Chapitre 1

Point de vue de Kili.

Je me souviens du jour où j'avais entendu mon oncle Thorin discuter avec mon frère Fili à propos de ce voyage. Un voyage dangereux selon lui... C'était pour cela qu'il ne voulait pas que l'on vienne avec lui, il tenait beaucoup trop à ces neveux. Mais nous étions de jeunes adultes désormais et nous devions faire nos preuves à notre oncle, pour lui prouver que nous n'étions plus des enfants mais des personnes responsables, courageuses et conscientes du danger. Ce voyage était l'occasion idéale pour le lui prouver. Malgré ses objections, on l'avait suivis discrètement dans cette aventure. Cela faisait maintenant cinq jours que nous nous cachions et le suivions de près. Il faisait actuellement nuit, et nous nous trouvions assis derrière des buissons et deux grands arbres. Thorin n'était pas loin, et faire un feu aurait été trop voyant, nous nous étions donc emmitouflés dans des couvertures, en train de contempler le ciel étoilé.

«Si nous voulons avoir l'air de vrais adultes, il va falloir arrêter de se cacher, dit Fili en fixant le ciel, étant en retrait nous ne connaissons même pas le but de sa quête.»

Je me tournai sur le côté pour être face à Fili et lâchai accidentellement un soupir qui attira son attention, et qui fit tourner ses yeux vers moi. Il haussa un sourcil, sûrement pour me demander ce qui n'allait pas, mais aucuns sons ne franchirent la barrière de mes lèvres.

« Quelque chose ne va pas, Kili ?

— Si, tout va bien... Ne t'en fais pas... dis-je à voix basse, je commence à avoir simplement sommeil...

— Je te comprends. Toute cette marche m'a également épuisée... Je me demande bien où Thorin va comme ça... si nous allons encore marcher pendant longtemps... »

Il ouvrit grand sa bouche pour lâcher un long et lourd bâillement, qui m'en provoqua un au passage, et il ferma un instant les yeux avant de les ouvrir de nouveau pour me regarder. Je me mis à sourire sans vraiment m'en rendre compte, car Fili était en fait saoul de fatigue. Mais il ne semblait pas avoir envie de dormir. Pas tout de suite en tout cas. Et moi non plus d'ailleurs, car nous nous trouvions au beau milieu de nul part, rien que tous les deux avec peut-être des monstres qui attendent que nous nous endormions pour nous dévorer.

En fait, nous nous imaginions ce genre de chose chaque fois avant de dormir, et ce depuis notre départ. Mais nous sommes toujours vivants, enfin, pour le moment...

« Kili.. ?

— Oui Fili ? Fis-je doucement

— Tu crois qu'un jour nous deviendrons des personnes aussi fortes et braves que Thorin ? Me demanda-t-il

— Pourquoi nous ne le deviendrions pas ? Nous sommes tous les trois de la même famille, c'est Thorin lui-même qui nous appris la plupart des choses que nous connaissons. Je suis sûr que nous deviendrons de remarquables descendants de la lignée de Durin. »

Il me donna un petit sourire puis ferma les yeux. Je ne voulais pas dormir, j'avais cette boule au ventre qui m'en empêchait. Une grande bourrasque avait soudainement soufflée et avait fait pénétrer davantage le froid dans ma couverture et mes vêtements. J'avais déjà froid avant, mais là, c'était pire. J'avais des frissons de partout, ça en devenait presque douloureux.

Je regardai alors Fili, qui semblait s'être endormit mais qui était complètement recroquevillé sur lui-même, pour trouver, j'imagine, un peu de chaleur. Je me rapprochai silencieusement et me serrai contre lui pour nous réchauffer mutuellement. Au bout de quelques minutes, je me sentais déjà mieux et les petits tremblements de Fili avaient cessés. Je glissai alors doucement ma main à l'extérieur de ma couverture pour saisir la sienne, qui était toujours au chaud. Je me sentais en sécurité avec mon frère. J'étais le plus jeune de nous deux, et j'avais constamment besoin de lui, de sa présence, de sa voix. Nous ne faisons jamais rien l'un sans l'autre. Nous sommes comme ces petits oiseaux que l'on appelle Inséparables. Je pense que si Fili devait me quitter, je ne pourrais pas continuer sans lui. Il est bien trop précieux à mes yeux.

Je me penchai doucement vers lui et lui embrassai le front lentement pour ne pas le réveiller, puis me blottis de nouveau contre lui.

« Bonne nuit Fili, dis-je dans un murmure avant de m'endormir »

Je pus entendre le chant des oiseaux quand je revins petit à petit à moi. Est-ce encore la nuit ? Je ne voyais que des couleurs chaudes... Est-ce que nous sommes à la maison ? J'ouvris alors doucement les yeux et constatai que ces douces couleurs n'étaient autre que la lumière du soleil traversant mes paupières. Je me relevai et m'étirai de tout mon long avant de remarquer que j'étais seul. Mes sourcils s'étaient froncés d'eux même. Où était Fili ? Je regardai partout autour de notre petit campement, mais ne le trouvai pas. Ce ne fut que quelques secondes plus tard que je remarquai qu'il était de l'autre côté des buissons, en train de discuter avec Thorin.

« Il s'est enfin montré ! Dis-je pour moi-même. Il va probablement falloir que j'y aille aussi... »

Je lâchai un soupir accompagné d'une grimace d'apathie. Je pliai tout de même mes affaires ainsi que celles de Fili, et franchis le muret de buissons pour me diriger vers eux. Une fois à côté de notre oncle, celui-ci me regarda avec une fausse colère.

« Quoi ? Fis-je simplement. Nous sommes des grands maintenant et si tu as besoin d'un coup de main, n'oublies pas de compter sur tes deux neveux !

— Eh bien dis-toi que j'y ai réfléchis pendant ces cinq derniers jours, et je commençais à regretter votre compagnie. A tous les deux, dit-il en regardant Fili. Je vous protège depuis bien trop longtemps.

— Papa poule, dit Fili sur un air taquin. »

Je me mis à sourire par sa phrase et m'assis à côté de lui. Je lui lançai un regard de reproche et regardai ailleurs. C'est comme ça que je fais pour attirer l'attention de mon frère.

« Quest-ce qu'il y a Kili ? Tu me boudes ? Fit-il étonné.

— Oui. Tu m'as laissé tout seul derrière les buissons ! Imagine si un Orc m'avait attaqué ? Il aurait pu me tuer pendant mon sommeil !

— Oh Kili... Tu sais très bien que je ne t'ai pas vraiment laissé tout seul puisque j'ai gardé un œil sur les buissons !

— C'était moi qu'il fallait regarder, pas lui buissons ! dis-je vexé. »

Thorin lâcha soudainement un rire qui me fit sursauter puis croiser les bras d'agacement. J'avais l'impression que tout le monde se moquait de moi. Je m'apprêtai à me lever quand Fili me retint par la main. Il me regarda avec ce regard que je compris aussitôt par un « Pardonne-moi Kili... » et m'assis de nouveau à côté de lui. Il me promit que la prochaine fois il resterait avec moi ou me réveillerait. Et il en avait intérêt, car je n'aime pas l'idée d'être éloigné de lui trop longtemps.

Plus tard dans la journée, Thorin nous avoua qu'il comptait se rendre chez les autres peuples nains des montagnes du Nord, mais que pour cela, il fallait passer par Rivendell. L'idée de passer chez les elfes ne l'enchanta pas tellement, et Fili non plus. Mais nous n'avions pas tellement le choix à ce que je pus comprendre. Moi ça m'était égale de passer ou non par Rivendell, car il y avait tout de même de jolies demoiselles elfes là-bas. Elles sont certes grandes, mais elles ont cette lueur dans le regard, ce côté pur et doux. J'ai toujours imaginé la peau d'une elfe très douce, comme de la soie. Il était donc clair que faire une alte dans cette citée ne me posait aucuns problèmes, bien au contraire.

Point de vue de Fili.

Depuis que nous avions rejoins notre oncle, trois jours s'étaient écoulés et nous commencions à manquer de vivres. Nous n'étions plus très loin de Rivendell, mais Kili se sentait vraiment mal à cause de la faim et du soleil qui lui tapait sur la tête.

« Thorin, il faut s'arrêter quelque part à l'ombre et aller chasser. Kili ne va vraiment pas bien, fis-je inquiet. »

Kili avait son bras par-dessus mon épaule, car il n'arrivait plus à marcher par lui-même. Thorin nous regarda et acquiesça. Nous partîmes donc à la recherche d'ombre, que nous trouvâmes à l'entrée d'un sous-bois. J'aidai Kili à s'asseoir contre une pierre et lui fis boire de l'eau. Thorin était déjà parti pour nous ramener du gibier. Je m'accroupis alors devant mon petit frère.

« Kili ? Comment te sens-tu ?

— Pas au top..., dit-il en riant, j'ai l'impression que je peux m'évanouir à tout moment...

— Si tu peux nous éviter ça, ça serait super... Mais pour le moment, tiens-toi tranquille et bois de l'eau dès que tu en ressens le besoin. Je reste près de toi petit frère... »

Je m'assis donc à ses côtés et lui fis poser sa tête contre mon épaule. Sans m'en rendre compte, j'avais attrapé sa main et avais entre-lacé nos doigts ensemble. Je fermai un instant les yeux pour profiter de l'ombre et commençai à me remémorer une chanson. Je me mis donc à la fredonner la bouche close, et sentis Kili retirer sa tête de mon épaule pour me regarder.

« Cette chanson...Où est-ce que je l'ai entendu ?

— C'était maman qui nous la chantait avant de dormir... Quand elle a su qu'elle n'en avait plus pour longtemps, elle me l'a apprise pour que je puisse continuer de te la chanter le soir... dis-je nostalgique. »

Il sourit en y repensant, et moi aussi. Il reposa sa tête sur mon épaule, et le silence prit place autour de nous. Nous étions comme dans notre petite bulle : il n'y avait que Kili et moi. Je continuai de fredonner la chanson, jusqu'à ce que je dépose ma bouche sur le front de mon frère pour l'embrasser. Je sentais qu'il était fatigué, c'est pourquoi je décidai de le laisser s'endormir contre moi.

Je m'étais réveillé brusquement à cause d'un craquement. J'avais instinctivement saisi mes deux lames mais ce n'était autre que Thorin qui était revenu de la chasse.

« Oups, je ne voulais pas te réveiller, dit-il doucement

— Ce n'est rien, tant que Kili dort encore.

— Je nous ai rapporté trois lapins et un ragondin. Il y a un point d'eau un peu plus loin, on pourra y établir un campement pour cette nuit.

Je me levai doucement, en prenant soin de bien repositionner mon frère pour qu'il puisse continuer de dormir, et allai donner un coup de main à Thorin pour dépecer et vider les animaux. Une petite heure plus tard, nous étions en train de faire rôtir la chair au-dessus d'un feu créé par mes soins.

« F-Fili... »

Je tournai ma tête brusquement vers Kili qui était toujours endormit. Étrange, il me semblait bien l'avoir entendu dire mon prénom. Je haussai les épaules puis retournai à ma principale occupation.

« Fili ! Non ! »

Je me relevai et courus vers mon frère qui était, en fait, en train de faire un cauchemar. Je posai mes mains sur ses épaules et le secouai légèrement pour le réveiller mais rien ne se passa. Il était trempé de sueur, je décidai donc de défaire la boucle de son carquois et de retirer également son haut.

« Kili, tu m'entends ? Dis-je distinctement »

Mais il ne faisait rien d'autre que de trembler, d'avoir des spasmes et de murmurer puis crier mon prénom d'une façon si épouvantable que des frissons me parcoururent désagréablement le dos. Il devait faire un horrible cauchemar. Je pris la gourde à côté de lui et lui mouillai le visage ainsi que le torse. Je tapotai un peu ses joues puis ses yeux s'ouvrirent tout doucement. Il était si mal en point. Il était complètement en sueur et déshydraté. Je lui fis alors un peu couler d'eau dans sa bouche, qu'il avala par petite quantité.

« Fili... Fili, c'est toi ?

— Oui c'est moi, je suis là ne t'en fais pas. Tu as fait un cauchemar, rien de plus, lui dis-je en lui caressant le front. Thorin était en train de faire cuir le repas. Tu vas bientôt pouvoir manger petit frère, et te sentir beaucoup mieux.

— Et ensuite on ira voir les jolies elfes.. ? »

Je m'apprêtais à répondre mais ne dis finalement rien. Mon frère est un charmant jeune homme, et il attire pas mal de demoiselles. Mais les elfes ne m'inspirent pas confiance. Elles sont si froides et sans cœur.

« Tu sais Kili, tu... tu n'es pas obligé de trouver quelqu'un, non ? Nous... nous nous suffisons l'un l'autre, pas vrai ? »

Il me regardait avec un étrange regard. Je suis l'aîné et il est normal que je veuille protéger mon petit frère des mauvaises femmes qui peuvent lui briser le cœur. Et malgré mes soins, il eut pourtant des déceptions amoureuses. Je n'arrivais pas à imaginer Kili avec quelqu'un, car à chaque fois ça créait une barrière entre nous, et ça me faisait énormément de peine. Il me disait : « Trouve-toi quelqu'un toi aussi, peut-être que tu le vivras moins mal ? ». Mais en réalité, je n'ai pas besoin de quelqu'un d'autre dans ma vie que lui. Il est mon frère, je dois le protéger, et je resterais toujours là pour lui qu'il le veuille ou non.

« Est-ce que tu serais jaloux Fili ? Dit-il d'un air narquois

— Jaloux ? Fis-je étonné, mais jaloux de quoi ? »

Thorin arriva alors avec une cuisse de lapin pour chacun. Kili oublia ce dont nous étions en train de parler et se mit à manger goulûment. Le plus important pour moi était qu'il se sente mieux après avoir mangé, pas de savoir de quoi je pouvais être jaloux.

Quelques heures après, Kili ne se souvenait pas d'avoir parlé des elfes ni d'une quelconque jalousie de ma part. Thorin m'avait confié qu'il avait peut-être déliré à cause de la faim et de la chaleur. J'évitai donc d'en parler à Kili.

Le soir même, nous avons installés notre campement pour la nuit près du cours d'eau dont Thorin m'avait parlé plus tôt dans la journée. C'était plutôt calme et à l'abri des regards. Je pris donc l'initiative d'aller prendre un bain un peu plus loin.

L'eau était froide, mais c'était supportable. J'avais vraiment besoin de me baigner, car j'aime beaucoup l'eau et nager. Je me trouvais immergé jusqu'à la moitié du torse, et appuyé contre un rocher quand j'entendis un énorme plouf non loin de moi. Je vis la tête de Kili sortir de l'eau et envoyer un petit jet d'eau avec sa bouche dans ma direction.

Il se mit à rigoler face à ma réaction de surprise. Il s'approcha de moi et s'appuya sur le rocher, à mes côtés.

« On dirait que tu te sens mieux, dis-je en lui chopant la joue entre mes doigts, ça me fait plaisir de te voir dans cet état.

— Oui, je me sens beaucoup mieux. Un peu de lapin et tout va bien ! Dit-il en riant.

— Exactement ! »

Je glissai un bras sur ses épaules et le tirai vers moi. Contre toute attente, il posa sa tête contre mon torse. J'étais là, immobile, ne sachant que penser et que faire. Mon frère était dans l'eau, contre moi, nu.

« J'aime être près de toi... Je me sens en sécurité... J'ai l'impression d'être le frère le plus aimé qui puisse exister dans toute la Terre du Milieu.

— A-Ah oui ? Fis-je embarrassé »

Il avait confirmé avec un petit son qu'il avait laissé sortir de sa gorge, puis s'était mit à sourire et à me regarder. Je me sentais très mal à l'aise dans cette situation. Peut-être que Kili n'était pas lui-même pour qu'il puisse agir ainsi ? Comme plus tôt dans l'après midi avec cette étrange conversation...

« Fili.. ?

— Oui Kili ?

— J'ai quelque chose à te dire... Quelque chose que je n'ai jamais osé te dire au par avant...

— Ah ? Fis-je troublé, et... qu'est-ce que c'est ? »

Il prit une inspiration puis nous sursautâmes en même temps à l'entente d'un hurlement. Un Ouarg ? Nous sommes près de Rivendell, il ne devrait pas y en avoir. Je vis alors quelque chose bouger de l'autre côté de la rive. Kili semblait l'avoir vu également, car il s'était encore plus collé à moi, ce qui me mettait extrêmement mal à l'aise.

« K-Kili, tu es très attachant, mais si nous devons courir, ça sera plutôt difficile si tu es collé à moi ainsi...

— Oh désolé, je ne m'en suis pas rendu compte. »

Je plissai les yeux pour mieux voir et vis un ours en train de donner des coups de pattes dans l'eau pour probablement chasser le poisson. Nous étions tous les deux silencieux et immobile, quand l'ours entra dans l'eau et commença à nager vers nous. Kili me bondit dessus et nous entraîna sous l'eau. Quand nous remontâmes à la surface, nous étions cachés par des branchages qui étaient suspendues au-dessus de l'eau. Je jetai un regard noir à Kili qui fit aussitôt une moue d'excuse. Nous regardâmes de nouveau l'autre rive, mais l'ours avait disparu. Nous soupirâmes un instant, soulagés. Je regardai de nouveau Kili.

« Mais t'es complètement fou ! Pourquoi tu as fait ça Kili ?

— Je ne sais pas ! C'était instinctif !

— Instinctif de me noyer ? Fis-je en colère

— Mais non ! Je... je... je suis désolé Fili... »

Il commença à fixer l'eau. Je lui demandai de me regarder mais il ne répondit pas. J'attrapai alors son menton du bout des doigts et relevai la tête. Il pleurait.

« Oh non...Kili... »

Je le pris par la taille et le serrai contre moi. Ses bras s'accrochèrent autour de ma nuque et sa tête se logea dans mon cou. La situation était bien plus embarrassante que celle d'avant, mais Kili avait besoin d'être étreint, et moi aussi. Nous restâmes ainsi pendant quelques secondes jusqu'à ce que quelque chose me pousse à le lâcher et à me reculer.

« Fili ? Tout va bien ? Me demanda-t-il

— Je...Oui oui, tout va très bien ! Mentais-je. »

Par l'amour du ciel, que m'arrivait-il ? D'où venait cette subite... excitation ? Mais bon sang, Kili est mon petit frère, je ne devrais pas avoir ce genre de... de réaction ! Je m'assis sur un rocher immergé et essayai de penser à autre chose.

« Fili ! Kili ! Où êtes-vous ? Cria soudainement la voix de Thorin. »

J'avais sursauté à l'entente de son appel, pas par le fait que ça nous avait surpris, mais comme si j'avais été plutôt pris sur le fait en train de faire quelque chose d'interdit. Alors que je n'avais rien fait ! Mais cette réaction ne voulait pas partir, je ne pouvais pas sortir de l'eau.

« Fili, nous devrions peut-être sortir, non ? Dit-il

— Je ne sais pas... Je vais rester encore un peu. Tu peux peut-être aller voir notre oncle, lui dire qu'on était ici et que je vais arriver ?

— D'accord, mais n'hésite pas à crier si tu as un problème ! »

Je lui fit un signe de la tête et il sortit de l'eau. Ma respiration se coupa lorsque je le vis nu devant moi. Fili, arrête ça ! C'est malsain !

Il disparut dans les branchages, me laissant de nouveau seul. J'inspirai un grand coup et essayai de faire le vide dans mon esprit. Mais Kili était omniprésent, et les choses ne faisaient qu'empirer. Je ne voyais qu'une seule solution. Je plongeai doucement ma main dans l'eau et commençai à me toucher. Au départ, je regardais simplement l'eau onduler mais Kili revint vite occuper mes pensées. Une sensation très agréable mais à la fois effrayante s'empara de moi. Mon cœur battait la chamade, et mes mouvements allaient inconsciemment de plus en plus vite et plus fort. Mes yeux étaient clos et je le voyais, devant moi. Mais tout ça n'était que dans ma tête, et ma respiration commençait à devenir de plus en plus courte. Son prénom résonnait dans ma tête comme un écho : « Kili... Kili... Kili... Kili.. ! ». Je pouvais sentir mon corps tout entier se raidir par ce plaisir intense , et même parfois trembler. Je ne me sentais plus très loin...

« K-Kili.. ! »

Une sensation d'explosion prit place dans mon bas-ventre, et je dus me mordre la lèvre inférieure pour ne pas crier. Mes yeux se levèrent au ciel et ma respiration était devenue très bruyante et plutôt courte. Je cessai de me mordre la lèvre pour lâcher un long soupir de satisfaction et d'épuisement. Je pouvais voir, au fond de l'eau, un léger nuage blanchâtre se diluer dans le liquide froid et clair qui entourait tout mon corps. Que venais-je de faire ? Un sentiment de honte et de dégoût commença à faire surface. Je venais d'éprouver du plaisir en pensant à mon frère... Je pris mon visage dans mes mains et restai ainsi pendant quelques secondes. Il faut oublier. Je ne vois que ça. Oublier.

Je décidai enfin de sortir de l'eau et de retourner près du campement, où j'avais laissé mes vêtements. Quand je revins, Thorin et Kili discutaient de chasse à l'arc et au harpon.

« Ah enfin ! Fit Kili en me voyant, j'ai bien cru que tu étais devenu un glaçon ! J'étais à deux doigts de venir te voir !

— Euh non, je...je vais bien... Ne t'inquiète pas. Mais je suis terriblement fatigué par contre. Je pense que je vais aller dormir tout de suite, fis-je en leur faisant signe.

— Le bain ça fatigue, je te comprends, dit Thorin en souriant. »

Je restai un peu bête à ce sourire. On aurait pu croire qu'il se doutait de quelque chose. J'espère que non, car il est tout de même notre oncle. S'il apprenait que je m'étais... tout en pensant à... à Kili ! Non, je n'ose même pas imaginer. J'allai un peu plus loin et m'enroulai dans une couverture. Je n'eus aucunes difficultés à m'endormir. Ce que j'avais fait dans la rivière m'avait vraiment perturbé. Tellement que cette nuit-là, je rêvai que je faisais l'amour avec Kili.