La joie de vivre.

Même si l'idée qu'un individu veuille tout réduire à néant avec son anneau magique était bien présente dans mon esprit.

A suivre.