Pourquoi. Pourquoi était-il là avec tout le monde, à tromper l'ennui intempestif que le Sanctuaire leur accordait chaque jour, au bord de la mer, assis dans le sable, sans rien faire. Parce que bon, rester debout dans les douze maisons à attendre que le temps passe, c'est strictement pareil que de le faire à la plage... Et puis cette plage, ils l'avaient déjà vue un millier de fois. Personne dans les alentours, zéro farniente pas de glace pas de cocotier, il n'y a vraiment pas de quoi épater la galerie, cet endroit est vraiment très banal. Le pire dans tout ça, c'est que le silence plane parmi les treize chevaliers d'or. Journée détente ? C'est ça, leur journée détente ? Certes, les uns parlent un peu dans leur coin, mais personne ne profite de tout le monde… Les chevaliers d'or n'ont jamais été très sociables pour la plupart, ils se disent frères d'armes, mais en fait quand aucune guerre ne plane sur le Sanctuaire, c'est comme si personne ne connaissait personne. Epatant… Chez les Marinas, c'était totalement différent. Kanon résistait vraiment à l'envie de s'en aller depuis maintenant quelques heures, le temps se faisait de plus en plus long et la seule chose qu'il avait à faire, c'était regarder les petits groupes qui s'étaient formés sur le sable ainsi que les quelques solitaires. Amusant.

-Est-ce que quelqu'un peut m'expliquer ce que je fiche là ? murmura t'il en soupirant.

Saga qui était allongé sur le dos, à côté de lui, un livre à la main, jeta un œil sur son frère.

-Qu'est-ce que tu as ? questionna t'il.

-Rien rien, c'est vraiment divertissant cet endroit, waw. Tu sais quoi, je vais rentrer moi, répondit Kanon en se levant.

-Mais attends… Il n'y a rien à faire non plus au Sanctuaire de toute façon. Tu ne veux pas lire un peu ? demanda Saga en tendant son livre à son frère.

-Mais qu'est-ce que j'en ai à faire de ton livre sérieusement Saga, il ne se passe jamais rien dans cet endroit ! Un matin vous allez tous vous réveiller et réaliser que je me suis enfuit à la nage !

Kanon quitta doucement la plage en pestant. Bien évidemment qu'il disait des bêtises, depuis qu'il avait eu les grâces d'Athéna pour revenir au Sanctuaire, il se sentait vraiment bien et heureux. Mais il avait oublié depuis tout ce temps à quel point on pouvait entendre les mouches traverser les maisons. En période de guerre c'était une autre histoire, mais quand il n'y avait aucune menace en vue, il avait le sentiment de se transformer en statue de sel dans la maison des Gémeaux. Il devrait y'avoir des lois pour interdire ce genre d'ennui. Au moins quand il était avec les Marinas, il n'avait jamais le temps de s'ennuyer, il y'avait toujours quelque chose à faire. D'accord, pas des choses très cool, mais au moins tout le monde était ouvert, et dynamique. Ici, il était en compagnie de douze Pépés. Et ça commençait à lui peser. Alors qu'il s'approchait de la forêt, il entendit une voix l'interpeller :

-Saga, tu t'en vas déjà ?

Kanon se retourna pour voir qui était encore celui qui le confondait avec son frère. Tiens donc, le Poisson. Il soupira puis continua son chemin.

-Je ne suis pas Saga, rumina t'il.

-Ah désolé, répondit Aphrodite en le suivant, qu'est-ce qui t'arrives, tu as l'air de mauvaise humeur. Après, tu me diras, tu es toujours de mauvaise humeur, alors…

-Rien du tout. Je rentre, je m'ennuie à mourir ici. Et il fait une de ces chaleurs…

-Tu pourrais rester un peu, pour une fois qu'on sort tous ensemble.

-Pour une fois qu'on sort tous ensemble ? répéta Kanon en se retournant pour le voir, écoute, j'y peux pas grand-chose si personne n'est proche parmi les chevaliers, et étant moi-même associable je ne suis pas sûr de pouvoir me lier d'amitié avec quelqu'un ici.

-Je croyais que tu t'entendais bien avec Angelo ?

-Aphrodite, Angelo est parti depuis une heure, et tu ne t'en es toujours pas rendu compte ? Et puis tu peux parler toi, je t'ai vu en train de roupiller.

-Oh… Ca va.

-Et ce n'est pas parce que je fais la conversation avec quelqu'un, qu'il est mon ami. Laisse moi tu veux ?

-Oh, ce que tu peux être désagréable. Des fois je me demande comment Saga fait pour te supporter.

-Alala, vous me faites tous rire à mettre Saga sur un piédestal comme ça, répondit le Gémeau en marchant, vous savez ce n'est pas un ange hein. L'incarnation d'un dieu vous dîtes ? Laissez-moi rire, en attendant ce n'est pas moi qui détale face à un pauvre crapaud.

-Arrête avec ça, vous étiez encore enfant, et puis qu'est-ce que ça peut bien faire, on a tous quelques vices cachés.

-En ce qui te concerne épargne moi les détails…

Sur ces mots, Aphrodite s'arrêta net et resta figé. Non mais attendez un peu, qu'est-ce qu'il sous entendait, celui là ? Kanon s'arrêta à son tour puis posa les yeux sur lui avec un petit rire :

-Je t'embête, ne le prends pas mal.

-Ne crois pas t'en sortir comme ça, s'exclama le Poisson, qu'est-ce que tu sous entends ?

-Moi… ? Mais rien…

-Ne me prends pas pour un imbécile.

-Je vais faire du thé chez moi, tu en veux ?

-Réponds à ma question Kanon.

-Mais je t'ai répondu, je te dis qu'il n'y a rien… Si ça te plait de rester là à bouder, fais ce que bon te semble, conclut le Gémeau en s'enfonçant dans la forêt.

Aphrodite resta là à l'observer, les poings serrés. Celui là… Il avait toujours eu un comportement étrange avec lui, et il en était de même pour Saga. Qu'est-ce qu'ils avaient tous les deux à la fin ? Depuis tout ce temps, le Poisson avait toujours tenté de percer le mystère, mais il n'y était jamais parvenu… Mais cette fois, il tâcherait d'y aller franco et de ne pas les lâcher tant qu'il n'aurait pas de réponse. C'est sous cette détermination qu'Aphrodite rebroussa chemin, retourna vers la plage et s'approcha de Saga d'un pas affirmé. Il fit de l'ombre au chevalier encore couché, croisa les bras et l'appela :

-Saga ?

Saga écarta son livre pour observer Aphrodite. Il eut un moment de silence, puis répondit :

-Oui ?

-Je commence à en avoir marre de votre attitude, à ton frère et toi, je veux que tu m'expliques ce qui se passe.

-… Notre attitude ?

-Tu serais gentil de ne pas faire l'innocent en plus de ça…

-Mais je ne vois pas de quoi tu parles…

-Si vous avez quelque chose contre moi dites-le tout de suite !

Saga se redressa doucement puis se leva pour faire face à son frère d'armes.

-Je ne vois pas ce que Kanon et moi, on aurait contre toi, et je pense sincèrement que tu te fais des idées…

-Ah vraiment.

-Tu n'as qu'à donner des exemples. Quand est-ce qu'on a été étrange avec toi ?

-Mais vous l'êtes tout le temps ! Je ne peux jamais avoir une discussion normale avec vous, pourquoi ? Des fois j'ai l'impression que vous me fuyez !

-Oh…, dit Saga en regardant le sable juste à leur pieds, regarde, le crabe.

Aphrodite baissa la tête à son tour pour voir la bestiole, et l'écrasa d'un coup de pied sec, devant un Saga presque choqué.

-Ne change pas de sujets…, rétorqua le Poisson, tu as intérêt à me répondre tout de suite.

-Oui, mais tu sais, ce crabe ne t'avais rien fais… !

-Et je sens qu'il y'en a un qui est sérieusement en train de me mettre sur les nerfs là tu vois ? insista le chevalier en s'approchant davantage de Saga.

-Aphrodite… Calme-toi, tu vas quand même pas en faire tout un plat. Je te dis qu'il n'y a rien, d'accord ? Et puis si j'avais quelque chose à te reprocher tu sais bien que je te le dirai.

Le chevalier de la douzième maison fixa le Gémeau en se posant mille et une questions. C'est qu'il avait de la répartie ce type là, il commençait même à le faire un peu douter. C'est vrai, peut-être que le Poisson se trompait comme un imbécile ? Il n'était pas parano de base, mais qui sait. Il lâcha un soupir insatisfait, puis s'éloigna doucement en y réfléchissant, alors que Saga derrière lui fit une mine soulagée…

Les heures passaient de plus en plus, quand soudainement on entendit des pas pressés dans la forêt. Kiki était en train de courir jusqu'à la plage et rejoignit son Maître tout essouflé.

-Kiki ? Qu'est-ce qui se passe ? demanda Mu.

-C'est Kanon, répondit l'apprenti, je l'ai vu allongé sur les escaliers, à la maison du Bélier, et il est complètement inerte !

-Quoi ?

-J'ai beau l'appeler il ne réagit pas, il semble vraiment mal en point…

-Kanon qui fait un malaise, moi je dis que ce n'est pas possible, dit Aldébaran.

-Oui, mais c'est quand même étrange, allons voir ce qui se passe.

Dès que Saga entendit le discours de Kiki, il quitta la plage et s'élança jusqu'à la maison du Bélier. Kanon inerte ? C'est quasiment impossible, il y'a quelques heures il semblait encore en pleine forme, et puis il était bien trop robuste et fier pour s'écrouler ainsi… Ce n'était pas normal, il devait en avoir le cœur net. Une fois la forêt traversée par les chevaliers, ils se retrouvèrent près du chevalier couché sur le ventre, les yeux à moitié ouverts. Saga s'agenouilla près de lui et le bouscula un peu :

-Kanon ça va ? appela t'il.

Le jumeau ouvrit à peine la bouche, mais aucun son n'en sortit. Saga inquiet, continua de la bousculer :

-Kanon, c'est moi ! Tu m'entends ?

La victime fronça les sourcils et ferma les yeux, puis répondit d'une voix lourde et fatiguée :

-Je sais que c'est toi, abruti… Fais moins de bruits.

-Mais qu'est-ce qui t'arrives ? demanda Mu en se penchant sur lui.

-Rien. Ca va très bien.

-Ca se voit oui, dit Aldébaran en riant.

-Attendez, dit Camus en se frayant un passage pour s'agenouiller près du Gémeau.

Il posa sa main sur son front puis sur sa joue.

-Tu as encore de la température, continua le Verseau, ton angine n'est toujours pas partie ?

-Une angine ? répéta Saga.

-C'est quand même pas une pauvre angine qui l'a mit dans cet état non ? demanda Aldébaran, si c'est ça, je ris !

-Non ce n'est pas ça, répondit Camus, regardez, il est tout pâle et semble épuisé. Je crois avoir une petite idée sur ce qu'il a…

-Alors ? demanda Mu.

-Dis moi Kanon, tu te sens comment là ?

-Epuisé, répondit le malade.

-Au point de te coucher là comme un clochard ? intervient Milo.

-Toi par contre Milo j'aurai toujours la pêche si c'est pour te mettre mon poing dans la figure, tu as compris ?

-Arrêtez, vous deux, dit Camus en se levant. Bon, tu as mal à la gorge et tu tombes de fatigue si soudainement… C'est certainement la mononucléose.

-La mono quoi ? répéta t'il.

-C'est une maladie anodine, mais je te préviens, elle ne se soigne pas. Ca commence par une angine qui ne s'en va jamais, et ensuite le corps est de plus en plus fatigué. Chevalier ou non, c'est très désagréable, et tu ne peux pas lutter contre ça.

-Oh, je vois ce que c'est, dit Mu, en effet la fatigue est vraiment excessive, dans ce cas tu devras être alité pendant des semaines… Voire même des mois.

-Alité ? s'écria Kanon en ouvrant grand les yeux, dîtes donc, faudrait peut-être arrêter le chanvre les enfants, je vais très bien, c'est pas une petite fatigue qui va me mettre hors service, continua t'il en s'asseyant doucement les yeux fermés.

-Tu avais une angine et tu ne m'as rien dis ? dit Saga soudainement angoissé.

Kanon poussa un énorme soupir en ouvrant les yeux pour regarder son frère.

-Voilà autre chose… Tu sais quoi ? Ce matin je me suis réveillé, j'ai été prendre une douche, j'ai déjeuné avec un café et quelques viennoiseries, ensuite j'ai été me promener dans la forêt, j'ai vu des écureuils qui étaient en train de se reproduire, et après je suis rentré à la maison, j'ai été au toilette, j'ai fais une sieste, je suis redescendu voir Aldébaran, on s'est fait un scrabble, et ensuite je suis remonté dans la maison des Gémeaux et après j'ai été embarqué avec vous tous à cette sortie minable à la plage ! Ca te va ?

-Tu aurais put me dire que tu étais malade.

-Je ne suis pas malade. C'est quand même pas une angine qui va me descendre… Je vais me reposer un bon coup et ensuite ça ira mieux voilà tout.

-A ta place je ne sous estimerai pas autant la mononucléose, Kanon, dit Camus. Peu importe les guerres que tu as put faire, tu ne parviendras pas à venir à bout de ça si facilement…

-Mais comment est-ce que j'ai put chopper cette chose…

-Alors là, c'est à nous de te poser la question… répondit Mu avec un petit sourire, c'est une maladie qui s'attrape par la salive.

Treize paires de yeux curieux se posèrent sur l'ancien marinas. Certainement, les questions se bousculèrent dans leur tête, une maladie qui s'attrape par la salive ? Mais alors, cela signifie… Seul un enfant eut la franchise de lui poser la question clairement :

-Tu as embrassé quelqu'un ? interrogea Kiki.

Kanon laissa tomber sa tête comme une masse, puis la releva doucement sur Kiki les yeux mi clos et le ton las.

-Tu sais Kiki, tu as de la chance que j'apprécie quelque peu ton Maître, parce que tu vois, déjà, j'aime pas les enfants, alors si en plus tu viens m'agacer…

-Oui mais bon, dit Kiki en se mettant les mains derrière la tête, ça répond pas à la question !

Kanon se jeta sur l'enfant dans le but de l'étrangler mais ce dernier se volatilisa pour réapparaitre effrayé sur le dos de son Maître.

-Woaa, il est vraiment flippant quand il veut ! dit la tête rousse.

-Laisse le tranquille Kiki, dit Mu à son élève, tu ferais mieux d'aller t'allonger Kanon… Vraiment désolé que tu aies attrapé ça.

-Rapide le gosse, dit Kanon en se levant au ralenti. C'est bien, c'est bien. C'est prometteur. Tu ne paies rien pour attendre tu vas voir. … Et vous là, arrêtez de me regarder comme ça, qui voulez vous que j'embrasse dans cet endroit démuni de femmes ?

-Et après tout, tu n'aurais jamais fais ça sans rien me dire, conclut Saga.

-… Bah voyons. Oui, il faut impérativement que je demande la permission à mon ainé de 36 secondes pour faire ce genre de choses, répondit le malade en montant les escaliers au ralentit marche par marche.

-Tu sais à ce rythme là, t'arrives demain ! dit Aldébaran en riant.

Saga suivit son frère, puis prit son bras qu'il passa sur ses épaules afin de l'aider à marcher.

-Si la mononucléose s'attrape par la salive, tu ne l'as certainement pas attrapée en regardant des écureuils se reproduire n'est-ce pas ? dit-il.

-Oh tu sais, Athéna et son cosmos, ça arrange pas les choses, il doit y'avoir plein de trucs chamboulés par ici… Qui sait, peut-être qu'on peut attraper le paludisme en se faisant mordre par un ours.

-Je me demande vraiment ou tu vas chercher tout ça, répondit Saga en riant. En tout cas tu as bien entendu Mu et Camus, tu risques de prendre des semaines voire des mois pour te rétablir. Je me demande si tu dois avoir une alimentation spéciale…

-Saga, si tu commences à me couver je prends mes affaires et je détale.

-Mais je ne te couve pas ! Je veux juste te soigner.

-Mais je n'ai pas besoin de toi, figure toi ! Je suis grand, tu ne crois pas non ?

-Je ne dis pas le contraire mais, je suis certain que des repas particuliers t'aideront à ne pas être trop fatigué. Si j'avais été malade tu te serais occupé de moi non ?

Ah, là il marquait un point. En général, Kanon avait horreur que Saga joue au grand frère protecteur et sensible, même si c'était réellement dans sa nature. Kanon était bien trop libre et débrouillard pour avoir à supporter les couves de son frère, et des fois ça partait bien vite en cacahuète à cause de ça. Mais il est vrai que si Saga avait été dans cet état, Kanon n'aurait jamais put s'empêcher d'être aux petits soins. C'était son frère après tout, la seule famille qui lui restait, et également son portrait craché. Du moins, si on regarde l'extérieur.

Les jours passèrent au Sanctuaire, et Kanon était complètement alité. Pâle comme un linge, souvent endormit, on ne reconnaissait absolument pas le chevalier d'or qu'il était. On ne le voyait plus sortir le nez de la maison des Gémeaux, à tel point que certains venaient le voir dans sa chambre, mais comme il passait les trois quarts de la journée à dormir, cela ne servait à rien. De son côté, Saga semblait de plus en plus inquiet. Inquiet, ou mal à l'aise ? Il n'avait jamais vu un Kanon aussi inactif, faible, qui ne répondait même plus à ses remarques agaçantes. Passer une semaine sans se disputer avec lui est un exploit. Alors l'ambiance était bizarre, il avait l'impression qu'il lui manquait quelque chose…

Ce jour là, Saga était sorti avec certains chevaliers, et son jumeau ouvrit donc les yeux dans sa chambre, tout seul. Doucement il s'étira en restant couché, puis poussa un long soupir. Il regarda autour de lui. Pas de Saga. Lui qui habituellement l'attendait de pieds ferme avec une assiette de tout et de rien… Il sentit dans sa main comme un papier froissé, et il regarda de quoi il s'agissait. « Je suis sorti. Mange un peu. Saga. »

-Oui bien sûr, marmonna Kanon. Ne me dis surtout pas où tu es allé, à quelle heure tu rentres, avec qui tu es sorti…

Cela l'agaçait un peu quand Saga faisait ça. Habituellement il le collait aux basques, et voilà qu'il se réveille tout seul sans l'ombre de son frère sur le visage. Il aurait quand même put lui dire où il était parti. C'est vrai, Kanon avait horreur quand Saga le bombardait de ce genre de questions, mais là ce n'était pas pareil. L'ennui monstrueux qui régnait au Sanctuaire était insupportable, mais là, maintenant qu'il n'avait plus la moindre force pour se tenir debout, et sans rien pour le divertir… Oui, il n'en sortirait pas vivant, c'était sûr, il allait mourir ici ! Soudainement, la porte s'ouvrit sur Saga et sur Mu.

-Ou est-ce que tu étais ?! s'exclama le malade.

Saga s'arrêta net se demandant pourquoi son frère se mettait ainsi à hurler.

-Quoi, qu'est-ce qui t'arrive ? Tu es réveillé depuis longtemps ? demanda l'ainé.

-Non, mais bon…

-Tu as mangé ?

-Non… Tu sais bien que j'aurai jamais la force d'aller jusqu'à la cuisine…

-C'est bien pour ça que j'ai posé une assiette juste là, sur ton chevet…

Le malade tourna la tête à sa droite et vit en effet une assiette. Il remit sa tête sur l'oreiller et referma les yeux.

-Trop loin, conclut-il.

-Tu crois pas que tu exagères, dit Mu en posant un sac de provisions sur le grand lit, tu n'as qu'à tendre le bras !

-Si je dis que c'est trop loin, c'est trop loin !

-La prochaine fois je la poserai dans le lit alors, dit le gentil Saga en s'asseyant à côté de son frère.

-Tu plaisantes Saga ? rétorqua Mu.

-Pourquoi ?

-Non mais tu n'as qu'à le nourrir aussi puisque t'y es ! Et fais bien gaffe à pas laisser un bol de soupe sur l'oreiller question qu'il ne se noie pas dedans ! N'importe quoi, c'est un chevalier, pas un mourant !

-Vous faites trop de bruit…, dit Kanon en se rendormant peu à peu.

-Te rendors pas tout de suite toi, j'ai pas envie de dormir à côté d'un putois, déclara Saga.

-Non mais…, dit Kanon en rouvrant les yeux, espèce de… C'est moi que tu… Zzzz…

-Eh bah dis donc, quelle répartie, dit Mu.

-Oui, je t'avoue que j'ai du mal à m'y habituer ! Si vous avez quelques vérités à lui dire, c'est maintenant ou jamais…

-Haha. Hm, je sais que ça ne me regarde pas, mais je ne peux pas m'empêcher de me demander comment est-ce qu'il a put tomber malade.

-Il a vu des écureuils se reproduire…

-Ne me dis pas que tu crois à cette histoire…

-Pas le moins du monde, mais s'il ne veut rien dire tu peux être sûr qu'il emmènera ça dans la tombe. Et puis je le connais, je le vois vraiment mal fréquenter quelqu'un. Il dit toujours que les histoires de couples sont une perte de temps.

-Ah bon ? Il n'a pas tout à fait tort. Bon, je vais rentrer. Si tu as besoin de moi tu sais où me trouver !

-Oui, merci ! répondit Saga avant de se tourner vers son frère pour le bousculer, allez Kanon je te fais un bain tu verras ça demande aucune énergie.

-De quoi… ? Laisse-moi dormir… Va voir ailleurs si j'y suis.

-Ah tant que j'y pense, tout à l'heure on va se faire un repas avec quelques chevaliers, ça te dis de venir ?

-… Si le lit viens avec moi, pourquoi pas…

-Au pire, on peut le faire ici. Comme ça tu n'auras pas à te déplacer.

-Ca ne m'intéresse pas et je ne vais faire que dormir pendant tout le repas. Et puis tu sais bien que je parle quand je dors alors il n'en est pas question…

-Arrête de faire le compliqué. Allez hop debout ! s'exclama l'ainé en arrachant les couvertures.

Deux bains plus tard, Saga quitta la pièce pour aller proposer à Mu de dîner dans la maison des Gémeaux. Pendant ce temps, le malade s'était rendormi tout propre dans son lit, sur le ventre, en ronflotant légèrement. Jamais il ne s'était sentit aussi épuisé de toute sa vie, et à chaque fois qu'il faisait un geste, il avait l'impression de porter une dizaine d'éléphants. Et telle fut sa surprise, quand il se réveilla, de voir Mu, Camus et Aldébaran autour du lit en train de dîner comme s'il s'agissait d'une table. Il redressa doucement la tête et dit d'une voix las :

-Vous êtes sérieux, là… ?

-Hey Kanon, s'écria le Taureau, alors bien dormi ?

-C'est pas une table ça, c'est un lit, fichez le camp tout de suite…

-Tiens, dit Saga en lui tendant une assiette.

-Non, je suis trop fatigué pour manger, laisse moi tranquille, allez vous en…

-Allez ça va te faire du bien de voir du monde au lieu de rester seul enfermé ici, dit Mu.

-Tu bois assez d'eau ? questionna Camus.

-J'en sais rien…, répondit le malade en se mettant entièrement sous la couette, mais si vous avez une bière je suis preneur.

-Tiens, dit Aldébaran en tendant une bouteille.

Kanon sortit de sa cachette mais Saga s'empara directement de la bouteille.

-Pas question, tu as vu dans quel état tu es ? dit-il à son frère.

-… Quoi ?

-Pas d'alcool tant que tu n'es pas rétablis, je n'ai pas envie que tu sois doublement malade.

-Euh… Non mais tu rigoles Saga, tu te prends pour ma mère ou quoi ?

-Si elle avait été là je suis certain qu'elle aurait été du même avis que moi.

-Je suis un grand garçon je n'ai pas besoin de tes conseils stupides !

-Apparemment si…

-Mais ce n'est qu'une bouteille Saga, c'est pas comme si je lui donnais un tonneau entier, dit Aldébaran.

-Je m'en fiche, répondit l'ainé en ouvrant la bouteille lui-même pour la boire.

-Tu as de la chance que je sois trop fatigué pour t'exploser… marmonna Kanon.

-Ah vraiment ? On verra ça quand tu seras rétablit, répondit Saga.

-Oh vous n'allez pas commencer vous deux, se plaignit Camus.

-Je commence à en avoir marre qu'il mette son nez dans mes affaires ! s'écria Kanon, pourquoi est-ce qu'il faut toujours qu'il mette son grain de sel sur toute ma vie ?

-Mais c'est une façon pour lui de rattraper le temps perdu, dit Aldébaran en dévorant son plat.

-Mais je me fiche totalement que ce soit « une façon pour lui de rattraper le temps perdu », je ne suis plus un enfant et moi-même je ne le traite pas de la sorte !

-Ca va, ne t'énerve pas, dit Mu, mange plutôt, c'est délicieux.

-Excellente cette bière, dit Saga, fraiche, pétillante, tout comme il faut.

-... Non mais c'est ça vas' y provoque moi en plus de ça ! s'écria Kanon.

-Si tu as soif, tiens, répondit l'ainé en remplissant un verre de jus d'orange.

-Attends que je sois rétablis tu verras.

-Ah ouais et qu'est-ce que tu vas faire ?

-Je ne te conseille pas de me poser cette question, de plus tu sais très bien que je n'oublie jamais rien et que je suis du genre très rancunier…

-Olala… râla Mu.

-C'est ça c'est ça, répondit Saga, en attendant tu ferais mieux de te rendormir si tu n'as pas faim, on n'a pas envie d'entendre jacasser bêtement.

-Tu es sûr que tu te sens bien ces temps ci Saga ? Pas de vertige, pas de fatigue… Pas de maux de gorge ?

-Pourquoi… ? demanda l'ainé en fixant son frère.

-Tu te souviens quand on était petits, ce jour là, c'était notre anniversaire et tu m'avais enfermé dans la chambre pour que tout le monde croit que j'ai fais une fugue, tout ça pour que tu manges le gâteau tout seul ?

-Ah, moi je m'en souviens, dit Aldébaran, c'était pas très gentil, mais assez rusé faut l'avouer.

-… Oui, et ? J'étais un gosse je te signale, et qu'est-ce que ça a à voir, répondit Saga.

-Tu te souviens le soir quand je pleurais toutes les larmes de mon corps pendant que tu jouais avec la voiture électrique qui aurait dut me revenir et que je n'ai pas eue par punition, et que tu me demandais fièrement ce que je te ferais ?

Saga haussa un sourcil, se demandant ce que son frère préparait encore.

-D'ici quelques jours tu seras certainement couché ici avec moi, sans la moindre force pour te lever ou faire quoi que ce soit compte sur moi, j'y ai veillé toutes les nuits où tu as dormis avec moi !

-Hein ? Comment ça ? questionna Saga surpris.

-A ton avis, ça s'attrape comment cette connerie ? Ah, et excuse moi d'avoir mit autant d'années avant de te répondre ! répondit le malade en se remettant correctement sous sa couette les yeux fermés.