Note : Dernière mise à jour en septembre 2017... y a presque un an... mais mieux vaut tard que jamais hein ? ^^ J'avais plein d'idées pour ce thème-ci. Et finalement le texte s'est imposé à moi en allant là où je ne l'aurai jamais emmené consciemment. Pour ne rien vous cacher, tout est de la faute de Men ! Bonne lecture =)

Personnages : Jeanne, Ren, Men


Instant 76 : Magie

— Est-ce que… c'est de la magie, demande Men d'une voix hésitante.

Ren voit sa femme s'étouffer avec sa tisane. Lui-même repose calmement son bol de lait et dévisage leur fils.

— De quoi parles-tu, Men ?

— Noël.

Ren comprend mieux pourquoi les joues de Jeanne ont viré au rouge. Il s'attend à ce qu'elle ressorte son lot de sacrés saintes recommandations sur la venue du prophète. Le 4ème Shaman King. Ren a l'habitude de la laisser parler dans ces cas-là, de ne pas se sentir concerné. Il sait que Men comrpend que sa mère et son père n'ont pas le même Dieu. Que lui-même a le droit de choisir.

Mais Jeanne ne dit rien de cela.

— Pourquoi poses-tu cette question, mon ange ? questionne-t-elle à la place tendrement.

Men se trémousse sur sa chaise.

— C'est Tamao. Elle a parlé de « magie de Noël ». Parce que tu lui as écrit une lettre.

Ren voit le dos de son épouse se raidir brusquement. Il n'a jamais vraiment compris ce qu'elle reprochait à l'amie de Yoh. Il avait cru comprendre qu'elles s'entendaient plutôt bien, pendant le tournoi. Mais Jeanne lui avait fait toute une histoire quand il avait voulu envoyer Men au Fumbari Onsen. Le ton était monté Jeanne n'avait pas voulu expliquer. Et comme Ren était têtu, elle avait fini par céder et accepter que Tamao s'occupe de Men quelques temps. Ren tenait à ce que son fils se fasse des amis de son âge et ne reste pas, comme lui l'avait été, prisonnier du manoir Tao. Il faisait confiance à Tamao pour s'occuper correctement de Men.

Jeanne repousse la lettre qu'elle est en train d'écrire — pour Marco celle-ci.

— Tamao devrait savoir que la magie n'existe pas, fait-elle en serrant les lèvres.

Ren cherche le pied de son épouse sous la table ne le trouve pas. Jeanne refuse de croiser son regard.

Elle plante ses yeux dans ceux de Men et lui explique, une fois de plus, ce qu'est Noël. Et qu'il n'y a rien de magique à célébrer.

Jeanne et Ren ne sont pas de ceux qui auraient parlé Père Noël à leur progéniture.

— Mais, insiste Men quand sa mère arrête de parler, même si Noël c'est pas magique, est-ce que les lettres que tu écris elles sont magiques ?

— Men, la magie, ça n'existe pas, répète Jeanne avec agacement.

Ren fronce les sourcils. Ça ne lui ressemble pas d'être aussi sèche.

Le visage de Men s'assombrit et le petit garçon se lève et s'éloigne à pas rageurs.

— Pas très délicat, commente Ren en reprenant son bol de lait.

Jeanne lui retourne un regard noir.

Cette fois c'est Ren qui est contrarié qu'elle ne percute pas.

— Harry Potter, lâche-t-il comme une évidence.

Sa femme lève les yeux au ciel, comprenant enfin. Ce livre, comme beaucoup d'autres, c'était un peu le refuge secret de leur fils. Là où plus jeune Ren partait des heures entières chevaucher sur Tonnerre, Men s'enfermait dans la cave avec une pile de bouquins et des barres de céréales. Le fils de sa mère. Ren aurait presque craint de le retrouver un jour en train de lire dans la Vierge de Fer si cette dernière était toujours en leur possession.

— Tu as écrit à Tamao ? demande-t-il alors.

Il espère avoir montré assez de détachement. Il sait qu'il marche sur des œufs. Le regard sombre de sa femme le lui confirme.

— Je ne veux pas en parler.

Il lui semble que, l'espace d'un instant, elle a hésité.

— Des regrets ?

Ren sait les détecter mieux que personne.

Jeanne acquiesce à contrecoeur.

— Elle a dû être contente que tu lui écrives, commente-t-il négligemment en se levant.

— Sûrement, si elle a trouvé ça « magique », grince Jeanne entre ses dents.

Ren détaille un instant le profil de sa femme qui s'est remis à griffonner rageusement sa lettre pour Marco. Non, vraiment, il ne comprend pas.

C'est quelques jours plus tard qu'il trouve les lettres dans la poubelle. Il n'y fait pas vraiment attention tout d'abord, mais son crayon est tombé dans la corbeille à papier et il doit le chercher au milieu des feuillets. Certains sont simplement froissés, d'autres entièrement déchirés. Ren se demande quelle peut être l'origine d'une telle passion dans l'assassinat de feuilles de papier.

Il se retient très fortement de les regarder.

— Tes brouillons ? demande-t-il à sa femme en pointant la poubelle de la tête lorsqu'elle traverse son bureau à la recherche de sa Bible.

Sa machoîre se cripse.

— Ça ne me regarde pas, lâche-t-il aussitôt en retournant à ses occupations.

Jeanne se plante en face de lui.

— Elle m'a répondu, dit-elle.

— Les brouillons de ta réponse ? devine-t-il.

— Entre autres.

Il sent que Jeanne essaye de lui dire quelque chose.

— Sa lettre. Je l'ai déchirée.

Ren reste de marbre mais il ne peut nier qu'il est surpris.

— Elle t'a… froissée ? formule-t-il.

— Avant de la lire, complète Jeanne.

Elle hésite à ajouter quelque chose. Ren reste silencieux.

— J'ai recollé les morceaux. Lu sa lettre. L'ai re-déchirée. Ai essayé d'écrire une réponse. Ai changé d'avis. Je ne veux plus rien avoir à faire avec Tamao. Lui écrire à Noël… c'était une mauvaise idée. Même si ce n'est que pour demander des nouvelles de Men. J'apprécierai… que tu prennes en charge tous les contacts qu'on doive avoir avec elle à l'avenir.

Elle baisse humblement les yeux.

— Comme tu l'as fait jusqu'à présent, ajoute-t-elle après un temps de silence.

Ren n'y voit pas d'inconvénient. Il ne saisit simplement pas ce qui est tellement difficile pour Jeanne.

— Est-ce que je peux… te demander cette faveur ?

Les mots lui semblent arrachés de force.

Elle relève la tête vers lui et il hoche la tête.

— Oui, bien sûr, se sent-il obliger de formuler à voix haute.

Jeanne semble sincèrement soulagée.

— Est-ce que je peux te demander pourquoi ? demande-t-il néanmoins.

Il aimerait comprendre.

Jeanne fuit son regard.

— Lui parler… c'est trop douloureux.

Et elle s'esquive avant que Ren ne prenne la mesure de tout ce qu'implique cet aveu.