Il faisait noir. Vraiment noir.
Si noir que même ses cheveux ébène semblaient clairs en comparaisons. Enfin ils l'auraient été s'il y avait eu suffisamment de lumière pour s'en rendre compte.
Ce qui ressortait de ce lieu totalement sombre était un sentiment d'oppression et de résignation mêlée.
Tout avait pourtant si bien commencé…
Quelques instants plus tôt, département des Mystères, Ministère de la Magie d'Angleterre
Une bataille mouvementée.
Sa première bataille. Une bataille qu'il n'avait pas désirée, n'étant lui-même venu que pour son parrain.
Jamais il n'aurait voulu que ses amis les plus chers soient ainsi mis en danger par des Mangemorts sans scrupules.
Non. Même Harry Potter, le Survivant, n'était pas assez imbu de lui-même pour se croire au dessus des évidences de ce monde. Contrairement à ce qu'aurait pu en dire un certain professeur de potions.
Et risquer sa vie, au final, pour rien, si ce n'est un globe de verre, était une idiotie.
Quel était donc l'intérêt de cette prophétie que tout le monde se disputait ? Il n'avait même pas pu l'entendre, tant le vacarme alentour était assourdissant.
Ses yeux émeraudes observaient la scène avec circonspection. Soit, l'ordre du Phénix était arrivé pour les sauver, mais pourtant ce mauvais pressentiment ne semblait pas s'effacer. Pire il s'accroissait.
Et cette maudite cicatrice qui ne cessait de le torturer…
D'un geste mécanique, il lança un sortilège d'entrave au Mangemort le plus proche. Ce dernier, momentanément paralysé, ne put éviter l'assaut de son autre adversaire et tomba au sol, ligoté.
Kingsley lui adressa un rapide signe de tête, pour le remercier de son intervention. Puis, il se lança à nouveau dans le conflit, sans jamais vraiment s'éloigner.
L'angoisse tordit soudain les entrailles du jeune sorcier. Comme dans un rêve, ses yeux se tournèrent vers un coin de la salle.
Quelques mètres plus loin, deux sorciers se livraient un combat acharné.
Deux anciens prisonniers d'Azkaban.
Deux Black.
Sirius et Bellatrix se livraient un combat acharné. Tous deux rivalisant de puissance et d'ingéniosité. Harry ne reconnaissait pas la moitié des sorts. Les deux adversaires bondissaient, roulaient, hurlaient. Les traits de lumières s'enchainaient à une effrayante vitesse.
Il ignorait que son parrain puisse être si fort.
Mais il se morigéna rapidement. Durant des années, Sirius Black avait été considéré comme le bras droit de Voldemort. On disait de lui qu'il avait tué moldu et aurors d'un simple geste de la main. Lorsqu'il s'était évadé, c'est la population sorcière dans son ensemble qui avait été terrorisée.
Et, bien qu'innocent, il semblait que l'héritier de la Noble et Très Ancienne Maison des Black n'ait pas totalement démérité à sa réputation. Le prouvaient les multiples explosions et phénomènes étranges provoqués par ses sorts.
Bellatrix n'était pas une novice non plus. Loin de là.
- "Allez, Bella, c'est tout ce que tu sais faire ?" Se moqua Sirius en évitant gracieusement le sort crépitant de son adversaire. "Lécher les bottes d'un crétin à face de reptile ne t'a pas apporté grand-chose".
Le sort suivant le toucha en plein corps. Il fut projeté plusieurs mètres en arrière. Tout près de cette arcade qui avait tant intrigué Harry lorsqu'il était arrivé.
Bellatrix eut un sourire sanguinaire avant de préparer une nouvelle attaque, pour en finir en un seul coup. La lueur verte ne laissait aucune place au doute.
Sans en avoir conscience, Harry se vit courir vers le combat. Ne prenant aucune précaution pour sa propre sécurité, il traversa le champ de bataille. Tout ce qui comptait pour lui était cet homme affalé au sol.
Un homme qui était un lien avec ses parents décédés. Un homme qui n'avait vécu que pour lui. Quitte à accomplir l'inimaginable en s'évadant d'un endroit d'où ne s'évadait pas.
A l'instant précis où le sort jaillissait de la baguette de la plus fidèle servante de Voldemort, il se jeta en avant.
Rogue avait raison en fin de compte. Il avait un réel penchant pour se jeter dans les ennuis.
Toujours est-il que, sans se poser de questions, il sauta sur Sirius et essaya de le pousser hors de la trajectoire du sort.
Il n'y parvint pas. Le sort aussi vert que ses yeux illumina la salle avec une intensité effrayante, le touchant alors qu'il se tenait à côté de Sirius.
Ce dernier, effaré, observa son filleul se courber, comme au ralenti. Un étrange sourire satisfait apparaissait sur le visage juvénile tandis qu'il tombait avec grâce en arrière. Un sourire qui, Sirius n'en doutait pas, avait dû orner les traits de Lily lorsqu'elle avait offert sa vie pour protéger son bébé.
L'Amour.
Tel était ce sentiment qui prédominait sur ce visage sans vie.
L'homme ne put rien faire lorsque le fils de son meilleur ami passa à travers l'arcade. Il ne put que tendre la main. Vaine tentative pour rattraper le jeune garçon. Ce garçon auquel il avait pensé douze ans. Le dernier des Potter.
Puis la douleur apparut.
- "HARRY ! NON !" Hurla t-il en voulant se jeter sur le voile.
Il fut retenu par deux bras à la force surprenante.
- "Arrête, Sirius. Il est trop tard." Lui souffla Remus Lupin dont les larmes ruisselaient sur ses joues creuses. "Tu ne peux rien faire pour lui !".
Son ami se dégagea avec rage.
- "Il n'est pas mort ! Tu m'entends, Remus, IL N'EST PAS MORT !".
Son regard fiévreux scrutait cette maudite arcade.
Ce n'était qu'un rideau mouvant, essayait-il de se convaincre. Harry allait forcément réapparaître derrière. A chaque instant, il imaginait le jeune homme apparaître derrière et revenir avec cet air coupable qu'ont les enfants qui désobéissent.
Pendant ce temps, Remus s'était lancé à la poursuite de Bellatrix. Son louveteau ne serait pas mort sans être vengé. Pendant un instant ses yeux devinrent jaunes.
O / O
Traverser l'arcade fut une expérience déroutante. Et absolument pas agréable.
Harry avait l'impression que sa peau se détachait de son corps. Il avait l'impression que chacun de ses muscles avait été sectionné ; que chacun de ses os avait été brisé impitoyablement.
Et ce noir si sombre….
Puis soudainement, tout changea.
L'obscurité se mua en une lumière vive et sa douleur reflua. Comme si le soleil venait soudainement d'apparaître devant lui.
Pourtant, cette lumière, d'une couleur qu'Harry n'avait jamais vu, ne semblait provenir d'aucun endroit en particulier. De nulle part et de partout en même temps.
Le jeune Potter eut l'impression de se mettre à halluciner lorsque des formes se dessinèrent devant ses yeux.
Des formes simples pour commencer. Un assortiment de cubes blanc volant dans toutes les directions pour se rassembler et créer des silhouettes plus grosses.
Et il y en avait de plus en plus. Apparaissant du néant, grossissant ou rapetissant au gré des mouvements.
En l'espace de quelques instants, le vide absolu se mua en une espèce de route sans fin au bord de laquelle se trouvaient diverses formes ne ressemblant à rien de connu.
Un léger vent soufflait sur ce paysage déroutant, charriant une odeur anesthésiante.
Le jeune homme écarquilla les yeux.
- "Mais, où est-ce que je suis, bon sang ?"
Ses souvenirs du passé récent étaient assez flous. Il se revoyait courir, se jeter contre Sirius, puis être projeté par ce sort à travers l'arcade.
- "C'était un éclair vert….l'Avada Kedavra….est-ce que je suis…mort ?"
Il mit ses mains devant ses yeux, pliant ses doigts avec prudence. Puis, il tâta son crâne, à la recherche d'une quelconque lésion. Il ne sentait rien de particulier. Aucune bosse ni blessure apparente.
Il baissa les yeux….et s'aperçut qu'il était nu. Aucun vêtement ne le recouvrait. Bien qu'il n'y ait personne, le jeune brun se sentit rougir.
Toutefois, cette situation de…dénuement, au sens propre du terme, avait l'avantage de lui prouver en seule fois qu'il ne présentait aucune blessure.
Mais, il se rappela rapidement que le sortilège qu'il avait apparemment subi, n'avait pas vocation à créer des blessures sanglantes. Du moins, pas à sa connaissance.
Il avala brusquement sa salive en prenant conscience de quelque chose.
Avec une certaine anxiété, il leva le bras. Puis, très lentement, il rapprocha sa main de son cœur.
Le simple fait de ne pas ressentir l'augmentation de son rythme cardiaque dû à la peur aurait pu lui mettre la puce à l'oreille. Mais il continua son mouvement avant de plaquer sa paume sur son torse.
Et là, il n'y eut rien.
Absolument rien. C'était une sensation absolument terrible, l'être humain n'étant pas fait pour concevoir consciemment, contrairement aux vampires, un arrêt total du cœur.
- "Alors je suis….mort" fit-il sur un ton détaché qui le choqua un instant plus tard.
Il fut encore plus marqué lorsqu'une voix répondit à sa question.
- "Oui, jeune Potter. Tu l'es".
Le Survivant, qui n'avait apparemment pas survécu, se retourna vers l'origine de cette voix…
…et manqua de défaillir.
Devant lui se trouvait une silhouette à forme vaguement humaine. La première chose que nota Harry fut la couleur.
Ou plutôt l'absence de couleur.
Tout, en cet individu mystérieux, était noir. Le même noir qui recouvrait l'étendue où ils se trouvaient, un instant auparavant.
Quoi que ce fut, cela portait des vêtements de riche facture entièrement noirs eux aussi. On ne pouvait distinguer rien de ses traits.
La seconde chose que remarqua Harry c'est que cette créature (parce qu'à présent il ne pensait pas avoir affaire à un humain) semblait voler au dessus du sol de cubes sans le moindre effort apparent, tel un nuage de fumée charriant une odeur à la fois immonde et anesthésiante.
- "Qui êtes-vous ? Qu'est-ce que vous êtes ?" Demanda le jeune homme en reculant précautionneusement.
Il ne voulait pas se faire attaquer par cet être lugubre. Peut-être était-ce un super-détraqueur ?
- "Les êtres m'ont donné bien des noms au fil de l'éternité. Bien trop pour pouvoir les évoquer ici".
La voix qui sortait de cette obscurité était aussi surprenante que le reste. Atone. Sans vie. Mais pour autant riche et profonde. Une voix qu'Harry trouva plutôt douce.
Le fait que cette voix fut douce trancha avec les paroles qui suivirent. Les rendant encore pires, d'une certaine manière.
- "Les humains ont pourtant pris l'habitude de m'appeler d'une seule façon : la Mort"
L'entité se rapprocha doucement. Elle esquissa un sourire devant le recul et la peur évidente de son interlocuteur.
- "C'est…impossible. V..vous ne pouvez être".
La "Mort" ne dit rien. A la place, elle porta les mains vers le haut de son corps et souleva ce qui semblait être un capuchon dissimulant son visage.
Et ce fut l'horreur. Lorsque, des années auparavant, Harry avait demandé ce qu'il y avait sous la capuche d'un détraqueur, la réponse l'avait fait frémir. Mais ce qu'il voyait devant lui était encore bien pire.
Le visage était tout sauf humain. Une peau d'une paleur inhumaine, des traits flous comme encore plongés dans l'obscurité, comme s'ils n'étaient pas terminés.
Mais surtout, des yeux complètement noirs. Sans aucune pupille. Sans aucune paupière. Deux trous béants qui semblaient absorber la lumière.
Et bien sur, il ne savait pas si cet être lugubre était masculin ou féminin. Ou même si cette appellation avait un sens.
Harry dut réviser son opinion. Indubitablement, cette chose ressemblait aux croyances sur l'apparence de la Mort, aux statues construites dans les cimetières. Restait à savoir si c'était les statues qui avaient été fidèles à la réalité, ou la réalité qui s'inspirait des statues….
- "Pourquoi est-ce que vous êtes là ?" demanda t-il avec une once de crainte facilement compréhensible.
- "La question est plutôt ce que tu fais là, toi." Rétorqua paisiblement le concept de la Fin.
Elle fit un geste de la main. Et une fenêtre apparut dans le néant. A travers, on distinguait l'image de l'arcade par laquelle Harry était passé.
- "Ceci, Harry Potter, est ce qui t'a amené ici. Elle s'appelle Iskalamarestoveratissiramellamistine. Ce qui signifie grossièrement Porte vers le lieu de la connaissance dans un langage qui n'est plus employé depuis plus de deux millénaires".
Le jeune homme fronça les sourcils. Cela ne l'éclairait pas davantage. L'entité macabre dut le sentir puisqu'elle reprit son explication.
- "Harry Potter, tu es décédé. Les humains ne peuvent résister au sortilège de l'Avada Kedevra. Des damnés par ce sort, il en existe des milliers. Mais vois-tu, le fait que tu aies traversé la Porte est un bouleversement."
- "Vous dites que je suis mort". Rétorqua Harry. "Dans ce cas, où sommes-nous ? Comment se fait-il que je puisse voir, entendre, parler ? Comment la Mort peut-elle exister sous forme physique ?"
Son interlocuteur/trice l'observa de ses yeux inhumains.
- "Tu as beaucoup d'interrogations, jeune Harry. Permet moi d'y répondre avec parcimonie. Tu es effectivement décédé. Mais vois-tu, ton existence n'est pas ordinaire. Lorsque Tom Elvis Jedusor a voulu te tuer quand tu avais un an, le sort a ricoché sur un bouclier de pur amour. Il a frappé le sorcier maléfique et a arraché une partie de son âme. Cette dernière s'est fixée au seul être vivant de cette maison : toi. Ce qui explique tes pouvoirs étranges et tes visions".
- "j'avais une partie de l'âme de Voldemort en moi ?" Bredouilla l'adolescent. "Mais pourquoi personne ne m'a…"
C'était quand même difficile à croire. Depuis quand les âmes intégraient des corps vivants ?
Mais cependant, plus le temps passait, et plus le raisonnement paraissait pertinent. Comment un enfant, descendant de moldus et d'une famille plus blanche que la neige, avait pu acquérir des pouvoirs quasi-maléfiques ? Comment une telle connexion avait pu voir le jour entre Voldemort et lui si ce n'est pas un tel moyen ?
- "Le sortilège aurait du simplement te tuer, Harry Potter. Mais il était écrit que tu ne pouvais mourir que de la main de Tom Elvis Jedusor. Ecrit dans une prophétie. Cette prophétie que tu cherchais".
- "Que vous voulez-vous dire par…"
"Plus tard, jeune Harry." L'interrompit l'être sombre. "Tu m'as demandé où tu étais. Sache que tu es dans les limbes. Ni vivant ni mort. Car tu as franchi l'arcade à l'instant précis où tu allais mourir. Ce passage t'a gardé dans l'état exact où tu étais à cet instant. Quant à savoir pourquoi je suis sous cette forme, c'est simplement parce qu'elle est adaptée à ta compréhension. Mais sache que je n'ai aucune forme. Je suis partout et nulle part."
- "Si je suis dans les limbes, alors ça veut dire que je peux retourner dans le monde des vivants ?"
- "La réponse est non. La porte que tu as franchie ne peut pas être empruntée dans l'autre sens."
Harry sentit des larmes couler le long de ses joues. Prisonnier des limbes était un sort peu enviable. Y passer l'éternité….serait une horreur sans nom.
"Qu'est-ce que…je peux faire…pour sortir d'ici." Croassa-t-il. "N'y a-t-il pas une….autre porte vers l'au-delà ?".
Il se disait que, tant qu'à faire, autant aller retrouver ses parents au Paradis ou tout autre endroit.
Mais la "Mort" secoua sa tête squelettique sous son capuchon qu'elle venait de remettre.
- "Si. Mais ta tâche n'est pas encore achevée. Trop de choses tournent autours de toi dans le monde des vivants. Tu aurais pu arriver dans mon Royaume bien des fois au cours des dernières années. Mais à chaque fois, tu y as échappé. Et ceci sans utiliser autre chose que du courage et de l'amour. Tu es l'objet de plusieurs prophéties et ne peut mourir que de la main d'un seul homme. Tu es le descendant d'Ignotus Peverell, un de mes plus vieux amis. Et tu utilises la Cape avec brio. Ceci me donne envie de voir ce que le "Survivant" pourrait faire s'il cesse de me tester et qu'il marche avec ma bénédiction".
"Bénédict…." Commença Harry.
Il s'interrompit lorsqu'une main gantée se posa sur son front. Aussitôt sa cicatrice se mit à le brûler. Bien plus qu'il n'avait jamais ressenti. Comme si un fer chauffé à blanc lui entrait dans le crâne.
Lorsque la main se fut retirée, il se roula en boule pour lutter contre la douleur.
- "Harry Potter. Nous avons encore beaucoup de choses à évoquer ensemble. Y compris ce qui t'attend par la suite. Car je vais t'offrir un présent. Mais ceci viendra plus tard. "
L'être inhumain fit un nouveau geste de la main. Une nouvelle vague de souffrance traversa le corps d'Harry tandis qu'il sombrait dans l'inconscience.
- "Digère cette sensation. Car ce qui t'attend te mettra à l'épreuve."
Si Harry n'était pas tombé évanoui, il aurait pu voir "la Mort" tenir dans sa main un être ressemblant à un horrible bébé.
"Un horcruxe. Tu t'es soustrait trop longtemps à mon emprise, humain misérable. Plus pour longtemps. Mon pouvoir est…absolu".
Elle serra la main et la créature implosa littéralement. Puis elle se tourna
- "Te voilà devant moi, Harry Potter…un enfant aux yeux des hommes. Et pourtant si important"
Elle caressa d'un doigt la cicatrice du jeune homme. Laquelle avait changé de forme pour prendre l'apparence d'une barre verticale dans un cercle, lui-même au sein d'un triangle.